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Chapitre 4 : La présentation des résultats

5.2 Organisation des modalités de garde

5.2.2 Les attitudes des parents séparés

Un autre facteur pouvant avoir un impact sur l’adaptation des enfants est la nature de la relation qu’entretiennent les parents séparés à la suite de la dissolution de la famille. L’une des grandes particularités d’une séparation d’un couple qui a un ou des enfants porte sur le fait que les conjoints se doivent de maintenir une relation de coparentalité malgré le fait qu’ils ne forment plus un couple (Conseil de la famille et de l’enfance, 2007). Ce lien oblige donc les parents séparés à entretenir une relation basée sur les besoins de l’enfant. Ce devoir parental est plus difficile à faire lorsque les parents n’arrivent pas à s’entendre. La présence de conflits entre le père et la mère peut, entre autres, influencer négativement les enfants. La nature de cette relation est bien souvent teintée par le contexte entourant la séparation conjugale. De nombreuses études nomment d’ailleurs que la présence de conflits entre les parents et une absence de collaboration comptent parmi les facteurs pouvant prédire des difficultés d’adaptation chez les enfants à la suite de la séparation parentale (Drapeau et coll., 2009). Plusieurs participants de cette étude ont dit avoir été témoins de conflits ou de commentaires désobligeants d’un de leurs parents à l’endroit de l’autre parent. Par le fait même, les enfants se trouvent impliqués dans le conflit entre leurs parents. Certains participants ont affirmé que le fait d’être témoin de cette relation conflictuelle les faisait parfois sentir comme s’ils devaient choisir un camp. Pour certains participants, la relation entre leurs parents a évolué et s’en trouve meilleur à ce jour. Cela peut s’expliquer par le fait

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que la tension du départ entre les parents est due aux répercussions premières de la séparation. Avec le temps, chacun des partenaires arrive à faire le deuil de la relation et arrive parfois à mieux collaborer dans leur nouveau rôle de coparent. Pour d’autres, les conflits ont été présents tout au long de leur trajectoire de vie familiale. À cet effet, Claudia et Josiane affirment que la relation entre leurs parents est toujours inexistante à ce jour. Il est ainsi reconnu comme aidant que les parents conservent une bonne relation, facilitant par le fait même l’adaptation des enfants à ce processus (Saint-Jacques et coll., 2009).

5.3 La recomposition familiale

Plusieurs enfants vivant la séparation de leurs parents vont également vivre la recomposition de leur famille. Il s’agit d’un défi courant des suites de la séparation (Santé Canada, 2000; Desrosiers, Tétreault & Ducharme, 2018). En ce sens, tous les participants de cette étude ont eu à vivre au moins une recomposition familiale du père ou de la mère lors des années suivant la rupture. Pour certains, cette recomposition est survenue plus tôt que d’autres et parfois à de multiples reprises. Il sera ici question de la vision des enfants envers leurs beaux-parents et de l’intégration des enfants des beaux-parents.

5.3.1 Les beaux-parents

L’introduction d’un nouveau partenaire au sein de la famille peut engendrer diverses réactions chez les enfants. Certains participants ont mentionné que cet ajout a occasionné une augmentation des conflits au sein de leur famille. En ce sens, le fait qu’une nouvelle personne intègre la famille avec un bagage et une manière de vivre différente peut amener une discordance au sein de la famille. La cellule familiale s’en trouve déstabilisée (Delhuvenne, Stolnicu et Hendrick, 2016; Saint-Jacques et coll., 2009). De plus, le moment où survient la recomposition familiale est également un facteur à prendre en considération. En ce sens, on constate qu’une recomposition rapide à la suite de la séparation est majoritairement perçue de façon négative par les enfants. Ceci peut être attribuable au fait que l’enfant n’a pas eu suffisamment de temps pour s’adapter à la séparation avant qu’un changement supplémentaire ne se produise. Pour un enfant, il devient plus difficile de composer avec une

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multitude de changements en même temps (Delhuvenne, Stolnicu et Hendrick, 2016). Un temps est nécessaire à l’enfant pour bien comprendre ce que signifie réellement la rupture de ses parents et apprendre à vivre avec ce changement. L’arrivée d’un beau-parent est aussi souvent perçue par l’enfant comme étant l’impossibilité que ses parents puissent revenir ensemble, élément auquel certains enfants se rattachent après la séparation (Saint-Jacques et Parent, 2015). Cela amène donc une déception chez l’enfant, puisqu’il doit vivre le deuil définitif de sa famille antérieure. L’introduction du beau-parent est également décrite par les participants comme une intrusion dans la vie familiale, sans avoir la possibilité d’émettre son opinion. Ils ont le sentiment de se faire imposer ce choix. Claudia nomme à cet effet avoir eu l’impression d’être en compétition avec sa belle-mère quant à l’attention et à l’amour de son père. Les enfants peuvent alors percevoir cette nouvelle personne comme étant une menace à sa relation avec son parent. Comme corroboré par les études en ce sens, un sentiment de jalousie peut notamment se former à l’égard du beau-parent, étant donné que l’enfant doit maintenant apprendre à partager son père ou sa mère (Santé Canada, 2000; Cartwright et Seymour, 2002).

Il arrive également que l’enfant puisse se sentir négligé par son parent en raison de la diminution du temps passé ensemble et de la modification de leur relation. Chez certains participants, ces difficultés ont mené non seulement à une diminution du temps passé avec son parent, mais également à une coupure complète du lien parent-enfant. Parmi les témoignages recueillis, on constate que l’intégration de la belle-mère semble occasionner davantage de difficultés comparativement à celle du beau-père. Ceci corrobore les études de Gosselin et David (2005) qui affirment que ce sont les belles-mères qui rencontreraient le plus de difficultés dans leur adaptation à la famille recomposée. Ainsi, le beau-parent doit bien souvent faire face aux résistances, voire à l’hostilité, des enfants du conjoint (Giampino, 2008). Sans avoir nécessairement d’explication de la part des répondants, on peut supposer que la femme peut être tentée de prendre un rôle semblable à celui de la mère au sein d’une famille recomposée. Il est possible que les femmes aient une tendance à devenir le substitut maternel des enfants (Giampino, 2008; Cadolle, 2013). Ces derniers peuvent donc rejeter la substitution et l’investissement de la belle-mère, d’où une plus forte réaction. L’enfant peut ainsi penser que la belle-mère usurpe la place de la mère. Néanmoins, les relations entre

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belles-mères et beaux-enfants ne sont pas systématiquement négatives (Saint-Jacques et coll., 2012).

Chez les participants ayant vécu la séparation de leurs parents en bas âge, l’arrivée du beau-parent n’est pas toujours perçue négativement, étant donné que la plupart n’ont pas le souvenir d’avoir vu leurs parents ensemble ou entretenu la vision d’une famille unie. Bien que l’arrivée d’un beau-parent puisse être vécue comme un choc au départ, il n’en demeure pas moins qu’une relation de proximité peut se développer entre lui et l’enfant. Il serait pertinent, en ce sens, de voir s’il existe un rapport réciproque entre une bonne entente avec son beau-parent et l’âge à laquelle est survenue la séparation parentale. Chez certains participants, le beau-parent est devenu une figure parentale importante dans leur vie. Bien que celui-ci puisse jouer un rôle parental, il ne sera jamais amené à occuper une fonction parentale (Giampino, 2008). On remarque que ces participants avaient un parent moins présent, ce qui a laissé une plus grande place au beau-parent qui a semblé combler un vide dans leur vie. Pour d’autres, cela leur a permis d’avoir sous les yeux un exemple d’une famille unie. Un questionnement de société est d’ailleurs déjà entamé afin de revoir la place qu’occupent présentement les beaux-parents au sein des familles recomposées et potentiellement leur offrir davantage de droits (Flavigny, 2009; Saint-Jacques, 2016). Pour Michaël, la recomposition familiale a été vue comme un avantage du point de vue matériel et financier. En ce sens, ce participant nomme s’être senti rassuré d’être soutenu financièrement par quatre adultes plutôt que deux. Il n’existe donc pas de réaction universelle propre à une recomposition familiale. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit souvent d’un changement important pour les enfants et qu’un temps d’adaptation est nécessaire. Le parent se doit de ne pas prendre à la légère la manière dont sera introduit le nouveau partenaire aux enfants, puisque cela peut avoir une incidence sur la réaction de ceux-ci et l’évolution de leur relation.

La manière dont est intégré le beau-parent ainsi que les enfants de ce dernier est un facteur important à prendre en considération dans l’adaptation à la recomposition familiale. Cette tâche repose bien souvent sur les épaules du parent étant responsable de la recomposition. Par ailleurs, le parent se doit d’autoriser de manière directe ou indirecte à son enfant la possibilité de créer un lien avec le beau-parent (Giampino, 2008). Les participants

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de cette étude nomment de manière unanime qu’il est préférable que le parent maintienne une place prioritaire à l’enfant d’origine. Il est nécessaire que l’enfant ne se sente pas exclu ou encore relayé au second plan à la suite de l’arrivée du beau-parent. Cela ne fait qu’engendrer un début de relation potentiellement néfaste entre le beau-parent et l’enfant, une compétition malsaine risquant de s’en suivre. Les participants de cette étude mentionnent qu’il est préférable pour l’enfant de ne pas ressentir de pression face au type de relation qu’il se doit d’avoir avec son beau-parent. En ce sens, les enfants n’apprécient pas lorsqu’ils perçoivent que le beau-parent tente de prendre la place de l’un de leur parent (Giampino, 2008). Selon les participants, le beau-parent a un rôle unique en son genre et il ne devrait pas tenter de s’imposer comme figure parentale, surtout en début de relation. Ces résultats concordent avec les études qui ont été réalisées à ce sujet (Gosselin et David, 2005; Gosselin et coll., 2007; Parent et coll., 2016).

De manière générale, l’agrandissement de la famille a été perçu positivement par les participants de cette étude, particulièrement lorsque cela signifie l’arrivée d’autres enfants. L’étude de Lambert (2007) allait également en ce sens. Ces nouvelles personnes sont vues comme étant l’occasion d’avoir plus de plaisir en famille et potentiellement de nouveaux partenaires de jeux. Bien évidemment, cela varie en fonction de l’âge des enfants. Ainsi, à long terme, certains participants évoquent avoir développé un lien étroit avec les enfants de leur beau-parent, au point de les considérer aujourd’hui comme leurs frères et sœurs. Ce n’est toutefois pas le cas dans toutes les trajectoires familiales. On peut comprendre que ces liens étroits sont plus fréquents lorsque les enfants des différentes familles se trouvent dans une tranche d’âge similaire. Il est alors plus facile de passer davantage de temps ensemble et de développer une relation plus significative. À l’inverse, les participants qui ont vécu une recomposition familiale dans laquelle un écart d’âge avec les quasi-frères et quasi-sœurs est constaté semblent avoir eu une relation plus distante. Ceci est possible, étant donné que les enfants ne se trouvent pas à un stade de développement similaire (Giampino, 2008). Avec l’âge, les enfants ont une plus grande liberté quant à la nature des relations qu’ils souhaitent entretenir avec leurs quasi-frères ou quasi-sœurs. Les enfants des différentes familles peuvent également avoir une garde différente, ce qui fait que ceux-ci n’ont pas beaucoup de temps pour développer des relations significatives.

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