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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

II. Vieillissement global des CD-R et de chacun des constituants

II.1. Méthode d’étude du vieillissement des CD-R

Principe

Les pertes d’information observées au cours de l’archivage de disques [1, 70, 71], c’est-à-dire au cours de leur conservation à long-terme, ont incité certains organismes, tels que le National Institute of Standards and Technology (NIST) aux Etats-Unis ou le Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) en France, à développer des tests de vieillissement accéléré de CD-R [2, 4]. Ces tests consistent à graver des CD-R dans des conditions contrôlées de gravure et à appliquer des contraintes. Le plus souvent, ces vieillissements « accélérés » reposent sur l’application de forts taux d’humidité (typiquement 80 %) et de températures élevées (85 °C). Ces tests en enceintes climatiques sont parfois complétés par des photovieillissements accélérés (à λ > 295 nm) [4]. Les disques sont ensuite analysés à l’aide d’analyseurs de disques à intervalles de temps réguliers. Comme nous l’avons vu précédemment, des codes de correction d’erreurs sont intégrés dans les données des CD. Ces instruments utilisent ces codes afin d’accéder à des paramètres numériques dits « d’erreurs » [71]. D’autres mesures dites « analogiques » sont également effectuées. Le Tableau 1.1 résume les caractéristiques des paramètres les plus utilisés [71].

Tableau 1.1. Définition des principaux paramètres analogiques et numériques des CD

Nom du

paramètre Type Définition

BLER Numérique Nombre de blocs (= 32 octets consécutifs) erronés par seconde à la vitesse de lecture 1x avant l’application du correcteur C1. La valeur maximale du BLER est de 7350 s-1.

E32 Numérique

Nombre de blocs par seconde (à la vitesse de lecture 1x) comportant plus de 2 erreurs à l’entrée du correcteur C2

(valeur maximale : 7350 s-1) Ce type d’erreurs est incorrigible.

Réflectivité

(REF) Analogique Valeur maximale du signal optique (Apourcentage d’une valeur de référence max) exprimée en

Jitter Analogique

Ecart-type de la distribution des longueurs des différentes zones (3T, 4T…) exprimées en ns. Avant vieillissement, ces écarts de longueur proviennent, par exemple, de variations du

positionnement du laser pendant la gravure.

Généralement, les jitters moyens et maximaux sont retenus pour les interprétations.

Les paramètres analogiques permettent de caractériser le signal optique reçu lors de la lecture et ne dépendent pas de l’application de codes de correction. Par contre, ces paramètres sont plus « éloignés » des données numériques stockées que les paramètres numériques, qui caractérisent directement le décodage. La corrélation entre l’évolution des paramètres analogiques et numériques n’est pas toujours possible.

Dans cette optique, le Laboratoire National de Métrologie et d’Essais (LNE) a développé un système d’évaluation basée sur une interprétation directe du signal optique [2]. Cela consiste à enregistrer le signal optique et à simuler le décodage de l’information. L’étude des transitions permet de localiser et de caractériser de façon théorique les erreurs pouvant apparaître lors du décodage de ce signal analogique. Les taux d’erreurs calculés sont souvent voisins de ceux mesurés par les analyseurs, ce qui confirme la validité de cette nouvelle méthode d’évaluation.

Vieillissements de disques optiques

Seuls quelques organismes tels que le LNE ou le NIST ont mené des études sur le vieillissement de disques optiques (CD-R ou DVD-R) dans des conditions « accélérées » [2, 4, 70, 72-75]. Les augmentations du BLER observées en enceintes climatiques ont pu être reliées dans de nombreux cas à des évolutions du signal optique et des paramètres analogiques [2, 4, 70, 71]. Ces variations du signal se traduisent souvent par une diminution de la

réflectivité conduisant à une diminution du contraste entre les zones gravées et les zones non

gravées [2]. D’autre part, des augmentations significatives du jitter moyen ont été mises en évidence. Toutes ces évolutions contribuent à l’augmentation du taux d’erreurs et à l’apparition, dans certains cas, d’erreurs incorrigibles de type E32 [4]. Dans certains cas extrêmes, le vieillissement à température et humidité élevées s’est traduit par une délamination du disque, c’est-à-dire par la séparation de la couche métallique du substrat en polycarbonate [70].

Le LNE et le NIST se sont également intéressés à l’impact de la lumière sur la conservation des données du CD-R [2, 4]. Les tests de vieillissement consistaient à irradier en enceintes de photovieillissement accéléré (principalement de type « Suntest ») des CD-R gravés et à mesurer au cours du temps l’évolution des paramètres analogiques et numériques. Ces vieillissements ont également conduit à des augmentations significatives du BLER. Ces

augmentations ont pu être reliées à des diminutions importantes de réflectivité (impliquant une diminution du contraste) et des augmentations du jitter [2, 4, 71].

Enfin, quelques études du NIST, du LNE et de la Librairie du Congrès Américain ont porté sur l’évaluation du vieillissement « naturel » de collections de CD-R [2, 70, 71]. Il s’agissait de mesurer les paramètres analogiques et numériques de CD-R stockés pendant quelques années (typiquement entre 5 et 15 ans) dans des conditions « normales » de température et d’humidité. Ces mesures ont mis en évidence une défaillance de certains disques de ces collections [70, 71]. Dans ces cas, la corrélation entre l’augmentation du BLER et l’évolution des paramètres analogiques a parfois été plus délicate. Par exemple, ces études ont montré que la

réflectivité moyenne restait stable au cours du temps. Néanmoins, des diminutions locales de

ce paramètre au niveau de pits et de lands ont été observées [2]. Ces fluctuations, déterminées grâce à une analyse fine du signal optique, ont conduit à une augmentation du jitter et ont pu être reliées à la formation de taches micrométriques sur la couche réfléchissante.

Il est important de noter que les évolutions numériques et analogiques rapportées dans ces études de vieillissement sont dépendantes de la nature des matériaux utilisés pour la conception des disques (couche enregistrable, couche réfléchissante…) mais également du modèle de disque et du graveur utilisés [4, 71]. Même si certaines études ont montré des différences de comportements entre des CD-R à base de dyes azoïques ou de phthalocyanines [4, 71], il apparaît difficile d’aboutir à une conclusion claire quant à la stabilité relative de chacune des familles de disques. Néanmoins, ces protocoles de vieillissements accélérés ont conduit à un modèle de prédiction de la durée de vie des disques, qui est défini dans la norme ISO 18927 [76].

Norme de tests de vieillissement accéléré de CD (ISO 18927)

Les essais consistent à soumettre les disques gravés à des vieillissements en enceintes climatiques similaires à ceux mentionnés précédemment (température comprise entre 60 et 80 °C et taux d’humidité compris entre 55 et 85 %) [76]. Ces conditions sont supposées accélérer le vieillissement en provoquant des phénomènes proches de ceux observés à température ambiante [2]. Par définition, la fin de vie d’un disque correspond à la perte d’une partie des données. Idéalement, chaque échantillon devrait donc être testé jusqu’à ce que des pertes d’information surviennent, ce qui est difficile à mettre en œuvre [76]. Ainsi, pour des

raisons pratiques, le BLock Error Rate (BLER) a été retenu pour évaluer le degré de dégradation des CD-R. Un BLER maximum de 220 s-1 a été choisi comme indicateur de l’apparition d’erreurs incorrigibles et donc de la fin de vie des disques [76]. L’application d’un modèle, tel que celui d’Eyring [76-78], aux résultats de tests de vieillissements accélérés réalisés dans différentes conditions de température et d’humidité permet d’obtenir un facteur

d’accélération. Ce facteur permet d’extrapoler les résultats aux conditions ambiantes (25 °C,

50% RH) et donc de calculer, pour un temps t, la probabilité qu’un disque conserve ses données en conditions d’usage [76, 79].

Néanmoins, l’application de la norme présente certaines limites car celle-ci repose sur des hypothèses qui ne sont pas forcément valides selon le mécanisme de dégradation du disque (phénomènes de dégradation auto-catalytiques…) [79]. Par conséquent, une approche physico-chimique des phénomènes de vieillissement intervenant à différentes échelles et concernant les différents matériaux semble indispensable. Une étude a, par exemple, envisagé l’impact éventuel d’une hydrolyse du polycarbonate lors d’un essai en enceinte climatique sur le vieillissement global du CD-R [79]. Au-delà de cette interaction chimique entre l’eau et les différents constituants, la diffusion d’eau dans le CD-R pourrait également avoir un impact mécanique sur les couches enregistrées. D’autre part, l’utilisation du BLER (préconisée par la norme) pour le suivi du vieillissement soulève des interrogations. En effet, même si ce taux d’erreur est mesuré avant d’appliquer des codes de corrections, le BLER dépend néanmoins directement du système de décodage de l’information et du seuil de décision. Autrement dit, un vieillissement du disque conduisant à une modification progressive du signal optique peut ne pas entraîner immédiatement une augmentation du BLER (effet de « seuil »). Des paramètres analogiques, tels que le jitter ou la réflectivité, semblent plus appropriés pour caractériser les modifications du signal de lecture.