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Chapitre 2 : La théorie du parcours de vie

2.1 Les principes de base

La théorie du parcours de vie s’organise autour de cinq principes de base qui en permettent son articulation. Ces derniers sont détaillés ci-dessous.

2.1.1 Le développement tout au long de la vie

Tout d’abord, le premier principe est celui du développement tout au long de la vie (life-span development). Il renvoie au processus complexe et continu que représente le développement d’un individu (Elder, Johnson et Crosnoe, 2005; Gauthier et Montigny, 2014). Il est influencé par plusieurs facteurs, notamment par les changements sociaux et les changements biologiques et psychologiques d’un individu. Ces facteurs peuvent avoir des répercussions importantes sur le développement de la personne. La compréhension des événements traversant la vie s’approfondit tout au long de l’âge adulte, d’où l’importance d’explorer les perceptions des individus à long terme. Ainsi, cette perspective de longue portée évoque que le développement humain se poursuit bien au-delà de son enfance, son adolescence et sa majorité. En ce sens, la perception d’une personne ayant vécu la séparation de ses parents durant son enfance est sujette à évoluer et à être façonnée en fonction du vécu de la personne à travers son parcours. Pour qu’une période de vie soit entièrement comprise,

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il importe donc de tenir compte des expériences du passé et des diverses dimensions du développement humain (Gherghel et Saint-Jacques, 2013).

2.1.2 L’intentionnalité des individus

Le deuxième principe, l’intentionnalité des individus ou l’agentivité (agency), porte sur la construction des parcours de vie en fonction des choix, des actions et des contraintes de l’environnement social et historique (Elder, Johnson et Crosnoe, 2005; Elder, Shanahan et Jenning, 2015; Gauthier et Montigny, 2014). Les individus possèdent des aptitudes leur permettant de faire des choix dans des situations contraignantes, dans le but d’exercer un certain contrôle sur leurs trajectoires de vie (Elder, Shanahan et Jennings, 2015). On affirme alors que l’individu est responsable de son parcours de vie en prenant ses propres décisions (Gauthier et Montigny, 2014). Dans cette perspective, il demeure important de s’intéresser aux motivations, aux valeurs, aux idéaux et aux décisions de l’individu pour bien comprendre les transitions de vie importantes telles que la séparation parentale (Gherghel et Saint- Jacques, 2013).

2.1.3 Le temps et l’espace

Ensuite, le troisième principe est celui du temps et de l’espace (time and place) qui s’appuie sur la mesure de la durée des transitions dans le temps (Elder, Johnson et Crosnoe, 2005; Gauthier et Montigny, 2014). En ce sens, chaque génération est marquée selon le contexte socioculturel dans lequel il évolue. Ce principe reconnaît la complémentarité essentielle de deux perspectives, soit l’historique et l’écologique (Elder, Shanahan et Jennings, 2015). Le développement biologique et psychologique des individus en est ainsi influencé. Il existe d’ailleurs certaines normes non écrites faisant référence aux calendriers de vie attendue. Ces normes peuvent varier en fonction de différents facteurs. Bien que plus fréquente aujourd’hui, la séparation est encore souvent considérée comme une déviation de la trajectoire « normale » de la vie familiale.

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2.1.4 La temporalité des expériences de vie

Puis, on retrouve le quatrième principe, la temporalité des expériences de vie (timing

of transition) (Elder, Johnson et Crosnoe, 2005; Gauthier et Montigny, 2014). Comme

indiqué dans une majorité d’études portant sur la séparation parentale, les événements marquants ne sont pas vécus de la même manière en fonction du stade de développement de la personne (Ministère de la Justice, 2004a; Ottaway, 2010). Il importe de noter que ce principe n’est pas que lié à l’âge et au stade de développement de la personne, mais aussi aux normes sociales qui étaient en vigueur à l’époque à l’égard de certaines transitions. On observe ce phénomène alors que les membres d’une même famille peuvent vivre différemment l’expérience de la séparation parentale. On remarque que les différents enfants d’une même fratrie, bien qu’ils soient exposés au même environnement familial, en arrivent à ne pas percevoir et vivre la rupture de la même manière. Aucun moment n’est considéré comme étant favorable à la séparation, mais l’âge de l’enfant lors d’un tel changement peut faire une différence importante en matière de conséquences (Elder, Shanahan et Jennings, 2015). Plus l’enfant est jeune, plus il risque d’en être affecté, considérant qu’il est toujours dépendant de ses parents. Effectivement, un enfant d’âge préscolaire (2 à 5 ans) aura une faible compréhension de ce que signifie la séparation et risque d’être désorienté en ce qui a trait à la garde partagée. Cette transition touchera l’enfant pendant longtemps, ce qui explique que la séparation a plus d’impact à long terme sur l’adaptation des enfants qui la vivent alors qu’ils sont très jeunes. À l’inverse, les adolescents, quant à eux, dépendent moins de la famille. Par conséquent, la séparation risque d’avoir un impact moindre sur leur fonctionnement et leur développement (Ministère de la Justice, 2017b). À cet effet, l’âge de l’enfant au moment de la séparation de ses parents est un élément dont il faut tenir compte dans le domaine de l’étude des conséquences positives et négatives de la séparation parentale chez les enfants. Cet aspect sera notamment discuté dans le cadre de ce mémoire.

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2.1.5 Les vies interreliées

Pour terminer, le cinquième principe est celui des vies interreliées (linked lives), qui réfère au fait que les vies sont liées et interdépendantes (Elder, Johnson et Crosnoe, 2005; Gauthier et Montigny, 2014). Les changements familiaux sont particulièrement pertinents au principe de vies interreliées et ses implications, notamment en ce qui a trait à la séparation parentale (Elder, Shanahan et Jenning, 2015). L’être humain se développe en réciprocité avec les acteurs de ses différents milieux de vie (Gherghel et Saint-Jacques, 2013). Cela dit, un enfant est dépendant de son réseau familial et donc des décisions qui sont prises au sein de ce système. Par le fait même, un événement touchant le système parental au sein d’une famille influencera inévitablement le reste des membres de la famille. Le principe des vies interreliées fait également référence au mécanisme de transmission intergénérationnelle, incluant l’éducation, la profession, le revenu, les valeurs, les croyances et la santé (Elder, Shanahan et Jennings, 2015).