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Chapitre 4 : La présentation des résultats

4.4 Vision actuelle des participants des relations intimes

4.4.1 La vision de l’engagement

L’engagement est une notion clé des relations amoureuses. Quelques participants révèlent qu’ils ont des difficultés sur le plan de l’engagement, qu’ils attribuent au fait d’avoir vécu la séparation de leurs parents. La crainte de vivre un rejet semble motiver certains répondants à tout simplement s’abstenir de s’investir dans une relation amoureuse.

C’est sûr que tout ce qui est engagement amoureux, c’est vraiment difficile pour moi. Je suis encore célibataire aujourd’hui et ce n’est pas un hasard, on va se le dire. Puis, c’est difficile pour moi l’intimité parce qu’on dirait que quand j’ai vu mes parents se séparer, même si j’avais trois ans, je suis pas mal certain que ça l’a quand même laissé des traces. On dirait que j’ai… je ne sais pas si j’ai développé comme un schéma d’abandon ou le fait de comme toujours avoir peur d’être abandonné. J’ai de la difficulté à être en proximité avec les gens parce que je suis constamment en train de me protéger. (François)

Bien moi, je trouve ça très difficile l’engagement parce que je vois que ça l’a des effets présentement dans mon couple. C’est très difficile de s’engager à 100 %, je trouve. Il y a tellement de séparations. Aujourd’hui, on dirait que tout le monde se sépare. Je pense que ça l’a influencé un peu ma vision aussi des choses, puis je trouve ça très difficile de comme mettre à 100 % mon énergie. (Vincent)

Pour moi, j’ai peur dans mon futur couple de dire un moment donné, « fine » j’ai des enfants et « fuck » que ça mène au divorce. C’est certain qu’on ne peut pas tout prévoir dans la vie, et ça, c’est un laisser-aller que j’espère être un jour capable de faire. (Cédric)

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J’ai été capable de m’engager, mais j’avais beaucoup de misère à me dire… en fait, c’est peut-être une bonne chose, je n’ai jamais pris une relation pour acquis. Mais justement, c’est peut-être le fait que je gardais toujours dans le fond de ma tête le fait que ça marchera peut-être plus. (Alexandre)

D’autres participants avancent que ces craintes peuvent mener à une plus grande prudence quant à l’évolution même de la relation. L’investissement fait au sein du couple peut donc se faire plus lentement.

On dirait qu’aujourd’hui, je prends tellement trop de précautions et ça l’affecte négativement mon couple. Je prends trop de précautions, mais eux [ses parents], ils n’en ont comme pas pris assez. Ils voulaient un enfant et ils en ont eu un. Je suis sûr qu’ils le savaient bien avant qu’ils ne « fitaient » pas ensemble. […] Je pense que ça va prendre plus de temps pour moi à passer ces étapes-là qu’une autre personne. En fait, je me pose beaucoup de questions; est-ce que je fais vraiment la bonne chose?

(Vincent)

Parce que je sais que ça l’a eu des répercussions sur ma vision du couple et que je suis, comme on dirait, tout le temps à la quête de la perfection. (Cédric)

C’est sûr que ça l’a eu des conséquences négatives par rapport à toute mon estime de moi. Je vais beaucoup plus douter. On dirait que j’ai plus de difficultés dans tout ce qui est engagement au niveau relationnel. Donc, on dirait que j’ai plus de difficultés à faire confiance aux autres. J’ai plus de difficultés à comme bâtir quelque chose de solide tu comprends? (François)

La possibilité de vivre à son tour une séparation conjugale engendre également une incertitude et de l’anxiété, notamment pour Cédric.

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Pour mon père, le fait que j’appelle un autre homme papa, ça n’a pas dû être facile. Je n’ai pas envie de vivre ça. Je n’ai pas envie de « dealer » non plus avec un autre homme qui élèverait mes potentiels futurs enfants. (Cédric)

Pour d’autres, tel que Stéphanie, il peut être possible de bien vivre avec la possibilité qu’un jour le couple ne répond plus aux attentes fixées.

De plus en plus de gens n’ont plus l’idée de l’âme sœur ou de la personne avec qui tu devrais passer toute ta vie. Je pense que tu peux vivre une relation super enrichissante avec quelqu’un pendant deux ans, pendant dix ans, pendant vingt ans et c’est possible qu’après vingt ans, même si ta relation est ultra enrichissante et super importante dans ta vie, ça se peut qu’elle ne te convienne plus. Et, je ne pense pas que c’est quelque chose de mal. (Stéphanie)

L’engagement apparaît donc être un aspect notable pour plusieurs répondants. Des suites de la séparation de leurs parents, l’engagement peut se faire plus difficilement en raison de leurs référents négatifs. Il devient alors plus difficile pour certains de s’investir dans une relation, craignant une possible séparation telle que vécue avec leurs parents. Lorsqu’on parle de l’engagement, on pense également à la possibilité d’agrandir à son tour la famille. Cette décision est souvent perçue comme étant une étape majeure dans la vie d’un couple. Le fait d’avoir ou non des enfants est une décision importante. Certains répondants parlent du manque d’attention de la part de leurs parents durant la période d’instabilité qui a entouré la séparation. Les quelques répondants qui ont éprouvé ce manque d’attention affirment que la décision d’avoir des enfants demande davantage de réflexion, car ils ne souhaitent pas reproduire certains comportements de leurs parents.

C’est sûr que s’il y a des enfants qui sont dans le décor, les enfants vont être priorisés. Dans le sens que moi, j’ai vu que je n’ai pas été priorisé dans certains cas, donc ça m’a affecté et c’est sûr que je ne veux pas leur faire vivre cela. (Vincent)

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Je pense que dès l’instant où on prend la décision d’avoir des enfants, je pense que c’est les enfants qui doivent passer en priorité. (Laura)

Moi en tout cas, c’est sûr que si un jour j’ai des enfants, je vais vouloir rester avec la personne avec qui je vais être parce que je ne voudrais jamais faire vivre à mes enfants ce que moi j’ai vécu. Probablement parce que je l’ai vécu vraiment négativement. (François)

En résumé, le discours des répondants montre une volonté de mieux faire que leurs parents. De leur point de vue, il s’agit de déterminer les erreurs réalisées par leurs parents lors de la séparation afin d’éviter de les reproduire à leur tour au sein de leur couple ou encore avec leurs propres enfants. Chez les répondants, ce souci de bien faire se traduit souvent par une crainte ou une anxiété face à leurs relations amoureuses. La pression ressentie pour mieux faire les pousse parfois à prendre la décision de ne pas avoir d’enfant. La notion d’engagement et d’intimité devient ainsi un enjeu d’une grande importance pour eux. Certains affirment avoir de la difficulté à s’investir et à faire confiance à leur partenaire. Par ailleurs, le fait d’avoir été exposé à un modèle familial différent de la famille intacte a pu amener les participants à une plus grande ouverture face à la diversité familiale. Certains parlent même de leur aisance à éventuellement adopter un rôle de belle-mère ou de beau- père. Enfin, les relations conjugales sont vues comme éphémères par des participants de l’étude. Ils constatent qu’ils font moins d’efforts pour le maintien de la relation lorsqu’il y a des difficultés avec leur partenaire de vie, comparativement aux personnes qui n’ont pas vécu la séparation de leurs parents.