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DE LA VILLE DE FRIBOURG

Dans le document SEPTANTE-CINQUIEME ANNEE FRIBOURG Prix: 2 fr. (Page 190-196)

RÉMINISCENCES

1885. Fribourg n'a point encore acquis la réputation de cité intellectuelle dont il jouit aujourd'hui, et deux établis-sements supérieurs seulement se partagent l'éducation et l'instruction de la jeunesse: le Collège St-Michel, et sa mission principale est dé former lés bà^^^

versités d'autres cantons se chargeront de parfaire la cul-ture, et l'Ecole de droit, embryon de la future Université, qui permet aux jeunes gens du canton d'étudier et de pra-tiquer l'art du barreau. Et, en descendant les échelons sco-laires, sans transition aucune, car les événements politiques de 1830 ont donné le coup de grâce aux organisations cor-poratives jadis si florissantes, nous arrivons à l'école pri-maire, d'où la plupart des élèves sortent avec un mince ba-gage ne suffisant certainement pas à leur assurer une exis-tence honorable.

Georges Python, le célèbre homme d'Etat dont les décades futures vont consacrer la clairvoyante perspi-cacité, bien vite constate et déplore la profonde lacune qui compromet la situation sociale de trop de jeunes gens, et s'emploie sur-le-champ à réparer une injuste omission:

la formation de toute une classe moyenne que les écoles primaires n'ont pas dotée de connaissances suffisantes et dont les capacités ou les moyens ne permettent pas d'entre-prendre des études supérieures. Il manquait donc un étage au bâtiment de l'Instruction publique de la cité de Fri-bourg et des environs. Georges Python le construit en 1885, en créant l'Ecole secondaire professionnelle des garçons de la ville de Fribourg. Son but ? Procurer à tous ceux

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que ni le Collège, ni le droit n'attiraient, l'occasion de par-faire leur culture primaire par l'acquisition d'un bagage intellectuel, mais surtout pratique, qui facilitât leur entrée dans un métier ou une occupation commerciale.

Oh ! certes la marche de la nouvelle école fut-elle très oscillante; débutant avec 30 élèves, son effectif s'éleva jusqu'à 140 pour redescendre après quelques années de succès à 100 et tomljer enfin à 88, Le corps professoral ne répondit point toujours aux exigences d'un programme très spécial et la direction pécha même parfois par faiblesse et insuffisance.

1931. L'école déclinait. Son niveau éducatif surtout bais-sait déplorablement et, sachons l'avouer sans détours, sa réputation s'entachait d'une impopularité presque générale.

Une réorganisation s'imposait d'urgence. Après les Gre-maud, les Mooser, les Grangirard, dont les mérites seuls nous dispenseront de relever les quelques faiblesses, un directeur ferme dans sa bienveillance, clairvoyant et sur-tout expérimenté allait se dévouer à une sérieuse reprise en mains. M. Fidèle Delabays accepta cette lourde tâ-che dont les autorités l'invitèrent à s'investir et, dès l'ins-tant, entreprit la réorganisation de l'école.' Il constitua donc une commission, s'entoura des lumineux enseigne-ments de Monseigneur Dévaud surtout, et, en septem-bre 1931, l'Ecole secondaire sortait d'une longue torpeur, tout de frais habillée. Le programme rénové, le corps pro-fessoral rajeuni, les systèmes éducatif et pédagogique mo-dernisés attirèrent l'attention des parents ; un renouveau de confiance naquit. Dès ce moment, l'effectif de l'école suit une réjouissante cOurbe ascendante: 88, 100, 130, 150, 177 élèves se pressent dans des salles devenues bientôt trop exiguës.

1935. En plein progrès, l'école fête le 50^ anniversaire de sa fondation. L'occasion est propice pour elle de montrer ce dont elle est capable. Un festival célébrant les métiers est donné en spectacle public dans la salle de la Grenette.

M. le Conseiller d'Etat Piller, directeur de l'Instruction publique, puis M. Lorson, syndic de la ville, reconnaissent également le grandiose développement de l'école au cours

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des quatre dernières années, et, tout en augurant d'un ave-nir plus lumineux encore, déplorent l'exiguïté des locaux et leur manque de confort.

1940. Le terrain était donc fertile ^t prêt, il était grand temps de l'ensemencer. M. Delabays, qui en nourrissait le secret désir depuis 1935, sème au vent les premiers grains et prépare les esprits à acquiescer à la réalisation de son projet: la construction d'un nouveau bâtiment. Le Conseil communal, le Conseil général, les autorités supérieures re-connaissent le bien-fondé de sa requête et, en mai 1940, les pioches font résonner l'avenue de Rome du bruit de leur acier frappant la roche et la terre. La mobilisation ce-pendant ralentit les travaux: la rentrée de septembre re-voit les sombres locaux de l'antique Pensionnat, et Noël est triste pour l'école entière. Le directeur, atteint d'un mal qui ne pardonnera pas, s'éteindra le 28 décembre 1940, sans avoir pu assister au parachèvement de son œuvre.

1941. Le printemps a semé dans les champs ses fleurettes bigarrées. Les feuillages tendrement verts s'épaississent sous les Fayons chaque jour plus dorés du soleil. Les va-cances de Pâques agonisent, mais l'Ecole secondaire est en liesse ce 21 avril, car elle inaugure son nouveau bâtiment qu'elle occupera dès le lendemain. Ami des jeunes et jeune lui-même, entraîneur éprouvé, novateur audacieux, orga-nisateur zélé, M. Armand Spicher, nouveau directeur, saura mener son école vers la destinée qu'il s'est donné pour mission d'atteindre.

LÉGÈRES COÏNCIDENCES, PROFONDE LEÇON Alors qu'en 1885, timidement naissait l'Ecole secondaire, l'Université voyait le jour quelque temps plus tard. Tou-tes deux occupèrent les anciennes salles bâties par les Jé-suites, l'une face au Séminaire, l'autre à l'église du Collège:

discrète protection religieuse, n'est-il pas vrai ? Toutes deux aussi dès lors ont parcouru chacune la route qui lui était tracée, et si parfois le chemin fut sablonneux, rhalaisé, il fut aussi montant ; et toutes deux se sont trouvées bien-tôt à l'étroit dans leurs antiques bâtiments historiques mais

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désuets, et, en 1941, toutes deux enfin tressaillirent à la Joie de recevoir en dot, combien ardemment désirée, de nouveaux bâtiments.

N'y a-t-il pas dans cette double coïncidence de leur pa-reille naissance et de leur semblable développement, une symbolique image de tout Fribourg ? La ville d'études, pu-rement intellectuelle et lettrée, n'a pas ignoré sa sœur plus

(Photo Rast, Fribourg.) Le nouveau bâtiment de l'école secondaire professionnelle des garçons

de la ville de Fribourg.

humble, la ville artisanne et laborieuse, et, quoique en face de très lourds frais consentis pour doter l'une d'une cité uni-versitaire que nos voisins nous envient, les autorités n'ont pas reculé devant la perspective de sacrifices nouveaux afin d'attribuer à l'autre une maison digne de son labeur et de son essor. Image symbolique aussi du lien intime qui doit unir les carrières libérales à celles plus modestes, mais non moins respectables, des artisans et des ouvriers.

1941-42. L'entrée dans un bâtiment neuf, moderne et spa-cieux, a permis à l'Ecole secondaire de combler bien des

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cunes de programme que les locaux insalubres et vieillots du Pensionnat l'obligeaient de déplorer sans perspective d'amélioration.

La culture physique et les sports occupent maintenant,, à l'égal des autres instituts, la place que les temps nouveaux leur ont donnée. L'introdiaction des douches hebdomadai-res a grandement développé l'hygiène des élèves dont le&

parents, pour la plupart, ne possèdent à la maison ni ins-tallation sanitaire ni salle de bain.

, L'orientation commerciale fut également intensifiée par l'étude de trois branches nouvelles, méthodiquement ensei-gnées: la correspondance commerciale, la dactylographie et la sténographie.

Enfin la littérature et la diction ne sont point considérées-comme des branches supérieures et classiques uniquement,, et leur place est à l'honneur dans l'horaire quotidien.

Les travaux manuels, destinés aux futurs apprentis, ont pu, grâce à l'acquisition de machines nouvelles, prendre un essor réjouissant, et c'est plaisir d'admirer le travail de toute une fourmilière de garçons vaquant chacun à sa tâche propre, avec amour et conscience.

Mais le but capital vers lequel tend l'effort de tout le corps professoral de l'Ecole, est bien de n'enseigner aucune théorie, aucun principe, qui ne soit immédiatement ap-pliqué et dont la fin ne soit pratique. Ce n'est plus l'école pour l'école, mais l'école pOur la vie. Et enfin, comme elle est l'auxiliaire de la famille, elle n'a jamais cessé de s'assurer la collaboration des parents dans son œuvre cons-tructive, par des séances, des causeries ou des représenta-tions en leur présence.

RÔLE QUE JOUE L'ÉCOLE SECONDAIRE Si l'activité d'une école tend surtout à meubler l'intel-ligence de ses élèves des connaissances les plus vastes^

celle de l'Ecole secondaire est en premier lieu éducative.

Issus d'un miheu moyen, souvent bien humble, les garçons qui lui sont confiés ne possèdent que très peu les qualités requises pour entrer dans la vie en honnête homme, dans

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le sens classique du terme: propreté, politesse, finesse, déli-catesse, savoir-vivre, galanterie. Que de leçons roulant sur tel ou tel détail d'éducation dont un fait de classe a démon-tré la déficience ! Que de leçons encore données dans un corridor, à la salle des machines, voire même à celle des douches, lorsqu'un élève a été surpris en flagrant délit de manque d'éducation ! Chaque maître est astreint à cette tâche délicate mais combien nécessaire et bienfaisante, et l'école est devenue une ruche laborieuse, mais absolunient silencieuse, où chaque minute est une leçon que chaque acte doit consacrer. Alors seulement, l'école deviendra le sanc-tuaire respecté et béni dans lequel on s'en vient apprendre à connaître et vivre la vie, la vraie vie. Et comment y par-V£nir sans enregistrer sans cesse des rébellions, défaut pro-pre à la jeunesse ? En basant toute cette formation sur l'affection entre maîtres, parents et élèves. Le jeune homme est susceptible d'enthousiasme débordant et d'actes héroï-ques si l'on sait lui communiquer le feu sacré. C'est en l'ai-mant, en l'aimant avec confiance et fermeté qu'on vaincra ses tendances à la révolte, et alors il est conquis et gagné pour la vie. Ce n'est qu'après être certain que ce rôle de l'école a été compris, librement accepté par l'élève, désiré même, que l'on peut songer à inculquer, avec chances de succès, l'instruction dont il a également grand besoin. Con-jugués en des proportions bien calculées et judicieusement dosées, ces deux rôles de l'Ecole secondaire ont prouvé com-bien on peut transformer un enfant qui, de rétif, pénible et désagréable, devient en quelques mois le garçon poli, posé, studieux et réfléchi. S'il a perdu peut-être, disons bien peut-être, quelques semaines d'instruction durant le début de son séjour dans notre école, au profit de l'éducation, nous affirmons, avec tous les parents de nos élèves, qu'ils ont beaucoup gagné pour la vie réelle, telle qu'au sortir de l'école ils auront à affronter, et c'est bien mieux: que les y jeter plus savants et plus instruits, mais incapables de supporter, sans sombrer, un premier revers.

G. DuRuz,

prot.

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