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Partie B : Sollicitations in situ des bétons dans un stockage profond

CSH Composé Portlandite

1.4. ZONATION DE LA PATE DE CIMENT PAR DECALCIFICATION/HYDROLYSE

Les expériences réalisées [Adenot, 1992] sur des pâtes de ciment Portland ordinaire (E/C = 0,4) plongées dans de l’eau déminéralisée à pH = 7, mettent en évidence une succession de fronts nets de dissolution/précipitation (en partant du cœur sain vers l’extérieur) délimitant des zones

à minéralogie constante, donc à caractérisation chimique constante, et donc à mêmes propriétés physiques :

• Zone 1 : marquée par la dissolution totale de la portlandite, frontière noyau sain/dégradé. Couche fine mécaniquement très fragile.

• Zone 2 : décalcification progressive des CSH. Porosité supérieure à celle de la zone 1. • Zone 3 : dissolution totale des CSH et des autres hydrates. Porosité importante. Gel de

silice contenant des traces d’oxydes de fer et d’aluminium hydratés, restes d’ettringite dissoute plus ou moins substituée en fer, proportions variables selon les compositions élémentaires du ciment.

Remarque : La zone 2 peut être subdivisée en plusieurs zones en fonction du rapport C/S des CSH qui varie avec leur décalcification progressive.

Cette zonation est présentée sur la figure I.B.6.

0,00 0,01 0,02 0,03 0,04 0,05 0,06 0,07 0,08 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 Temps (années) E p a isseu r ( m ) noyau inaltéré CSH ; ettringite ; monosulfoaluminate de calcium CSH ; ettringite CSH gel de silice

Figure I.B. 6 : Zonation de l’épaisseur dégradée de la pâte de ciment d’après Adenot. Adenot a établi un modèle de zonation de la pâte de ciment sur la notion d’équilibre local entre la solution interstitielle et les phases solides par couplage des lois d’équilibres thermodynamiques et des lois de diffusion pure. Il a démontré qu’au cours du temps la zone dégradée croît et avec elle les différentes sous zones de manière homothétique en conservant leurs caractéristiques minéralogiques. Cette modélisation a été validée expérimentalement sur des pâtes de ciment Portland ordinaire à E/C = 0,4 attaquées par de l’eau pure maintenue à

pH = 7. Les résultats sont exprimés en fonction du paramètre η = x t

2 où x désigne la

distance depuis le bord de l’échantillon en contact avec la solution agressive, t le temps de mise en lixiviation. Dans la figure suivante (figure I.B.7) illustrant la zonation selon le modèle des processus physico-chimiques de dégradation d’Adenot, η est exprimé en 10-6 mm/√semaine.

Solution a gressive Gel de silice et CSH CSH AFt AFm

CSH CSH CSH CSH AFt CSH AFt CSH AFt AFm CSH AFt AFm CSH AFt AFm η0=0 η1=3,3 η2=3,8 η3=5,0 η4=6,7 η5=7,1 η6=7,5 η7=8,7 η8=8,9 η9=10,5 η10=13,5 η11=16,1

Epaisseur dégradée

Noyau sain CSH Aft AFm CH

d’alu- mine

Figure I.B. 7 : Zonation de la pâte de ciment altérée selon le modèle d’Adenot [Adenot, 1992]. Ce découpage précis fait apparaître une zone périphérique (entre η0 et η1) constituée d’un gel d’alumine et de silice définit pour des CSH de rapport C/S < 0,85. Suit une succession de zones (η = 1 à η = 5) où le rapport C/S des CSH augmente jusqu’à 1,7 (considéré comme le rapport de CSH non décalcifiés) dues à la décalcification progressive de ces composés. Les zones entre η5 et η7 sont deux zones où le monosulfoaluminate est dissout au profit de l’ettringite. Puis, entre η7 et η11, survient une série de zones où le monosulfoaluminate se forme aux dépends de l’ettringite.

La frontière η11 définit le noyau sain où l’on retrouve de la portlandite, ce qui marque la limite de la zone dégradée.

L’identification de ces fronts confirme l’hypothèse de l’équilibre local : la solution interstitielle est à l’équilibre en tout lieu avec la phase solide.

Carde [Carde, 1996] compare des dégradations réalisées à l’eau pure et par le nitrate d’ammonium de pâtes de ciment. Il vérifie que l’augmentation de l’épaisseur dégradée dans le temps entraîne l’accroissement homothétique des zones lors de lixiviation sous eau pure et valide ce résultat pour l’altération par le nitrate d’ammonium.

Dans la suite de ses travaux, Carde ne considère que la dissolution de la portlandite et la décalcification progressive des CSH, principaux hydrates responsables des performances mécaniques, sujet de son étude, l’AFt étant de plus peu lixiviée et sur une très faible zone périphérique.

Deux zones sont alors à distinguer selon lui :

• Zone 1 : la portlandite est totalement dissoute et les CSH décalcifiés. Cette zone se redivise en plusieurs zones selon l’évolution du rapport C/S des CSH.

• Zone 2 : seule la portlandite est lixiviée, les CSH présentent un rapport C/S = 1,7, caractéristique des CSH sains.

Le rapport sain C/S = 1,7 pour la pâte de ciment Portland ordinaire est atteint selon Adenot pour la moitié de l’épaisseur dégradée. Les profils de microsonde électronique réalisés par Carde pour les deux types de traitement chimiques lors de différentes durées d’attaque (donc pour différentes épaisseurs dégradées) corroborent cette affirmation. Sur la première moitié de la zone dégradée totale, une augmentation progressive du pourcentage en calcium solide est

reliée à la dissolution totale de la portlandite et la décalcification des CSH, là où la décalcification des CSH est vraiment significative (forte variation des rapports C/S). Sur la deuxième moitié de la zone dégradée le pourcentage de calcium est à peu près constant car les variations du rapport C/S des CSH sont beaucoup plus faibles. Le pourcentage de calcium augmente brusquement jusqu’à une valeur constante, égale à la somme du calcium des CSH sains de C/S = 1,7 et de la portlandite, délimitant la zone saine.

Ceci reste vrai tant qu’un noyau inaltéré subsiste.

Les études de mortiers dégradés réalisées par Bourdette [Bourdette, 1994] et Delagrave [Delagrave, 1996] ne montrent pas d’influence de la présence de granulats sur cette zonation de l’épaisseur altérée. Le modèle établi par Adenot est donc applicable aux mortiers et bétons. Pour résumer, l’attaque de matériaux cimentaires par une eau peu chargée se caractérise par le passage total en solution de la portlandite et par la décalcification progressive des CSH, et en d’autres proportions de l’ettringite et du monosulfoaluminate. Les différentes cinétiques et constantes réactionnelles de dissolution de ces phases selon les conditions chimiques (pH, concentration ionique de la solution porale) induisent une zonation de l’épaisseur dégradée modélisée par Adenot et validée pour tous les types de matériaux cimentaires.

La progression de la dégradation chimique s’effectue par fronts avec pour moteur la diffusion : sa cinétique, proportionnelle à la racine carrée du temps, sera abordée dans le paragraphe suivant.

Cette dégradation peut donc être quantifiée par le suivi de la quantité de Ca2+ lixiviés, par l'épaisseur dégradée repérée comme le domaine où la portlandite est totalement dissoute, par la teneur résiduelle en calcium solide de la zone dégradée ou encore par la modification du cortège minéralogique du matériau. Tous ces paramètres sont utiles pour évaluer l’agressivité de la décalcification et en déduire sa cinétique, donnée temporelle permettant la prévision de l’altération dans le temps. Ils font l’objet de la thématique abordée dans le paragraphe suivant.