• Aucun résultat trouvé

C - Le secteur privé lucratif, principal concurrent des CHU en matière de soins de proximité

En raison de leur implantation géographique dans des métropoles urbaines, les CHU sont principalement en concurrence avec les cliniques privées à but lucratif, dont l’équilibre économique repose sur un recrutement de proximité au sein d’un bassin de vie dense.

1 - Une concurrence autour de spécialités médicales disposant d’importantes files actives de patients

Une partie significative de l’activité de proximité des CHU et des cliniques privées est similaire. En effet, parmi les 20 racines de GHM les plus fréquentes dans les CHU et les cliniques, sept racines sont communes, soit 40,1 % de l’activité de proximité des CHU et 50,5 % de l’activité de proximité des cliniques. Si le champ des activités de proximité est étendu aux 50 racines de GHM les plus fréquemment présentes dans le case mix des établissements, alors près de 70 % de l’activité de proximité des cliniques est superposable à celle des CHU.

Cette concurrence s’exerce principalement dans cinq domaines : les activités d’obstétrique et néonatale, la cardiologie interventionnelle, les endoscopies digestives, la chirurgie de la cataracte et l’urologie.

Tableau n° 6 : liste des activités de proximité des CHU et des cliniques

Dans une approche plus large englobant la totalité de l’activité des CHU et des cliniques, le PMSI permet d’évaluer la répartition des parts de marché entre CHU et secteur ex-OQN.

En effet, l’activité hospitalière est découpée en 27 catégories majeures de diagnostic (CMD) qui correspondent aux principales spécialités médicales47. Ainsi, la catégorie des affections de l’œil (CMD 02) regroupe l’ensemble des GHM en lien avec les pathologies de l’œil, quelles que soient les modalités de prise en charge (médicale, chirurgicale, interventionnelle) et quel que soit le diagnostic principal, les comorbidités associées et le niveau de sévérité qui en résulte.

Au niveau national, la part de marché des CHU dans l’activité hospitalière totale (hors séances) est de 21,8 %, contre 35,9 % pour les cliniques et 35,5 % pour les CH et SSA réunis.

Cependant, cette part de marché présente des variations considérables en fonction de la CMD retenue. En effet, les CHU réalisent plus de 50 % des parts de marché dans quatre CMD : transplantations d’organes (84,5 % des parts de marché en 2016), brûlures (61,3 %), traumatismes multiples graves (59,4 %) et maladies dues à une infection par le VIH (55,5 %).

Cependant ces CMD représentent une faible quantité de séjours (42 271 séjours en 2016 pour la France entière, soit 0,2 % de l’activité nationale réalisée dans 65,7 % des cas en CHU). Les cliniques privées lucratives sont quasiment absentes de ces activités (645 séjours en 2016 pour ces 4 CMD).

A contrario, les CHU ont de faibles parts de marché dans les CMD regroupant un nombre important de patients : CMD liées aux affections du tube digestif (10,9 % des parts de marché en 2016), affections de l’œil (11 %), affections de l’appareil génital masculin (13,4 %) et affections des oreilles, du nez, de la gorge, de la bouche et des dents (14,5 %). Ces CMD regroupent 28 % des séjours totaux produits en 2016 (soit 5,18 millions de séjours) mais ne représentent que 15 % des séjours produits en CHU (soit 0,6 millions de séjours) et 45 % des séjours produits en cliniques privées lucratives (soit plus de 3 millions de séjours).

Au total, il apparaît un phénomène de « vases communicants » dans l’analyse des parts de marché du secteur ex-OQN et des CHU, traduisant le résultat de la forte concurrence que se livrent ces deux catégories d’établissements implantés sur les mêmes territoires de santé, urbanisés et concentrant une grande partie de la population de chaque région.

47 Seule la CMD 28 (séances) regroupe un ensemble de prise en charge multidisciplinaire.

Source : Cour des comptes, d’après les données de Scan santé, PMSI, 2016

2 - La forte concurrence avec le secteur privé lucratif en matière de séances

a) Un secteur privé lucratif fortement positionné

Du fait même de leur caractère itératif, les séjours réalisés dans le cadre de séances48 participent à la notion de soins de proximité. Cependant si la majorité des séances traduisent une forte proximité entre le patient et le centre le prenant en charge (ex : dialyse dans des centres nombreux et disséminés sur le territoire), d’autres activités de séances concernent peu de patients, et sont exercées de ce fait dans un nombre restreint de centres dont les CHU (ex : aphérèses sanguine, oxygénothérapie hyperbare).

Les CHU prennent en charge 18,7 % des 10 millions de séances en 2016, contre 35,7 % pour les cliniques, 28 % pour les CH, 12,6 % pour les CLCC et 5 % pour les ESPIC.

Pour ce qui concerne les activités d’épuration extrarénale (45 % des séances totales en 2016), les CHU ne réalisent que 11,2 % de l’activité, largement dominée par le secteur privé lucratif (60,8 %) et les CH (24,1 %). En matière de radiothérapie et curiethérapie, les CLCC apparaissent en situation dominante avec respectivement 44,2 % et 73,5 % des parts de marché.

Les CHU apparaissent en situation dominante pour des activités à faibles volumes qui concernent l’oxygénothérapie hyperbare (68,6 % des séances) et les aphérèses sanguines (90,3 %). Cependant le case mix des CHU en matière de séances est pour l’essentiel composé d’une activité de proximité dans des proportions proches du case mix des CH. Ainsi, 96 % des séances réalisées en CHU concerne l’épuration extra-rénale, la chimiothérapie, la radiothérapie et la transfusion sanguine, contre 99,8 % en moyenne dans les centres hospitaliers.

Au total, les CHU font face à une forte concurrence du secteur privé en matière de séances. Bien qu’ils prennent en charge une part significative des séances complexes (aphérèses) ou nécessitant un plateau technique coûteux (caisson hyperbare), ces séances ne représentent qu’une faible proportion de l’activité totale (3,8 %) et distinguent peu les CHU des autres centres hospitaliers.

b) Une progression notable des séances dans les CHU

Avec 1,87 million de séjours soit 32 % de l’activité totale des CHU en 2016, les séances constituent un pan d’activité important pour ces établissements. Entre 2011 et 2016, l’augmentation du volume des séances (+23,1 % en moyenne49) apparaît forte au regard de l’activité hors séances (+9,5 %) mais également très variable entre CHU. Ainsi, certains CHU ont connu de fortes augmentation sur un nombre considérable de séjours50. D’autres voient leur

48 Au sens du PMSI, une séance est une venue dans un établissement de santé d’une durée inférieure à 24 heures, impliquant habituellement sa fréquentation itérative pour l’un des motifs thérapeutiques suivants : épuration extrarénale, chimiothérapie pour tumeur, radiothérapie et curiethérapie, transfusion sanguine, oxygénothérapie hyperbare et aphérèse sanguine. Les différentes modalités de réalisation de ces activités sont divisées en 19 racines de GHM, regroupées au sein d’une catégorie majeure de diagnostic spécifique (la CMD 28).

49 Les séances étant des activités ambulatoires, elles ne sont pas concernées par la modification du mode de décompte des séjours intervenu en 2016.

50 HCL, CHU de Bordeaux et Toulouse.

activité se développer plus faiblement51, voire régresser52. Au total, les séances occupent une place très variable dans l’activité totale des CHU : dans six CHU, la part des séances dans l’activité totale est inférieure à 25 %53. A contrario cinq CHU voient cette part dépasser 40 %54 de leur activité totale.

Au-delà des raisons démographiques et épidémiologiques, ces différences pourraient s’expliquer par la densité variable de l’offre de soins proposée dans chaque agglomération.

Ainsi, les parts de marché des CHU pourraient être fonction de la présence concurrentielle d’un CLCC (pour les activités de radiothérapie, chimiothérapies, et curiethérapie). Pourtant la seule concurrence des CLCC ne suffit pas à expliquer ces évolutions comme le montre le nuage de points ci-dessous. Le maillage territorial en unités de dialyse médicalisées, assurant les diverses modalités d’hémodialyse pourrait également jouer un rôle significatif.

Graphique n° 7 : l’absence de corrélation entre le taux de progression de l’activité des séances entre 2011 et 2016 et le volume de séance en 2016 par CHU

Source : Cour des comptes d’après les données de l’ATIH, PMSI, 2016 (hors APHP)

Note de lecture : Les points bleus représentent l’activité des CHU situés dans des agglomérations dépourvues de CLCC, à l’inverse des points rouges.

51 CHU de St Etienne, Grenoble, Limoges.

52 CHU de Montpellier et CHU de la Guadeloupe.

53 CHU de Montpellier, Angers, Rouen, Saint-Etienne, Lille et Toulouse.

54 CHU de Nîmes, Limoges, Poitiers, Brest et Dijon.

3 - L’activité de médecine d’urgence : une concurrence moins vive avec les cliniques privées

La prise en charge des urgences constitue une activité de proximité exercée par l’ensemble des 30 CHU, à l’instar des 363 CH et CHR, des 29 ESPIC et des 141 cliniques privées réalisant une activité d’accueil des urgences55.

Les CH constituent le premier offreur de soins en matière de médecine d’urgence avec 60,4 %56 des passages en 2016 suivis par les CHU (21,5 %, soit une proportion proche de leur activité hospitalière totale de 21,8 %), puis les cliniques (12,7 % des passages), les ESPIC (4,4 %) et le SSA (1 %). Les CH apparaissent donc surreprésentés dans la prise en charge des urgences en comparaison de leurs places dans l’activité hospitalière totale (35 % hors séances) alors que les cliniques sont fortement sous représentées (35,9 % de l’activité hospitalière totale).

Cette surreprésentation des CH s’explique avant tout par leurs missions de service public liées à la permanence de soins, alors que la proportion de cliniques disposant d’un service d’urgence est nettement plus faible.

Tableau n° 7 : comparaison des parts de marché des différentes catégories d’établissements de santé en matière de médecine d’urgence

Catégorie d’établissements séjours totaux (hors séances) nombre de passages aux urgences (ATU et hospitalisations)

TOTAL % TOTAL %

CHU 4 050 213 21,8 % 4 483 562 21,5 %

Centres hospitaliers et CHR 6 482 592 35,0 % 12 587 098 60,4 %

ESPIC 1 055 358 5,7 % 922 152 4,4 %

Cliniques 6 652 745 35,9 % 2 648 548 12,7 %

SSA 86 660 0,5 % 199 103 1,0 %

Source : Cour des comptes d’après les données de l’ATIH, PMSI, 2016

La proportion de patients se présentant aux urgences mais dont l’état de santé ne nécessite pas une hospitalisation57 est quasi identique à la répartition évoquée ci-dessus, à la réserve près que la proportion est légèrement supérieure pour les cliniques (13,9 %) et légèrement inférieure pour les CH (59,7 %) et CHU (20,9 %). À l’inverse, la proportion de patients hospitalisés suite à un passage aux urgences s’avère supérieure en CH (63 %) et CHU (23,6 %) mais inférieure en clinique (8,5 %).

55 Source : ATIH, données 2016.

56 Chiffrage réalisé en regroupant les passages sans hospitalisations comptés en ATU et les passages ayant donné lieu à une hospitalisation (en UHCD et hors UHCD).

57 Chiffrage réalisé à partir du volume d’ATU : Le forfait « accueil et traitement des urgences » (ATU) vise à couvrir les dépenses résultant de l’admission et du traitement des patients accueillis dans les services d’accueil des urgences des établissements de santé autorisés à pratiquer cette activité. Le forfait ATU est dû pour chaque passage aux urgences non programmé et non suivi d’une hospitalisation dans un service de MCO ou dans une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) du même établissement.

Graphique n° 8 : proportions des patients accueillis en SAU et pris en charge sans hospitalisation (à gauche) et suivi d’une hospitalisation (à droite)

Source : Cour des comptes d’après les données de l’ATIH

Cette situation traduit un profil de patientèle accueillie en urgence différent, dont l’origine prête à polémique entre le secteur privé lucratif et le secteur public. En effet, le secteur privé considère que la régulation par le SAMU-Centre 15 oriente de façon préférentielle les patients en urgence vers les hôpitaux publics, créant ainsi un biais de sélection. Le secteur public considère que le secteur privé opère un tri excessif à l’entrée de ses urgences entre patients lourds à forte DMS et patients ambulatoires58. Cependant, le secteur public est bien souvent le premier offreur de soins en régions en matière de soins critiques (réanimation, soins intensifs et surveillance continue) et détient, notamment en CHU, la majeure partie des lignes d’astreintes et de gardes reconnues et financées par les ARS, notamment pour les surspécialités médicales et chirurgicales.

IV - Des activités de recours très largement exercées en CHU,

Documents relatifs