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La population avant 1830, un peuplement par l’immigration commerciale

Dans le document Déplacements et mutations spatiales à Alger (Page 159-162)

Chapitre 3. La dynamique de la population et les éléments du peuplement

3.1 La population avant 1830, un peuplement par l’immigration commerciale

« Alger était en 1830 une ville déchue et dépeuplée, alors qu'au XVII siècle les succès de la course lui avaient donné l'abondance des biens et celle des hommes » (Lespes 1925, p.124).

L'histoire du peuplement de la ville d’Alger était marquée par celle de l'immigration. Alger faisait partie des villes côtières qui n’avaient pas une grande importance. Les dynasties qui ont précédé les Turcs ne s’intéressaient qu’à l’intérieur du pays où se dessinaient les routes de l’or saharien. La population restait rurale et terrienne (Amireche and Côte 2007, p.74).

Les civilisations des Phéniciens, des Carthaginois, des Romains étaient modestes en chiffre, car l’occupation de la ville n’était pas liée aux pratiques commerciales, mais plutôt coloniales, basées essentiellement sur les exploitations agricoles du littoral (Amireche and Côte 2007, p.74). Après la fondation du camp militaire, des axes, des voies carrossables, des murailles de défense et le forum, viendra la fondation de la cité avec ses fonctions politiques, sociales, économiques et religieuses. La ville habitée était une ville-camp (Amireche and Côte 2007, p.74).

Lespes (1925, p.128) expliquait que les occupants constitués par les Phéniciens puis par les Romains à l’Ouest de la baie, s’étaient réunis avec les habitants qui résidaient à l’Est (Cap Matifou) pour former un groupe et une agglomération d’une certaine importance. Les deux colonies avaient besoin de compléter naturellement leurs défenses, mais moins leurs activités au port. Selon les plus anciennes sources, la ville aurait compté environ 20 000 habitants. Ce nombre aurait plutôt triplé avec la venue de l’empire Turc.

Pendant l’occupation des Espagnols et des Turcs, les données sur la population d’Alger sont restées peu précises, car fournies par des voyageurs ou des captifs qui comptaient par maison ou par feu (Lespes 1925, p.124 ). Les géographes du XIIe siècle parlaient d’une ville très peuplée et commerciale, et Haëdo215 l’avait décrite comme une ville importante, très riche et très populeuse (Lespes 1925, p.102 et p.125).

La population était structurée enOuthans (tribus) à l’époque Berbère et turque. La première période avait favorisé la dispersion des populations dans les campagnes, et la deuxième fut plutôt marquée par un encadrement administratif des tribus (Amireche and Côte 2007, p.79).

La villed’EI Djezair , s’accroissait à chaque arrivée d’une nouvelle civilisation. Elle a compté entre le XVIe et XVIIe siècle 80 000 à 100 000 habitants (Haédo, 1998)216. Alger la turque avait attiré un grand nombre d’immigrants, compensant les ravages des fléaux menaçants comme la famine, la sécheresse, les tremblements de terre, la peste217 ou encore les bombardements. Un premier essai de dénombrement avait été effectué en 1580 par Haëdo qui estimait la population de la ville en quelques milliers d'unités. Il avait recensé 12 200 maisons, ce qui représentait 60 000 habitants. La Médina des turcs était une ville encerclée par des remparts et dont les portes d’entrée étaient bien surveillées. La population était enserrée dans une ville compacte et concentrique de 50 ha de surface. Sa répartition était plus au moins contrôlée car l’intérêt était plutôt donné à la localisation des activités commerciales. La topographie, la forme de la ville et la présence des sources d’eau étaient les éléments principaux qui guidaient la densité du peuplement.

Selon Lespes (1925, p.165 à p.182), la population algéroise était répartie entre les différents quartiers de la ville d'une manière assez bien définie, selon son origine et ses occupations.

215Diego de Haëdo était captif à Alger de 1578 à 1581 et l'auteur de deux grands ouvrages historiques: Topographie et

histoire générale d’Alger et Histoire des rois d'Alger.

216In Kateb (2003, p.312).

La hiérarchie dans le mode d’habiter se distinguait ainsi. La population était variée (les Turcs, les Maures, les chrétiens captifs ou esclaves, les juifs d'Espagne, les musulmans arabes et berbères)218. Ces habitants pratiquaient le commerce maritime par l’exportation, le trafic des esclaves chrétiens ou noirs et des marchandises capturées par les corsaires, la culture des jardins, les métiers artisanaux, la construction des armements et des navires…

Ces différentes populations se mélangeaient dans la basse Médina suivant une densité inégale. Ceux qui travaillaient dans les métiers nobles (bijoux, vêtements, tapisserie…) habitaient dans des maisons grandes et riches, alors que ceux qui travaillaient dans les métiers qui causaient des nuisances, bruits, odeurs, saletés s’entassaient dans des chambres en étages des maisons219de la Casbah. Quant aux janissaires220célibataires, ils habitaient les casernes et la citadelle.

La Médina haute était plutôt la résidence des Maures, tandis que les maîtres d’Alger, les Reis de la taïffa221, les gens de mer et les corsaires peuplaient la partie basse du quartier de la Marine. Ils s’installaient dans les palais et les résidences qui donnaient sur la mer. Les Reis préféraient avoir comme maisons de repos secondaires, de belles demeures construites à la campagne, hors rempart, appeléesles Fahs222.

D’après Amireche and Côte (2007, p.77), les deux couronnes de Fahs comptaient 200 palais. Les Fahs étaient habités par les Deys, mais aussi par des dignitaires, des fonctionnaires du Beylik, des riches commerçants et des consuls. La première couronne enveloppait l’enceinte immédiate et la deuxième lointaine couvrait la partie duSahel, et s’étalait des portes de la Médina jusqu’aux abords de la plaine de la Mitidja (Bouzaréah, Béni-Messous, Cantons, Zouaoua, Ain Zeboudja, Birkhadem avec Tixerrain, Bir Mourad Rais et El Biar, Kouba et Hamma). Les Deys possédaient aussi plus loin, des propriétés foncières dans les haouchs (les fermes) du Sahel et de la Mitidja. En effet, la population turque qui tenait le pouvoir, multipliait ses lieux de résidence.

218On les appelaitles Berraniya qui veut dire les étrangers formés de : kabyles, Mozabites, Biskrits, les Laghouatis…

219Selon les descriptions de Roset, il y avait des maisons à deux ou trois étages, où les chambres servaient de

boutiques et de logements, il existait trois maisons qui avaient chacune quarante chambres, in Lespes, (1925, p.168).

220Les militaires.

221Mot en arabe qui désigne un royaume musulman indépendant.

222Selon Amireche and Côte (2007, p.77 ), le motFahs arabe, signifie tout endroit habitable dans la banlieue

La spécialité des commerces était aussi un autre élément qui distribuait les habitants selon leurs origines dans des rues et des souks. A titre d’exemple : les commerçants provenant de Laghouat (Laghouatis) se logeaient près du Fondouk-Elzit (marché de l'huile) à la basse Casbah où ils y épuraient l’huile apportée par les Kabyles (Lespes 1925, p.181 ). Les Turcs et les Maures n'avaient pas de quartiers particuliers. Beaucoup d’entre eux se mêlaient à la population musulmane223des artisans et des marchands, qui habitaient près des rues spécialisées. Les Juifs, eux, placés dans une zone spéciale, étaient refoulés vers la périphérie, le long de l'enceinte et au voisinage des portes (le cas de la porteBab El Oued). Ils occupaient la partie basse de chaque côté de la rue du grand Souk et surtout entre celui-ci et la mer. Les Juifs s'entassaient dans des maisons surpeuplées et beaucoup habitaient des caves224. Les plus riches d’entre eux possédaient des immeubles en dehors de cette zone et des maisons de campagne dans la banlieue Nord.

Les captifs ne résidaient pas à Alger, mais dans les environs de laMitidja où ils étaient employés à la culture (Lespes 1925, p.126 et p.128). Au faubourg populaire de Bab Azzoun, on trouvait des gourbis qui abritaient les Arabes venus des Douars225. La population nègre n’avait pas de domicile fixe et vivait dans des cafés maures. A chaque destruction des faubourgs pour des raisons militaires, la population se trouvait refoulée vers l’intérieur de l’enceinte. Les Européens étaient peu nombreux (pas plus de 100 personnes), ils représentaient le personnel du consulat et celui des chancelleries.

Les Reis Turcs contrôlaient plus au moins l’établissement des autres populations. Ils organisaient des corporations (groupements de populations par origine) par mesure de prudence et de méfiance. Certains immigrants avaient l’autorisation de s’installer à l’intérieur de la Médina en limitant leurs opérations commerciales (Lespes 1925, p.128 ).

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