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CONCERNANT LA LECTURE ET L'ÉCRITURE DU PATOIS GRUÉRIEN

Dans le document SEPTANTE-CINQUIEME ANNEE FRIBOURG Prix: 2 fr. (Page 196-200)

Pour écrire son patois, Tobi di-j-èlyudzo adopta « une orthographe phonétique reniarquable par sa simplicité ».

(Dr L. Gauchat, Zurich.)

Les remarques qui suivent sont faites par Tobi di-j-èlyudzo dans ses ouvrages en patois. Nous y avons ajouté nos observations personnelles.

Il faut tout d'abord savoir que le patois varie d'une région à l'autre de notre Gruyère, souvent même d'un village à l'autre. Les Charmeysans ont des intonations autres que celles que l'on entend à Crésuz. A Grandvillard et à Enney certains mots sont prononcés autrement que dans les envi-rons de Bulle. La Roche aussi a ses mots particuliers, ses sonorités spéciales, etc.

Cependant, les règles suivantes pourront servir à l'écri-ture ou à la lecl'écri-ture du patois gruérien en général:

L Chaque son est toujours représenté par le même signe et chaque signe a toujours la même valeur ; pas de lettres inutiles ; il n'y a pas de marque spéciale du pluriel.

Les voyelles :

2. Il y a trois sortes de « a » :

le a sans accent, clair comme dans les mots français: ta-bac, plat;

exemples: la fata (la poche), la bala (la belle) ;

le à avec accent grave, prononcé comme dans le mot français : bas ;

exemples: on bà (un bœuf), on là (un loup) ;

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le d avec accent circonflexe, très ouvert, que certains écrivent à tort et d'une façon conàpliquée: ao ou a surmon-té d'un petit o; il faut donner à ce d une sonorisurmon-té spé-ciale qui n'existe pas en français, mais qui revient à tout instant dans le patois grrue'rî'en; exemples: brâtâ (rôtir), le nâ' (le nez), aryâ (traire).

Les écrivains patois devraient tous suivre cette règle des trois a, le troisième avec l'accent circonflexe d (pour ao) ; c'est une simplification que Tobi di-j-èlyudzo a toujours employée dans ses écrits: simplification est synonyme de progrès.

3. Il y a quatre sortes de e :

le e muet, comme dans les mots français: le livre;

ex.: betâ (mettre), dre (dire), dou fre (du fromage) ; le é fermé comme dans le mot français : bébé' ; ex. : on lé (un lac), teché (voici) ;

le è un peu ouvert, comme dans les sons français: et, est, fait;

• ex.: le vèvè (les veuves), le lève (le duvet);

le ê très ouvert, comme dans les mots français : chèvre,

«tre, plaire ;

ex.: la chê (la haie), le pê (les cheveux) ;

Le mot le dèvêlené (le soir) contient les quatre sortes de e.

4. Il y a deux sortes de o :

le 0 comme dans le mot français : potage ; ex.: le borbo (espèce de brouet) ;

le d avec accent circonflexe, comme dans le mot fran-çais : tdle ;

ex.: yô (fort), on chô (un saut).

5. Le i s'emploie comme en français;

ex.: le forni (le fourneau), vini è rèvini (venir et reve-nir) ; cependant, le i est toujours remplacé par y devant une voyelle ;

ex. : la hlyà (la crème), Tyénon (Etienne), le tyinchon (les pinsons), le bon Dyu (le bon Dieu), l'anhyan (le vieillard) ; le i est aussi remplacé par y dans les pronoms personnels je, il, lui, à lui ; ex. : y chalyo (je sors) ; y vin (il vient) ;

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por ly (pour lui), l'y èthê (il y était), l'y balyo (je lui donne).

Le y n'a rien d'exotique chez nous; que de fois ne se trouve-t-il pas dans les noms de famille, hameaux, villages, sommets, etc. ; ex. : Yerly, Musy, Gapany, Enney, Épa-gny, Pringy, Morteys, SaviÉpa-gny, etc.

6. Le u a le même son qu'en français ; il ne faut pas le prononcer « où ».

7. Toujours'pour simplifier, Tobi di-j-èlyudzo n'em-ploie :

qu'un seul « an », toujours an, qu'un-seul «in», toujours i«, qu'un seul « on », toujours on.

Il n'y a pas de « un » en patois ; cela explique la peine qu'ont les Gruériens à prononcer le « un » français.

Les sons français er, ez, ai, ei, et, est, sont souvent repré-sentés par é, è ou ê, suivant la prononciation patoise ; vert = vè, cher = tchê, voyez = vêdè, maison = méjon, neige = ne, est, et = è.

Le eu et le ou sonnent comme en français. Mais au est remplacé par d; ex.: la faux (la fô), là-haut (lé-hô).

Les consonnes.

La plupart des consonnes ont exactement le même em-ploi qu'en français^ cependant, voici quelques remarques sur certaines d'entre elles:

8. La lettre c n'est employée que dans le «cit » qui se prononce comme en français; ex.: la chochiètâ (la société), tzèrtchi (chercher), tru tchê (trop cher).

Le son français ch est habituellement traduit en patois par tz ou tch ; ex. : chercher = tzèrtchi, le chat = le tza, (à Grandvillard on dit « on sa » = un chat).

Pour accompagner le t, la lettre s serait préférable au z, elle respecte plus exactement la prononciation ; ex. : tser-tchi, le tsa, le tsin. _

Le son guttural c est toujours écrit par un /c ; ex, : kakelon (poêlon), kotyè kukârè (quelques hannetons). Cette règle

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est encore une simplification ; elle permet d'éliminer l'em-ploi du çu,évite la rencontre du c avec e et i. Comment rem-placer le k dans kemin (comment), keminhyi (commencer), la kemouna (la commune), le kemon (les communs), on kete (un type), kekelyi (bégayer), etc.?

9. Le g est dur: gale (joli), gugâ (lorgner), Goton (Mar-guerite). Devant i et e, en patois le g est toujours remplacé par / ; ex. : voudêji = sauvagerie, ouna niéje = une niaise.

Le son /e ou ge est écrit en patois dz ou dj ; ex. : jeune = dzouno, joyeux = dzoyà, charger = tzerdji, le juge = le dzudzo. Ici, pour accompagner le d, il faut le z.

Le gu s'emploie comme en français devant i et e.' ex. : banguêyi (branler, trébucher).

Le gn se prononce comme en français; ex.: grô gnako (gros sot).

10. Le h est toujours fortement aspiré ; ex. : ha grahyàja (cette gracieuse), lé-hô (là-haut).

11. Le /', nous l'avons déjà dit (n" 9), remplace le g dans gé, gi ; de plus, il est très souvent employé comme lettre euphonique ou pour représenter les liaisons faites en fran-çais ; dans ce cas, le / est placé entre deux tirets ; ex. : no chin-j-ou a Bro (nous avons été à Broc), lè-j-oji (les oiseaux), vo-j-y-j-eu fan (vous avez eu faim), lè-j-âlyon y-j-intan (les habits des enfants).

12. Le l accompagne souvent le h, le b, le p, devant le y et une voyelle ; ce l doit alors être très faiblement pronon-cé; ex.: la hlyâ (la crème), hlyori (fleuri), hlyèpi (flétri), dzihlyâ (gicler), plyèkâ (cesser), on pre blyè (une poire molle), lyètâ (fixer), chalyi (sortir)..

D'autre part, ille, illa, illi, illu, illon, etc., s'écrivent en patois lye, lya, lyi, lyu, lyon, etc. ; ex. : alâ y fdyè (aller aux filles) et non... y fiyè; la lettre l est nécessaire pour repro-duire la véritable prononciation des anciens qui parlaient presque uniquement le patois (Crésuz, vers 1850).

13. Le s ne se trouve jamais dans le patois de Tobi-di j-èlyudzo, les sons s, ss, ce, ci, sont traduits par ch, che, chi ; ex. : saucisse •= choucheche, ceci et cela = choche è chin.

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14. L e i , en plus de son emploi ordinaire comme en fran-çais, fait partie du ih, articulation spéciale du patois grué-rien et que lé français ne connaît pas. Pour reproduire cette dernière, il faut utiliser le ih anglais ou la prononciation du thêta grec; ex.: dyerthon (domestique), tèthu (têtu), èthoa (étourdi, imbécile). Ce ih se prononce en avançant un peu le bout de la langue entre les dents et en chassant l'air au dehors.

15. Pas de w double.

16. Le X est très rare ; il se trouve dans toxin (tocsin), Xan-dre qui se dit plutôt ChanXan-dre (AlexanXan-dre).

17. Pour l'emploi du z, voir les n^^ 7 et 8.

18. Il n'y a pas de consonnes doubles: //, II, It, pp, rr^

etc. ; cependant, on voit la rencontre de deux nn, ou d'un n et d'un m; le premier fait alors partie d'une syllabe et le second de la syllabe suivante. Ex.: la lanna (la laine), inmandji (emmancher); ces mots se prononcent : lan-na, in-mandji.

19. L'apostrophe est employée devant des voyelles pour marquer l'élision, l'abréviation, la liaison. Ex.: d'I'erdzin (de l'argent), t'y l'omo k'mè fô (tu es l'homme qu'il me faut), m'n'èmi (mon ami), on'à (un œuf). Le lirel sépare les lettres euphoniques ou les mots inversés, ou encore comme en français, le pronom qui se trouve placé après le verbe; ex.: di-j-èpà (des époux), vo-j-a-the yu ? (vous a-t-il vu ?), y-vo-j-ou ôtyè ? (avez-vous eu quelque chose ?), abada-tè (lève-toi).

20. La négation est plus souvent utilisée en patois avec les verbes être et avoir : ex.: chin n'è pâ veré (ça n'est pas vrai), n'a rin konprê (il n'a rien compris}, n'è pâ-j-ou chuti (il n'a pas été adroit), n'a pâ tan de mô (il n'y a pas tant de mal).

Avec les autres verbes, la première partie de la négation, le ne, est ordinairement supprimé ; ex. : vo deri pâ yô (je ne vous dirai pas oii), mè mené rin (ça ne me fait rien), mè chovigné dza pâ (je ne me souvenais dçjà plus).

Ainsi se terminent ces quelques observations sur l'ortho-graphe du patois, d'après Tobi di-j-èlyudzo.

Dans le document SEPTANTE-CINQUIEME ANNEE FRIBOURG Prix: 2 fr. (Page 196-200)