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B - Un virage ambulatoire pris avec retard par les CHU

Les activités de soins ambulatoires sont dans la plus grande partie des cas des soins de proximité. Leur développement est un axe fort des stratégies hospitalières depuis plusieurs années, mobilisant l’ensemble des disciplines médicales et chirurgicales. Parmi les thématiques du plan triennal d’efficience et de performance du système de santé (« plan ONDAM ») lancé en 2015, figure la notion de « virage ambulatoire ». Celui-ci vise à assurer la promotion des alternatives à l’hospitalisation complète chaque fois que cela est possible, en accord avec le patient et dans son intérêt.

1 - La lente diffusion de la chirurgie ambulatoire dans les CHU

La chirurgie ambulatoire est un mode de prise en charge exigeant sur le plan organisationnel, centré sur le patient, qui se caractérise par une gestion de flux autour d’une unité de lieu, de temps (moins de 12h) et d’action (action coordonnée et globale de l’équipe de soins).

L’évolution du taux de chirurgie ambulatoire par catégorie d’établissements de santé montre de grandes disparités. Ainsi les cliniques privées lucratives constituent le premier offreur de soins en la matière avec 61,9 % de chirurgie ambulatoire, suivies par les ESPIC (52 %) et les CH (48,2 %). Les CHU figurent en dernière position (35,4 %), leur retard s’étant même accentué depuis 201137. Cependant, la comparaison entre le taux de chirurgie ambulatoire des CHU et celui du secteur privé lucratif doit être considérée avec précaution étant donnée la méthode de calcul du taux de chirurgie ambulatoire. En effet, si le numérateur du taux de chirurgie ambulatoire regroupe des interventions chirurgicales équivalentes pour l’ensemble des établissements, le dénominateur inclut pour les CHU, une diversité de types de séjours beaucoup plus importante, ce qui tend à faire baisser le taux de chirurgie ambulatoire des CHU.

37 La comparaison entre le taux de chirurgie ambulatoire des CHU et celui du secteur privé lucratif doit être considérée avec précaution étant donnée la méthode de calcul du taux de chirurgie ambulatoire. En effet, si le numérateur du taux de chirurgie ambulatoire regroupe des interventions chirurgicales équivalentes, le dénominateur inclut pour les CHU, une diversité de typologie de séjours beaucoup plus importante.

Tableau n° 4 : évolution du taux de chirurgie ambulatoire38 par catégorie d’établissements entre 2011 et 2016

Catégorie d’établissements 2011 2012 2013 2014 2015 2016

CHU 28,2 % 29,0 % 30,4 % 31,8 % 33,2 % 35,4 % chirurgie ambulatoire portent sur la spécificité des missions des CHU en termes d’activité de recours et d’expertise, la technicité plus importante des prises en charge qui en découle ainsi que la plus grande sévérité des patients pris en charge en CHU. Pourtant, le taux de recours aux 55 gestes marqueurs39, indicateur objectif permettant d’évaluer le potentiel de transférabilité des actes en chirurgie ambulatoire, montre que ces arguments ne sont pas suffisants. En effet avec moins de 70 % de taux de chirurgie ambulatoire, les CHU présentent en 2016 un retard de plus de 12 % à la moyenne nationale et plus de 8 % au regard de l’activité des CH.

Tableau n° 5 : taux de chirurgie ambulatoire 2014 et 2016 pour les 55 gestes marqueurs

Catégorie d’établissements

38 Le nouveau périmètre du taux de chirurgie ambulatoire a été appliqué sur l’ensemble des données 2011 à 2016 en cohérence avec l’instruction DGOS/R3 n° 2015-296 du 28 septembre 2015 relative aux objectifs et orientations stratégiques du programme national de développement de la chirurgie ambulatoire pour la période 2015-2020.

39 Un geste marqueur correspond à une ou plusieurs interventions chirurgicales d’une même spécialité, susceptibles d’être systématiquement réalisées en ambulatoire.

L’assurance maladie considère que la part des activités de recours et d’expertise pouvant justifier une certaine atypie des CHU par rapport à des établissements plus petits est souvent surestimée par les équipes hospitalières des CHU. Ainsi la CNAMTS estime que l’essentiel du potentiel de croissance en chirurgie ambulatoire par établissement réside aujourd’hui dans les CHU : près de la moitié des CHU ont un potentiel ambulatoire supérieur à 2 000 actes/an (jusqu’à 5 000) alors que 50 % des cliniques ont un potentiel ambulatoire supérieur à 1 000 actes/an (jusqu’à 3 000)40.

2 - Un effort des CHU qui ne rattrape pas les retards initiaux

Au sein du groupe des CHU, le virage ambulatoire n’a pas été envisagé de la même façon, certains se montrant plus en avance que d’autres. La dynamique engagée au cours des dernières années semble néanmoins porter ses fruits, puisque la diffusion de la chirurgie ambulatoire s’opère sur un rythme homogène, sans néanmoins arriver à totalement gommer les retards initiaux, à de rares exceptions près.

L’écart à la moyenne s’est réduit entre 2011 et 201641, témoignant d’une plus grande homogénéité des pratiques entre les CHU. Ainsi l’ensemble des courbes de progression du taux de chirurgie ambulatoire des CHU se situe dans un corridor de plus en plus resserré que forme la progression du CHU de Dijon (en haut) et celle du CHU de Nancy (en bas) jusqu’en 2015.

Certains établissements se sont particulièrement distingués. Ainsi, le CHU de Nancy a connu une forte progression de son taux de chirurgie ambulatoire, en particulier entre 2015 et 2016, qui est d’autant plus remarquable qu’en 2011, il présentait le taux de chirurgie ambulatoire le plus faible de l’ensemble des CHU. Le taux atteint en 2016 par le CHU de Nancy le situe désormais au-dessus de la médiane des CHU, soit +16,4 % sur la période contre +7,2 % pour la moyenne CHU. Cette forte accélération s’explique par l’intégration d’un centre de chirurgie orthopédique et traumatologique42 comportant un secteur réputé de chirurgie de la main. Ceci explique aussi le mauvais classement antérieur à 2016 du CHU de Nancy, face à des CHU qui avaient déjà l’activité de chirurgie de la main dans leur case mix.

A contrario, les CHU de la Martinique et de la Guadeloupe connaissent une progression erratique de leurs taux de chirurgie ambulatoire sans pour autant que ces établissements s’éloignent de la moyenne des autres CHU.

40 Source : CNAMTS sur la base des données PMSI 2016. Afin de permettre aux équipes d’objectiver la spécificité de leur patientèle (actes, âges, niveaux de sévérité), la CNAMTS a construit un outil de data visualisation dédié à la chirurgie ambulatoire. Cet outil qui a vocation à être utilisé dans le cadre des dialogues de gestion avec l’assurance maladie et les ARS doit permettre aux CHU de mieux exploiter leur potentiel de transférabilité en ambulatoire.

41 Écart type de 2,8 % en 2011 contre 4,1 % en 2016.

42 Le centre chirurgical Émile Gallé, reposant sur un syndicat inter-hospitalier CHU/UGECAM, était de facto géré par le CHU, mais son activité en demeurait administrativement distincte. Son absorption en 2016 a permis au CHU d’intégrer dans ses statistiques, l’activité de la chirurgie de la main, réalisée à plus de 80 % en ambulatoire. Cette seule intégration a permis au CHU de gagner 2 600 séjours (sur 10 000).

Graphique n° 5 : évolution du taux de chirurgie ambulatoire médian des CHU comparée à celle de quatre CHU

Source : Cour des comptes d’après l’ATIH, PMSI 2011 à 2016

Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que le développement de la chirurgie ambulatoire dans un établissement dépend avant tout de la mise en place d’une organisation adaptée et de circuits patients spécifiques. Dès 199343, une typologie des organisations hospitalières en chirurgie ambulatoire a été élaborée autour de quatre modèles d’organisation : - des unités de chirurgie ambulatoire intégrées : ces structures disposent de locaux d’accueil et de séjour dédiés à l’ambulatoire tout en étant localisées dans une unité d’hospitalisation classique. Le bloc opératoire est commun aux activités traditionnelles et ambulatoires ; - des unités de chirurgie ambulatoire autonomes : ces structures disposent de locaux

d’accueil et de séjour dédiés avec un bloc opératoire dédié à l’ambulatoire situé dans le bloc traditionnel ;

- des unités de chirurgie ambulatoire satellites : ces structures possèdent en propre l’ensemble des moyens matériels et humains exigés pour la pratique ambulatoire (bloc opératoire dédié à l’ambulatoire situé en dehors du bloc traditionnel dans le périmètre de l’établissement de santé) ;

- des unités de chirurgie ambulatoire indépendantes : ces structures possèdent en propre l’ensemble des moyens matériels et humains exigés pour la pratique ambulatoire. Il s’agit d’une structure de chirurgie ambulatoire totalement détachée d’un établissement de soins classiques (hors du périmètre d’un établissement de santé avec hébergement).

43 Conférence de consensus de la fondation Avenir pour la recherche médicale appliquée des 23, 24 et 25 mars 1993, repris dans l’Abécédaire de la chirurgie ambulatoire, CNAMTS et ministère de la santé (2009).

Schéma n° 2 : les quatre types d’organisations en chirurgie ambulatoire

Source : CNAMTS et ministère de la santé, abécédaire de la chirurgie ambulatoire (2009).

Le système sanitaire français a retenu une organisation sous forme de centres intégrés ou parfois de centres autonomes44, tout particulièrement fréquents en CHU. Pourtant sans un plateau technique chirurgical dédié aux flux des patients ambulatoires45, il est difficile de voir progresser le taux de chirurgie ambulatoire46.

De ce fait, certains CHU mettent en œuvre des plateaux techniques chirurgicaux dédiés à la chirurgie ambulatoire situés géographiquement à distance à la fois des flux de patients non programmés et des flux de patients devant subir une intervention chirurgicale nécessitant une hospitalisation conventionnelle (centres satellites). C’est le cas à l’APHP avec les deux unités de chirurgie ambulatoire de la Pitié-Salpêtrière et de l’hôpital Cochin ouvertes en 2018, dotées de salles de bloc dédiées à la chirurgie ambulatoire et construites en une année sur l’emplacement d’anciennes zones de stationnement. Le CHU de Rouen développe un projet similaire (bâtiment ROBEC).

Au-delà de la seule question architecturale, la mise en place de dispositifs favorisant les entrées à zéro jour et les réductions de DMS (salons d’entrée et de sortie, hôtel hospitalier) et la capacité à faire face aux problématiques de postes vacants, notamment en anesthésie-réanimation, sont des éléments déterminants pour favoriser la progression de l’activité de chirurgie ambulatoire.

44 Décret n° 2012-969 du 20 août 2012 modifiant certaines conditions techniques de fonctionnement des structures alternatives à l’hospitalisation.

45 Sur un même plateau technique opératoire, le mélange des flux de patients programmés en ambulatoire, programmés en hospitalisation complète ou encore non programmés en urgence est de nature à freiner l’efficience de l’activité chirurgicale ambulatoire.

46 Position tenue par l’association française de chirurgie ambulatoire sur la base de comparaisons internationales.

C - Le secteur privé lucratif, principal concurrent des CHU

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