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Les voies intra-urbaines

1.3 La période coloniale (1830 – 1962) : l’ordre militaire et commercial fabrique la ville

1.3.5 Les voies intra-urbaines

a) La desserte des habitants et du commerce

La ville coloniale devrait assurer d’une part, l’accès quotidien des habitants aux activités et, d’autre part, l’approvisionnement des commerces en marchandises provenant essentiellement du port et de la Mitidja. Le plan haussmannien de la ville coloniale présentant un urbanisme en damier, géométrique et parallèle à la mer s’articulait parfaitement avec le plan du port.

Chronologiquement, les travaux des voiries intra-urbaines furent liés à l’agrandissement du port. Les premiers travaux de démolition et de construction ne suivaient aucun plan d’alignement jusqu’à à la discussion de l’outil « Plan d’Urbanisme » de 1948. Il avait permis l’ouverture de la ville en longueur et en hauteur, malgré la topographie particulière. Les mesures économiques avaient imposé des voies modernes mais très étroites, ceci a été accompagné d’un système de transport plus rapide et spatialement plus flexible. Les progrès de l’industrie dans les domaines du transport, commerce et agriculture entrainèrent la multiplication des voiries.

De 1830 jusqu’en 1945, tous les travaux routiers avaient confirmé la volonté de la conquête du Sud. L’ouverture des percées44 était effectuée à partir du premier lieu de rassemblement « la place du Gouvernement », modifiant ainsi l’utilisation d’espace dont les effets se font encore sentir jusqu’à présent (voir figure N°30).

Figure 30 Les voies intra-urbaines principales

44Selon Lespes, en 1880, la surface de la voirie intra-muros avait été estimée à environ 27 hectares, pour une

superficie de 160, soit une proportion de 16 %. Plus de 40 voies, 150 rues et boulevards avaient été aménagés, les rues urbaines les plus importantes mesuraient entre 6m et 9m (Harouche 1987, p.51), tandis que les grands boulevards mesuraient 32 mètres.

Les premiers aménagements de voiries avaient répondu aux besoins de la ville-centre qui nécessitait l’accès aux équipements de proximité : les magasins, la préfecture, le théâtre, la Grande Poste…etc. De là, l’agrandissement et l’embellissement de la ville reposaient essentiellement sur les voiries urbaines dont la trame était régulière et géométrique. Les routes se dessinaient au fur et à mesure que la ville d'Alger s'étendait vers le Sud et vers l’Est. Cependant, les quartiers construits en pente rencontraient un grand problème de desserte.

L’approvisionnement en marchandises destinées à la ville arrivait du côté de la porte BabAzzoun pour atteindre les quartiers les plus commerçants d’Alger. C’était entre les quartiers d’Isly, la Lyre, place duGouvernement et du faubourg BabAzzoun qu’aboutissaient les convois de ravitaillement de toute la ville. Le rattachement de la rue BabAzzoun à celle de la Marine avait bien assuré l’écoulement des marchandises depuis le port vers la ville. Le transport était effectué en grande partie au moyen de bêtes de somme ou à dos d’homme. Les abords de cette porte avaient été dégagés pour créer des places accessibles aux chariots, les placesGaramantes et Bournou.

Les anciennes artères qui reliaient BabAzzoun et Bab El Oued étaient renforcées par les rues de Chartres et des Consuls. Par la suite, l’ouverture des rues de la Marine, Michelet, Baudin, Charras, Richelieu avait permis le rassemblement des boutiques commerciales urbaines et des ateliers familiaux organisés par spécialité. Ces rues étaient les premières à être classées comme grandes voiries. L’aménagement d’autres rues principales comme les rues d’Isly, Tanger, du Carrefour, du Hamma, Poudrière, Mogador, a permis de desservir la vieille ville, car la population algéroise réclamait des relations faciles avec la cité-mère et la mer (Lespes 1925, p.373).

b) La desserte des zones militaires

Les travaux d’aménagement dans la ville d’Alger répondaient surtout aux besoins militaires. Les questions relatives à l'urbanisme devaient être soumises à des commissions multiples en

attendant la décision suprême du Ministre de la Guerre (Lespes 1925, p.196). La première installation des troupes militaires françaises se fit dans la ville indigène. L’enceinte de la Casbah, les maisons voisines du rempart, les batteries, les forts, les mosquées (ou autres édifices religieux), les fermes de l’Agha, le palais d’été du Pacha… avaient été reconvertis aux premières servitudes militaires. Toute l’ancienne ville turque a été redéveloppée comme place forte et ville en défense. Au fur et à mesure de l’agrandissement de la ville, les troupes de l’armée avaient besoin des voies commodes et des places dégagées. Les exigences des militaires et leurs intérêts avaient conduit

rapidement à un espace fortement maillé et contrôlé. La conception axée sur une trame adaptée à la voie militaire conditionna la réglementation de l’agrandissement et l’embellissement de la ville. Le système de hiérarchisation fonctionnelle des voiries était une règle du génie militaire. Les voies menant vers cet ensemble formaient une ceinture autour des zones les plus compactes en construction et en peuplement. L’accès aux Etats-Majors et aux différents bâtiments militaires fut assuré par les premières percées qui avaient servi au développement de la ville.

Les quartiers militaires qui occupaient les parties hautes et le Sud-Est définissaient les limites du territoire communal. Leurs emplacements défendaient et protégeaient la ville civile coloniale. Ces fortifications avaient une superficie importante45 et dessinaient un polygone autour de l’agglomération. Malgré la difficulté de la topographie, une fois qu’on avait attient ces fortifications, le passage et les relations suburbaines étaient plus facilement assurés par les routes interurbaines (voir figure N°31).

45Selon Lespes : 182 ha étaient aménagés pour les domaines militaires existants et 166ha pour les servitudes

Les routes interurbaines qui menaient vers les premières fortifications militaires près du port étaient les anciennes artères, rues deBabAzzoun, Bab El Oued, et de la Marine. L’accès des charriots militaires depuis le port devait être assuré. La placed’Arme fut créée pour devenir le carrefour de tous les projets d’occupation militaire (Lespes 1925, p.206). Cette place a pu satisfaire les besoins logistiques en se reliant aux boulevards militaires : Chartres, Richelieu, des Consuls, de la Victoire, places de Chartres, de l’Evêché, Mahon, esplanade Bab El Oued, rampe Rovigo et Vallée, la République. Ce dernier boulevard constituait le principal axe d’Alger.

Plusieurs axes routiers (deConstantine, Tanger, la Lyre, du Carrefour et d’Isly) permettaient d’atteindre les fortifications situées sur les hauteurs. Toutefois, le faubourg Mustapha avec son quartier Champ de Manœuvres avait été anarchiquement développé (Harouche 1987, p.52).

Enfin, au moment du centenaire de l’occupation, la ville d’Alger devant être la vitrine de l’empire colonial, se devait d’être prête pour les grandes festivités. Elle bénéficia à cette occasion d’autres prolongements routiers.

c) Les modes de transports

Les voies principales qualifiées de maîtresses avaient assuré une triple fonction : transport des piétons, transport des voyageurs et transport des marchandises. Alger fut desservie très tôt par les transports urbains collectifs46. Toutefois des problèmes de déplacement et d’encombrement commençaient à apparaitre dans la capitale coloniale (voir figure N°32)

Figure 32 Le transport en commun à Alger en 1955

Source : http://alger-roi.fr/Alger/transports/images/7_carte_reseau_ta_rdta_alger.

Une première traction hippomobile47, appelée « les corricolos », des omnibus à chevaux pour desservir la banlieue d'Alger ainsi que « le chemin de fer américain », c'est à-dire" le tramway sur rails48. Des rails de CFRA49(à voie étroite) créés en 1894 jusqu’à 1937, avaient desservi la partie basse et le TA50 la partie haute et les quartiers centraux. Plus tard, un nouveau réseau RDTA51 avait assuré la desserte des quartiers du littoral Ouest, les hauteurs et la périphérie Est. Ce réseau de tramways électriques qui passait par le littoral, l'Ouest, l'Est et le Sud de la ville, a permis la fusion de la ville et sa croissance vers la périphérie. Les lignes urbaines du réseau du Tramway et Trolleybus de la société CFRA et TA avaient permis un maximum de couverture de desserte pour la ville d’Alger. Le centre de la ville et les quartiers commerçants (Place du Gouvernement) constituaient une station de raccordement vers l'ensemble des autres lignes. Le transport par les Messageries du Sahel (TMS) créées en 1900 et qui avaient disparu au profit de CFRA en 1937, couvrait Alger et sa banlieue. En raison du développement du commerce et de l'industrie, la traction automobile fut introduite car les communications avec les hauteurs n’étaient pas vraiment assurées. LaCasbah, elle, restait inaccessible aux voitures.

Ainsi, les formes du transport collectif urbain qui existaient dans la ville coloniale étaient multiples : transport à traction animal, tramway, trolleybus, autobus, autocar, téléphérique et automobile.

Un des problèmes pour les autorités administratives et militaires de l’époque était la circulation au centre d'Alger, 9 000 voitures à chevaux passaient par jour suivant les routes et les chemins accédant à la ville52. L’accès au port et à la gare obligeait le passage par l'agglomération dense, provoquant une importante congestion de la ville d’Alger. En1930, le réseau local était déjà saturé et le côté « des terres pleines » du port était exposé. Le décongestionnement de l'agglomération dense devrait passer par le dédoublement des voies les plus encombrées par le roulage qui desservaient le port.

47Le rayon de déplacement était de 4 à 8 km.

48 D’après, Assari (2011, p.397), les voitures étaient de couleur blanche et bleue, ceci rappelait aussi l’ancienne

médina : la mer et les murs de la Casbah.

49La société des Chemins de Fer sur Route d’Algérie. 50Tramways Algériens.

51La R.D.T.A représentait ex CEFRA. 52D’après Lespes in Harouche (1987, p.54).

Figure 33 Le problème de congestion au centre d'Alger

Source : Gil et Pleutin53

Malgré un entretien permanant, l'état de la voirie était en dégradation continue à cause du relief, la fréquence des pluies, d'orages et la chaleur qui endommageaient la chaussée et détérioraient les ouvrages d'art (Harouche 1987, p.63).