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Synthèse des modifications des propriétés par la décalcification/hydrolyse Tout d’abord, un test de décalcification/hydrolyse accélérée par le nitrate d’ammonium a été

mis au point : la revue de résultats d’études antérieures utilisant ce test nous a permis d’en dégager les principaux paramètres influents et de fixer des conditions opératoires afin d’obtenir des matériaux à un stade de dégradation avancée.

Ce banc d’essai a été employé pour altérer les quatre mortiers étudiés, plusieurs séries d’attaques ont été réalisées pour les matériaux à base de granulats calcaires afin d’observer la répétitivité ou les variations d’un essai à un autre.

La cinétique des attaques est évaluée par l’évolution de deux principaux indicateurs dans le temps : l’épaisseur dégradée, révélée par coloration de la zone saine par un indicateur coloré, et le flux de calcium lixivié, dosé par absorption atomique. Les mortiers ne comportant pas le même volume de pâte, les valeurs mesurées sont corrigées par cette grandeur afin d’en permettre la comparaison.

Il est apparu très difficile de maintenir un potentiel constant d’agressivité de la solution de nitrate d’ammonium d’une attaque à une autre. Les principales sources de variabilité proviennent du contrôle du pH et surtout de la fréquence des renouvellements, limitée par la gestion des effluents de tels volumes nécessaires à la dégradation d’un lot représentatif d’éprouvettes de mortier, et de la date du premier renouvellement.

Pour une longue durée entre deux renouvellements, l’avancée de l’épaisseur dégradée se trouve ralentie par la diminution des gradients de pH et de concentration. Le flux d’ions calcium lixivié étant régi par un équilibre, il tend à être constant. La diminution de la cinétique est alors contrebalancée par l’intensification de la dégradation de la matrice cimentaire.

Etant donné les divergences possibles d’un essai à un autre, il nous semble important dans un souci de lisibilité et de comparaison de résultats d’établir des recommandations pour ce test de dégradation accéléré répandu, tout au moins de spécifier les conditions opératoires lors de la présentation de valeurs ainsi obtenues.

Les pentes des évolutions des épaisseurs dégradées des mortiers à base de granulats calcaires sont proches. Si l’on tient compte des valeurs ramenées au volume de pâte, indubitablement les mortiers à base de CEM V/A se dégradent moins rapidement que le mortier à base de CEM I et du même type de granulats. Obtenir une certaine couronne dégradée de mortier à base de CEM V/A nécessite plus de temps que pour une couronne similaire de mortier à base de CEM I.

La cinétique de dégradation est liée à la diffusivité dans la zone dégradée. Les différences entre les coefficients de transfert des mortiers altérés tendent à être minimisées pour tous les mortiers, contrairement aux grandes différences à l’état sain.

C’est surtout la mise en équilibre et l’initialisation de la dégradation qui est beaucoup plus longue dans les mortiers à base de CEM V/A car peu diffusifs.

Les cinétiques d’attaque sont nettement plus faibles dans les mortiers à base de granulats siliceux que dans les mortiers à base de granulats calcaires : les équilibres chimiques Ca/Si diffèrent et modifient les gradients moteurs de la dégradation.

La comparaison des flux de calcium lixiviés pour un même liant entre les attaques de mortiers à base de granulats calcaires et siliceux établit une dégradation des granulats calcaires. Cette participation est d’autant plus importante que le calcium des hydrates de la matrice cimentaire présente des constantes de dissolution élevée.

Les flux de calcium lixiviés sont plus importants pour les dégradations de mortiers à base de CEM I. Ceci est logique puisque le ciment utilisé contient plus de calcium que le ciment à base de CEM V/A.

Pour comparer ces données, les quantités de calcium lixivié ont été ramenées à la quantité de calcium initialement présente dans les échantillons. Les matrices cimentaires des mortiers à base de CEM V/A s’avèrent être plus décalcifiée que celle des mortiers à base de CEM I. Ceci s’explique par une intensification des réactions de dégradation des espèces les moins solubles (CSH) afin de maintenir l’équilibre Casolide/Caliquide constant.

Des études par microscopie électronique nous ont permis d’obtenir des images des zones dégradées des mortiers et de confirmer une ouverture de porosité dans celles-ci.

Des profils d’éléments chimiques par microsonde électronique représentent la variation de la teneur en calcium dans la matrice résiduelle. Cette étude ne semble pas adaptée pour des états d’altération aussi avancés et des épaisseurs dégradées si importantes, et notamment dans des mortiers contenant des granulats calcaires qui viennent perturber les mesures.

Afin d’établir des profils clairs, les points d’analyse doivent être très nombreux et rapprochés et les traversées des zones dégradées multipliées. Ceci implique un travail long et laborieux. Une quantification de l’évolution de la microstructure a ensuite été réalisée par pesées hydrostatiques et intrusion de porosimétrie au mercure. La porosité accessible à l’eau augmente dans les zones dégradées de manière significative et inversement proportionnelle à la diminution de la masse volumique apparente. Ces valeurs varient beaucoup pour les mortiers à base de CEM V/A dégradés (et notamment à base de granulats siliceux), bien qu’ils ne comportent pratiquement pas d’hydroxyde de calcium, larges cristaux solubles.

Les distributions porosimétriques des zones altérées comparées à celles des matériaux sains révèlent dans le cas des mortiers à base de CEM I l’apparition d’un pic centré autour de 200-300 nm qui correspond à la dissolution de la portlandite. La multiplicité de pics centrés entre 3 et 40 nm dans les distributions porosimétriques des mortiers à base de CEM V/A relate l’ouverture de nanopores dans les hydrates suite à la décalcification des CSH.

A première vue, il n’est pas possible de relier qualitativement les modifications microstructurales en fonction des avancées des épaisseurs dégradées dans le temps : la cinétique de l’attaque ne caractérise pas totalement et intrinsèquement celle-ci puisqu’elle n’indique pas l’état d’altération obtenu.

Ces modifications microstructurales se répercutent sur les propriétés de transfert en les amplifiant.

La perméabilité à l’oxygène sensible aux macrodéfauts augmente avec la dégradation. Les perméabilités à l’oxygène des quatre mortiers sains étaient proches, mais une fois dégradés les mesures diffèrent. Les mortiers à base de CEM I sont plus perméables à l’oxygène, la dégradation ouvre effectivement un macroréseau poreux en dissolvant la portlandite.

Les mortiers à base de granulats siliceux sont les plus perméables. Ceci confirme que leur matrice est très dégradée, tout le calcium lixivié provenant de leur pâte et non pas des

granulats. L’état d’altération de ces matériaux est supérieur à celui des mortiers à base du même ciment et de granulats calcaires.

Il subsiste toujours un ordre de grandeur entre les perméabilités à l’eau des mortiers à base de CEM I et CEM V/A dégradés, comme à l’état sain.

La diffusivité sensible elle à toutes les modifications microstructurales et aux paramètres structuraux du réseau poreux augmente aussi avec la dégradation. Le coefficient de diffusion des ions chlorure augmente surtout lors de l’altération des mortiers à base de CEM V/A et des mortiers à base de granulats siliceux. A l’état sain, le mortier à base de CEM I et granulats calcaires était cinq fois plus diffusif que le mortier à base de CEM V/A et granulats calcaires. Une fois dégradés, cette différence s’estompe.

Les modifications microstructurales et de propriétés de transfert du mortier à base de CEM V/A et granulats siliceux sont particulièrement intenses. Plusieurs valeurs appuyant ce constat, une erreur de mesure semble exclue. La matrice de ce mortier serait donc particulièrement altérée (notamment puisque les granulats siliceux ne participent pas à la dégradation).

Il aurait pu être supposé que les granulats calcaires en se dégradant favorisaient l’apparition et la connexion d’interface de transition. Des chemins préférentiels de transfert auraient pu alors apparaître. Cela ne semble pas le cas à la vue des résultats de perméabilité et de diffusivité obtenus, pour cet état faible de dégradation des granulats.

Les variations dans les propriétés de transfert des zones dégradées caractérisées sont à attribuer à des états variables de décalcification, reliés à l’avancée de l’épaisseur dégradée (conditionnée par les renouvellements de solution) et aux équilibres chimiques régissant les teneurs de calcium en solution.

L’absence de granulats calcaires dans les mortiers à base de granulats siliceux intensifie la dégradation de la matrice réduisant ses propriétés de durabilité. Il en va de même avec les mortiers à base de CEM V/A qui contiennent moins de calcium.

La dégradation modifie bien la microstructure autant quantitativement (augmentation des gros pores et de la porosité totale) que qualitativement (variation de la tortuosité, constrictivité et connectivité des chemins de percolation).

Bien que les matériaux à base de CEM V/A présentent de meilleurs performances à l’état sain et que leur mise en dégradation soit plus longue due à leur faible diffusivité, une fois dégradés leurs propriétés de transfert sont équivalentes à celles de matériaux dégradés à base de ciment Portland ordinaire.

Minimiser l’impact de la dégradation sur les propriétés de transfert de matériaux cimentaires reviendrait donc à maximiser la quantité de calcium disponible dans la matrice cimentaire ? Même si chronologiquement les phénomènes d’altération sous charge de la barrière ouvragée dans le site de stockage en profondeur interviennent avant ceux de dégradation statique qui viennent d’être traités dans ce chapitre, le manuscrit ne rend pas compte de cette hiérarchisation temporelle. Nous avons préféré les aborder dans cet ordre pour bien comprendre l’effet des gradients chimiques sur la dégradation/hydrolyse avant d’aborder les

effets des gradients physiques (température et pression) qui y sont couplé dans la dégradation sous charge.

Le tableau III.B.10 récapitule les cinétiques de dégradation, les caractéristiques microstructurales et les propriétés de transfert dans les couronnes dégradées des mortiers. Les caractéristiques saines sont aussi rappelées.

La masse volumique apparente sèche ρapparente et la porosité accessible à l’eau εeau sont les valeurs obtenues par pesées hydrostatiques. La porosité mesurée par intrusion de mercure (εHg) est indiquée entre parenthèses sous la porosité accessible à l’eau.

ρ apparent sèche (kg.m-3) εeau (%) (εHg (%)) Rayon moyen des pores (nm) kgaz 0%,2.5 bar (10-17 m2) keau (10-20 m2) DeCl- (10-13 m2.s-1) Epdeg/Vpâte (mm.√j-1) Flux d’ions lixiviés/Vpâte

(mol.m-2.√j-1) Sain Dégradé Sain Dégradé Sain Dégradé Sain Dégradé Sain Dégradé Sain Dégradé

1ère série

3,66 13,11 1885 31 (26) 254,1 104 3560 162

CEM I

Calcaire 2ème série

4,19 11,89 2151 1937 19 (12) 26 (29) 37,0 289,7 5,4 130 25,9 2800 18,0 194 CEM I Siliceux 3,47 10,57 2160 1856 16(9) 25 40,3 10,3 >1.10 -14 960 21,2 180 1ère série 3,37 11,05 1840 24 (27) 61,3 169 760 79 2ème série 3,35 6,84 2025 25 (26) 58,0 257 737 43,3 CEM V/A Calcaire 3ème série 2,63 9,53 2045 1999 22 (11) 25 28,8 5,4 175 5,8 3,8 33,6 CEM V/A Siliceux 2,73 8,00 2263 1806 19 (9) 32 17,9 5,6 1240 3575 4,5 133