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Partie A : Hypothèses et protocole de dégradation

1. MISE AU POINT/ADAPTATION DU PROTOCOLE DE DECALCIFICATION ACCELEREE

1.2. INFLUENCE DE LA FREQUENCE DES RENOUVELLEMENTS

Bajza et al. [Bajza et al., 1990] remarquent une augmentation de la dégradation des pâtes de ciment, évaluée par la perte de masse des échantillons et la diminution de la résistance mécanique, lorsque la fréquence des renouvellements est accélérée. Ils en concluent que le renouvellement de la solution agressive intensifie les réactions de décalcification.

En effet, le renouvellement de la solution agressive de nitrate d’ammonium permet de maintenir les conditions initiales et donc d’avoir une cinétique d’attaque constante dans le temps et identique d’une cuve à une autre dans le cas de multiplication d’essais : la concentration en calcium doit être négligeable pour ne pas déplacer l’équilibre de dissolution des hydrates combinée au nitrate d’ammonium et pour qu’il n’y ait pas d’accumulation de calcium à l’interface solution/échantillon ou dans les pores de la couche superficielle. Ce postulat respecte l’hypothèse d’une solution agressive de composition homogène dans l’espace (infiniment diluée) et constante dans le temps (Ci = Ci,0 ; ∀t, cf. Chapitre 1, Partie B, §1.3).

La variation de concentration en calcium servira de critère pour fixer les renouvellements : la solution agressive est renouvelée avant que la concentration en calcium atteigne 0,2 mol.l-1. Leur fréquence influence directement l’avancée de la dégradation : la cinétique de l’attaque dépend des gradients en concentration de calcium.

De plus, s’il n’y a pas de renouvellements ou que ceux-ci sont trop espacés dans le temps, les limites de solubilité des hydrates peuvent être atteintes et la dissolution s’arrête.

En d’autres termes, l’homogénéité en concentration des espèces chimiques, agressives comme lixiviées, est un facteur prépondérant pour notre étude afin d’obtenir une cinétique d’attaque des échantillons semblable en tout point des surfaces exposées.

Une agitation se révèle primordiale : Le Bellégo [Le Bellégo, 2001] a mis en avant le manque d’agitation comme facteur ralentissant la cinétique de dégradation pour des échantillons immergés dans du nitrate d’ammonium.

Pour finir, des effets de bords peuvent être induits par les parois des bacs et établir des gradients de concentration : les échantillons seront placés sur un porte-échantillon le plus ajouré possible pour baigner au cœur de la solution. Dans la mesure du possible, les échantillons sont maintenus à une distance de 5 cm des autres échantillons et de la paroi pour ne pas perturber les phénomènes mis en jeu dans la dégradation. Un écartement supérieur des échantillons obligerait à surdimensionner les cuves de dégradation et à utiliser des volumes de solution agressive trop importants, les éprouvettes devant être totalement immergées sachant que la plus grande mesure 22 cm de hauteur.

Nos choix : renouvellement fréquents, agitation pour homogénéiser la solution, limitation des effets de parois.

Solution expérimentale retenue : bullage d’un gaz inerte, azote, pour homogénéisation, porte- échantillons ajourés loin des parois des cuves et échantillons écartés les uns des autres.

1.3. INFLUENCE DU pH

Selon les équations régissant le phénomène de décalcification/hydrolyse, l’abaissement du pH accélère les réactions chimiques de dissolution des hydrates qui libèrent des hydroxyles, ce qui a pour conséquence une augmentation du terme Ci,l qui représentela concentration dans le matériau poreux (cf. Chapitre I, Partie B, §1.3.).

Matériaux pH Epaisseur dégradée Référence 13 Pas de variation détectée après 36 mois

11,5 1200 µm après 36 mois Pâte CEM I

E/C = 0,37

4,6 1800 µm après 24 mois

13 Pas de variation détectée après 36 mois 11,5 700 µm après 36 mois

Pâte CEM V/A E/C = 0,39 4,6 1500 µm après 24 mois [Revertegat et al., 1992] 11,5 1,91 mm après 8,5 mois 8,5 1,40 mm après 2,8 mois Pâte CEM I E/C = 0,38 4,5 1,43 mm après 2,8 mois 11,5 0,61 mm après 8,5 mois 8,5 0,58 après 4,5 mois Pâte CEM V/A

E/C = 0,38

4,5 0,67 après 4,5 mois

[Adenot et al., 1996]

Tableau III.A. 1: Variation de l’épaisseur dégradée avec le pH de la solution lixiviante. Revertegat et al. [Revertegat et al., 1992] et plus tard Adenot et al. [Adenot et al., 1996] observent l’influence du pH d’une solution d’eau faiblement ionisée sur la lixiviation de pâtes de ciment (tableau III.A.1.). Leurs résultats établissent que la diminution du pH de la solution lixiviante augmente l’épaisseur dégradée de matériaux cimentaires contenant ou non des additions minérales. La décalcification/hydrolyse est d’autant plus importante que les

gradients physico-chimiques (∆concentration, ∆pH, etc.) sont importants entre le matériau et la solution agressive.

Pour un pH voisin de celui de la solution interstitielle (pH ≈ 13), aucune décalcification n’est détectée car la solution porale du matériau est à l’équilibre avec la solution extérieure : il n’y a pas d’évolution chimique.

L’examen de ces résultats (tableau III.A.1) souligne l’influence des conditions opératoires sur la cinétique de dégradation : les pâtes de ciment utilisées par les deux auteurs sont très similaires pourtant les vitesses des dégradations varient : dans le cas de la pâte de CEM I altérée à pH = 11,5, Revertegat et al. mesurent une épaisseur dégradée de 1200 µm après 24 mois, soit une cinétique de 45.10-3 mm.√j-1, alors qu’Adenot et al. détectent une épaisseur de 1910 µm après 8,5 mois correspondant à une cinétique de 120.10-3 mm.√j-1.

Dans le premier essai, les échantillons sont placés dans des bacs contenant une solution agressive non renouvelée, le rapport S/V est de 5,7 m-1. Dans la deuxième expérience, la composition de la solution agressive est maintenue constante par circulation sur des résines échangeuses d’ions, ce qui accentue l’intensité de l’attaque.

Les écarts entre les résultats des deux études s’amplifient quand, à l’action de l’eau pure, vient se coupler les déséquilibres chimiques dus à la différence de pH entre la solution porale et agressive.

Une régulation du pH à une valeur inférieure à celle du pH de la solution porale permet de maintenir le potentiel agressif de la solution : plus l’écart entre le pH de la solution porale et de la solution agressive est grand, plus la dégradation est intense. La valeur de consigne ne doit pourtant pas être trop basse pour empêcher une attaque trop virulente en surface des échantillons et le recul de l’interface solution/échantillon, ni induire des réactions parasites à celles de dissolution des hydrates (formation de phases inconnues dans la lixiviation simple). En outre, une régulation à un pH trop bas impliquerait de grands volumes d’ajouts d’acide qui pourraient à la longue modifier le rapport S/V, ou encore l’utilisation d’acide trop concentré donc corrosif et dangereux.

Pour finir, le contre ion de l’acide fort choisi ne doit pas interagir avec la matrice cimentaire pour former par exemple des espèces expansives, ni avec les ions lixiviés, ce qui modifierait la phénoménologie de l’attaque de décalcification/hydrolyse accélérée.

Il est à remarquer qu’un pH d’une solution se définit d’après sa concentration en ions oxonium. Dans le cas d’une solution de nitrate d’ammonium concentrée à 6 mol.kg-1, les concentrations ne sont plus assimilables aux affinités ioniques, l’activité chimique est donc à prendre en compte comme correction dans le calcul du pH (cf. Annexe 1).

Les électrodes utilisées n’étant pas adaptées à la mesure dans des solutions qui s’apparentent à des sels fondus et leur étalonnage étant réalisé avec des solutions tampons infiniment diluées, la valeur du pH lue sera différente de celle du pH réel. L’erreur commise pouvant être supposée constante, la régulation s’effectuera à un pH apparent pH* légèrement plus bas que le pH réel.

La notion de pH est elle-même discutable dans des solutions fortement concentrées.

Notre choix : régulation à pH* = 7,0 ± 0,5 (sensibilité de détection de l’électrode combinée). Solution expérimentale retenue : utilisation d’une électrode pH combinée plongée en permanence dans la solution et reliée à une pompe péristaltique injectant de l’acide nitrique concentré à 1 mol.l-1. Réétalonnage des électrodes à chaque renouvellement pour éviter les dérives du pH d’étalonnage dans le temps.