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Les trajectoires de services des jeunes des Premières Nations et allochtones desservis par la protection de la jeunesse sur la Côte-Nord : Perspective sur la première récurrence de services

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(1)

Les trajectoires de services des jeunes des Premières Nations et allochtones desservis par la protection de la jeunesse sur la Côte-Nord : Perspective sur la première

récurrence de services

Mireille De La Sablonnière-Griffin École de service social Université McGill, Montréal

Mai 2020

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Doctor of Philosophy in Social Work

(2)

i

Table des matières

Résumé... viii Abstract ... xi Remerciements ... xiii Préface ... xv Préambule ... 1 1. Introduction ... 8

2. Protection et bien-être des enfants : survol historique et enjeux contemporains ... 12

Survol historique et contemporain : relations entre l’état et les enfants autochtones au Canada et au Québec ... 12

Enjeux contemporains de la protection de la jeunesse ... 30

3. Approche globale de recherche ... 38

Position sociale ... 39

Perspective de recherche : Exploration des axes épistémologique, ontologiques et axiologiques d’une approche transformative ... 42

Fondements théoriques ... 46

4. La récurrence ... 57

Définitions et opérationnalisations de la récurrence dans un contexte de protection de la jeunesse – état global de la littérature recensée ... 57

Développement du champ d’étude et d’indicateurs de performance ... 59

Description du corpus revu ... 63

Ancrages théoriques et conceptuels de la récurrence ... 64

Ampleur de la récurrence ... 74

Caractéristiques liées à la récurrence ... 80

5. La surreprésentation en protection de la jeunesse ... 89

Mise en contexte ... 89

Comment a-t-on cherché à comprendre la surreprésentation? ... 93

Taux de contact avec la protection de la jeunesse et indice de disparité ... 99

Principaux constats tirés de la recherche aux États-Unis sur la surreprésentation des enfants noirs en protection de la jeunesse... 110

Facteurs liés à la surreprésentation des enfants autochtones et des Premières Nations ... 113

6. Cadre conceptuel et objectifs de recherche ... 119

Cadre conceptuel ... 119

Objectifs de recherche ... 120

7. Contexte de recherche et évolution du partenariat ... 123

Description du contexte : la Côte-Nord ... 123

Partenariat régional et recherche doctorale – le test de la réalité ... 133

(3)

ii

Source et structure des données ... 136

Orientation générale pour les modèles statistiques ... 137

Identification des enfants formant la population à l’étude ... 139

Méthodes pour le premier objectif de recherche ... 141

Méthodes pour le deuxième objectif de recherche ... 146

9. Résultats ... 161

Résultats liés à l’objectif 1 ... 161

Résultats liés à l’objectif 2 ... 173

10. Discussion ... 221

Résultats du premier objectif ... 221

Résultats du deuxième objectif ... 222

Constats à la lumière de tous les résultats ... 242

Limites de la recherche ... 245 Implications ... 247 Bibliographie ... 257 Annexe 1 ... 293 Annexe 2 ... 294 Annexe 3 ... 296 Annexe 4 ... 297 Annexe 5 ... 298

(4)

iii

Liste des tableaux

Tableau 2.1 Typologie des services à l’enfance et la famille ... 33

Tableau 5.1 Taux d’ampleur de contact et indice de disparité ... 102

Tableau 7.1 Indicateurs sociaux en Côte-Nord et pour l’ensemble du Québec ... 130

Tableau 9.1 Caractéristiques au signalement repère pour la cohorte complète ... 167

Tableau 9.2 Caractéristiques au signalement repère selon l’appartenance ethnoraciale ... 169

Tableau 9.3 Caractéristiques au signalement repère selon l’appartenance ethnique ... 174

Tableau 9.4 Modèle de régression logistique hiérarchique pour l’ouverture d’un dossier à la première évaluation pour tous les enfants ... 177

Tableau 9.5 Modèle final pour l’ouverture d’un dossier à la première évaluation pour les enfants des Premières Nations sur communauté ... 179

Tableau 9.6 Modèle final pour l’ouverture d’un dossier à la première évaluation pour les enfants francophones du Québec ... 180

Tableau 9.7 Caractéristiques au signalement repère pour les deux groupes étudiés et dont la sécurité et le développement n’ont pas été jugé compromis à la première évaluation ... 182

Tableau 9.8 Nombre total d’ouvertures de dossier ... 183

Tableau 9.9 Comparaison de l’âge au signalement repère (sans ouverture de dossier) et au signalement ayant mené à une ouverture de dossier lors d’une évaluation subséquente 183 Tableau 9.10 Comparaison du signalant au signalement repère et au signalement ayant mené à une ouverture de dossier ... 184

Tableau 9.11 Comparaison du motif principal au signalement repère et au signalement ayant mené à une ouverture de dossier ... 184

Tableau 9.12 Modèle de régression logistique hiérarchique pour l’ouverture d’un dossier à une évaluation subséquente pour tous les enfants ... 186

Tableau 9.13 Modèle final pour l’ouverture d’un dossier une évaluation subséquente pour les enfants des Premières Nations sur communauté ... 188

Tableau 9.14 Modèle final pour l’ouverture d’un dossier une évaluation subséquente pour les enfants francophones du Québec ... 189

Tableau 9.15 Caractéristiques de tous les dossiers ouverts ... 191

Tableau 9.16 Caractéristiques de tous les dossiers ouverts selon l’appartenance ethnique .... 192

Tableau 9.17 Description des durées des dossiers selon le statut à la fin de l’observation ... 195

Tableau 9.18 Table de survie pour la fermeture estimée par Kaplan-Meier ... 196

Tableau 9.19 Modèle hiérarchique de Cox pour la cohorte entière, fermeture de dossier ... 200

Tableau 9.20 Estimation finale par modèle Cox - fermeture, Premières Nations sur communauté ... 203

Tableau 9.21 Estimation finale par modèle Cox - fermeture, francophones du Québec ... 204

Tableau 9.22 Caractéristiques des fermetures ... 206

(5)

iv

Tableau 9.24 Comparaison de l’âge au signalement repère et au signalement ayant mené à une

ouverture de dossier ... 209

Tableau 9.25 Comparaison du motif principal au signalement repère et au signalement ayant mené à une ouverture de dossier ... 209

Tableau 9.26 Pourcentage de récurrence observée, selon l’âge à la fermeture ... 210

Tableau 9.27 Proportion de famille connue, selon l’appartenance ethnoraciale et le statut de récurrence ... 210

Tableau 9.28 Description des durées d’observation, selon le statut ... 211

Tableau 9.29 Table de survie pour la récurrence estimée par Kaplan-Meier ... 212

Tableau 9.30 Modèle hiérarchique pour la cohorte entière, récurrence ... 217

(6)

v

Liste des figures

Figure 2.1 Processus d’intervention en protection de la jeunesse ... 25

Figure 3.1 Approche globale de recherche... 39

Figure 4.1 Modèle de l’écologie de la prise de décision ... 69

Figure 4.2 Modèle d’évaluation générale et de prise de décision ... 70

Figure 4.3 Décisions de protection de la jeunesse et classifications actuelles et proposées des enfants sujets à ces décisions ... 73

Figure 5.1 Modèle alternatif du risque/biais ... 97

Figure 8.1 Description de la sélection de la population à l’étude ... 140

Figure 8.2 Effet du temps sur le rapport des risques lorsque la supposition de la proportionnalité des risques n’est pas respectée ... 156

Figure 8.3 Effet du temps sur le rapport des risques lorsque la supposition de la proportionnalité des risques est respectée ... 157

Figure 9.1 Pourcentage de dossiers ayant mené à une ouverture ... 176

Figure 9.2 Distribution des durées de services (en jours) des dossiers fermés ... 195

Figure 9.3 Distribution des durées de services (en jours) des dossiers ouverts ... 195

Figure 9.4 Risque de fermeture cumulé, selon l’âge de l’enfant à l’ouverture du dossier ... 197

Figure 9.5 Risque de fermeture cumulé, selon le groupe ethnoracial de l’enfant ... 198

Figure 9.6 Risque de fermeture lorsque desservi pour des troubles de comportement... 201

Figure 9.7 Distribution des durées d’observation (en jours) pour les cas récurrents ... 211

Figure 9.8 Distribution des durées d’observation (en jours) pour les cas non-récurrents ... 212

Figure 9.9 Risque de récurrence cumulé, selon l’âge de l’enfant à la fermeture du dossier... 213

Figure 9.10 Risque de récurrence cumulé, selon le groupe ethnoracial de l’enfant ... 214

Figure 9.11 Pourcentage de dossiers récurrents ... 216

(7)

vi

Liste des sigles et abréviations

AANDC : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada ACFTS : Association canadienne pour la formation en travail social ACJQ : Association des Centres jeunesse du Québec

AM : Application des mesures

APN : Assemblée des Premières Nations

ASSS : Agence de la santé et des services sociaux

BRC : Building research capacity with First Nations and mainstream youth protection services in Quebec

CAVAC : Centres d'aide aux victimes d'actes criminels

CDPDJ : Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec CERP : Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains

services publics au Québec – aussi appelée, Commission Viens CGIPN : Centre de Gouvernance de l’information des Premières Nations CISSS/CIUSSS : Centre intégré (universitaire) de santé et de services sociaux CJ : Centre jeunesse

CLSC : Centres locaux de services communautaires CNEQ : Convention du nord-est québécois

CPRCN : Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord CREF : Centre de recherche sur l’enfance et la famille

CRPA : Commission Royale sur les Peuples Autochtones

CSDEPJ : Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse – aussi appelé Commission Laurent

CSSSPNQL : Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador

CVRC : Commission de vérité et de réconciliation du Canada DME : Modèle de l’écologie de la prise de décision

DPJ : Direction/Directeur/Directrice de la protection de la jeunesse

ÉCI : Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants

ÉCI-PN : Composante Premières Nations de l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants

ÉIQ : Étude d’incidence québécoise sur les situations évaluées en protection de la jeunesse

ÉOI : Étude ontarienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants

ÉPTC-2 : Énoncé politique des trois conseils FIV : Facteur d’inflation de variance

(8)

vii FNI : Fraternité nationale des Indiens

GFISC : Gestion fondée sur les indicateurs de suivi clinique ISQ : Institut de la statistique du Québec

IT : Intervention terminale

LPJ : Loi sur la protection de la jeunesse

LSSSS : Loi sur les services de santé et les services sociaux MIP : Matrice d’indicateurs de protection de la jeunesse MSP : Ministère de la sécurité publique

MSSS : Ministère de la santé et des services sociaux NCANDS : National Child Abuse and Neglect Data System NGP : Nouvelle gestion publique

NIS : National Incidence Study of Child Abuse and Neglect NWAC : Native Women's Association of Canada

MRC: Municipalité régionale de comté MTP : Mauvais traitement psychologiques PCAP® : Propriété, contrôle, accès et possession

PIBE : Plate-forme informationnelle pour le bien-être de l’enfant PIJ : Projet intégration jeunesse

PN : Premières Nations RC : Rapport de cote RR : Rapport des risques

RTS : Réception et traitement du signalement SDC : Sécurité et développement compromis

SSEFPNC : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada SSP : Système de soutien à la pratique

TC : Troubles de comportement

(9)

viii

Résumé

L’objectif principal de cette thèse était de mieux comprendre la première récurrence de services en protection de la jeunesse vécue par les enfants (0-17 ans) allochtones et des

Premières Nations desservis par le Centre Intégré de Santé et de Services Sociaux (CISSS) de la Côte-Nord. Cette recherche est issue de la collaboration avec des partenaires de la région et elle a bénéficié de l’apport d’un comité aviseur, constitué de représentant.es du CISSS et des services sociaux des communautés innues de la région, tout au long du processus.

Les données administratives (2002-2014) de la protection de la jeunesse du CISSS de la Côte-Nord ont été utilisées pour répondre à deux sous-objectifs. Au total, 4246 enfants ont fait l’objet d’une première évaluation en protection de la jeunesse sur la Côte-Nord au cours de la période étudiée. Le premier objectif de recherche était d’identifier les groupes ethnoraciaux dont les trajectoires allaient être analysées plus spécifiquement au deuxième objectif. Cet objectif reconnait l’importance de pouvoir décrire tous les groupes étudiés lorsque l’on s’intéresse à la situation d’un groupe racisé, tel que les enfants des Premières Nations. Les enjeux politiques et financiers, ainsi que les limites des données administratives quant à l’identification ethnoraciale des enfants desservis en protection de la jeunesse, ont été considérés. Le deuxième objectif était d’identifier les associations entre certaines caractéristiques notées aux dossiers (caractéristiques sociodémographiques de l’enfant,

caractéristiques en lien avec la situation en protection de la jeunesse, et interaction des familles avec la protection de la jeunesse) et les décisions prises à trois points de décision majeurs en protection de la jeunesse : premier épisode de service (modèles de régression logistique), fermeture du premier épisode de service (modèles à risques proportionnels de Cox) et première récurrence de services (modèles à risques proportionnels de Cox). Ces analyses ont été conduites pour l’ensemble des enfants ayant fait l’objet d’une première évaluation en protection de la jeunesse (N=4246), de même que pour deux groupes d’enfants ayant un nombre suffisant d’observations, soit les enfants des Premières Nations résidant sur communauté (n=1340) et les enfants issus du groupe allochtone majoritaire de la région, dénotés par l’appellation « francophones du Québec » au sein des données administratives de protection de la jeunesse (n=2142).

(10)

ix Les principales caractéristiques associées à une entrée en service pour les enfants des Premières Nations résidant sur communauté étaient : le jeune âge (avoir moins de deux ans au signalement retenu); être issu d’une famille déjà connue des services de protection de la jeunesse; être évalué pour un motif de risque sérieux de négligence ou de troubles de comportement; et avoir fait l’objet d’au moins un signalement antérieur non-retenu pour évaluation. Les principaux facteurs associés à un temps plus long avant la fermeture étaient : le jeune âge (avoir moins de deux ans au début des services); être entré en service à la suite d’au moins deux évaluations en protection de la jeunesse; et être en service pour un motif de négligence, de risque sérieux de négligence ou de troubles de comportement. Les principaux facteurs associés à une récurrence de services étaient : le jeune âge (avoir moins de deux ans à la première fermeture), être issu d’une famille déjà connue des services de protection de la jeunesse (antérieurement à l’entrée en service de l’enfant visé) et avoir été initialement desservi en intervention de courte durée.

Ces analyses ont permis de constater les facteurs associés à un premier épisode de services et à une première récurrence de services en protection de la jeunesse pour les enfants des Premières Nations résidant sur communauté, permettant de dégager des pistes de

réflexions plus étayées et spécifiques à ce groupe. Les analyses ont démontré que les

trajectoires initiales en protection de la jeunesse des enfants des Premières Nations résidant sur communauté débutaient plus tôt et duraient plus longtemps que celles des enfants issus du groupe majoritaire. Cette étude a également mis de l’avant la prépondérance de la négligence (incluant le risque sérieux) parmi les motifs d’intervention (78% des dossiers ouverts avaient la négligence pour motif principal ou secondaire) et la chronicité de contact avec la protection de la jeunesse, particulièrement au niveau de la famille (la famille des enfants avait déjà été évaluée pour un autre enfant dans 48% des nouveaux dossiers ouverts; c’était le cas de 60% des cas récurrents). Mis en communs, ces résultats dénotent des situations de besoins qui perdurent dans le temps et auxquelles les services actuels, autant en protection de la jeunesse que les autres services disponibles, ne semblent pas être en mesure de répondre dans leur structure et avec leurs ressources actuelles. Ces résultats pourront alimenter les discussions et réflexions liées à la gouvernance et l’autodétermination des Premières Nations en matière de

(11)

x protection de la jeunesse, des enjeux très actuels au plan canadien et québécois, notamment dans le contexte de l’entrée en vigueur de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis et de sa contestation judiciaire par le

gouvernement du Québec, ainsi que dans le contexte des appels à l’action et des démarches entreprises suite au dépôt du rapport de la Commission Viens portant sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec.

(12)

xi

Abstract

The main goal of this thesis was to better understand the first service recurrence in youth protection experienced by First Nations and non-Indigenous children (0-17 years old) served by the Centre Intégré de Santé et de Services Sociaux (CISSS) de la Côte-Nord. This research is the result of a collaboration with partners in the region and benefited from the contribution of an advisory committee throughout the process, made up of representatives from the CISSS and social services of Innu communities in the region.

Administrative data (2002-2014) from the youth protection services of the CISSS de la Côte-Nord were used to respond to two sub-objectives. A total of 4,246 children experienced a first youth protection investigation in Côte-Nord during this period. The first research objective was to identify ethnoracial groups whose trajectories would be analyzed more specifically in the second objective. This objective recognizes the importance of being able to describe all of the groups studied when looking at the situation of a racialized group, such as First Nations children. The political and financial issues, as well as the limits of administrative data regarding the ethnoracial identification of the children served in youth protection, were considered. The second objective was to identify the associations between certain characteristics noted in the files (socio-demographic characteristics of the child, characteristics related to the youth

protection situation, and interaction of families with youth protection) and the decisions taken at three major decision points in youth protection: first episode of service (logistic regression models), closure of the first service episode (Cox proportional risk models) and first service recurrence (Cox proportional risk models). These analyzes were conducted for all of the children who underwent a first youth protection investigation (N = 4246), as well as for two groups of children with a sufficient number of observations, namely First Nations children residing in a First Nations community (n = 1340) and children from the majority non-Indigenous group in the region, denoted by the name "Francophones of Quebec" in the administrative youth protection data (n = 2142).

The main characteristics associated with entry into service for First Nations children living in a First Nations community were: young age (being less than 2 years old at the time of the retained report); coming from a family already known to child protection services; be

(13)

xii investigated on grounds of serious risk of neglect or behavioral problems; and having been the subject of at least one previous report which was not retained for investigation. The main factors associated with a longer time before closing were: young age (being less than 2 years old at the start of services); having entered into service following at least two youth protection investigations; and having received services for a reason of neglect, serious risk of neglect or behavioral problems. The main factors associated with a recurrence of services were: young age (being less than 2 years old at the first closure), coming from a family already known to the youth protection services (prior to the entry into service of the child concerned) and having been initially served in short-term intervention.

These analyzes made it possible to note the factors associated with a first episode of services and with a first recurrence of youth protection services for First Nations children residing in First Nations communities, allowing the identification of reflections more specific to this group. Analyzes have shown that the initial youth protection trajectories of First Nations children living in a First Nations community began earlier and lasted longer than those of children from the majority group. This study also highlighted the preponderance of negligence (including serious risk) among the reasons for intervention (78% of open cases had negligence for primary or secondary reason) and the chronicity of contact with youth protection,

particularly at the family level (the children's family had already been assessed for another child in 48% of new cases opened; this was the case in 60% of recurrent cases). Taken together, these results indicate situations of needs that persist over time and to which current services, as much in youth protection as the other services available, do not seem to be able to respond in their current structure and with their current resources. These results could feed into

discussions and reflections related to the governance and self-determination of First Nations in matters of youth protection, very current issues at the Canadian and Quebec level, especially in the context of the coming into force of the Act concerning First Nations, Inuit and Métis

children, youth and families and its legal challenge by the Government of Quebec, as well as in the context of the calls to action and the steps taken following the Viens Commission report on relations between Aboriginals and certain public services in Quebec.

(14)

xiii

Remerciements

Cette thèse n’aurait pu voir le jour sans le soutien indéfectible de ma superviseure, Delphine Collin-Vézina, qui a cru en moi dès nos premières interactions alors que je n’étais qu’au baccalauréat et qui m’a suivi dans tous mes choix une fois au doctorat. Je ne serais pas aujourd’hui en train d’écrire ces mots sans son approche et sa confiance en ma capacité à effectuer de la recherche socialement pertinente et académiquement rigoureuse. Je te l’ai dit à plusieurs reprises, et je l’écris dès l’ouverture de ces remerciements : merci.

Tout ceci ne serait pas arrivé sans le travail et les opportunités qui m’ont été offertes par Nico Trocmé, ni sans le travail fait avec les données par Tonino Esposito et Martin Chabot. Bien que notre collaboration ne soit pas aussi longue, je remercie Tonino Esposito, mon co-superviseur, qui m’a lui aussi offert son soutien, sa confiance.

Bien évidemment, au-delà des gens importants à l’université, cette thèse n’aurait pas non plus voir le jour sans tous les partenaires qui ont contribué et collaboré au fil des années. À tous les membres de la table de coordination autochtone, du comité aviseur et du CPRCN/CISSS de la Côte-Nord qui m’ont soutenue : Merci! Merci de m’avoir fait confiance et de vous engager pour les familles et les enfants.

Je remercie également Jacinthe Dion et Vandna Sinha pour tous les conseils avisés qu’elles ont pu m’offrir au cours de ces années.

J’ai eu le privilège d’être soutenue financièrement par de nombreuses et généreuses institutions : le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, l’Institut Jeunes en difficulté du Centre jeunesse de Montréal-Institut universitaire, le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, le Network for Aboriginal Mental Health Research, et le Centre de recherche sur l’enfance et la famille (CREF) de l’Université McGill (Participatory Data Analysis Research Assistantship Award, Building Research Capacity with First Nations et Mainstream Youth Protection Services in Quebec; RBC Fellowship).

Tout au long de mon doctorat, j’ai eu la chance d’être accompagnée, autant à McGill plus généralement qu’au CREF plus spécifiquement, par des membres du corps professoral et des collègues, étudiant.es et professionnel.les de recherche, en or. Ma route a croisé des dizaines de personnes qui ont contribué à façonner la chercheuse que je suis devenue – merci!

(15)

xiv Un merci particulier à Pam, qui, dans les derniers milles, m’a si généreusement offert de

traduire mon résumé. Merci à Jen, avec qui j’ai pu échanger si librement sur des sujets

sensibles, me poussant à toujours faire mieux. Merci à Eunyoung, pour son soutien mais aussi pour m’avoir amenée à me créer des engagements envers moi-même, sans lesquels je n’aurais jamais pu achever cette thèse. Merci à mes collègues de bureau des dernières années – Sarah, Ash, Jacqui, Megan, Marie-Ève – pour votre présence si rassurante et les fous rires endiablés; les deux sont nécessaires pour continuer ce travail acharné!

Un merci tout spécial à Julie, mon unique professeure de yoga, sans qui ma santé physique, mais surtout mentale, ne serait pas ce qu’elle est en cette fin de parcours.

Merci à mes sœurs, mes parents, mon conjoint, ma fille, ma famille plus généralement, et mes ami.es, d’avoir cru en moi. Merci pour votre soutien et vos encouragements au cours de ces années, même si c’était parfois difficile pour vous de comprendre ce que je faisais vraiment! Finalement, merci à ma fille, de me pousser à devenir une personne meilleure, à tous les jours de ton existence. Je vous aime!

(16)

xv

Préface

Cette thèse est une contribution originale et n’a pas été publiée. Je, Mireille De La Sablonnière-Griffin, candidate au doctorat, suis l’autrice de tous les chapitres de cette dissertation et la personne ayant effectué la recherche. Les commentaires et suggestions de mon comité doctoral ont été pris en considération au cours de la recherche et de l’écriture de cette dissertation.

(17)

1

Préambule

Cette thèse est le fruit de plusieurs années de travail, de découvertes et de réflexions. Mais elle est d’abord et avant tout le résultat de plusieurs années et opportunités d’échange, de collaboration et de discussions auprès de plusieurs personnes, mais particulièrement auprès de professionnel.les1 œuvrant au bien-être des enfants et des populations des Premières

Nations. C’est donc dire que cette thèse s’est bâtie au fur à mesure que mes relations avec ces personnes se sont développées.

J’ouvre ma dissertation avec ce court narratif qui, j’espère, permettra de positionner l’émergence de ma recherche doctorale au sein de mon cheminement en tant que chercheuse.

J’ai à cœur de m’assurer que ce qui se retrouve par écrit dans cette thèse sera utile et pertinent, directement ou indirectement, tant pour les enfants, familles et communautés des Premières Nations, que pour les personnes qui travaillent au sein des services à l’enfance, que ce soit dans le système québécois ou au sein des communautés des Premières Nations, en Côte-Nord comme ailleurs au Québec.

***

Lorsque j’ai commencé mes études doctorales en 2010, j’avais peu d’expérience en recherche. Je travaillais, entre autres, en tant que contractuelle pour le compte de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations des Québec et du Labrador (CSSSPNQL). À l’époque, sur la base de cette expérience limitée et de mes collaborations naissantes, je croyais être en mesure de compléter un projet doctoral de recherche participative basé dans une communauté des Premières Nations et portant sur le dévoilement des agressions sexuelles vécues au cours de l’enfance par des adultes de la communauté. Lorsqu’est venu le temps de proposer plus formellement mon projet, au printemps 2012, plusieurs choses importantes se sont toutefois produites.

Tout d’abord, j’avais commencé à mieux saisir les enjeux liés à la réalisation d’un tel projet. Bien que j’aie su dès 2010 que cette idée comportait de nombreux obstacles, je n’avais pu alors apprécier toutes les tensions existantes. Pendant ces années se déroulait la mise en

1 Cette thèse est aussi le reflet de mon apprentissage de l’écriture inclusive et épicène. En ce sens, j’ai intégré cette

(18)

2 œuvre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, en particulier le

processus d’évaluation indépendant. Celui-ci exigeait des survivant.es de nommer les abus vécus au cours de leurs expériences dans les pensionnats. L’image publique initiale véhiculée par ce règlement était positive. Ce que j’ai par contre pu constater est à quel point ce processus pouvait être douloureux et, surtout, à quel point il pouvait ne pas être adapté aux besoins des survivant.es et, plus globalement, aux besoins des communautés et peuples autochtones.

De plus, celui qui était alors directeur du centre de recherche où je suis basée (Centre de recherche sur l’enfance et la famille, CREF), Nico Trocmé, venait de recevoir une subvention de partenariat portant sur le développement des capacités de recherche en lien avec les services de protection de la jeunesse offerts aux enfants québécois et en particulier les enfants des Premières Nations (subvention BRC2). Cette subvention, qui misait sur les échanges entre les

milieux de pratique et universitaires, m’offrait de nouvelles opportunités basées sur des besoins préalablement exprimés par des organisations œuvrant en protection de la jeunesse face à des enfants et familles des Premières Nations – ralliant mon désir d’effectuer de la recherche appliquée à celui de faire de la recherche répondant à un besoin exprimé.

Finalement, mais néanmoins important, j’étais alors enceinte. J’ai décidé de laisser de côté mon projet initial. Je planifiais me joindre aux partenariats en protection de la jeunesse de la subvention BRC lors de mon retour de congé de maternité afin d’éventuellement développer un projet doctoral par le biais de cette opportunité.

À mon retour progressif au cours de l’automne 2013, j’ai été impliquée en tant qu’assistante de recherche dans le développement de diverses initiatives soutenues par la subvention BRC, entre autres avec le Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord (CPRCN, maintenant intégré au Centres intégrés de santé et de services sociaux [CISSS] de la Côte-Nord) et le Centre jeunesse de l’Abitibi-Témiscamingue (maintenant intégré au CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue). Dans les deux cas, un des points de départ était le besoin de mieux collaborer avec et mieux desservir les communautés des Premières Nations. L’autre était l’utilisation d’indicateurs basés sur les données administratives longitudinales récemment

2 Je réfèrerai à cette subvention de partenariat en tant que BRC pour “Building research capacity”. Le nom complet

de la subvention est : Building research capacity with First Nations and mainstream youth protection services in Quebec. Elle est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

(19)

3 développés par des chercheurs basés au CREF (principalement Tonino Esposito et Nico Trocmé) et les Centres jeunesse (alors regroupés via l’Association des Centres jeunesse du Québec, ACJQ, dissoute au 1er avril 2015). Cette initiative se nommait : Gestion fondée sur les

indicateurs de suivi clinique (GFISC). Dans les deux cas, les partenaires initiaux étaient donc les Centres jeunesse et une rencontre dans chacune des régions s’est tenue à l’automne 2013 entre Nico Trocmé, les cadres principaux du Centre et moi.

En janvier 2014, une rencontre avec des cadres du CPRCN et des représentant.es de la table de coordination autochtone s’est tenue à Baie-Comeau dans les locaux du CPRCN. La table de coordination autochtone regroupe les représentant.es des services sociaux à l’enfance et la famille (première et deuxième ligne) des communautés innues3 de la région (Pessamit, Uashat

mak Mani-Utenam, Ekuanitshit, Nutashkuan, Unamen Shipu, Pakua Shipi et Matimekosh. La communauté d’Essipit n’est pas représentée). En collaboration avec Nico Trocmé, j’ai présenté les données régionales des indicateurs GFISC, ainsi qu’un premier découpage sommaire entre les enfants autochtones et allochtones de la région. Sur la base de ces informations, au terme de cette rencontre, les parties se sont mises d’accord sur la création d’un comité de travail, qui allait se pencher sur trois priorités :

La récurrence de services, particulièrement élevée chez les enfants 0-5 ans

Le placement, particulièrement élevé pour les enfants et adolescent.es autochtones Les déplacements4, principalement pour des enfants et adolescent.es allochtones ayant

quatre déplacements ou plus

Le comité de travail, composé de gens du CPRCN, des services à l’enfance des

communautés innues, et du milieu universitaire, s’est rencontré dès mai 2014. Rapidement, le désir des partenaires de s’investir pour le bien-être des enfants m’apparaissait assez présent pour concevoir de leur proposer d’intégrer ma recherche doctorale à la démarche issue de BRC.

3 La nation Naskapie était desservie par le CPRCN et est à ce jour desservie par le CISSS de la Côte-Nord pour ce qui

a trait à la protection de la jeunesse par le biais d’ententes différentes, en vertu de la Convention du Nord-Est québécois (1978). Voir section « Structures des services en protection de la jeunesse lors de la période couverte par les données » du chapitre 7 pour plus de détails sur l’organisation des services pour cette nation.

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4 Ma perspective était que mon implication pour ma recherche doctorale allait me permettre de me pencher plus en profondeur sur certains enjeux priorisés par le comité.

C’est aussi en 2014 qu’on m’a demandé de collaborer à un autre projet sous BRC, utilisant les données administratives et les indicateurs GFISC. Ce projet était dirigé par la CSSSPNQL mais effectué en collaboration avec l’ACJQ, le Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) et des chercheurs du CREF. Son but était de dresser le portrait de la situation des enfants des Premières Nations au sein des services de protection de la jeunesse au Québec5. Cette opportunité m’a permis de me familiariser encore plus avec les données

administratives. Cette opportunité m’a aussi été utile au plan humain – bâtissant des relations avec d’autres personnes qui s’interrogent sur les grands enjeux de la protection de la jeunesse et des enfants autochtones au Québec.

Alors que j’entrevoyais un processus de collaboration pour définir mon projet doctoral à la lumière des besoins locaux, j’ai dû m’adapter face à des changements non prévus. En

septembre 2014, Gaétan Barrette, alors ministre de la santé et des services sociaux, a annoncé une réforme majeure du système québécois de santé et de services sociaux (via le projet de loi 10). Cette réforme, qui a été mise en place le 1er avril 2015, a mené à la fin des Centres

jeunesse. Ceux-ci ont alors été intégrés dans les CISSS ou Centres intégrés universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS). Cette réforme a affecté l’organisation des services, mais

également le nombre de postes, particulièrement au niveau des cadres. Les gens au sein des Centres jeunesse pressentaient que cela affecterait leur capacité à se mobiliser pour des initiatives telles que les partenariats de recherche, mettant possiblement le comité de travail récemment mis en place en Côte-Nord sur la glace dans un avenir plus ou moins rapproché.

J’ai donc commencé les pourparlers auprès du CPRCN et des services à l’enfance des communautés innues au sujet de ma recherche doctorale, de manière un peu plus précipitée que prévue. Il m’a été conseillé de mobiliser les gens rapidement afin de soumettre une demande d’approbation éthique et, idéalement, obtenir mon certificat d’approbation avant la mise en place de la réforme. On suspectait alors que la réforme allait perturber les processus de

5 Pour accéder au rapport découlant de cette démarche, voir le titre « Rapport volet 3 » au lien suivant :

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5 demandes éthiques pour une longue période. J’ai donc élaboré rapidement un projet doctoral en ligne avec les préoccupations des gens de la région et sur la base des connaissances que j’avais alors. Le projet proposait de s’intéresser au placement et à la récurrence, tel que ciblées comme priorités par les partenaires, mais par le biais d’analyses statistiques plus poussées pour comprendre les facteurs de risque pour les enfants allochtones et autochtones de la Côte-Nord.

Ce projet devait être présenté et soutenu par le CPRCN afin que je puisse soumettre leur lettre d’appui pour mon processus éthique et que je puisse obtenir les données administratives issues du et possédées par le CPRCN. Je devais également présenter mes appuis locaux

pertinents pour conduire des analyses sur des données concernant des personnes autochtones lors de mon processus éthique avec l’université McGill, en respect de l’Énoncé de politique des trois conseils (ÉPTC-2; CRSH, CRSNG et IRSC, 2010). J’ai donc présenté mon projet (par écrit et en personne) au CPRCN et à la table de coordination autochtone à la fin de l’automne 2014. Le CPRCN m’a fourni une lettre d’appui; les représentants des services à l’enfance des

communautés ont donné leur accord verbal lors de la présentation en décembre 2014 et une communauté a signifié son accord par écrit. Le comité de travail issu du projet BRC allait agir à titre de comité aviseur pour mon projet doctoral, afin de respecter l’ÉPTC-2, mais également mes propres principes éthiques.

Le contexte dans lequel s’est développé ce projet de recherche ne permettait pas de suivre les principes PCAP® (propriété, contrôle, accès et possession)6 pour la recherche

impliquant des membres des Premières Nations7. En effet, les données utilisées étaient

possédées par le CPRCN et celui-ci en contrôlait l’accès (cette situation était, et est, la même, pour toutes données administratives tirées du réseau public de santé et de services sociaux à ce jour). Pour ma part, les principes PCAP® devaient néanmoins guider la réalisation de mon projet de recherche. Ainsi, bien que le CPRCN possédait les données et en assurait le contrôle et l’accès, les données concernant les enfants et familles autochtones demeuraient (et

6 PCAP® est une marque déposée du Centre de Gouvernance de l’information des Premières Nations (CGIPN,

2020).

7 Bien que discutant spécifiquement du ministère qui était alors Affaires autochtones et Développement du Nord

Canada (AADNC), le CGIPN (2014) indique clairement que les contraintes administratives imposées par AANDC quant à la collecte, la gestion et le partage des informations étaient des barrières à l’application des principes PCAP®.

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6 demeurent) la propriété de ceux et celles-ci et de leurs communautés. C’est pourquoi le

dialogue auprès des représentant.es des services à l’enfance des communautés était le seuil minimal afin de réaliser ce projet de recherche. Mon projet doctoral a donc été approuvé au début de 2015, et j’ai reçu mes certifications éthiques dans les mois suivants.

Dans les circonstances mouvantes de la réforme, cette série de décisions semblait avisée. J’avais alors espoir d’un projet hautement participatif, qui n’allait pas reproduire les structures d’oppression des peuples autochtones même si je ne pouvais faire de mon projet un projet respectant complètement les principesPCAP®. Je n’avais pas encore réalisé à quel point

ce projet était ambitieux, particulièrement pour un projet doctoral. Que ce soit de comprendre les priorités de toutes les parties impliquées afin de trouver un point d’équilibre entre les visions parfois divergentes des partenaires, ou de simplement tenir des rencontres avec la majorité des partenaires (quand les partenaires habitent aux quatre coins de cette vaste région, que les déplacements se comptent en heures ou en journées, et que ces déplacements peuvent être ralentis ou annulés selon les aléas de la météo, tenir une rencontre peut parfois être plus ardu qu’il n’y parait), les défis se sont révélés multiples. Je reconnais également qu’à l’époque, je n’avais pas saisi toute la profondeur de certains enjeux, ni acquis toutes les connaissances nécessaires pour développer un discours cohérent quant à ce que je prévoyais faire et l’impact que cela pourrait avoir. Pendant plus d’un an, la complexité de ce partenariat, jumeler à mon nouveau rôle de mère, ont contribué à un « flottement » par rapport à ma thèse. Pendant un certain temps, j’ai cru que d’avoir précipité mon projet pour une demande éthique avait été un choix trop peu réfléchi. Je ne pourrai jamais savoir s’il aurait été plus avisé pour moi de

développer des relations plus approfondies et une meilleure connaissance des enjeux avant de déposer un projet. Je sais par contre que le temps que j’ai pris à réfléchir plus amplement à mon projet me permet aujourd’hui, simultanément, une confiance et une humilité plus grandes en ce que je remets par écrit.

Le projet réalisé a subi plusieurs transformations au cours de son évolution. Il constitue une démarche qui, je crois, a été très profitable dans mon développement comme chercheuse et qui, je l’espère, apportera des connaissances importantes pour soutenir les enfants, les

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7 familles et les communautés des Premières Nations. Ce que vous lirez dans les pages qui

suivent représente l’état de mes réflexions en ce début de 2020.

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1. Introduction

…parce qu’il faut toujours revenir à la distinction entre une famille qui a besoin d’aide et un enfant qui a besoin de protection. On n’est pas une loi de service, on est une loi d’exception.

Marlene Gallagher, Directrice de la protection de la jeunesse de la Côte-Nord, 13 novembre 2019, CSDEPJ (33m14s à 33m26s)

Cette année 2020 débute avec un foisonnement d’événements majeurs liés à la

protection de la jeunesse et les peuples autochtones, tant au Québec qu’au Canada. Au niveau québécois, il y a la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ), présidée par Régine Laurent, dont le mandat est :

[D]’examiner les dispositifs de protection de la jeunesse, dans les différents réseaux d’intervention concernés, de manière à identifier les enjeux et obstacles et à formuler des recommandations sur les améliorations à apporter. (CSDEPJ, 2019a)

Les audiences publiques tenues au cours de la semaine du 10 février 2020 étaient consacrées aux questions concernant la population autochtone. Au niveau fédéral, la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Cependant, d’importantes lacunes, particulièrement au niveau du

financement, ont été notées (Blackstock, 2019a; Metallic et coll., 2019). De plus, le

gouvernement du Québec a contesté sa constitutionalité, estimant que cette loi touche à un domaine de compétence exclusive des provinces (Niosi, 2019). Le jugement de 2016 du

Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP; Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autres c. Procureur général du Canada, 2016) statuant à la discrimination en vertu du financement inéquitable des services à l’enfance et aux familles des Premières Nations sur communauté n’est toujours pas appliqué. Un énième avis de non-conformité a été émis (Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autres c. Procureur général du Canada, 2019). Le gouvernement fédéral conteste le paiement d’indemnité aux enfants indiqué dans ce jugement (Radio-Canada, 2019) et

l’Assemblée des Premières Nations (APN) a déposé une demande de recours collectif à ce sujet (Radio-Canada, 2020). Évidemment, tout ceci se déroule dans le contexte plus général des relations entre l’état et les peuples autochtones, comme la situation avec le peuple

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9 Wet’suwet’en l’illustre particulièrement bien en ce moment. Près d’une décennie s’est écoulée entre le début de mon programme doctoral et la complétion de cette thèse. Au-delà du périple personnel que ce fût, il est prometteur de constater tous les événements survenus depuis.

Tout comme les secteurs des pratiques et des politiques sociales, le domaine académique s’est intéressé à la compréhension et l’actualisation du bien-être des enfants comme enjeu prioritaire. Des appels à repenser entièrement les prémisses des systèmes actuels sont publiés régulièrement, tel que par Herrenkohl, Lonne, Higgins et Scott (2019) ou Hyslop et Keddell (2018). Dans le contexte québécois, les bilans annuels des directeurs et directrices de la protection de la jeunesse permettent de constater une hausse des signalements dans les dernières années (Association des centres jeunesse du Québec, 2014; Directeurs de la

protection de la jeunesse/directeurs provinciaux, 2019). Le rapport 2019-2020 de la vérificatrice générale du Québec s’est entre autres penché sur les services de protection de la jeunesse. Celui-ci souligne les manquements des services actuels de protection de la jeunesse et fait état du besoin de mieux comprendre les contacts répétés de certains enfants avec ces services (Vérificateur général du Québec, 2019). À la confluence de ces deux grands domaines autour desquels s’articule cette thèse, il faut aussi noter la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (CERP), dont le rapport final a été publié en septembre dernier (Viens, 2019).

Cette thèse s’intéresse aux trajectoires de services des jeunes des Premières Nations et allochtones desservis par la protection de la jeunesse sur la Côte-Nord, particulièrement sous l’angle de comprendre la première récurrence de services. Elle permet ainsi d’établir des bases pour comprendre les expériences de contacts et de services, de manière longitudinale, des enfants des Premières Nations en tant que groupe d’enfants pour lesquels on doit pouvoir mieux connaitre les expériences. Il est attendu que ces connaissances permettront de mieux réfléchir à la pratique en protection de la jeunesse. Par pratique, j’entends d’une part la

quotidienneté de l’intervention et de la prise de décision dans les structures existantes. D’autre part, la pratique en protection de la jeunesse comprend aussi les politiques sociales à cet égard, allant des lois régissant les services à l’enfance, aux modes de financements de ceux-ci ou

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10 encore aux types d’organisations impliquées et aux rôles que celles-ci jouent dans l’offre de services.

Suivant cette introduction brève, le chapitre 2 offre deux survols permettant de bien situer la présente étude. Tout d’abord, j’offre un survol historique et contemporain des relations entre l’état et les enfants autochtones, abordant à la fois les éléments visant

spécifiquement les populations autochtones, généralement au niveau fédéral, et ceux touchant les services sociaux et à l’enfance, principalement au niveau provincial. En deuxième temps, un survol des enjeux contemporains en protection de la jeunesse au sein des pays occidentaux et industrialisés, en particulier les colonies de peuplement que sont les États-Unis, l’Australie et Aotearoa (Nouvelle-Zélande), permet de situer les enjeux contemporains du Québec dans le contexte plus global qui porte à se questionner sur l’orientation des services à l’enfance en ce début du 21e siècle.

Le chapitre 3 aborde mon approche globale de recherche. D’emblée, j’énonce que mon projet a été inspiré par des théories issues du courant transformatif/critique et des savoirs autochtones. Ce chapitre, conséquemment, est l’occasion de me situer en tant que chercheuse, d’énoncer ma posture philosophique face à la recherche, et de détailler les théories et

concepts-clés qui ont guidé mon travail pour le processus de recherche (ce qui inclut l’écriture de cette dissertation).

La notion de récurrence se retrouve au cœur du chapitre 4. Ce chapitre débute avec une courte discussion des différentes définitions et opérationnalisation de la récurrence. Un bref survol du développement du champ d’étude et d’indicateurs de performance en lien avec la récurrence permet d’identifier le corpus revu dans cette recension des écrits. La troisième section s’attarde aux modèles théoriques et conceptuels utilisés et développés pour comprendre la récurrence. Par la suite, les principaux constats empiriques – portant sur l’ampleur du phénomène et les facteurs qui y sont liés – sont abordés.

Le cinquième chapitre suit une structure similaire mais aborde la notion de

surreprésentation des enfants autochtones en protection de la jeunesse. La première section s’attarde à la terminologie et aux méthodes utilisées pour discuter de la représentation des groupes ethnoraciaux, dont les enfants autochtones, en protection de la jeunesse. Les modèles

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11 théoriques et conceptuels, utilisés et développés pour expliquer les variations de

représentation de groupes ethnoraciaux en protection de la jeunesse, sont ensuite présentés. La section suivante détaille les principaux constats empiriques portant sur l’ampleur du contact des enfants autochtones en protection de la jeunesse à diverses étapes du processus de la protection de la jeunesse. Les grands constats tirés de l’immense corpus de recherche

empirique portant sur la surreprésentation des enfants noirs aux États-Unis sont énoncés afin d’illustrer les avenues et les pièges possibles dans le champ plus limité de la recherche portant sur les enfants autochtones. Finalement, les facteurs liés à une surreprésentation des enfants autochtones en protection de la jeunesse identifiés empiriquement sont présentés.

Le chapitre 6 présente le cadre conceptuel utilisé dans cette étude, ainsi que les questions de recherche investiguées pour cette étude doctorale. Le chapitre 7 aborde le contexte régional de la recherche et l’évolution du partenariat. Le chapitre 8 présente les méthodes de recherche, alors que les résultats de recherche sont présentés au chapitre 9. Pour conclure, une discussion des résultats et de leurs implications pour la pratique, les politiques sociales et la recherche est présentée au chapitre 10.

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2. Protection et bien-être des enfants : survol historique et enjeux contemporains

Pour ce chapitre, deux survols permettant de bien situer la présente étude sont

abordés. Plus exactement, ces survols servent de base nécessaire pour comprendre les services de protection de la jeunesse. Le premier survol touche les relations entre l’état et les enfants autochtones au Canada et au Québec. Organisé de manière chronologique, ce survol aborde les éléments visant spécifiquement les populations autochtones (généralement au niveau fédéral) et ceux touchant les services sociaux et à l’enfance (principalement au niveau provincial). Le but de cette section est de bien comprendre et situer les services de protection de la jeunesse tels qu’ils existent actuellement, et en particulier pour les enfants des Premières Nations au

Québec, pour la période couverte par les données de recherche (2002 à 2014). Par conséquent, aucun des éléments n’est discuté en profondeur (les références citées offrent des perspectives plus complètes). Le deuxième survol s’intéresse à quelques enjeux contemporains en

protection de la jeunesse. Ce survol explore de grands enjeux présents dans les pays

occidentaux et industrialisés, en particulier dans les pays qui sont des colonies de peuplement découlant de la colonisation britannique, soit les États-Unis d’Amérique, l’Australie et Aotearoa (Nouvelle-Zélande). Ce survol permet de situer les enjeux spécifiques aux peuples autochtones présents au Canada et au Québec et les enjeux contemporains généraux de la protection de la jeunesse au Québec dans le contexte plus global qui porte à se questionner sur l’orientation des services à l’enfance en ce début du 21e siècle.

Survol historique et contemporain : relations entre l’état et les enfants autochtones au Canada et au Québec

Avant d’entrer dans le vif du sujet des relations entre l’état et les enfants autochtones au Canada et au Québec, j’aborde sommairement les codes sociaux pour le bien-être des enfants qui existaient au sein des peuples autochtones avant l’arrivée de colons et qui existent encore aujourd’hui. Par la suite, deux sections historiques (colonisation à 1960; 1960 à 2000) et une section contemporaine (depuis 2000) complètent cette section.

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Peuples autochtones et codes sociaux pour le bien-être des enfants : de la période précoloniale à aujourd’hui

Les peuples autochtones sont des sociétés complexes possédant leurs propres valeurs, visions du monde, et codes sociaux concernant le bien-être des enfants. Ces codes sociaux existaient avant l’arrivée des peuples colonisateurs sur les territoires que l’on appelle

aujourd’hui le Canada et le Québec. Malgré les décennies de relations tendues et d’impositions colonialistes qui sont décrites ci-après, ces codes sociaux sont toujours présents au sein des peuples autochtones. Ces peuples n’étaient pas et ne sont pas en déficit par rapport aux normes en vigueur dans la population eurocanadienne majoritaire au Canada, mais plutôt, chacun de ces peuples a sa propre vision du monde et sa propre histoire, à partir desquelles découlent les valeurs, traditions, usages et codes sociaux historiques et contemporains.

Les peuples autochtones sont divers; seulement sur le territoire désigné comme la province du Québec, 11 nations vivent présentement (10 Premières Nations et les Inuit; CSSSPNQL, 2007); à l’échelle du Canada, il y a plus de 50 Premières Nations (Assemblée des Premières Nations, 2020), des Métis (Ralliement national des Métis, 2020) et des Inuits. Ces peuples ont des pratiques riches et diversifiées, ancrées dans leurs histoire et valeurs.

Comparés aux normes eurocanadiennes, certains principes sont communs - ou à tout le moins relativement similaires - entre ces nations. De plus, il existe malheureusement peu d’études concernant les pratiques éducatives des peuples autochtones au Québec (Guay, 2015), ne permettant généralement pas un portrait plus détaillé par nation. Je décris donc très brièvement les grands principes généralement partagés par les peuples autochtones. Cependant, il demeure que chaque famille est unique et que chacune d’elle développe ses propres façons de faire, qui peuvent concorder ou non avec ces grands énoncés (Guay, 2015).

Dans plusieurs cultures autochtones, en principe, l’éducation et les soins aux enfants ne sont pas l’apanage unique de la mère ou des parents biologiques; il s’agit, au contraire, d’une responsabilité partagée avec l’entourage (Commission Royale sur les Peuples Autochtones [CRPA], 1996). Cet entourage est vaste; si dans certaines cultures les rôles centraux des femmes face aux enfants sont reconnus, il demeure que cet entourage se composent des gens avec qui l’enfant partage un lien de parenté (biologique ou autre) ainsi que de la collectivité

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14 plus large de la communauté, par exemple les ainé.es (CRPA, 1996; Cross et coll., 2000;

Croteau, 2017; Fuller-Thomson, 2005; Guay, 2015; Neckoway et coll., 2007). Ce partage découlerait de la centralité et l’importance des enfants au sein de ces cultures; l’avenir de leur nation découle de ce qui sera transmis à ces enfants. Les enfants sont grandement respectés et ont donc, socialement, une valeur égale à celle des adultes. L’attachement d’un enfant

autochtone n’est souvent pas dyadique et envers sa mère, mais est plutôt de nature collective et culturelle (Carriere et Richardson, 2009; Simard, 2009).

L’autonomie de l’enfant et la non-ingérence sont deux autres principes qui posent les assises des pratiques éducatives autochtones, quoique de récents écrits remettent en question la primauté de la non-ingérence particulièrement face aux enfants (Wark et coll., 2019).

L’éthique de non-ingérence « accorde à l’individu le droit de créer sa vie à partir de ses propres expériences » (Guay, 2015, p. 23). Néanmoins, comme le mentionne Guay (2015) « [c]ela ne signifie pas pour autant qu’ils [les parents autochtones] n’orientent pas ou ne régulent pas le comportement de leurs enfants » (p.24). Simplement, leurs stratégies éducatives suivent le principe de non-ingérence et sont beaucoup plus indirectes et non coercitives.

Les incompréhensions des pratiques éducatives chez les peuples autochtones, voire les généralisations et simplifications exagérées de leurs codes sociaux par les allochtones (Smith, 2006), ont contribué, et peuvent encore contribuer, à des pratiques colonialistes qui se révèlent abusives face aux enfants, familles et collectivités autochtones. De plus, ces pratiques

parentales créent un système qui est particulièrement en contradiction avec les normes de parentage, mais plus spécifiquement de maternage, eurocanadiennes (Croteau, 2017). Sans en faire le portrait exhaustif, les normes eurocanadiennes actuelles font état du caractère

« naturel » de la mère : à être la principale responsable de l’éducation des enfants; à favoriser le développement d’un attachement sécure chez son enfant; et à se (sur-) investir dans le maternage afin de s’assurer que ses enfants ne reçoivent que le meilleur. En contraste, les pratiques parentales de mères autochtones et l’attachement collectif ont parfois été mésinterprétés comme étant de la négligence lorsque vu sous l’angle des normes

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Colonisation, Confédération canadienne et politiques ouvertement paternalistes et assimilationnistes

Au cours des 16e, 17e et 18e siècles, les Européens ont débuté le peuplement de

l’Amérique du Nord dans des visées colonialistes (Dickason, 2002). Les rapports entre les

peuples autochtones et les peuples colonisateurs ont été très variables dans leur portée et dans leurs intentions pendant un certain temps. Les effets de ces interactions ont été multiples et sans conteste dommageables à bien des égards pour les peuples autochtones. Cependant, cette section s’attarde plutôt à la mise en place d’actions plus concertées vis-à-vis l’assimilation des peuples autochtones, et en particulier via les enfants, à partir d’environ 1850 et

particulièrement suivant l’instauration de la Confédération du Canada en 1867, par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, aussi appelé la Loi constitutionnelle de 1867.

Dès 1850, suivant l’acquisition d’une plus grande autonomie politique, le Canada-Uni adopte les premières lois qui sont devenues les fondements de la création des réserves et de la subordination juridique des Autochtones au Canada (Beaulieu, 2013). Ces lois ont un impact plus grand que leurs effets juridiques immédiats, car d’après Beaulieu (2013) :

[d]’une certaine manière, les lois de 1850 et 1851 ne sont pas que les actes de naissance des réserves modernes au Québec : elles représentent aussi l’officialisation d’un

colonialisme interne. Elles sont l’expression d’un déplacement de la logique coloniale, qui ne s’exerce plus à partir de Londres sur un territoire éloigné, mais à partir de l’intérieur de la colonie… (p.146)

Ainsi, malgré que le Canada en tant que nation indépendante n’ait existé officiellement que près de 15 ans plus tard, ces lois ont marqué un tournant important dans la réalité des relations entre les pouvoirs eurocanadiens et les peuples autochtones.

Lors de la création de l’état canadien, les « Indiens » étaient visés très spécifiquement dans la division des pouvoirs; en effet, l’article 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique stipule que « l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les

matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés » et le point 24 mentionne « Les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ». Néanmoins, cet acte stipule également,

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16 à l’article 92, que ce que nous appelons aujourd’hui les services de santé et les services sociaux sont de juridiction provinciale.

Puisque plusieurs lois disparates concernant les peuples autochtones avaient été votées depuis 1850, et souhaitant bien affirmer son autorité proclamée sur les peuples autochtones, le Canada a instauré une unique loi en 1876 : la Loi sur les Indiens. Cette loi est vaste, mais je souligne qu’elle définit (car celle-ci est toujours en vigueur) qui peut être considéré « Indien », et donc qui peut bénéficier (ou subir) des conditions qui découlent de ce titre, et elle détermine aussi le territoire des communautés, appelées réserves d’un point de vue légal.

Au niveau politique, cette loi crée une nouvelle forme d’autorité : le conseil de bande. Cependant, ces communautés avaient déjà des structures politiques en place; la loi impose donc une forme de gouvernance cohérente avec la vision eurocanadienne de la politique. D’ailleurs, les femmes n’ont pas eu le droit de voter ou d’être élues aux conseils de bande jusqu’en 1951. Cette réalité affirme une vision colonisatrice du pouvoir et des savoirs en excluant les femmes de ces postes, puisque plusieurs peuples autochtones avaient des structures politiques où les femmes avaient un rôle important avant cette imposition (Indigenous Foundation, 2009).

Une des politiques les plus importantes découlant de la Loi sur les Indiens est sans conteste les pensionnats autochtones, dont le premier a ouvert ses portes en 1879 (CRPA, 1996; Milloy, 1999). Ceux-ci ont été créés pour « répondre » à la responsabilité (que le gouvernement fédéral s’est donné dans la Loi sur les Indiens) d’éduquer les enfants des Premières Nations et Inuits. Si les racines des pensionnats sont au 19e siècle, le dernier

pensionnat au Québec a fermé ses portes en 1980, et au Canda ce fut en 1986 (CSSSPNQL, 2018; Milloy, 1999). Bien qu’instaurés dès 1879, il est à noter que l’aspect assimilationniste de ces pensionnats est renforcé par les amendements de 1920 à la Loi sur les indiens, puisque ceux-ci ont rendu la présence aux pensionnats obligatoire pour tous les enfants d’âge scolaire (7 à 15 ans). Les pensionnats étaient un système créé par le gouvernement canadien et

administré par les églises liées à la foi chrétienne (par ex. catholique, anglicane, presbytérienne, Église unie) et il y a eu environ 130 pensionnats (Milloy, 1999). Quoiqu’originellement conçu pour l’ensemble des enfants autochtones, il est aussi démontré que les pensionnats servaient

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17 d’endroit où diriger les enfants autochtones dont on jugeait que les parents n’étaient pas en mesure d’en prendre soin ou les abusaient. Cette situation existait puisque les enfants

autochtones étaient exclus des lois provinciales avant 1951, et donc exclus des services sociaux provinciaux.

Les pensionnats étaient sous-financés et surpeuplés (CRPA, 1996; Milloy, 1999). Les enfants ne pouvaient pas y parler leur langue, étaient envoyés loin de leur communauté, étaient séparés de leur frères et sœurs, se faisaient couper les cheveux, devaient être vêtus à la mode eurocanadienne, étaient forcés à travailler plus qu’à être réellement éduqués, étaient mal nourris et étaient maltraités par des abus et sévices physiques et sexuels (pour des perspectives complètes sur la question, je vous invite à lire Goulet, 2016, pour la situation au Québec, ainsi que le rapport de la Commission de Vérité et de Réconciliation du Canada [CVRC], 2015). Les effets de ces pensionnats sur les individus et les collectivités autochtones de partout au pays ont été dramatiques; ces effets sur le tissu social sont indéniables encore aujourd’hui. Un des effets était l’incapacité des parents à transmettre langue, culture, valeurs, et donc, pratiques éducatives, à leurs propres enfants, puisque les enfants étaient dans ces pensionnats plusieurs mois ou plusieurs années à la fois et les pensionnaires perdaient leur capacité à s’exprimer dans leur langue maternelle. Un autre effet a été la mort de plusieurs enfants, estimées à environ 50% des enfants pensionnaires à l’époque (Miller, 1996). En contrepartie, les jeunes ayant vécu les pensionnats y ont plutôt appris la religion chrétienne, les modes de vies eurocanadiens, et aussi des modes d’autorité abusifs et négligents (Evans-Campbell, 2008; Kirmayer et coll., 2003). En résumé, tel que l’a statué la CVRC en 2015, ce fut un génocide culturel.

En parallèle à ces développements pour les enfants autochtones au Canada, il convient de rappeler comment les services à la population générale étaient construits. Avant la

confédération canadienne, dans ce qui est aujourd’hui le Québec, les services d’aide à l’enfance étaient principalement mis en place par les organisations religieuses, venant en aide aux

familles et desquelles faisaient partie les enfants (et donc, non spécifiquement pour les enfants; D’Amours, 1986). La séparation de « la protection de l’enfance » de l’assistance plus générale a débuté vers le milieu du 19e siècle avec la mise en place de la Loi des écoles industrielles de

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18 1869, « qui avait pour but de prévenir la délinquance juvénile » (D’Amours, 1986, p.391). Puis, un des premiers piliers étatiques de l’aide envers les populations vulnérables a été mis en place environ en même temps que l’obligation de fréquenter les pensionnats et à la suite de

l’urbanisation accélérée au Québec : la Loi sur l’assistance publique est implantée en 1921 (D'Amours, 1986). À l’époque, de multiples sociétés d’aide existantes (principalement basées sur des appartenances religieuses ou culturelles) étaient toujours en fonction et agissaient en complémentarité avec les programmes naissants de l’état.

Un des grands changements pour les Premières Nations a été l’application des lois provinciales par le biais de l’amendement de la Loi sur les Indiens de 1951. Dans les années 40, des appels à fermer les pensionnats, à offrir les mêmes services aux peuples autochtones qu’aux autres Canadiens, et à faire appliquer les lois provinciales (par ex. pour l’éducation et les services sociaux), sont apparus (Armitage, 1995; Fournier et Crey, 1997). Il était évident que les pensionnats n’agissaient pas dans l’intérêt des enfants autochtones. Néanmoins, la

responsabilité légale et le financement des services sur communauté demeuraient entièrement avec le gouvernement fédéral. Puisque le gouvernement fédéral n’avait pas octroyé de

financement avec les amendements de 1951, peu de services étaient disponibles à la suite de ces amendements.

Au Québec, la refonte des lois visant les enfants s’est soldée par la mise en place, en 1950, de la Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse, et de la Cour de bien-être social. Cette cour était alors entre autres responsable des enfants jugés en besoin de protection (D’Amours, 1986). D’Amours estime que la majorité du territoire du Québec avait, en 1952, des agences de services sociaux, et ces agences étaient responsables de la protection de l’enfance. Il mentionne aussi, qu’« [à] partir de 1957, il y eut un effort de synthèse pour intégrer et coordonner les diverses ressources sociales » (p.400). Les années 50 représentent un tournant important, alors que le Québec est réellement entré dans l’ère de prise en charge de multiples besoins sociaux par l’état.

Figure

tableau 9.9). Pour les signalants (tableau 9.10), un peu moins de la moitié a été signalé les deux  fois par un professionnel ou une professionnelle du réseau public (46,6%), et près du tiers  (32,7%) a été signalé par son entourage et par un.e professionn

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