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ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

I.2. Matériaux et procédés de fabrication

I.2.2. Les couches enregistrables des CD-R : « dyes »

Les couches enregistrables des CD-R sont des formulations obtenues à partir de molécules organiques (appelées « dyes ») qui doivent présenter des propriétés spécifiques, à savoir :

- un coefficient d’extinction molaire k compris entre 0,03 et 0,15. - un indice de réfraction n élevé (> 2).

- une température de décomposition comprise 240 °C et 290 °C.

Ces caractéristiques permettent de satisfaire les spécifications techniques des CD-R définies dans la norme « Orange Book Part II ».

Coefficient d’extinction molaire k

La couche contenant l’information numérique doit présenter une forte réflectivité (> 70 % d’une valeur de référence) afin que le faisceau laser réfléchi lors de la lecture soit suffisamment intense. La réflectivité dépend de la couche métallique mais également de la nature du dye. En effet, si le dye absorbe fortement à 780 nm, la réflectivité sera faible, ce qui conduira à des difficultés de lecture. Il est donc préférable que le coefficient d’extinction molaire k du dye à 780 nm soit faible [31]. Néanmoins, la gravure du CD-R implique une absorption de la lumière à 780 nm par la couche enregistrable. Le dye doit donc absorber suffisamment à 780 nm pour pouvoir être modifié lors de la gravure. Ces exigences antagonistes impliquent donc de trouver un compromis entre une forte absorption facilitant la gravure et une faible absorption nécessaire à une bonne lecture. Habituellement, le coefficient d’extinction des dyes de CD-R est compris entre 0,03 et 0,15 [32].

phase de la lumière dans le milieu v [33]. L’indice n dépend de la longueur d’onde de la lumière. Comme nous le verrons dans la suite de ce manuscrit, l’indice n subit une variation importante lors de la gravure, ce qui contribue à la création de modulations permettant de coder l’information. Pour obtenir de fortes modulations après gravure, il est nécessaire d’utiliser un dye possédant un indice n élevé [31], habituellement supérieur à 2 [32]. Un faible indice conduira à de faibles modulations rendant le décodage du signal plus difficile. Il est important de noter que les paramètres n et k ne doivent pas être choisis indépendamment car chacun de ces deux facteurs peut avoir un impact direct ou indirect sur la réflectivité et sur la modulation [32].

Température de décomposition

Les dyes des CD-R doivent également avoir des propriétés thermiques adaptées à la gravure. Ainsi, pour obtenir une qualité satisfaisante de gravure, le dye doit avoir une température de décomposition comprise entre 240 et 290 °C. Si cette température de décomposition est trop faible, la stabilité thermique du dye sera faible, ce qui nuira à la conservation des données numériques. Au contraire, une température de décomposition trop élevée rendra la gravure difficile. D’autre part, une décomposition se déroulant sur une plage étroite de température conduira à une bonne sensibilité lors de l’enregistrement. Une faible conductivité thermique permettra aussi de limiter la dégradation du dye aux zones exposées au laser [32].

Lors du procédé de fabrication des CD-R, le dye est dissout dans un solvant organique (ou un mélange de solvants) puis déposé sur le substrat en polycarbonate par spin-coating [31, 32]. Cette technique, qui permet d’obtenir des dépôts homogènes, consiste à déposer quelques millilitres de solution de dye sur le substrat en rotation. Le solvant, qui ne doit pas solubiliser le polycarbonate, comporte souvent des alcools (tel que le 2,2,3,3-tetrafluoropropanol) et des hydrocarbures aliphatiques [32] afin d’adapter sa vitesse d’évaporation en fonction du procédé de spin-coating industriel retenu [11]. L’épaisseur « moyenne » de dye obtenue après évaporation est d’environ 150 nm. Par ailleurs, il est important de noter que l’épaisseur du dye dans le sillon est supérieure à celle présente sur les zones entre deux sillons (appelées « intersillons ») [31].

Les principaux dyes utilisés pour la fabrication de disques

Les CD-R sont couramment fabriqués à partir de 3 types de couches enregistrables : les cyanines, les phthalocyanines et les composés azoïques.

- Les cyanines

Les cyanines furent les premières molécules employées pour la conception de CD-R [32, 34]. Ces composés, dont les applications concernaient jusqu’alors les domaines de la photographie et de la spectroscopie, furent intégrés dans la conception des disques optiques enregistrables par Taiyo Yuden (Japon) [34-36]. Les cyanines appartiennent au groupe des polyméthines et peuvent être synthétisées suivant de nombreuses voies choisies en fonction de la structure finale désirée (chiralité, …) [37]. Une cyanine comporte dans sa structure 2 atomes d’azote reliés entre eux par une chaîne carbonée conjuguée qui est constituée d’un nombre impair d’atomes de carbone. L’un des deux atomes d’azote est chargé positivement [37, 38]. Il existe 3 familles de cyanine : les cyanines à chaînes ouvertes, les hémicyanines et les cyanines à chaînes fermées [39]. Les molécules proposées par Taiyo Yuden étaient des indocarbocyanines et appartenaient donc à cette dernière catégorie [35, 36]. La structure générale d’une cyanine à chaîne fermée est donnée en Figure 1.8.

Figure 1.8. Structure générale d’une cyanine à chaîne fermée [39]

Les cyanines absorbent fortement dans le domaine visible [40]. Ces propriétés d’absorption à 780 nm couplées à une faible conductivité thermique et une faible diffusivité ont permis leur utilisation pour la fabrication de disques optiques [32]. Le recours aux cyanines a, toutefois, été limité par le manque de photostabilité inhérent à ce type de molécules [32, 41, 42]. De nombreux travaux ont alors été menés pour améliorer leur stabilité. L’une des solutions proposées consistait à introduire dans la formulation des stabilisants UV [43] et des désactivateurs d’oxygène singulet [32]. De nos jours, les cyanines entrent toujours dans la composition des couches enregistrables des DVD-R et de certains CD-R [32], mais d’autres molécules ont été développées afin de pallier les problèmes mentionnés précédemment.

- Les phtalocyanines

Les phtalocyanines sont des molécules couramment utilisées actuellement pour la fabrication des couches enregistrables de CD-R [41, 44]. Les phtalocyanines sont plus stables photochimiquement que les cyanines et leurs propriétés physico-chimiques correspondent parfaitement aux caractéristiques techniques de couches enregistrables [44]. Leur utilisation a permis, en particulier, d’augmenter les vitesses de gravure. Néanmoins, leur coût de production est plus élevé [44].

Les phthalocyanines peuvent être synthétisées par cyclotétramérisation de composés benzéniques ortho-disubstitués (tels que le phtalonitrile, par exemple). L’ajout d’un sel métallique lors de la synthèse permet d’obtenir une phtalocyanine chelatée par un métal tel que du cuivre, du cobalt ou encore du zinc [45]. La Figure 1.9 présente une structure modèle de phtalocyanine similaire à celles couramment utilisées pour la fabrication de CD-R.

Figure 1.9. Structure d’une phtalocyanine de cuivre

Cette structure comporte un système à 18 électrons π délocalisés. L’aromaticité permet d’expliquer le spectre UV-Visible des phtalocyanines (transitions π  π*). Ces composés, dont la couleur varie du bleu au vert, présentent une absorption dans le domaine UV entre 300 et 400 nm nommée bande de Soret (ou bande B) et une bande dans le visible appelée bande Q [46-48]. La Figure 1.10 présente le spectre UV-Visible d’une phtalocyanine de cuivre en solution [49].

Les brevets des phtalocyanines destinées à la fabrication de CD-R sont détenus par Mitsui Toatsu Chemical et par Ciba Specialty Chemicals (BASF) [42, 50, 51]. Parmi les phtalocyanines commerciales utilisées pour la fabrication de CD-R, nous pouvons citer, par exemple, l’Irgaphor Supergreen OS (Ciba) introduite sur le marché à partir de 2000 [52].

- Les composés azoïques

Des composés azoïques furent également utilisés pour la conception de couches enregistrables de CD-R [53, 54]. Les composés azoïques sont des molécules comportant au moins une fonction R-N=N-R’. Dans la plupart des cas, R et R’ sont formés de groupements aromatiques. Comme dans le cas des phtalocyanines ou des cyanines, la délocalisation d’électrons π est responsable de l’intense absorption de ces composés dans le domaine visible. Les composés azoïques aromatiques peuvent être synthétisés par des réactions de substitution électrophile (appelée « azo coupling reactions ») durant lesquelles un cation aromatique diazonium attaque un autre cycle aromatique substitué par des groupements électrons donneurs [52-54]. Un exemple de réaction de synthèse d’un composé azoïque [55, 56] est donné en Figure 1.11.

Figure 1.11. Exemple de synthèse d’un composé azoïque : synthèse du 4-(phenyldiazenyl)phenol

Dans le cas des dyes de CD-R, le composé azoïque est chélaté par un métal de transition (habituellement du nickel) [53, 57]. Cette chélation, qui permet d’augmenter la stabilité photochimique du composé azoïque [58], est réalisée en mélangeant le dye avec une solution de sel métallique [53, 54]. La Figure 1.12 présente une structure générale de complexes azoïques typiquement utilisés pour la fabrication de CD-R [57].

des formulations de ces dyes sont détenus par la société Mitsubishi Chemical [42, 57, 59], laquelle fabrique les disques optiques commercialisés sous la marque Verbatim.

D’autres types de dyes moins courants furent également employés pour la fabrication de CD-R. A titre d’exemple, des formulations basées sur des formazans furent développées par Kodak [34].