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LE 650e ANNIVERSAIRE DE LA CONFÉDÉRATION

Dans le document SEPTANTE-CINQUIEME ANNEE FRIBOURG Prix: 2 fr. (Page 170-173)

Alors que la guerre sévit en Europe et dans le monde, la Suisse vient de célébrer dans le calme le six-cent-cinquan-tième anniversaire de sa fondation. Les sceptiques l'ex-pliqueront comme ils voudront mais les chrétiens en rendront grâce au Dieu-Tout-Puissant, garant de notre Etat. Les desseins de la Providence sont incondables et ce serait trop présumer de l'avenir que de nous croire à jarnais préservés. Ce serait également une faute de ne pas espérer. Soyons, comme le sage, conscients de nos fai-blesses, mais aussi de nos forces. N'écoutons pas les faux prophètes, faisons de l'ordre, nous-mêmes, dans notre mai-son et surtout, comme le disait déjà Nicolas de Fine, ne nous mêlons pas des querelles étrangères. C'est dans cet es-prit que les véritables patriotes, conscients de leurs droits mais aussi de leurs devoirs, ont voulu célébrer le 650^ an-niversaire de la Confédération. Si la décision du Conseil fédé-ral de ne pas déclarer le l^"" août 1941, jour national et férié, a pu soulever quelques légitimes objections, si certaines ingérences auraient pu être évitées, il faut reconnaître que dans son ensemble, le programme des fêtes établi par le Dé-partement fédéral de l'Intérieur et par la Communauté de travail Pro Helvelia a reçu l'approbation de la grande majo-rité de notre peuple. Les Nations, comme les individus ne vivent pas seulement de pain. « Panem et circenses », disaient déjà les Romains : « donnez-nous du pain et des jeux »>. Est-il besoin ici de tout rappeler.-Chacun évoquera de lui-même ce qui sut le mieux parler à son intelligence et à son cœur : les sonneries des cloches du l^"" août, les feux de joie sur nos montagnes, l'arrivée du coureur, porteur de la flamme sym-bolique, les fêtes de Schwyz, les landesgemeinde de jeu-nesse, les marques d'attachement si touchantes des Suisses-de l'Etranger. Ce furent vraiment Suisses-de belles fêtes. Mais ne

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nous vantons pas trop. Laissons plutôt la plume à ce grand ami de la Suisse et de JFribourg, Louis Gillet, de l'Académie française qui vient de retracer dans la Revue des deux mondes les scènes finales, déroulées au Rûtli: « lorsque j'arrive avec le bateau officiel, il y a déjà beaucoup de monde. Il a dû, depuis le matin, se presser force passagers. Tout le côté de la clairière, à l'ombre de la forêt est déjà occupé par des

(Cliché Presse Diffusion, Lausanne.) Le serment des conjurés.

milliers de spectateurs étages le long de la pente, assis sur l'herbe comme sur les gradins d'un théâtre. Et quoique dans le demi-jour, cela forme un tapis coloré, tissé des nuances les plus claires, les bleus, les blancs, les roses, les tons de la jeunesse (il faut des jarrets pour cette grimpette, par con-séquent beaucoup de jambes de quinze ans); ajoutez l'ab-sence de chapeau d'oîi l'abl'ab-sence d'ombre sur les visages et ce teint ravissant des filles du pays qui n'a guère d'égal que l'éclat des carnations anglaises. Mais voici que de la forêt, par le côté libre de la clairière, descendent des rustres d'aspect sauvage, en chemise grossière, avec des barbes

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incultes ; ils s'approchent en parlant et en faisant dé grands gestes et l'on s'aperçoit qu'ils déclament du Schiller. Ils déposent à terre des fagots qu'ils allument, ce qui signifie qu'il l'ait nuit. Bientôt un second groupe, avec des cris, arrivent en montant du lac, portant des rames sur leurs épaules: ce sont les hommes de Schwyz qui rejoignent ceux d'Uri. D'un troisième, avec des prêtres en étoles d'or et un étrange bouvier, cornu, vêtu d'une peau de vache, sur-viennent en sonnant de la trompe, les hommes d'Unterwald.

C'est le serment des conjurés qui se répète sous noç yeux, aux lieux-mêmes où il se passa voilà plus de six-cents ans:

la réunion des rebelles des cantons primitifs, le noyau, là cellule initiale de la Suisse, dans le même décor devant les mêmes sommets qui eii furent les témoins. » Et ce témoi-gnage d'amitié de ce journaliste italien qui passa une partie de ses vacances d'été en Suisse et qui, à travers le rideau de fête, sut découvrir l'essentiel : « il faut reconnaître que le peuple suisse a le sens profond du devoir i> écrivait-il en conclusion de son article dans la Tribuna de Rome.

La Suisse de la Croix Blanche et de la Croix Rouge se dresse aujourd'hui intacte au milieu de la guerre. Soyons-en reconnaissant à Dieu, répétons-le, à des hommes aussi, comme Henri Dunant et Giuseppe Motta. Reconnaissance mais aussi confiance. N'est-il pas des heures dans la vie des peuples où le vrai réalisme consiste à faire preuve de har-diesse et d'imagination. Que les jeunes s'affranchissent des considérations terre à terre pour faire acte de foi en l'a-venir et dans la grandeur de l'œuvre à accomplir. Il faut que la Suisse de demain soit plus chrétienne et, par là, plus sociale et plus familiale. Il faut qu'elle revienne également à un sain fédéralisme. Notre pays pourra alors vraiment ré-péter les paroles du Curé Rosselman: «nous voulons être un peuple uni, un seul peuple de frères, que rien, ni danger, ni menace, ne pourra séparer. Nous voulons vivre libres comme ont vécu nos pères: plutôt la mort que l'esclavage.

Nous mettons notre confiance dans notre Seigneur-Dieu et nous ne craignons rien de la puissance des hommes. »

Jeûne fédéral 1941.

PHILIPPE FAVARGER.

Dans le document SEPTANTE-CINQUIEME ANNEE FRIBOURG Prix: 2 fr. (Page 170-173)