L’ENQUÊTE DÉMOGRAPHIQUE
I. PRINCIPAUX TYPES D’ENQUÊTES
1. Vue d’ensemble
Les données d’état sont fournies, comme pour les recensements,
par
des questions relatives à la situation actuelle de l’individu : âge, état matrimonial ..., ou à sa situation au cours d’une périodedéfi-
nie (e avez-vous exercé une activité au cours
de
la semaine précédant l’enquête?
D).Les
donnéesde
mouvement sont obtenues par des questions rela- tives à l’histoirede
l’individu :-
soit pour déceler des changements d’état, avec ou sans indi- cationde
la date du changement( .
quelle était votre dernière rési- dence?
D, puis éventuellement,.
quand avez-vous changé de rési- dence pour venir habiter ici?
D) ;-
soit pour enregistrer des événements qui se sont produits au cours d’une période déterminée (par exemple les naissances des douze derniers mois) ou au cours de la viede
l’individu : ce sont les bio- graphies (génésiques, matrimoniales.. .).
questions rétrospectives B auxquelles la personne enquêtée répond en se fiant à sa mémoire. Les défauts
de
ce type d’approche ont conduit à mettre au point d’autres méthodes, nou- velles ou complémentaires, dont les principales sont : l’enquête àpas-
sages répétés(EPR)
et la double collecte.I1
s’agit là de2, Enquête rétrospective
Comme on vient
de
le voir, dans ce type d’enquête, les person- nesde
I’échantillon sont interrogées sur leur passé démographique.Les
enquêtes rétrospectives sont également dites I à passage unique >>car l’enquêteur n’interroge qu’une seule fois chaque individu
de 1’
échantillon.a) Questions sur Zes douze derniers mois
L’idée
qui préside à la mise en Oeuvrede
cette méthode est sim- ple : l’enquête permetde
disposer d’une << populationde
référence p,celle
de
l’échantillon, dont on connaît l’effectif et certaines caracté- ristiques (en particulier sa répartition par sexe et âge) ; cette popu- lation a connu au cours des douze mois précédant le passagede
l’enquêteur des événements (naissances et décès) ; la connaissancede
ces événements permettra
de
calculer, pour l’échantillon, les indica- teurs classiques du mouvement naturel : taux brutsde
natalité etde
mortalité, tauxde
mortalité par sexe et âge, tauxde
féconditépar
âge (ces taux sont définis au chapitre X). En fait, ces taux sont un peu particuliers, car ils ne se rapportentpas
à une même périodede
référence délimitée entre deux dates données : ils se rapportent à une période s mobile D,de
même durée (douze mois) mais se situant différemment dans le temps selon la datede
l’interrogatoire.De
façon plus précise, on procèdede
la manière suivante : - pour les naissances, on demande à toutes les femmesde
I’échantillon ayant atteint un certain âge (le plus souvent,il
s’agirade
femmes de 12 ans et plus) si elles ont eu une (ou plusieurs) nais- sance(s) vivante(s) au cours des douze derniers mois et, en casde
réponse positive, on note certaines caractéristiquesde
la naissance (date, sexede
l’enfant, sa survie...)
;-
pour les décès, on demande à tous les chefsde
ménage s’il y a eu un (ou plusieurs) décès dans le ménage au cours des douze derniers mois et, en casde
réponse positive, on note certaines carac- téristiques du décès (date, sexe et âge du décédé...).L’expérience montre que les résultats tirés
de
cette approche sont le plus souvent entachés d’erreurs :-
erreur dans l’appréciation par la personne interrogéede
la période des douze derniers mois, qui peut être dans son esprit : soit raccourcie, et dans ce cas, des événements qui auraient dû être déclarés ne le sont pas parce que la personne pensede
bonne foi que l’évé- nement s’est produit avant le début de la période ; soit allongée, et dans ce cas, des événements qui n’auraient pas dû être déclarés car trop anciens le sont à tort ; ces erreurs d’appréciation constituent ce que l’on appelle l’effet télescopique ;-
omission d’événements :il
peut s’agir d’omission involontaire due à une mauvaise compréhensionde
la question par la personne interrogée, ou de dissimulation délibérée :enfant né-vivant mais qui n’a pas encore été s baptisé D ou qui n’a pas encore reçu de nom, et qui, de ce fait et
de
bonne foi, n’est pas déclaré,naissance suivie très rapidement d’un décès : dans ce cas, les deux événements, naissance et décès, peuvent échapper à l’observation,
décès non déclaré car les règles coutumières interdisent d’en parler ou
de
nommer la personne décédée,il
peut s’agir enfin d’omission due simplement au fait que le ménage dans lequel s’est produit I’événement a disparu : émigration hors du champde
l’enquête, ou tout simplement décès d’une per- sonne vivant seule,-
inclusion, à tort, dans les déclarationsde
naissances, d’avor- tements ou d’enfants mort-nés.L’ENQUÊTE DÉMOGRAPHIQUE 53 L’importance de ces erreurs incite
de
plus en plus les démogra- phes à abandonner ce typede
questions.b)
Questions sur Za vie ge’ne3ìque des f e m m e sL’idée
est icide
chercher à connaître le nombre d’enfants nés- vivants mis au mondepar
chaque femmede
l’échantillon.Ce
ren- seignement permet alorsde
calculer, pour chaque groupe d’âge quin- quennalde
femmes, le nombre moyen d’enfants nés-vivants,indi-
cateurde
Ia fécondité.En fait, l’expérience montre que la simple question sur le nom-
bre
d’enfants nés-vivants fournit généralement des réponses entachées d’erreurs : le plus souvent,il
s’agit d’omissions, en particulier chez les femmes âgées ; ces omissions concernent fréquemment des enfants décédés peude
temps après leur naissance.O n peut alors penser à poser des questions un peu plus précises, par exemple en demandant à la femme les nombres
de
garsons etde
filles qu’elle a mis au monde, ou les nombresde
ses enfants qui vivent avec elle dans le ménage, qui vivent ailleurs, et qui sont décé- dés ; les deux renseignements peuvent être croisés.Le
questionnaire devenant plus complet, on peut alors déciderde
nepas
se contenter de demander des nombres d’enfants, mais de dres- ser la liste nominative des enfants nés-vivants de la femme.Si
cette liste est complétée par les datesde
naissance des enfants, leur sexe, leur date éventuellede
décès, on aboutit à un <( questionnaire femme Btrès complet qui fournit une description
de
la vie génésiquede
la femme. Les renseignements obtenus seront encore plus précis si l’enquêteur note aussi l’histoire matrimonialede
la femme, ainsi que ses éventuelles grossesses s’étant terminées par une fausse couche ou par un mort-né. O n a reproduit ci-après un exemplede
questionnaire (figure 1II.a) :il
s’agit, en fait,de
la partie du questionnaire utilisé lorsde 1’EDS
du Togo (1988), relative à la vie génésique.I1
faut enfin signaler que la connaissancede
la survie des enfants, non seulement fournit une description plus précise de la vie génési- quede
la femme, mais permet aussi une approchede
la mortalité : on calcule la proportion des enfants décédés par groupe d’âge quin- quennal des femmes ; ces proportions sont ensuite transformées par diverses méthodes en quotientsde
mortalité entre la naissance et un âge exact. C’est William Brass qui, le premier, a suggéré une telle transformation (Brass, 1968).c) Autres questions
D’autres questions peuvent être posées, plus simples, donc sus- ceptibles
de
générer des réponses moins entachées d’erreurs.Ce
sontles questions sur la survie des parents (votre père est-il encore en vie
?
votre mère?)
pour estimer, par des techniques indirectes la morta- lité des adultes ; ou des questions sur la survie des sœurs pour appré- hender ia mortalité maternelle.3. Enquête à passages répétés
Ce
type d’enquête vise à supprimer les erreurs des enquêtes rétros- pectives (omissions d’événements, mauvaise appréciationde
la période des douze derniers mois) :il
s’agitde
mieux cerner la périodede
référence en l’encadrant par deux interrogatoires. Au cours d’un pre- mier passage, on dresse l’inventaire initial
de
la population de I’échan- tillon. Puis, lors des passages successifs, on note les événements (nais- sances, décès, arrivées, départs, mariages...)
survenus dans le ménage depuis le passage précédent. L’amélioration apportée par cette tech- nique est évidente : les risques d’erreur sont réduits dufait
que l’on connaît la situation du ménage lors du passage précédent. Toutefois plusieurs problèmes se posent, notamment :- il
faut décider si l’enquêteur dispose du questionnaire rempli lors du passage précédent : on parle alors d’obsen-ation suivie etde
passages dépendants ; ou si l’enquêteur procède comme lors d’une enquête retrospective (passages indépendants), les vérifications sefai-
sant a posteriori ;-
il
faut déterminer la duréede
l’intervalle entre deux passages successifs : on a tout intérêt à la réduire (3 ou4
mois), mais le coûtde
l’opération s’en trouve augmenté. O n recommande généralement un intervallede 6
mois. Les omissionsde
déclarationde
naissances suiviesde
décès peuvent être réduites en posant à chaque passage des questions sur les grossesses ;- la durée totale
de
l’observation doitde
toute façon être d’au moins une année, du fait des variations saisonnières. Avec des inter- vallesde
6 mois, cela nécessite donc au moins 3 passages (y compris l’inventaire initial) ;-
I’échantillon sera constitué sur la base d’un sondage aréolaire (voir chapitre VI). En effet, pour des raisons évidentesde
coût et d’organisation,il
n’est pas questionde
chercher à suivre les person- nes ayant quitté les ménages enquêtés lors du premier passage.I1
y aura donc une déperdition du nombrede
personnes effectivement suivies.Ces
enquêtes posent finalement des problèmes particuliers(défi-
nitionde
la population de référence, exploitation, analyse), même si la qualitéde
l’observation est meilleure qu’avec une enquête rétros- pective. O n a utilisé cette méthode d’enquête en Afrique soit pour des enquêtes nationales (Tunisie 1968-69, Algérie 1969-70, SénégalL'ENQUÊTE DÉMOGRAPHIQUE 55
Figure 1II.a - Tableau synoptique de l'historique des naissances.
Questionnaire individuel. Enquête démographique et de santé au Togo (1988)
1970-71, Côte d’Ivoire 1978-79), soit pour des observatoires
de
popu- lation : on peut citer ici celui du Sine-Saloum, au Sénégal, avec au moins un passage annuel depuis 1962, l’observation se poursuivant encore aujourd’hui.4.
Enquête renouveléeLe
principe d’une enquête renouvelée estde
réutiliser, plusieurs années après, un échantillon enquêté lors d’une première observation.Contrairement à l’enquête à passages répétés, le 2‘ passage (voire les suivants) n’est
pas
prévu initialement et intervient souvent au bout d’une période très longue.C’est
ainsi que l’enquête sur les mouve- mentsde
population en Haute-Volta (Burkina) réalisée en 1973 cons- titue en fait un deuxième passagede
l’enquêtede
1960-61.L’intérêt
de
ce type d’enquête estde
réduire les risques d’omis- sions d’absents ou d’émigrés dans la mesure où l’on disposede
l’inventaire initial et d’obtenir une tendance moyenne sur un inter- valle assez grand pour les mouvements migratoires aussi bien que pour la natalité et la mortalité. L’effet conjoncturel est ainsi éliminé.Lors
de
l’enquête men& en Haute-Volta en 1973, on a classé les individus enquêtés en 1960-61 selon leur situation observée en 1973 : résident (présent ou absent), émigré ou décédé. L’expérience a montré que les individus dont le devenir était inconnu 12 ans plus tard étaient peu nombreux : ils ne constituent que 1 % des cas, aux- quelsil
faut toutefois ajouter les casde
ménages entiers au devenir inconnu (nomades, fonctionnaires mutés...).
5. Double collecte
C’est
une technique fondée sur une estimation des omissions (for- mulede
Chandra-Sekar et Deming) lorsque l’on disposede
deux observations indépendantes se rapportant à la même population au cours de la même périodede
temps. Appelons a le nombre d’évé- nements (naissances ou décès), enregistrés à la fois par la première source et par la seconde,b
et c ceux des événements notés par une seule source, respectivement la première et la seconde. Sous réserve de l’indépendance des deux enregistrements, on montre que l’on peut estimer le nombre x des événements omispar
les deux sources par la formule :L’ENQUÊTE DÉMOGRAPHIQUE 57 Cette méthode est délicate à appliquer :
il
faut en effet assurer l’indépendance des deux sources, veiller à l’identité des deux champs spatiaux et temporels, et ne pas faire d’erreur dans la répartition des événements entre les trois catégories a,b
et c.Les sources utilisées peuvent être des enquêtes rétrospectives, des enquêtes à passages répétés ou l’état civil.
6.
Système d’observation et technique d’enquêteUne même opération, c’est-à-dire un système d’observation, peut faire appel à plusieurs techniques d’enquête.
Par
exemple, dans une enquête à passages répétés, on peut au cours du premier passage poser des questions sur les événements des douze derniers mois ou sur la vie génésique des femmes.De
même, lors d’une enquête (à un ou plusieurs passages),il
est possible, sur une partie de l’échantillon, de mettre en œuvre une double collecte, avec l’état civil ou un systèmede
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Sainte-Hélène Sénégal Seychelles Sierra Leone Somalie Soudan Swaziland Tanzanie Tchad Togo Tunisie