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CEM I Siliceux 1,43 CEM V/A Siliceux 1,

2. DISCUSSION SUR LES CONDITIONS OPERATOIRES ET LEUR IMPACT SUR LA DEGRADATION

Tout d’abord, nous avons rencontré des problèmes pratiques durant cet essai de dégradation accéléré par le nitrate d’ammonium.

Après quelques semaines de mise en dégradation nous avons observé des cristaux blancs fleurissant au niveau des joints des cuves dont l’étanchéité avait pourtant été éprouvée par le fabriquant avec de l’eau sous pression. La solution de nitrate d’ammonium est très concentrée, de ce fait, des ions ammonium et nitrate migrent vers l’extérieur de la cuve par les joints. A l’extérieur, au contact de l’air des cristaux de nitrate d’ammonium se forment. Cette fuite n’a que peu de conséquences sur la concentration de la solution agressive, puisqu’elle est minime et la solution fréquemment renouvelée, mais pose des problèmes d’hygiène et de sécurité. La dégradation des joints n’est pas en cause car l’étanchéité des cuves a été testée à nouveau après qu’une série de dégradations ait été menée.

Le thermoplongeur utilisé pour réguler la température est en laiton. Son immersion prolongée dans le milieu agressif a mené à sa détérioration, constatée par la formation de cristaux bleus à l’extérieur de la cuve sur la partie externe du thermoplongeur. Après analyse, ces cristaux s’avèrent être du nitrate de cuivre, le cuivre provenant du laiton de la résistance chauffante. La présence en traces de cuivre II dans la solution ne modifie pas son pouvoir agressif ni la phénoménologie des équilibres chimiques, le cuivre n’interagit pas avec les ions lixiviés et la matrice cimentaire. Elle modifie tout au plus la force ionique. En revanche, l’attaque de la résistance provoque des fuites de la solution de nitrate d’ammonium à l’interface entre celle-ci et la cuve, et la pénétration de ce corps dans le dispositif électrique du thermoplongeur est potentiellement dangereuse.

Le bullage d’azote et la thermorégulation doivent être surveillés attentivement : la chauffe de la résistance est puissante et la sonde de température assez éloignée du thermoplongeur. Si l’augmentation de température n’est pas rapidement détectée par la sonde, ce qui implique une homogénéisation par le bullage efficace, la commande de chauffe perdure. La température localement peut atteindre des valeurs élevées (40°C). En plus de modifier la cinétique d’altération des mortiers, l’élévation de température de la solution de nitrate d’ammonium pose des problèmes de stabilité de ce fluide et augmente l’émanation d’ammoniac, gaz nocif.

Le dernier problème rencontré est celui de la régulation du pH* : il existe une zone tampon aux alentours de pH* = 7 dans la solution de nitrate d’ammonium. L’injection d’acide nitrique se déclenche lorsque le pH* mesuré par l’électrode dépasse le point de consigne et continue jusqu’à ce que le pH* diminue à cette valeur. Il existe pourtant un décalage puisque les réactions de neutralisation ne sont pas tout à fait instantanées. Le volume d’acide injecté est alors en excès par rapport à celui nécessaire et quelques millilitres de trop peuvent abaisser localement le pH* hors de la zone tampon et conduire à des valeurs très basses (2 ou 3) qui modifient la dégradation. L’injection d’acide doit être lente (petits volumes d’acide successivement introduits) et réalisée sous bullage.

La plupart des problèmes rencontrés sont inhérents à l’important volume de solution qui a dû être employé. Cette forte contrainte est liée à la fois au fait que le volume de mortier à dégrader est grand puisque l’épaisseur dégradée doit être significative, mais aussi au fait que les éprouvettes doivent être altérées simultanément afin que les différents tests (microstructuraux, physiques, etc.) caractérisent un même état d’altération.

Malgré les précautions prises pour maintenir une attaque homogène d’un renouvellement à un autre pour l’attaque d’un même matériau, d’une série à une autre ou encore entre les attaques des divers mortiers, certaines différences entre les cinétiques de dégradation ne peuvent être imputables qu’aux conditions expérimentales.

Par exemple, les deux séries de dégradation des mortiers à base de CEM I et granulats calcaires dont l’évolution de l’épaisseur dégradée en fonction du temps est rappelée à la figure suivante (figure III.B.19). A la première échéance, pour la série 1 l’épaisseur dégradée est de 4,2 mm après 8 jours de d’attaque alors qu’elle est de 3,8 mm pour la série 2 après 30 jours d’attaque. L’état de dégradation n’est pourtant pas le même dans les deux séries car la quantité de calcium lixiviée indique que dans le mortier 1 la couronne dégradée présente un taux de décalcification de 42% alors qu’il est de 61% dans le mortier de la deuxième série. La dégradation est plus intense dans la série 2 mais son avancée plus lente lors de la première échéance.

Le même commentaire peut être fait pour la deuxième échéance de la série 2 et la sixième de la série 1. En espaçant les renouvellements comme cela a été fait dans la série 2, l’avancée du front de dégradation est plus lente, contrebalancée par une décalcification de la matrice plus intense ce qui se justifie par la constance du flux de calcium lixivié selon les équations d’équilibre. Mais l’espacement des renouvellements permet aussi d’atteindre des profondeurs dégradées plus importantes. Ce « retard » dans l’avancée de l’épaisseur dégradée est traduit dans la série 2 par une ordonnée à l’origine de la courbe d’évolution importante.

y1 = 1,72x - 0,7 R2 = 0,996 y2 = 1,97x - 7,9 R2 = 0,981 0 5 10 15 20 25 0 5 10 15 20

Durée d'attaque (jour1/2)

E p ai ss eur dégr ad ée ( m m )

CEM I c 1ère série CEM I c 2ème série

Figure III.B. 19 : Influence du premier renouvellement sur la dégradation. Mortier à base de CEM I calcaire, série 1 et 2.

En plus de l’influence de la date du premier renouvellement, en second ordre la maturité des matériaux pourrait être mise en cause comme cela a déjà été évoquée précédemment (cf. § 1.2.2).

En observant les flux de calcium lixiviés en fonction de la racine carrée du temps, on s’aperçoit que les courbes ne sont pas tout à fait des droites : certains sauts de pente sont visibles, ils correspondent aux renouvellements de la solution agressive. Nos renouvellements ne sont donc peut être pas assez fréquents pour maintenir un potentiel agressif constant.

Pour finir, les caractérisations des mortiers à l’état sain établissent une diffusivité plus importante pour les mortiers à base de granulats siliceux comparée à celle des mortiers à base de granulats calcaires, ce qui laisserait supposer que la décalcification des ces matériaux serait plus rapide. Ceci n’est pourtant pas le cas.

Puisque la cinétique d’attaque est contrôlée par la diffusivité en zone dégradée, il faut comparer l’état d’altération des matrices cimentaires des matériaux. Il est difficile de conclure en comparant les taux de décalcification (figure III.B.18) puisque le dosage du calcium en solution ne permet pas de différencier le calcium issu de la dégradation des granulats calcaires. La caractérisation microstructurale de la zone dégradée pourra éclairer ce point. En plus des problèmes de transfert dans la zone dégradée, l’aspect chimique par le biais du rapport Ca/Si qui pilote l’équilibre de solubilité du calcium de la matrice cimentaire est à évoquer.

Bien que la décalcification/hydrolyse accélérée par le nitrate d’ammonium soit une expérimentation assez courante, aucune norme ou recommandations quant à sa conduite ne sont fixées. Ceci est à notre sens à déplorer : nous avons pu observer l’important effet de la variation de quelques simples paramètres sur les cinétiques et potentiels d’attaque des matériaux cimentaires. Les divers résultats ainsi obtenus par la communauté scientifique ne sont donc pas facilement comparables et transposables sans une harmonisation de l’essai.

Afin d’en améliorer l’homogénéité, nous émettons quelques propositions à la vue de la comparaison de nos essais :

• Concentration de la solution agressive de nitrate d’ammonium : [NH4NO3]=6mol.kg-1. • Rapport S/V maintenu constant à 10 m-1.

• Maintien de la solution sous atmosphère inerte par bullage d’azote.

• Homogénéisation permanente de la solution, éprouvettes placées sur un porte- échantillon, écartées d’au moins 5 cm.

• Régulation de la température à 25°C.

• Maintien du pH à 7 par injection d’acide nitrique [HNO3] = 1 mol.l-1, ainsi que l’enregistrement dans le temps des volumes d’acide injectés pour permettre le calcul du flux d’hydroxyles, et par là de calcium, lixivié.

Renouvellement de la solution agressive lorsqu’une la solution agressive atteint une certaine quantité d’ions lixiviés ramenée à la surface totale d’échantillons offerte à l’attaque. Ceci n’est valide que dans le cas ou des expérimentations sont répétées pour un même matériau. En effet, si cette concentration limite est maintenue constante pour des matériaux à base de divers ciments, cela va augmenter artificiellement la décalcification des pâtes qui contiennent moins de portlandite et fausser les comparaisons.

Si l’établissement d’un test normalisé n’est pas encore réalisé, il serait intéressant a minima que les auteurs détaillent dans leurs travaux portant sur ce type de dégradation les conditions expérimentales les plus influentes pour évaluer le potentiel d’agressivité du test réalisé. Les paramètres qui semblent les plus influencer le test de décalcification accélérée sont : le pH, la température, la concentration de la solution agressive et la fréquence de ses renouvellements.

Après avoir évalué et comparé la cinétique de dégradation des mortiers, les effets de la dégradation sur les matrices cimentaires des mortiers vont être caractérisés, tout d’abord en termes de microstructure puis de modification des propriétés de transfert.

3. CARACTERISATION MICROSTRUCTURALE DE LA ZONE