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Ce chapitre aborde les aspects contextuels de ma recherche, soit le contexte régional de la Côte-Nord et l’évolution du partenariat de recherche.

Description du contexte : la Côte-Nord

Le choix de la Côte-Nord comme contexte de recherche doctorale a été en partie guidé par les opportunités qui m’ont été offertes par le CREF et BRC, qui elles émanaient des réalités « terrain » de la protection de la jeunesse pour les enfants des Premières Nations au Québec. À ceci s’est ajouté le constat que les partenaires locaux avaient la volonté de s’investir pour le bien-être des enfants et la capacité à se mobiliser et à travailler en collaboration. Cette section décrit le contexte de la Côte-Nord selon quatre axes principaux : description générale de la région et de son profil démographique; bref survol historique, du Nitassinan précolonial à la création des réserves de la Côte-Nord; le contexte contemporain; et la structures des services en protection de la jeunesse.

Description générale de la Côte-Nord et profil démographique

La Côte-Nord est l’une des 18 régions sociosanitaires québécoises. Sa population totale, en 201512, se chiffrait à 94 900 habitants, soit environ 1,15% de la population québécoise

(chiffrée à 8 240 5000, Institut de la statistique du Québec [ISQ], 2015), tandis que son vaste territoire de 236 665 km2 en fait la deuxième plus grande région du Québec (Institut de la

statistique du Québec, 2019). Le CISSS de la Côte-Nord (2019) décrit sa région ainsi : « Située au nord-est du Québec, sur la rive nord du Saint-Laurent, la Côte-Nord s'étend sur 1 300 km de littoral de Tadoussac à Blanc-Sablon, en passant par L'Île-d'Anticosti et les villes nordiques de Fermont et Schefferville. La région compte environ 95 000 habitants, dont la moitié vit à Baie- Comeau et à Sept-Îles. » (para. 1). De plus, elle est constituée « [d’une] quarantaine de

municipalités, dont certaines ne sont pas reliées par voie terrestre » (Agence de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord, 2013, p. 3).

Neuf (9) communautés autochtones sont situées sur la Côte-Nord (Secrétariat aux affaires autochtones, 2011) : la seule (1) communauté de la nation Naskapie du Québec

12Quoique le bilan démographique de 2019 soit disponible, j’ai choisi 2015 à des fins de comparaisons avec les

124 (communauté conventionnée), Kawawachikamach, et huit (8) des neuf communautés de la nation Innue : Essipit, Pessamit, Uashat mak Mani-Utenam, Ekuanitshit (Mingan), Nutashkuan, Unamen Shipu (La Romaine), Pakua Shipi et Matimekush. La population (résidente et non- résidente) de ces neuf bandes totalisait 14 714 habitants en 2015 (Secrétariat aux affaires autochtones, 2019), ce qui constituait environ 15,9% de la population des Premières Nations du Québec en 2015 (qui se chiffrait à 92 504 habitants). De même, la population autochtone représentait une part non négligeable de la population nord-côtière. En effet, celle-ci représentait entre 12% (si l’on ne considère que la population résidente des communautés autochtones) et 15,5% de la population de la Côte-Nord en 2015 (soit si l’on considère la population totale, résidente ou non, des communautés autochtones et assumons ainsi que la population non-résidente des communautés autochtones habitait tout de même la région de la Côte-Nord; ISQ, 2015; Secrétariat aux affaires autochtones, 2019). Ceci contraste avec le bilan au plan provincial, puisque la population des Premières Nations comptait pour 1,12% de la population québécoise en 2015 (ISQ, 2015; Secrétariat aux affaires autochtones, 2019).

Autrement, la Côte-Nord est une région où il y a peu d’immigration récente et qui est relativement homogène en termes d’appartenance ethnoraciale selon les données du recensement de 2016 (Statistiques Canada, 2017). En effet, lors de ce recensement, la proportion d’immigrants (définis comme n’étant pas citoyens de naissance) n’était que

d’environ 1,2%. De plus, environ 1,3% de la population se définissait comme étant de deuxième génération (personne étant née au Canada mais dont au moins un des parents est né à

l’extérieur du Canada) et la proportion d’individus s’étant déclarée d’une minorité visible n’était que de 0,9%. En termes d’origines ethniques, 20,1% déclaraient des origines autochtones nord- américaines, 71,1% d’autres origines nord-américaines (Canadien ou Québécois, par exemple), 26,4% des origines européennes (principalement françaises, 19,6%, mais également des Iles Britanniques pour 8,3%), et moins de 1% chacune pour les origines africaines, asiatiques et des Caraïbes et de l’Amérique latine, centrale et du Sud.

Les jeunes des Premières Nations constituent une part importante de la population des moins de 18 ans sur la Côte-Nord. Selon les données disponibles dans la pièce PD-18 de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics

125 (CERP, 2018), les jeunes des Premières Nations composaient 26,2% de la population des moins de 18 ans en Côte-Nord13. Ces résultats sont similaires à ceux que l’on peut calculer à l’aide des

données du recensement de 2016. Selon les données publiques disponibles concernant le profil de la population autochtone (Statistiques Canada, 2018a, 2018c, 2018d, 2018f) pour le

recensement de 2016, 19% des jeunes de 0 à 14 ans en Côte-Nord étaient identifiés comme des Premières Nations (Indien de l’Amérique) inscrits. Cette proportion grimpe à 24,6% si l’on tient compte de tous les enfants identifiés comme autochtones (Premières Nations, Métis, Inuk, autres autochtones), qu’ils soient inscrits ou non. Ces estimations sont conservatrices dans la mesure où les taux de non-réponses au questionnaire détaillé du recensement étaient plus élevés dans certaines communautés des Premières Nations; par exemple, il se chiffrait à 8,8% pour l’ensemble de la Côte-Nord (Statistiques Canada, 2017), mais à 6,6% à Pessamit

(Statistiques Canada, 2018e) et à 25,4% pour Matimekush-Lac John (Statistiques Canada, 2018b).

Cependant, si la Côte-Nord fait actuellement face à une décroissance démographique (ISQ, 2015), la population autochtone au Québec est en croissance (Kelly-Scott, 2016). Puisque les données utilisées dans cette thèse concernent les années 2002 à 2014, j’ai fait l’exercice de comparer les proportions d’enfants autochtones dans les recensements de 2001 et 2006, et de l’enquête des ménages de 2011. La population des 0-14 ans en Côte-Nord semble être

particulièrement touchée par la décroissance, car sa proportion au sein de la population totale de la Côte-Nord a diminué entre 2001 et 2016 (elle est passée de 19,32% en 2001 à 16,69% en 2016; Statistiques Canada 2002; 2017). La proportion de jeunes 0-14 ans étant identifié comme Autochtone (inscrit ou non) est passée de 17,7% en 2001 (Statistiques Canada, 2002, n.d.) à 24,6% en 2016 (Statistiques Canada, 2018a, 2018c, 2018d, 2018g). Ceci étant dit,

l’augmentation du nombre de personnes s’identifiant comme Autochtone n’est pas qu’un effet de naissance; il y a aussi des personnes qui se déclarent désormais Autochtones. Au Québec, le taux net de mobilité de réponse (soit de donner une réponse différente au fil du temps) pour l’identité autochtone est élevé; il était de 27,6% de 2006 à 2011 et de 21,7% entre 2011 et 2016

13 Les données populationnelles du Québec étaient tirées des estimations produites par l’ISQ, consultées le 1er

novembre 2018. Les données pour les Premières Nations étaient issues du Registres des indiens (2017), et du Registre des bénéficiaires cris et naskapis (2018)

126 (O'Donnell et LaPointe, 2019). Ces nouvelles identifications sont particulièrement présentes pour les catégories d’Indiens non-inscrits des Premières Nations et de Métis.

Bref survol historique : du Nitassinan précolonial à la création des réserves de la Côte-Nord

J’aborde de manière extrêmement sommaire l’histoire des peuples autochtones qui habitent le territoire que l’on appelle la Côte-Nord de nos jours, de manière à situer le contexte contemporain.

Le peuple Innu habite sur les terres de que l’on appelle aujourd’hui le Québec depuis des milliers d’années. Le territoire des Innus se nomme Nitassinan en Innu aimun, la langue du peuple Innu. Le Nitassinan, qui signifie notre terre, était la partie nord-est de la péninsule Québec-Labrador14 (Lacasse, 2004, pp. 27-28) et est plus vaste que ce que l’on nomme

aujourd’hui la Côte-Nord (en ce sens, je rappelle que la communauté innue de Mashteuiatsh se situe dans la région sociosanitaire du Saguenay-Lac-St-Jean).

Avant la colonisation, les Innus vivaient en société semi-nomade qui avait son propre système de gouvernance, appelé tipenitamun (Lacasse, 2004). L’organisation sociale était dite de type égalitaire et, selon Lacasse (2004) :

Si l’on tentait de décrire la fonction du chef Innu, avant le contact avec les Européens, à partir des normes de la société majoritaire, l’on dirait qu’il s’agissait d’une fonction d’abord honorifique, en ce sens que, souvent, le chef suggère plutôt qu’il n’ordonne. (p.32)

Bien que nous en sachions peu sur les rapports entre les genres à l’époque précoloniale, il semble que ceux-ci aient été relativement égalitaires également (Anderson, 1993; Lacasse, 2004).

La colonisation de ce qu’est aujourd’hui la Côte-Nord s’est originellement faite par la traite des fourrures au cours du 19e siècle, et particulièrement suite et par la mise en place de

la Loi sur les Indiens et tous les systèmes connexes qu’elle a imposés aux peuples autochtones. Je souligne aussi que « les Innus, y compris ceux vivant sur la côte du Labrador, n’ont jamais cédé leurs terres » (Lacasse, 2004, p.98). Néanmoins, la colonisation du Nitassinan est très

14 Une carte du territoire qui était couvert par l’appellation Nitassinan est disponible dans Lacasse, 2004, à la page

127 récente, Lacasse (2004) indiquant que « la plupart des Innus du Nitassinan n’ont été en contact avec les Européens de façon continue qu’à compter du XXe siècle. [… ] Dans plusieurs cas, le

contact continu ne remonte vraiment qu’à 1950 » (p.96-97). C’est particulièrement à cette époque que les Innus se sont sédentarisés dans ce qui légalement s’appelle une réserve. Les différentes communautés (réserves) de la Côte-Nord sont apparues entre 1861 et 1971 en quelques vagues. La communauté de Pessamit est la plus ancienne (elle existe depuis 1861), et découle des postes de traite et surtout, de la construction d’une chapelle sur ce territoire. La communauté de Uashat pour sa part a été victime des territoires sur lesquels les Innus se sont installés : deux fois plutôt qu’une on a tenté de les « déloger ». Tout d’abord, les Innus ont revendiqué, dès 1880 et peut-être même précédemment, ce territoire car c’était leur lieu de rassemblement estival (Mailhot, 1996, p. 355). Cependant, la réserve n’a été officialisée qu’en 1906 puisque d’autres voulaient également ces territoires sur le littoral de la baie. Puis, en 1950, on a tenté de les déplacer vers la rivière Moisie (ce territoire est maintenant

Maliotenam), afin de récupérer les territoires pour une compagnie minière. Les autres réserves innues ont été officialisées de 1953 à 1971, la dernière étant Pakua Shipi (Frenette, 1996c). Plus concrètement, la communauté de Matimekush résulte probablement entre autres de

l’installation de familles près des minières offrant de bons emplois et possiblement aussi des efforts de délocalisation de la communauté d’Uashat. Pour leur part, les communautés du littoral étaient à la base les lieux de regroupement estival et l’installation s’est surtout faite à partir des années 60.

Pour ce qui est des Naskapis, il y a peu d’information sur l’historique de cette nation. Ils étaient un peuple nomade, pour qui le caribou assurait le principal de leur survie (Chevrier, 1996; Naskapi Nation of Kawawachikamach, 2020) et s’apparentent aux Cris et aux

Innus (CSSSPNQL, 2007). Le terme « Naskapis » serait apparu en 1733 (Naskapi Nation of Kawawachikamach, 2020). De 1842 à 1956, les Naskapis ont été relocalisés de par les intérêts de la compagnie de la Baie d’Hudson, avant de finalement s’installer dans la région où ils vivent encore aujourd’hui, environ en même temps que les Innus de Matimekush. La création de la communauté de Kawawachikamach s’est faite via la signature de la CNEQ en 1978, qui prévoyait la possibilité d’être relocalisé. Les Naskapis ont construit et se sont installés à

128 Kawawachikamach au début des années 80; suite à la loi fédérale Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec (1984), la communauté a été officiellement inaugurée en 1984 (Frenette, 1996; Secrétariat aux affaires autochtones, 2011; Naskapi Nation of Kawawachikamach, 2020).

Contexte contemporain

Le développement de la région de la Côte-Nord par les eurodescendants s’est déroulé en grande partie suite à la seconde guerre mondiale. L’économie s’y est développée

principalement autour des ressources minières et des grands projets hydroélectriques (Frenette, 1996a, 1996b). Frenette, dans son ouvrage de 1996, qualifie la période de 1946 à 1976 d’eldorado nordique. Alors que la population n’y est que d’environ 50 000 personnes en 1956, on y comptait plus de 100 000 personnes 10 ans plus tard (Fortin, 1996, p. 429).

Cependant, ce succès est de courte durée puisqu’après 1976, le bilan démographique de la région est déficitaire. Le déclin des emplois dans le secteur minier, entre autres causé par la crise du fer des années 80 (Frenette, 1996c), est directement lié à cette décroissance

populationnelle (Frenette, 1996c; Fortin, 1996). Selon Frenette (1996c), la période de 1976 à 1996 en a plutôt été une d’instabilité économique. Lancé en 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest, et poursuivi à divers degrés par les gouvernements successifs (dont une « relance » par le gouvernement de Philippe Couillard en 2014), le Plan Nord s’est présenté comme un cadre de développement, principalement économique, des régions québécoises nordiques, dont la Côte-Nord, sur un horizon de 25 ans (Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, 2011, 2015; Salée et Lévesque, 2016). De nos jours, les principaux secteurs

économiques de la région sont l’extraction minière, pétrole et gaz, suivi de la construction et de l’administration publique (ISQ, 2019).

Si les réserves ont été en partie constituées tardivement, les négociations territoriales avec les gouvernements fédéral et provincial ont débuté dès 1979 avec le Conseil Attikamekw- Montagnais (Charest, 2003; Lacasse, 2004; Salée et Lévesque, 2016). Après quelques tentatives avortées et la dissolution du Conseil Attikamekw-Montagnais en 1994, les négociations ont repris avec les nouveaux conseils innus. L’Approche commune entre le Québec, le Canada et le Conseil Mamuitun (pour les communautés de Mashteuiatsh, Essipit et Pessamit), et auquel s’est jointe Nutashkuan, est signée en janvier 2000. Ce document a servi de cadre pour les

129 négociations qui ont continué, et qui se sont poursuivies avec l’entente de principe rendue publique en mai 2002 et signée au 31 mars 2004. Les termes de ce projet d’entente incluaient deux types de territoires, soit Innu Assi (terres en pleine propriété), et le Nitassinan, dont le territoire « demeurera de compétence québécoise et les lois actuelles du Québec et du Canada continueront de s’y appliquer » (Secrétariat aux affaires autochtones, n.d., p. 9) mais dont certaines formes de gouvernance seraient partagées. Au moment où l’entente a été rendue publique (au printemps 2002), de nombreuses réactions et protestations ont lieu au Saguenay- Lac-St-Jean et en Côte-Nord (Salée et Lévesque, 2016). Globalement, certains eurodescendants avaient peur d’une dépossession et d’une perte de privilèges économiques (j’invite les lecteurs et lectrices à se référer à Salée et Lévesque (2016), ainsi qu’à Charest (2003, 2013) pour une lecture plus complète de la situation). Un médiateur est nommé afin de faire le tour des régions à l’automne 2002 et d’écrire un rapport sur les constats de cette tournée. De plus, des

audiences publiques ont été tenues par la Commission des Institutions de l’Assemblée

nationale du Québec en 2003. Si le projet d’entente a été signé en 2004, il demeure qu’aucun accord officiel n’a été, à ce jour de 2020, signé. Selon Salée et Lévesque (2016), il semble que le gouvernement québécois, suite aux vives réactions que ce projet a suscité, n’a pas priorisé ce projet qui dérange les logiques sociétales inhérentes à ces régions (voir particulièrement les pages 43 à 45 de cet article). Diverses ententes à la pièce ont depuis été signées avec des conseils de bandes innues et peuvent être consultées sur le site du Secrétariat aux Affaires Autochtones15.

De nos jours, la Côte-Nord est une région où les indicateurs sociaux font souvent état de taux élevés pour les problématiques étudiées. Le tableau 7.1 résume certains de ces

indicateurs. Parmi les indicateurs, notons que le taux régional pour la violence conjugale est le plus haut taux régional au Québec, celui pour les infractions sexuelles le deuxième plus élevé, et le taux de suicide le troisième plus élevé.

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Tableau 7.1

Indicateurs sociaux en Côte-Nord et pour l’ensemble du Québec

Côte-Nord Québec

Consommation excessive d’alcool chez les 18 ans et plus (2010)1 28,0% 19,6%

Taux de suicide ajusté (2014-2016)2 19/100 000 13/100 000

Taux d’infractions sexuelles (2015)3 107,5/100 000 68,9/100 000

Taux de violence conjugale (2015)4 590/100 000 269/100 000

Pourcentage des 15 ans et plus sans diplôme du secondaire (2011)1 32% 22%

Revenus d’emploi médian des 25-64 ans (2014)5 41 280$ 38 560$

Revenus d’emploi médian des hommes 25-64 ans (2014)5 53 990$ 43 430$

Revenus d’emploi médian des femmes 25-64 ans (2014)5 31 880$ 34 260$

Grossesse à l’adolescence (14-17 ans; 2014-2016)5 11,8/1000 6,8/1000

1. CISSS de la Côte-Nord, 2018b; 2. Lévesque et coll., 2019; 3. MSP, 2017a; 4. MSP, 2017b 5. CISSS de la Côte-Nord, 2018b

Le suicide touche certaines des communautés des Premières Nations de la région de manière plus importante; une enquête publique a été demandée par le ministre de la sécurité publique (MSP) en 2016 à la suite d’une vague de suicide touchant particulièrement Uashat mak Mani-Utenam. Cette enquête visait aussi à « comprendre la problématique liée au suicide dans les communautés autochtones et plus particulièrement celles d’Uashat Mak Mani-Utenam et de Kawawachikamach » (Lefrançois, 2016). Plusieurs recommandations ont été édictées par Me Lefrançois, et ces recommandations touchaient plusieurs niveaux de gouvernance. Parmi les

instances visées par les recommandations, il y avait le CISSS de la Côte-Nord, le conseil de bande d’Uashat mak Mani-Utenam, les services Uauitshitun, la sécurité publique d’Uashat mak Mani-Utenam, le CAVAC de la Côte-Nord, la nation naskapie de Kawawachikamach, et le CLSC Naskapi, mais également les gouvernements du Québec et du Canada, les ministères de sécurité publique (provincial et fédéral), et le ministère de la santé et des services sociaux. L’ampleur des instances visées, combinée à la décision de fournir des versions accessibles des résultats de cette enquête pour les Premières Nations visées (des versions de courtoisies sont disponibles en anglais et en innu), font état de la situation hautement problématique des services disponibles aux personnes des Premières Nations lors de crises suicidaires, mais démontrent que ces situations problématiques découlent d’un manque d’engagement des structures politiques bien au-delà des simples services offerts dans les communautés.

Si les informations fournies au tableau 7.1 indiquent que les revenus d’emplois médians sont plus élevés en Côte-Nord qu’au Québec, cela est en grande partie attribuable aux hauts salaires du secteur minier de la MRC Caniapiscau. Si les revenus médians d’emplois y sont de

131 80 940$ globalement, la disparité entre les genres y est frappante : le revenu médian des

femmes y est de 38 457$ alors que celui des hommes est de 120 201$ (Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord, 2018a). Le plus bas revenu d’emploi médian est en Basse-Côte-Nord, où il n’atteint pas 30 000$ pour les deux genres. En bref, le salaire moyen des femmes est plus bas qu’au Québec, et le revenu médian dans plusieurs MRC de la Côte-Nord est moindre que celui provincial (Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte- Nord, 2018b), malgré le coût élevé de la vie dans la région (Hurteau et coll., 2019).

Structures des services en protection de la jeunesse lors de la période couverte par les données

Le Centre de protection et de réadaptation de la Côte-Nord (CPRCN) était l’organisme responsable de la protection de la jeunesse en Côte-Nord, de 1996 au 31 mars 2015. Ce centre avait une mission régionale et offrait également des services en réadaptation pour jeunes en difficultés d’adaptation, de réadaptation en déficience physique et intellectuelle, et en

dépendance. De 2006 à 2014, le CPRCN a continué sa mission sous la gouverne de l’agence de la santé et des services sociaux (ASSS) de la Côte-Nord suite à l’entrée en vigueur du PL-83 (Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions

législatives). Il est, depuis le 1er avril 2015, intégré au CISSS de la Côte-Nord.

Trois grands types d’organisation pour les services en protection de la jeunesse pour les enfants des Premières Nations avaient cours en Côte-Nord, soit l’organisation pour la nation naskapie, l’organisation pour les communautés innues, et finalement, l’offre de services pour les enfants des Premières Nations résidant hors communauté.

Tout d’abord, « [e]n 1984, la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec a soustrait la nation naskapie à la Loi sur les Indiens et lui a conféré une grande autonomie administrative » (Secrétariat aux affaires autochtone, 2011, p.37). Les services pour la communauté naskapie sont financés par le système provincial, peu importe où ils et elles habitent (MSSS, 2007). Depuis 2001, cette nation possède un CLSC qui offre des services de santé et des services sociaux principalement de première ligne aux gens de la communauté de Kawawachikamach. Si

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