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C HAPITRE II Q UE FONT LES EDUCATEURS SPECIALISES ?

IV. D ES TRACES MNESIQUES AU TEXTE DE L ’ ACTION

4.1. Vers une théorie de l’action en éducation spécialisée

Une étude transversale des cadres théoriques susceptibles d’être mobilisés a été réalisée pour répondre à la problématique du saisissement des formes de l’agir en éducation

spécialisée, en fonction de l’étude du cahier de bord du CPA de Valmont et en l’absence

d’une théorie préexistante de l’action dans ce champ professionnel. On a ainsi réuni les éléments jugés pertinents pour envisager le « bricolage » d’une théorie apte à servir spécifiquement les fins méthodologiques recherchées. Ce bricolage, cette « mètis

méthodologique » a conduit à extraire et nouer plusieurs apports théoriques relatifs aux

indicateurs et aux indices mis en reliefs et identifiés dans la problématique. Afin d’étudier et extraire les formes de l’agir dans l’action des professionnels de l’éducation spécialisée, il était logique de rechercher des apports dans le cadre des théories de l’action d’une part, et dans le cadre de l’analyse de l’activité qui en découle d’autre part, approche la plus contemporaine dans l’étude des pratiques professionnelles. Elles sont en soi cependant insuffisantes pour la profondeur de l’analyse, car le mandat confié à l’éducation spécialisée prend source dans des préconstruits socio-historiques dont il faut tenir compte puisqu’ils déterminent le contexte social et structurel de sa propre structure d’action (Giddens).

L’interactionnisme symbolique a été pour cette raison convoqué pour compléter l’analyse, en raison de son expérience dans l’analyse des pratiques professionnelles au sein de

dispositifs institutionnels.365 Il est de même à nouveau mobilisé dans la méthodologie pour articuler le concept de trace et l’aborder dans la tension qu’il présente entre sa nature empirique et les constructions théoriques qu’il permet de produire. Afin de recentrer plus précisément l’étude sur le genre que constitue le « faire » éducatif, la mètis caractéristique des

arts du quotidien analysés par Michel de Certeau est examinée de manière supplémentaire

sous l’angle d’un art de l’occasion et de la mémoire366 et en fonction des corrélations qu’elle

présente avec la mètis éducative spécialisée et sa dimension elle-aussi quotidienne. Le rôle et la fonction de la mémoire situés dans le cadre de la pratique éducative spécialisée sont dès lors logiquement articulés en considérant les modalités techniques et l’intention qui soutiennent l’utilisation du cahier de bord, l’examinant en sa qualité d’hypomnémata.367

365 Mais aussi, comme on l’a déjà mentionné, du fait que l’interactionnisme a nourri la formation pratique des

éducateurs spécialisés dans les modalités élaborées pour penser la prise en charge en « internat », cf. BOUSSION

S.,Les éducateurs spécialisés : naissance d’une profession, op. cit., p. 82.

366 DE CERTEAU M., L’invention du quotidien, op. cit., p. 125. 367 Cf. FOUCAULT M., L’écriture de soi, op. cit.

Enfin, la reconstitution du texte institutionnel réalisée à partir du cahier de bord permet d’envisager ce texte comme un système clos qui ouvre l’accès à une reconfiguration possible de l’action, selon l’arc interprétatif élaboré par Paul Ricœur et dans le cadre d’une analyse de la grammaire et des invariants praxéologiques que ce texte présente au regard des formes analysées par Marc-Henry Soulet dans son appréhension concrète de l’action des travailleurs sociaux.368 Autrement dit, l’agir en éducation spécialisée relève d’une conjugaison professionnelle appliquée du paradigme et de la méthodologie indiciaire. La parure sociale et

professionnelle, sous laquelle cet agir se justifie rationnellement par des emprunts

fragmentaires à de nombreux champs disciplinaires, le rend pour cette raison difficilement saisissable. Pour contrer cet insaisissable, la recherche se concentre sur les restes empiriques de l’activité réelle que constituent les traces du cahier de bord comme faits, en rapport à un cadre méthodologique permettant de questionner et de théoriser progressivement au plus près du réel l’agir qui caractérise la pratique des éducateurs spécialisés. Les premières lectures et analyses du corpus montrent qu’à force de manipulations méthodiques des angles de lecture des notes, trois dimensions récurrentes se distinguent manifestement dans l’activité des éducateurs. Ces trois dimensions relèvent au premier regard de l’organisation, de l’intervention et de la transmission. Elles ont ainsi été intégrées comme modalités de discrétisation dans le travail de reconstitution et injectées dans le processus indiciaire, avec en soubassement référentiel les théories de l’action et l’analyse de l’activité.

Théories de l’action, analyse de l’activité

Ces trois dimensions mises en perspectives avec les modalités de l’analyse de l’activité et des sciences du travail insistent sur l’importance de l’activité stratégique d’adaptation mise en œuvre par les travailleurs dans la réalisation de leur activité, distinguant à l’étude les composantes du travail prescrit et les composantes du travail réel, des tâches réellement et concrètement mises en actes. Ce recours à l’analyse de l’activité et aux théories de l’action a ainsi permis de produire une complexification heuristique de l’analyse. Dans la même optique, suite à l’échec précédent d’une herméneutique narrative appliquée au corpus et en raison de l’ancrage des théories de l’action dans la philosophie analytique, la nature textuelle du cahier de bord a conduit à préciser la méthodologie indiciaire en l’articulant avec une herméneutique de l’action telle que la développe Paul Ricœur, dans un cheminement

permettant le « pontage interprétatif » du texte et de l’action.369 Les différentes approches des théories de l’action présentées ici le sont sur un mode fortement synthétisé dans le but de fournir les grands repères théoriques qui soutiennent en arrière-fond le cadre méthodologique. Ces théories sont envisagées prospectivement au regard de leur utilisation pour l’analyse du corpus, en voici les divers champs de considération et les ingrédients retenus :

Les approches philosophiques de l’action permettent premièrement d’élargir la compréhension et d’aborder la question de l’action sous l’angle anthropologique et herméneutique du point de vue des moyens techniques et langagiers usités par les groupes humains pour leur survie et dans leur activités sociales quotidiennes. On trouve par exemple de tels développements chez Jürgen Habermas à travers l’articulation qu’il développe entre

agir praxéologique et agir communicationnel dans laquelle et comme le propose André

Leroi-Gourhan dans l’articulation anthropologique qu’il propose au prisme du geste et de la

parole, les deux capacités spécifiquement humaines de production et d’utilisation

d’instruments prothétiques techniques constituent des invariants dont la mise en action favorise et assure la survie et l’évolution des groupes humains. On relève ici un lien direct avec l’éducation spécialisée où la praxis du professionnel est mise en œuvre par un travail

d’équipe, d’une part relativement à la relation éducative et au moyen de la parole éducative

adressée aux sujets pris en charge, d’autre part à travers la pratique de gestes et d’outils

techniques pratiques et communicationnels dans la méthodologie de l’intervention, telle que

l’illustre à lui seul le cahier de bord. De ces approches, on retient plus particulièrement la considération qu’elles accordent à toute la dimension pré-figurative, pré-construite, pré-

donnée du contexte corrélatif à tout agir humain. Ce dernier se soutient en effet de conditions

et de moyens qui sont transmis de génération en génération dans les groupes humains, dans le cadre des systèmes éducatifs à partir desquels l’agir se déploie dans des modalités chaque fois renouvelées et inédites, tout autant créatives que contraintes dans le même temps par le contexte social et la transmission générationnelle que celui-ci nécessite d’opérer pour assurer sa pérennité. Le langage trouve toute sa portée dans ces approches notamment sous l’angle de

369 Cf. RICŒUR P., Du texte à l’action, op. cit. ; BRONCKART J.-P. (Ed.), Agir et discours en situation de travail,

op. cit., p. 35 : « […] Ricœur affirme d’abord que, comme les textes, toute action humaine est fondamentalement

sociale, « non seulement parce qu’elle est (généralement) l’œuvre de plusieurs agents de telle manière que le rôle de chacun d’entre eux ne peut être distingué du rôle des autres, mais aussi parce que nos actes nous échappent et ont des effets que nous n’avons pas visés » (p. 193). Cette prise de position signifie que, même si elle constitue au départ le résultat d’une intervention intentionnelle d’un agent, l’action, une fois produite, se « détache » de cet agent et développe ses propres conséquences, tout comme un texte, une fois produit et mis à disposition des interprétants, se détache des intentions de son auteur. Sous l’effet de cette autonomisation, l’action constitue une

œuvre ouverte (dont la signification est en suspens) qui s’inscrit dans le temps social et y laisse des traces qui

l’anthropologie philosophique incarnée par Paul Ricœur et des modalités d’examen et de reconfiguration de l’agir humain qu’il propose sous le triple angle de l’action, du texte et de l’histoire, trois dimensions qui s’inscrivent sur arc interprétatif articulant compréhension et

explication.370

Dans cette logique « ternaire » de la temporalité de l’action, les approches sociologiques permettent ensuite d’examiner les relations entre le social et l’individuel sur un arc très large qui tient compte des apports d’Émile Durkheim dans une approche holiste analysant la

détermination du social sur l’individuel, les individus étant considérés comme des agents de

cette détermination sociale. Passant rapidement par Max Weber ensuite et la détermination qui considère différemment les individus comme des acteurs capables de transformer ces déterminations, il faut y adjoindre les travaux de P. Bourdieu qui développe la notion d’habitus, au regard des mécanismes de reproduction sociale produits dans leur rapport aux contraintes institutionnelles.371 On rejoint ensuite des théories plus contemporaines et modernes à propos desquelles nombre de chercheurs mettent en avant la dimension participative des acteurs dans la construction sociale de la réalité372 selon des niveaux

d’échelles d’intensité diverses, que ce soit dans le cadre de l’interactionnisme symbolique, de l’individualisme méthodologique ou de l’ethnométhodologie.373 Toutes ces approches coexistent au sein des théories de l’action selon de multiples articulations dont les plus intéressantes pour notre recherche concernent l’interactionnisme social et symbolique qui trouve des développements ultérieurs dans le paradigme plus récent des transactions sociales en situation d’incertitude.374

Ce paradigme met également en jeu les concepts interactionnistes de négociation et de

trajectoire, mais les envisage sous l’angle du parcours biographique et de l’inscription de

celui-ci dans ses rapports au contexte social et aux situations de crise ou d’incertitude qui en résultent, convoquant les individus à faire face à ces épreuves en opérant des transactions inédites dans le nouage inévitable de la trajectoire individuelle et sociale. De même que les

370 Cf. SCHURMANS M.-N., Expliquer, interpréter, comprendre, Le paysage épistémologique des sciences

sociales, Genève, Carnets des sciences de l’éducation, 2006 ; BRONCKART J.-P. (Ed.), Agir et discours en

situation de travail, op. cit., p. 36.

371 Il faut ici rapprocher l’ « habitus » bourdieusien avec les éléments que nous avons explicités en rapport à la

question des normes, cf. MACHEREY P., Le sujet des normes, op. cit., p. 13.

372 Cf. BERGER P.,LUCKMANN T., La construction sociale de la réalité, Paris, Masson/Armand Colin, 1996. 373 BRONCKART J.-P., Une introduction aux théories de l’action, op. cit., pp. 38-58.

374 Cf. FREYNET M.-F.,BLANC M.,PINEAU G., Les transactions aux frontières du social, op. cit. ; BRONCKART J.-

P. (Ed.), Agir et discours en situation de travail, op. cit., p. 58 ;Une introduction aux théories de l’action, op. cit., p. 57.

démarches cliniques de formation engagées pour l’élaboration du savoir en éducation spécialisée et bien que celles-ci prennent attentivement en considération les dimensions relationnelles intersubjectives et les transactions induites par les déterminations du contexte social (tel la contrainte du mandat en éducation spécialisée), notre recherche se distancie quelque peu de fait dans ses modalités empiriques de ces deux démarches, cliniques et transactionnelles, parce qu’elles ne permettent pas de fournir un cadre méthodologique adapté à l’étude du cahier de bord, et parce qu’elles sont plus centrées « par cas », ce qui nécessite de recourir à l’acteur concerné dans les modalités pratiques de recherche, acteur qui reste producteur du matériau fondant les analyses opérées à partir d’entretiens compréhensifs, de récits biographiques ou récits de pratiques.375 On retrouve ici les impasses de l’approche narrative et l’impossibilité de saisir les trajectoires dans une continuité opérée par le récit et son analyse, comme parviennent par contre à le faire certaines méthodes de recherche en histoire de vie, notamment.376

Pour compléter le tableau, il est par contre nécessaire d’intégrer la théorie de la

structuration d’Anthony Giddens qui présente une articulation de la question relationnelle

entre le social et l’individuel, dans le cadre d’une théorie globale entre détermination et indétermination entre contraintes de reproduction et innovations créatrices.377 Contrairement aux transactions sociales, cette théorie semble des plus pertinente pour inscrire dans un contexte sociologique élargi la question du mandat social confié à l’éducation spécialisée, ainsi que les dimensions structurelles des institutions qui en déterminent les modalités de mise en œuvre. Tout autant pour son élaboration que pour sa prise en charge, le mandat peut y être analysé en fonction de son inscription dans les caractéristiques structurelles spécifiques aux sociétés modernes. Si cette approche permet sans doute de situer sociologiquement le champ de l’éducation spécialisée et certaines déterminations de ses contextes institutionnels, elle ne permet par contre pas d’aborder l’étude du cahier de bord sur un mode suffisamment microsociologique, bien qu’il soit probable d’y retrouver les lignes des processus génériques de la structuration sociale (Giddens).

Troisièmement enfin, les approches des sciences du travail permettent d’aborder l’action dans une plus grande proximité378 qui se manifeste et se présente sous plusieurs angles : celui

375 Cf. BAUDOUIN J.-M.,De l’épreuve autobiographique, Bern, Peter Lang, 2010.

376 Cf. DOMINICIE P.,L’histoire de vie comme processus de formation, Paris, L’Harmattan, 2003. 377 BRONCKART J.-P. (Ed.), Agir et discours en situation de travail, op. cit., p. 57.

378 Cf. SCHWARTZ Y., DURRIVE L. (dir.), Travail et ergologie. Entretiens sur l’activité humaine, Toulouse,

du travail considéré sous l’angle de l’agir ; celui des approches économiques d’un part, philosophiques pratiques d’autre part ; celle de l’approche opérée par Hanna Arendt à propos de la praxis telle qu’évoquée dans les chapitres précédents. On peut mentionner l’approche historico-culturelle qui se concrétise par une clinique de l’activité représentée principalement par Yves Clot379, celui-ci posant l’existence de genres professionnels et de façons de faire qui ont permis le développement d’un agir formatif, précisément dans une formation par l’analyse de l’agir qui se rapproche de la démarche clinique. Ces approches permettent mieux d’envisager et de contextualiser les situations de travail telles qu’elles apparaissent dans le cahier de bord, en examinant la prescription du travail et l’écart du travail réellement réalisé, en fonction des résistances du réel et des actions d’adaptation et d’innovations permettant cette articulation qui est en quelque sorte une transaction avec les résistances du réel. Cependant, aucune de ces théories ne permet à elle seule de définir un cadre théorique spécifique pour l’étude de l’action en éducation spécialisée. L’identité d’un cadre théorique possible en éducation spécialisée relève ainsi de l’incertitude d’une part, tout comme l’est l’origine de la profession, de l’indicible et de l’insaisissable d’autre part, au regard de la définition de son genre de savoir-faire et de l’indétermination dans le cadre de l’élaboration d’un savoir théorique qui résiste pour cette pratique professionnelle à tout objectivation formelle globale.

Les apports ainsi élargis dans le cadre des théories de l’action conduisent dès lors à considérer l’analyse ultérieure du corpus à partir des trois dimensions apparues dans la lecture empirique du cahier, selon plusieurs points de vue et à des niveaux de stratification multiples : dans une dimension socio-anthropologique tout d’abord et selon une considération de l’agir humain où le processus part des préconstruits historico-culturels380 transmis par les systèmes éducatifs et rejoint finalement les sujets individuels qui construisent et tissent à leur tour le lien social dans un processus circulaire, rétroactives et progressives, tel les cercles de la

socialisation proposés par le sociologue Georg Simmel381 ; dans une considération

herméneutique ensuite, en ce sens que l’agir est symboliquement préfiguré, puis configuré et refiguré dans le cadre des activités langagières, comme l’a proposé Paul Ricœur dans ses

travaux sur les trois mimésis élaborées dans Temps et Récit 382; enfin, dans une considération

379 Cf. CLOT Y.,La fonction psychologique du travail, Paris, PUF, 2006.

380 BRONCKART J.-P. (Ed.), Agir et discours en situation de travail, op. cit., p. 103. 381 Cf. SIMMEL G.,Sociologie, Études sur les formes de la socialisation, Paris, PUF, 1999.

382 MOMBERGER C.,La condition biographique, op. cit,., p. 29 ;RICŒUR P., Temps et récit 3. Le temps raconté,

soutenue par l’analyse de l’activité professionnelle et dans un processus ternaire illustrant le processus entre travail prescrit, activité réelle et travail réalisé.383

Retour à l’empirisme : Théorie ancrée et interactionnisme symbolique

Dans Introduction aux théories de l’action, Jean-Paul Bronckart conclut à la nécessité d’un retour à l’étude empirique qu’on reprend au compte de la recherche.384 La particularité de cette étude nécessite en effet l’élaboration d’un cadre théorique formel capable de circonscrire l’action des éducateurs spécialisés jusqu’ici fragmentaire et insaisissable. Celui-ci ne peut se construire qu’en simultanéité avec la reconstitution méthodologique du texte empirique et à partir du corpus qui en soutient l’orientation. Ces procédés de théorisation correspondent précisément aux principes épistémologiques de la Théorie ancrée qui ont été adoptés tout au long de la recherche. Si les théories de l’action permettent d’approfondir et de diversifier les matériaux pour construire un cadre théorique en apportant des indices et des perspectives complémentaires, ce sont bien les concepts de l’interactionnisme symbolique et l’usage du

paradigme indiciaire qui en ont permis l’application empirique, i.e. en ce sens opératoire et

opérable à partir les matériaux concrets constitués par le cahier de bord. Tout en articulant le questionnement et l’analyse au prisme des théories de l’action, le paradigme indiciaire en sciences sociales développé par Marc-Henry Soulet dans la ligne de Carlo Ginzburg se voit confirmé dans son adéquation en tant que méthode valide et pertinente pour une recherche située au carrefour des dimensions pré-construites du social et des constructions que les acteurs opèrent depuis celles-ci. Dans une considération élargie des formes de l’agir en situation des éducateurs spécialisés, l’interactionnisme social et symbolique fournit la

plasticité nécessaire pour un jeux d’échelle permettant de saisir l’agir indigène produit au

CPA de Valmont, tout en l’inscrivant dans des déterminations analytiques macrosociologiques.

Ces formes génériques considérées au regard du champ de l’éducation spécialisée permettent dès lors d’envisager le rapport d’interdépendance entre contrainte sociale et

créativité locale, par une variation réflexive à l’échelle anthropologique des formes de lien

social et d’action présentes dans les groupes humains. Ces formes ont été pensées à partir de l’invariance qui caractérise tout agir humain et cela quelle que soit l’échelle de son

383 BRONCKART J.-P., Une introduction aux théories de l’action, op. cit., p. 72. 384 Ibid., pp. 87-88.

appréhension : la médiation de l’agir langagier (la parole, l’écriture, la grammatisation385), agir soutenu dans le même temps qu’il est le résultat d’une organologie prothétique technique (le geste, la technique, les instruments). À l’instar de Robinson Crusoé produisant et reproduisant progressivement dans sa solitude insulaire l’ensemble vaste des activités sociales modernes qui sont nécessaires au maintien et à l’amélioration de sa survie, ses actions ne sont possibles que parce que les actes adaptatifs et créatifs qu’il met en jeu à partir des héritages sociaux qui préexistent à son naufrage relèvent de préconstruits sociaux et de connaissances issues de son éducation et ses expériences sociales antérieures. Le quotidien « fondamental » ou basique qu’il reproduit n’a pu être obtenu que par le moyen de la récupération sur le navire