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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

II. Vieillissement global des CD-R et de chacun des constituants

II.3. Vieillissement des colorants (« dyes »)

Cette partie vise à résumer de façon synthétique les résultats des études portant sur les vieillissements thermique et photochimique de deux catégories de colorants utilisés dans les CD-R : les phtalocyanines et les composés azoïques.

II.3.1. Les phtalocyanines

Les phtalocyanines sont des composés macrocycliques aromatiques capables de former des complexes de coordination avec de nombreux métaux de transition (cuivre, nickel, zinc, cobalt…).

Vieillissement photochimique

La caractérisation avant vieillissement des propriétés optiques, électrochimiques ou encore morphologiques des phtalocyanines a fait l’objet d’études à la fois en solution [139, 140] et en phase solide [141, 142]. Néanmoins, de nombreux travaux portant sur la photodégradation de ces molécules ont été réalisées en solution [143, 144]. Même si des liens étroits ont été établis entre les phénomènes observés en solution et ceux observés à l’état solide, la stabilité photochimique des phtalocyanines est généralement meilleure à l’état solide qu’à l’état dissous [142, 143].

Le mécanisme de photodécomposition des phtalocyanines est lié à leurs propriétés de photosensibilisateur. La réaction de dégradation (en solution) débute par l’absorption d’un photon d’énergie suffisante, la molécule passe alors dans un état excité singulet 1Phc* [145-147]. La durée de vie de cet état est très courte, typiquement 10-10 - 10-9 s [146]. La désactivation de cet état excité peut ensuite se produire selon un mécanisme radiatif (fluorescence) ou selon un mécanisme non-radiatif. Ce dernier mode implique le passage de l’état excité singulet vers un état excité triplet plus stable noté 3Phc* (durée de vie de l’ordre de 10-6 – 10-3 s).

Phc + hν  1Phc*  3Phc* (avec Phc : phtalocyanine)

Ensuite, la réaction de cette espèce peut faire intervenir soit un transfert d’électrons (mécanisme de type I), soit un transfert d’énergie (mécanisme de type II) [145-147].

Dans le mécanisme de type I, la réaction de l’état excité triplet de la phtalocyanine avec l’oxygène conduit à la formation de différentes espèces radicalaires, telles que des anions radicalaires superoxydes O2-● [145-147]. Ce sont ces espèces qui peuvent ensuite réagir sur les molécules de phtalocyanine et entraîner leur dégradation.

3Phc* + O2  Phc +● + O2-● (I)

Dans le mécanisme de type II, la désactivation en présence d’oxygène 3O2 de l’état excité triplet 3Phc* entraîne la formation d’oxygène singulet 1O2[145-147]:

De nombreux auteurs se sont intéressés aux rendements quantiques de production d’oxygène singulet [148]. Ces études ont montré que ce rendement dépend largement du métal du complexe, du solvant ainsi que de l’état d’agrégation des molécules de phtalocyanine [149, 150]. Les phtalocyanines de cuivre forment habituellement d’importants agrégats le long d’un axe perpendiculaire au plan du macrocycle, ce qui diminue le rendement de production de l’oxygène singulet [150]. D’autre part, le cas des phtalocyanines de cuivre est controversé du fait de la nature paramagnétique du cuivre. En effet, les orbitales d du cuivre sont incomplètes, ce qui entraîne une extinction plus rapide de l’état excité triplet 3Phc* [150]. Par conséquent, d’après certains auteurs, les phtalocyanines de cuivre, de cobalt et de fer ne produisent pas d’oxygène singulet [150]. D’autres études ont pourtant montré une activité photocatalytique des phtalocyanines de cuivre [144, 149].

L’oxygène singulet 1O2 est une espèce très réactive, susceptible d’entraîner la décomposition de nombreuses molécules organiques. La photosensibilisation est, par exemple, mise à profit pour le traitement des cellules cancéreuses (thérapie photodynamique) [139, 147, 151]. Néanmoins, l’oxygène singulet est également susceptible de réagir sur les molécules de phtalocyanine qui l’ont produit. Le mécanisme proposé de dégradation consiste en une cyclo-addition de l’oxygène sur les atomes de carbone situés en α des atomes d’azote [143]. Cette réaction conduit à une décomposition du macrocycle et à la formation de phtalimide. Le phtalimide a été identifié comme l’un des produits majoritaires de la photodégradation des phtalocyanines [142, 144]. Le mécanisme proposé est donné en Figure 1.23.

Figure 1.23. Réaction de dégradation d’une phtalocyanine par l’oxygène singulet [143]

Beaucoup d’auteurs ont mis en évidence l’importance de l’oxygène dans les cinétiques de décomposition des phtalocyanines [144, 151]. D’après certains auteurs, le mécanisme de type II prédomine en milieu oxygéné [147]. Dans tous les cas, la photodécomposition conduit à une perte de l’aromaticité de la molécule. Les propriétés fonctionnelles, et plus particulièrement les propriétés optiques des phtalocyanines, sont largement affectées par cette modification chimique. En effet, la perte d’aromaticité conduit à une décoloration appelée

« photobleaching » et se traduit par une diminution progressive des bandes d’absorption Q au cours du photovieillissement [143, 151-153].

Vieillissement thermique

Comme dans le cas des polymères, le vieillissement thermique des composés organiques moléculaires peut se traduire par des réactions de thermo-oxydation, par une thermodécomposition et par un vieillissement physique.

Les phtalocyanines sont des composés thermiquement stables [154-156], leur température de décomposition est élevée (plusieurs centaines de degrés Celsius) [157, 158]. A des températures plus faibles, il n’a pas été constaté d’évolutions chimiques ou des propriétés optiques significatives [154, 159]. Seules des modifications morphologiques et des augmentations de cristallinité (phase β) correspondant à un vieillissement physique ont été mises en évidence par certains auteurs [156, 160, 161].

II.3.2. Les composés azoïques

Photovieillissement

Les mécanismes de photovieillissement en solution des composés azoïques sont similaires à ceux des phtalocyanines. La réaction commence par la formation d’un état excité D* suite à l’absorption d’un photon. Comme dans le cas des phtalocyanines, cet état excité peut ensuite réagir selon un mécanisme de transfert d’électrons (formation d’anions radicalaires superoxydes O2-●) [162-165] ou de transfert d’énergie (formation d’oxygène singulet 1O2) [162, 165, 166].

Quelques voies de dégradation supplémentaires ont également été proposées dans la littérature [165, 167]. Certaines de ces réactions font intervenir une rupture homolytique de l’espèce D* conduisant à la formation de radicaux [165] :

D*  X + Y

Ces radicaux peuvent également réagir avec l’oxygène pour former des anions radicalaires superoxydes:

La décomposition des composés azoïques conduit également à une perte de leurs propriétés fonctionnelles et en particulier de leur absorption UV-Visible [167, 168].

Vieillissement thermique

Tout d’abord, il est important de noter que peu de travaux sont disponibles sur l’étude du vieillissement physique et de la thermo-oxydation des composés azoïques. En ce qui concerne la thermo-décomposition, les composés azoïques chelatés par des métaux sont généralement stables jusqu’à des températures de l’ordre de 280 °C [169, 170]. Néanmoins, la stabilité thermique des composés azoïques est extrêmement dépendante de leur structure et de leurs substituants [171]. Il est donc très difficile d’établir des tendances générales. En effet, d’éventuelles interactions inter- et intramoléculaires peuvent affecter sensiblement le comportement thermique des composés azoïques [171]. Par exemple, les composés azoïques comportant des groupements nitro –NO2 présentent généralement une faible stabilité thermique [172], alors qu’ils sont plus stables avec des groupements hydroxyles (possibilité de former des tautomères) [171].