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Les cités d’urgence et les grands ensembles

1.3 La période coloniale (1830 – 1962) : l’ordre militaire et commercial fabrique la ville

1.3.6 L’aménagement du site et la construction de la ville

1.3.6.7 Les cités d’urgence et les grands ensembles

Les cités et les grands ensembles sociaux étaient une solution urgente suite à la multiplication des bidonvilles et à la crise du logement (Fourcaut 2002, p.254). Toutes les solutions

73Ce mot avait été utilisé à l’époque coloniale.

74Selon Planche (2002, p.236 et p.280 ), on comptait 109 gourbis qui regroupaient 40 000 à 50 000 personnes. La

population avait doublé en 1938 surtout à :Bouzaréah, Hussein Dey, Kouba et Bouloughine malgré les inondations et les

épidémies.

urbanistiques destinées aux grands ensembles coloniaux passaient par l’exercice de l’autorité. La rigidité du tracé sur les terrains vierges et l’offre destinée à une population soumise étaient les règles principales de l’aménagement urbain. Le Corbusier avait écrit : "Les militaires de la conquête (1831) traçaient de beaux plans de ville. Ils savaient urbaniser. L’Algérie (villes et villages) vaut par les tracés militaires. Ce qu’on a fait en ces dernières 50 années (ou laissé faire) n’est que misère pitoyable, négation de l’urbanisme. […] Le plan devient dictateur ; c’est lui qui a raison ; il clame des réalités indiscutables [Lettre au Maréchal Lyautey] […] L’urbanisme des temps modernes est frappé d’incapacité totale aujourd’hui, par la carence de l’autorité » (Frey 2004, p.394).

Parmi les grands ensembles qui furent projetés par le Corbusier76 et son groupe d'architectes modernes à travers le plan OBUS, un seul fut réalisé, l’ensemble Aéro Habitat77. L’architecte l’avait conçu avec Louis Miquel en 1955. Cet ensemble avait été construit sur les hauteurs du Télemly au centre d'Alger et érigé sur le ravin Burdeau et sur le parc Malglaive avec une vue imprenable sur la ville et la mer. Il avait aussi été appelé « l’immeuble tunnel » car un passage avait été créé sous le grand bâtiment pour faciliter la circulation de la voiture. Il comporte un ensemble de 4 immeubles78avec 23 étages, une rue commerçante au10emeétage.

Figure 45 L'ensemble Aéro-Habitat

Les sociétés d'habitations à bon marché « les HBM » développées vers les années 20 et 30 étaient la première solution, proposant des prix de location moins élevés, sont situées dans des zones

76Cet architecte avait travaillé pour Alger pendant 13 ans en présentant des propositions dans «le plan OBUS ; A, B,

C, et D.

77Cet immeuble avait été commandé par une compagnie aérienne. 78On trouve des logements de type duplex et simplex.

enclavées au centre ou en périphérie79. La mairie coloniale affichait ouvertement dans ses projets sociaux la volonté de cohabitation des européens et des musulmans (Frey 2004, p.391), mais la plupart de ces logements étaient destinés aux européens, car très peu de musulmans pouvaient payer le loyer (Planche 2002, p.235).

Les HBM étaient des cités ouvrières, cités indigènes ou cités de recasement. Les plus importantes étaient : les HBM de Bab El Oued, Sidi M’hamed, quartier des Champ Manœuvre et de Ruisseau. Elles profitaient des prolongements routiers vers le Sud et l’Est pour assurer leur desserte, notamment la rueSadi Carnot et la rue de Lyon à l'Ouest, la route du ravin de la Femme Sauvage.

Figure 46 Les HBM d'Alger

Champ des Manœuvres Ruisseau

Plus tard, ces HBM furent remplacées par « les HLM80» dans le Plan Hanning de 1955. L'association de la CADAT81et AEDAA82avait proposé ce nouveau type de logement social en créant le premier organisme d’HLM appelé “le Comité Départemental de Patronage d’Alger. Selon Bounab (2002, p.267), parmi les plus importantes propositions du plan Hanning était l'extension de la ville d’Alger par l’habitat social vers les hauteurs, sur les plateaux des Annassers. Cette croissance de la ville s’envisageait sous la forme d’une cité satellite et d’une ville nouvelle, programmées sur un terrain de 400 ha et à une dizaine de kilomètres du centre colonial.

79Le cas de la place d’anciens jardins maraîchers pour construire les HBM. 80Habitation à loyer modéré.

81Caisse algérienne d’aménagement du territoire.

82L’Association pour l’étude et le développement de l’agglomération algéroise, connue sous le nom de l’Agence du

Avec le lancement du Plan de Constantine 1958, ces logements avaient pu servir à l’intégration de certaines couches de la population algérienne dans le système colonial (Sgroi-Dufresne, 1986)83. Les programmes massifs de logements s’inscrivaient dans une logique de décentralisation géographique (D. Lefèvre 2002, p.261). Les cités satellites étaient situées en dehors des limites municipales afin d’arrêter la croissance de l'agglomération centrale et de l’hyper centre déjà engorger84. Les autorités coloniales espéraient la création d’une véritable région-capitale. Les cités s’implantaient au Sud et Sud-Est sur des terrains plats menaçant les terres agricoles, elles s’écartaient progressivement des tissus urbains existants (Mezoued 2015, p.41). D’autres étaient construits sur des hauteurs en suivant les ravins de la ville. Une bonne partie de ces HLM n’avait pas été achevée en 1962.

Au centre, sur les hauteurs de Bab El Oued, les immeubles sociaux Taine F et Carrières Jaubert étaient considérés comme l’exutoire Ouest de la ville (Deluz 2001, p.38). Sur les hauteurs du ravin de la Femme Sauvage, les plus importants grands ensembles de logements sociaux avaient été conçus par l’architecteFernand Pouillon. L'ensemble a été bâti sur un plan contextuel exceptionnel, entre de nombreux thalwegs85 et de lignes de crêtes (Maachi-Maiza 2002, p.317)(voir figure N°47).

Figure 47 L'implantation des projets de Pouillon

Source : Deluz (2001, p.41).

Les cités HLM aussi appelées «la cité double » avaient une partie européenne et une partie musulmane, ce qui affichait clairement la ségrégation sociale (Bounab 2002, p.265). Une

83InMezoued (2015, p.89).

84Extraite d'un petit fascicule de "La Documentation Française Illustrée", juin 1956.

85Il correspond à la ligne qui rejoint les points les plus bas d'une vallée, ou la ligne qui rejoint les points les plus bas

répartition équitable avait été effectuée entre les deux éléments de la population. Chevallier86, le maire d’Alger avait affirmé que 787 familles européennes et 789 familles musulmanes cohabitaient en parfaite harmonie dans la partie location deDiar Es -Saada et de Mahçoul.

Figure 48 Les HLM d'Alger

Diar -el- Mahçoul et Diar-es-Saada Climat de France

A l’entrée Est d’Alger, sur les collines ceinturées à l’Est parOued El Harrach et qui constituaient le dernier contrefort du Sahel algérois (Deluz 2001, p.36), de grandes cités destinées à la population musulmane avaient été édifiées (voir figure N°49).

Figure 49 L'implantation des logements sociaux

Source : (Deluz 2001, p.35).

Les cités : les Dunes, Sainte Corinne,, la cité Eucalyptus,,Dar Djemaa, Djenane El Hassen, des Palmiers,

des Jasmins (au Clos Salembier), la Montagne87. Cette dernière se trouvait au bout de l’agglomération avant l’établissement deMaison Carrée. La Montagne était une cité économique et de recasement de norme minima ; ce lieu était l’exutoire de la ville Est où s’entassait la population la plus défavorisée (Deluz 2001, p.36). Des bidonvilles et des lotissements incontrôlés avaient occupé les collines et les alentours de cette cité.