• Aucun résultat trouvé

C HAPITRE II Q UE FONT LES EDUCATEURS SPECIALISES ?

2.2. Le (savoir-) « faire » en éducation spécialisée

On persiste dans ce sous-chapitre à questionner la dimension de l’indicible dans la pratique à partir des paradoxes identitaires de la profession évoqués dans le sous-chapitre précédent, en s’étonnant d’autant plus de cette énigme du fait que le (savoir-) faire (-savoir) en éducation spécialisée a lui-aussi fait l’objet d’un fort mouvement d’élaboration depuis plus de vingt ans. La densité du travail, des réflexions et des publications produites sous l’impulsion des acteurs des terrains professionnels et des terrains de formation depuis la fin des années 1990 trouve selon nous le fondement de son élan dans les choix opérés par les autorités politiques européennes (OCDE) et nationales d’adopter et de mettre en œuvre les principes de la « Nouvelle Gestion Publique » (NGP) dans l’ensemble des secteurs de l’administration publique, volonté qui a déterminé une nouvelle orientation de l’action sociale et de la conception des formations professionnelles.

Ces mutations ont provoqué dans le milieu du travail social des mouvements d’élaboration et d’adaptation inédits, conformes ou résistants, concrétisés par les productions réflexives multiples des professionnels et formateurs, ainsi que des sociologues du travail social, l’ensemble de ces mouvements convergeant chez les éducateurs spécialisés vers l’affirmation de la nécessité de la réflexion et du soin éthique qu’il s’agit de produire en permanence dans les pratiques, réflexion qui accompagne la profession dès ses débuts mais qui se trouve particulièrement remodelée au prisme des logiques gestionnaires et managériales contemporaines du début du 21e siècle. Entre faire et agir, l’éducation spécialisée reste une

pratique particulière, une pratique insaisissable selon divers auteurs. Les mutations des politiques sociales et de la formation professionnelle ont eu paradoxalement un double effet : premièrement celui de produire de nouvelles conceptions et conceptualisations novatrices du métier en fonction des nouvelles logiques de compétence, mais deuxièmement elles ont provoqué un mouvement de résistance à partir duquel de nombreux acteurs et formateurs se sont mis à formaliser, à raconter et décrire les contours de l’éducation spécialisée dans le but de contrer les effets nocifs produits par les nouvelles politiques sociales et formatives.

De l’innovation des politiques publiques à la résistance clinique des acteurs de terrain

En Suisse, ces mutations ont été opérées sous l’égide des Hautes écoles spécialisées, les centres de formation en éducation spécialisée et en travail social s’y sont soumis dès la fin des années 1990 en remodelant leurs concepts et conceptions des plans de formation selon les nouvelles directions et directives de tertiarisation de la formation, dans une tonalité « d’universitarisation » progressive de la formation en raison de l’acception helvétique précoce des principes du processus de Bologne. En France, ces logiques gestionnaires insufflées dans le social ont provoqué des mouvements de résistance et suscité des positionnements critiques, d’une part par des professionnels et formateurs notamment inscrits dans les pratiques sociales et travail social, d’autre part de la part de chercheurs en sciences sociales, particulièrement des sociologues au fait de la question sociale, tels Robert Castel, Michel Chauvière, Vincent de Gaulejac, parmi d’autres. Les acteurs de la formation en travail social ont dû s’adapter dans le cadre des mutations connexes des politiques de formation par une réélaboration de la logique de qualification par objectifs qui existait jusque-là, pour la réinterpréter dans une logique en termes de compétences.149 Initiées au début des années 1990 et mises en place différemment selon les pays, ces mutations sont à n’en pas douter à l’origine du mouvement d’élaboration de leur pratique par des professionnels de l’éducation spécialisée, ainsi que du mouvement affirmé de résistance150 à l’encontre des logiques gestionnaires et managériales instillées dans le domaine de l’intervention sociale qui ont

149 Cf. FRUND R.,L’activité professionnelle : compétences visibles et invisibles, Lausanne, Cahier de l’EESP, 47,

2008 ; CHAUVIERE M., Trop de gestion tue le social, Essai sur une discrète chalandisation, Paris, La

Découverte, 2007.

provoqué et permis de révéler de fait un véritable « malaise dans le travail social »151 qui serait le reflet d’un malaise social beaucoup plus profond et général.152

Ce malaise du social serait la conséquence de manière plus globale et comme le montrent certains travaux sociologiques, du démantèlement progressif de l’État social et du développement prédominant des principes de l’entreprise et de l’économie de marché dans l’ensemble des secteurs de l’activité humaine.153 À partir de ces nouvelles mutations et dans le cours évolutif du développement social de la profession, les praticiens des terrains en éducation spécialisée et en travail social ont produit d’une part des connaissances formalisées et accessibles au plus grand nombre, productions articulées et re-formalisées d’autre part dans des adaptations conceptuelles de la formation en travail social, s’attelant avec force à faire mieux connaître le champ de l’éducation spécialisée en produisant et proposant des formes d’élaborations multiples et créatives relativement à cette pratique particulière, historiquement fortement inspirée dans ses principes fondamentaux par un personnalisme humaniste154 présent dès la création de la profession dans l’après-guerre, lequel porte un soin particulier à considérer les personnes prises en charge dans leur globalité et dans leur singularité.

Bien qu’elle ne soit et qu’elle ne fut déjà auparavant pas totalement étrangère au grand public, la profession d’éducateur spécialisée restait et reste encore cependant méconnue, en raison peut-être de ses origines anticonformistes155, de la jeunesse de cette profession spécifiquement moderne et de l’intensité de la tâche qui ne lui laisse que peu le temps de se faire mieux connaître. On peut compléter les raisons de cette méconnaissance en y ajoutant, d’une part la complexité identitaire évoquée précédemment, mais également en raison du souci permanent qu’exige la profession, la protection nécessaire de l’intimité parfois sensible des personnes qu’elle accompagne, ainsi que d’autre part des déterminations liées au mandat social à propos duquel elle se doit de maintenir une réserve et un secret de fonction bien compréhensible. De fortes avancées dans les connaissances nous intéressent ici particulièrement notamment concernant la caractérisation du genre d’action ou d’agir qui semble être spécifique au métier d’éducateur spécialisé et de travailleur social, selon des coordonnées cependant distinctes.

151 Cf. ROUZEL J., (dir.), Travail social et psychanalyse, Malaise dans le travail social, actes cliniques,

institutionnels, politiques, Nîmes, Champ social, 2008.

152 Cf. CASTEL R.,La montée des incertitudes, travail, protections, statut de l’individu, Paris, Seuil, 2009. 153 Cf. DE GAULEJAC V.,TABOADA LENOETTI I.,La lutte des places, Paris, Desclée de Brouwer, 1994. 154 Cf. MOUNIER E.,Le personnalisme, Paris, PUF, 1949.

155 Cf. LOUBET DEL BAYLE J.-L., Les Non-Conformistes des Années 30. Une tentative de renouvellement de la

Un agir entre artisanat antique et professionnalité moderne

Des connaissances évoquées et produites en éducation spécialisée, il résulte de manière transversale une caractérisation qui converge à définir l’action produite à l’aide des concepts de praxis et de mètis par l’intermédiaire de tentatives de formalisations de « l’intelligence pratique » qui jusqu’à aujourd’hui n’ont pas encore permis d’en cristalliser une définition stable, bien que les connaissances établies fassent par contre l’objet d’un consensus indéniable et difficilement réfutable quant aux éléments essentiels qui constituent l’action éducative spécialisée. Les travaux sur la question de l’action en éducation spécialisée considèrent cette dernière en la maintenant à cheval et en équilibre dans une caractérisation consensuelle mais incertaine entre les catégories aristotéliciennes de praxis et de poièsis156,

tout en les inscrivant dans les deux cas - selon des modalités invariables - dans les essentielles dimensions éthiques157 et réflexives, développées à travers l’usage du concept de pratique réflexive158 particulièrement présent dans le domaine de la formation.

Il faut ici remarquer et noter au passage que la question de la mètis grecque159, outre le caractère du ruse et de tromperie qu’elle véhicule - ce qui la rend d’ailleurs éthiquement tout à fait discutable pour l’action éducative spécialisée - implique dans le cadre de ce savoir pratique l’idée d’une pratique du saisissement, comme pour la chasse par exemple, ce qui confirme dans l’orientation de la recherche qu’il y a bien quelque chose - mais quoi ? - à saisir dans la pratique exercée de l’éducation spécialisée, une occasion qui se rapproche selon les auteurs fortement du kairos, de l’occasion, d’un « saisissement à ne pas manquer ». Ce qu’il s’agit ici de saisir reste encore indéfini dans les connaissances existantes, bien que « la chose » soit intuitivement connue et décrite de manière diverses dans les écrits des praticiens expérimentés. Le (savoir-) faire en éducation spécialisée reste dès lors - malgré son caractère indicible et mouvant clairement distingué - considéré comme un savoir-faire pratique qui ne s’apprend « qu’en cours d’action » sur les terrains éducatifs et dans un processus d’alternance avec l’apprentissage de la réflexivité et des savoirs connexes en formation professionnelle, au moyen d’une approche que résume le triptyque : savoir, savoir-faire et savoir-être.

156 PATURET J.-B., De la responsabilité en éducation, op. cit. 157 COQUOZ J.,KNÜSEL R., op. cit., p. 56.

158Cf.SCHÖN D.A.,Le praticien réflexif, À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal,

Les Éditions Logiques, 1983.

Dans les écrits de l’éducation spécialisée, le savoir-faire éducatif est décrit comme un art

du quotidien qui exige un « biais », un « tour de main » 160, une certaine « façon » de s’y prendre qui ne s’expliquerait que difficilement avec des mots. C’est à cet endroit que la dimension de l’indicible se rapproche de la dimension d’opportunité, du kairos évoqué ci- dessus où il s’agit comme le dit Michel de Certeau dans les Arts de faire, « de loger tout ce savoir dans le moindre temps », comme s’il y avait urgence, comme si les occasions étaient aussi rares que précieuses. Joseph Rouzel illustre lui-aussi cette dimension en considérant l’éducateur spécialisé comme un explorateur des lointains de l’humain qui s’aventurerait jusqu’aux confins depuis lesquels un sujet envoie, comme il le peut, des signaux de détresse. Transformant cette détresse en appel, tel un forgeron, l’éducateur fait alors le pari du sujet et invente pour ce faire des espaces, des dispositifs, des médiations pour que ce sujet prenne forme et vienne au monde, à travers des activités quotidiennes, comme un atelier d’écriture, un atelier cuisine, une activité spéléo, (etc.,) l’éducateur invitant alors à travers ces médiations le sujet à se faire naître, dans la parole et le langage, « à se mettre en scène dans ces espaces symboliques, à donner forme à l’informe, visage à l’invisible et nom à l’innommable ».161 Il s’agit, et ces lignes permettent de le saisir quelque peu, d’un travail difficile car l’éducateur se déplace et rouvre sans fin l’espace de la rencontre de l’autre « à travers des chemins non balisés qui conduisent parfois dans des impasses et à des agressions, de la violence, de la folie, de la déstructuration manifestée par ces autres »162, mettant en danger l’identité de l’éducateur spécialisé, comme être et comme professionnel dans le même temps, comme évoqué dans le sous-chapitre précédent à propos des vertiges identitaires à l’œuvre dans l’exercice de la profession.

Selon la littérature consacrée à ces questions, la complexité du savoir-faire éducatif se révèle pour ces raisons plus « praxique » que « poiétique » dans la caractérisation de la nature de l’agir et de l’action qui se déploient à l’aulne de l’activité professionnelle. Cette action est - qui plus est - inséparable de sa dimension politique, parce qu’il s’agit d’une pratique sociale se déroulant au sein d’un collectif institutionnel, dans le cadre d’une vie communautaire et un travail de groupe au quotidien, convoquant en son cœur une dimension politique en quelque sorte indigène qui vise à soutenir chez les sujets, par le biais de la relation éducative163, une

160 GOMEZ J.-F., Le labyrinthe éducatif, op. cit., p. 103.

161 Préface de J. Rouzel in LOUBET J., Le savoir-faire éducatif, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2000, p.10. 162 Ibid.

construction de soi comme sujet responsable de ses actes164, avec pour objectif de lui permettre de mieux affronter l’existence et ses difficultés. En ce sens et selon la formule de Freud et de plusieurs auteurs de référence, l’éducation spécialisée comme l’éducation, le soin et la politique est un métier impossible, puisque les finalités qui la caractérisent relèvent dans les trois cas de la praxis et sont toujours incertaines. Mais qu’est-ce au juste que la praxis doit-on se demander et d’où cette notion a-t-elle été importée par les praticiens qui font appel dans le prolongement de cette notion, aux dimensions de l’éthique dans sa distinction/indistinction avec la morale ?

Entre éthique et morale, pour une politique éducative des sujets

De son temps, Fernand Deligny, célèbre éducateur cévenole aujourd’hui régulièrement cité l’exprimait à sa façon affirmant que ce dont il s’agit dans la praxis de l’éducation spécialisée consiste à « produire de l’humain », ce qu’il considère comme une tâche « autrement plus difficile que de monter une expédition au pôle Nord avec des chiens de traîneaux ».165 Cette citation, bien qu’anecdotique, montre cependant que la tension et l’indécision évoquée entre

praxis et poièsis s’inscrit dans un positionnement que l’éducateur spécialisé peut qualifier de politique dans le cadre de son action quotidienne à l’égard des sujets accueillis et au regard

des modalités pratiques de leur accompagnement. Pour mieux cerner la présence de cette dimension politique assez énigmatique et comprendre la référence à ces dimensions issues de la philosophie grecque dans le champ de l’éducation spécialisée, il faut opérer un rapprochement entre la période où se situe la naissance de la profession éducative spécialisée et un certain nombre de travaux en sciences humaines qui ont été produits à cette même période.

C’est en effet aussi dans l’après-guerre que paraît l’ouvrage de Hanna Arendt La condition

de l’homme moderne, ouvrage régulièrement cité en sciences humaines et en éducation

spécialisée pour des motivations logiquement compréhensibles quant à la convocation du prisme de l’éthique et en raison des politiques tragiques rencontrées dans la première partie du 20e siècle, politiques de négation et de destruction de nombreux êtres humains. Comme dans le cas de l’éducation spécialisée qui est elle-aussi fille de l’après-guerre, la contribution de Hanna Arendt est une interrogation philosophique détaillée qui se penche de manière inédite

164 Cf. MARPEAU J.,Le processus éducatif, La construction de la personne comme sujet responsable, Toulouse,

Érès, 2013.

sur les caractéristiques de l’action humaine qu’elle interroge dans un retour aux concepts aristotéliciens de l’action et à la question éthique que celle-ci soulevait en son temps, envisageant les actions politiques et éducatives nécessaires à la justesse raisonnée d’un collectif humain orienté par la téléologie d’un « souverain bien », d’un bien collectif commun promu par l’action politique.

En résonnance aux tragédies de la Seconde Guerre mondiale et par une étude philosophique de l’agir, l’analyse de l’action de Arendt cherche en toile de fond à comprendre les raisons qui ont conduit une grande partie de l’humanité au désastre, par ses actions meurtrières, génocides de masses et autodestruction.166 Cette crise sans précédent profondément inscrite dans la culture moderne167 est envisagée par Arendt sous un angle compréhensif qui met en mouvement la possibilité de penser l’action humaine, restant pour ce faire fidèlement orientée par Aristote et mettant en perspective et en jeu au prisme de l’actualité récente la nécessité du pardon168 qu’il s’agit de produire à l’égard des actions

passées et de celle d’une promesse169 concourant à la construction de nouvelles finalités

possibles, pour une action humaine capable de se détacher à l’avenir des dangers toujours latents du retour possible de la destruction et de ses répétitions.170

Dans ce but, Arendt s’est longuement penchée sur le rôle de l’éducation dans son rapport à la question de l’action collective, toujours en se référant à Aristote qui dans son Éthique met au travail la question de l’institution du collectif humain à travers les normes, les conduites et les actions humaines en distinguant l’éthique de la morale.171 Cette distinction a été reprise dans les travaux articulant la question de l’éducation avec celle de l’éthique sous l’angle du couple praxis - poièsis, et on la retrouve avec régularité dans les approches cliniques en psychanalyse, en sociologie de l’action et du travail et en philosophie de l’action, philosophie de l’éducation et finalement, en éducation spécialisée. Ce binôme relatif à la caractérisation de l’action reflète l’irréfragable dichotomie dans le temps entre morale et éthique et convoque substantivement le rôle de l’éducation. Celle-ci a fait par ailleurs et pour cette raison l’objet de l’attention des travaux de nombreux penseurs, depuis Aristote et Platon en passant par Locke, Kant, Durkheim et tant d’autres, à l’instar notamment de Rousseau et de son Émile. Si

166 Cf. KOESTLER A.,La pulsion vers l’autodestruction, Paris, L’Herne, 1995. 167 Cf. KERTESZ I.,L’holocauste comme culture, Arles, Actes Sud, 2009.

168 Cf. sur ce sujet DERRIDA J., Pardonner, L’impardonnable et l’imprescriptible, Paris, Galilée, 2012 ;

JANKELEVITCH V., L’imprescriptible, Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité, Paris, Seuil, 1986. 169 ARENDT H., La condition de l’homme moderne, Paris, Calmann-Lévy, 1983, p. 302.

170 Cf. SEBALD W.-G.,De la destruction comme élément de l’histoire naturelle, Arles, Actes Sud, 2004. 171 Cf.LORIES D.,RIZZERIO L.(dir.), Le jugement pratique, Autour de la notion de Phronèsis, op. cit.

l’objet de cette thèse n’est pas non plus à proprement parler la question de l’éthique dans le champ éducatif172 et de son rapport avec l’éducation en général, nous sommes toutefois restés attentifs à ces développements que convoquent les écrivains de l’éducation spécialisée pour définir de manière centrale la nature et les caractéristiques de l’agir de cette profession. Il nous a bien entendu paru incontournable de nous en soutenir réflexivement pour l’étude et la compréhension de ce champ particulier. Au regard du champ institutionnel du CPA de Valmont qui constitue le contexte de notre corpus d’étude, il est inévitable de tenir compte de ces aspects et de l’inscription contextuelle de la création de ce Centre éducatif crée en 1971, afin de le situer sur l’arc socio-historique de l’éducation spécialisée et d’ainsi mieux étudier l’agir que l’équipe éducative y met en œuvre au quotidien, en fonction et à partir des réflexions sur la praxis que nous continuons d’aborder et d’affiner dans le paragraphe suivant.

L’éducation spécialisée, une pratique moderne de la rupture

Dans les ouvrages consultés, le savoir-faire en éducation spécialisée relève plus généralement de la praxis que de la poièsis. Étudiant ces concepts, le philosophe Jean- Bernard Paturet reprend la distinction à partir des travaux d’Arendt et d’Aristote. Pour cet auteur « la poièsis est ainsi la fabrication d’une œuvre (ergon) qui a pour caractéristique d’être extérieure à l’agent producteur. Le « faire poïétique » est atteint lorsque l’œuvre est finie. Ainsi, dit Aristote, lorsque la construction de la maison est achevée, « l’ergon » est terminé. On peut ainsi noter que chez Aristote l’apprendre relève de la perspective poiétique. Ces « faire » (apprendre, construire une maison, etc.) représentent des moyens en vue d’une fin qui leur demeure extérieure. La praxis, au contraire, n’a pas d’autre fin qu’elle-même : elle n’est autre que l’usage et l’exercice même de l’action d’où il résulte un perfectionnement de