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C HAPITRE II Q UE FONT LES EDUCATEURS SPECIALISES ?

2.1. L’identité incertaine de la profession

Pour introduire cette question, la « part indicible » des pratiques en éducation spécialisée a été située dans une proximité corrélative à la question identitaire de l’éducateur spécialisé, en raison du fait qu’il s’agit fondamentalement d’un métier de la relation, d’un « métier de l’humain »104 où les dimensions affectives et relationnelles sont des caractéristiques qui doivent être impérativement prises en compte de manière spécifique, dès lors qu’elles révèlent en soi la nature paradoxale de l’intervention caractérisant l’ensemble des pratiques génériques du travail social. Il apparaît dans cette logique que les paradoxes du travail social105 s’enracinent en grande partie dans les origines et que l’identité du professionnel « dans le cours de l’action » (modalités synchroniques) se dédouble de fait de la question identitaire de la profession envisagée sur un axe socio-historique (modalités diachroniques). La texture identitaire de ces pratiques professionnelles est ainsi dès le départ une question dense et complexe qui doit être considérée pour cette raison comme centrale dans l’action éducative spécialisée et dans ses multiples facettes. Un certain nombre de paramètres permettent pourtant de l’éclaircir.

Le mandat confié par la société

La profession d’éducateur spécialisé est paradoxalement méconnue dans sa réalité, souvent confondue avec les métiers de l’enseignement ou réduite à l’éducation de la seule population des enfants. En réalité, les éducateurs spécialisés interviennent auprès de personnes handicapées, de personnes mentalement atteintes, de sujets considérés comme délinquants, asociaux, toxicomanes. Ils interviennent auprès de ces populations dans le cadre de foyers, d’institutions, de quartiers, de lieux d’accueil divers, dans les familles, en milieu ouvert ou en internat, prenant en charge des personnes de tous âges : enfants, adolescents, adultes, vieillards, en grande souffrance, avec pour but commun de les accompagner, les soutenir au

104 Pour rappel, on emprunte cette qualification à Mireille Cifali, dont nous avons eu l’occasion de suivre les

enseignements ; historienne, psychanalyste et professeure honoraire en sciences de l’éducation à l’Université de Genève, cf. CIFALI M., Le lien éducatif, op. cit.

mieux dans l’appropriation de leur espace psychique, physique et social.106 En relation aux crises sociales qui jalonnent l’évolution des sociétés occidentales contemporaines, il faut admettre que cette profession s’est progressivement retrouvée « noyée » dans l’ensemble flou des travailleurs sociaux qui regroupe des professions voisines et complémentaires prenant en charge des personnes en difficultés selon des logiques similaires, mais qui se révèlent être pourtant des activités distinctement considérées dans leurs modalités de formation, leurs références théoriques, leurs objectifs, leurs missions et leurs typicités modales d’intervention.

L’éducation spécialisée s’inscrit certes dans les pratiques génériques du travail social, notamment pour la bonne raison qu’elle se trouve elle-aussi mandatée par la société dans la prise en charge de sujets en difficultés, avec cependant pour rôle spécifique de permettre à ceux-ci de se réapproprier leurs capacités dans le but de produire une réintégration sociale intégrale ou le cas échéant, partielle. On parle dans ce cas de travail social « palliatif »107, en raison des limites singulières des sujets, mais dans le but que ceux-ci puissent malgré tout bénéficier d’une vie sociale digne et égale en droits qui leur permette de se déterminer dans des choix subjectifs avec la plus grande autonomie possible. Toute société produit par ailleurs dans ce sens et constamment des normes dont les effets paradoxaux ont parfois pour conséquences des effets inverses qui n’étaient pas souhaités : l’exclusion de certains individus108 qui ne parviennent pas à s’adapter en fonction de leurs limites et vis-à-vis desquels la société se doit dès lors de produire rétroactivement et logiquement par elle-même - et par l’action de ses dispositifs institutionnels - les moyens permettant de prendre en charge et de rectifier ces effets contradictoires.

C’est à cet endroit que s’institue et se situe le mandat confié au travail social et à l’éducation spécialisée, tous deux contraints d’avoir à agir et opérer dans l’espace même et la tension de cet écart paradoxal - cet entre-deux - avec pour finalité d’en réduire les effets nocifs et indésirables, effets d’errance et d’exclusion paradoxalement produits. Dans cette logique structurelle, les éducateurs spécialisés peuvent être considérés comme de véritables « fantassins » qui opèrent en premières lignes au cœur même de cet entre-deux social paradoxal, entre-deux que justifie et illustre à lui-seul l’usage récurrent de la métaphore qualifiant l’éducateur de « passeur » et/ou d’ « esclave » et que l’on trouve dans la littérature éducative spécialisée. Il faut admettre que cette métaphore n’est pas que le fruit d’un

106 ROUZEL J., Le travail d’éducateur spécialisé, op. cit., p. 7.

107 Cf. SOULET M.-H., La reconnaissance du travail social palliatif, Dépendance 33, 2007. 108 Cf. BECKER H., Outsiders, Paris, Métailié, 1985.

processus imaginaire mais qu’elle s’appuie en réalité sur la factualité historique de l’éducation antique où l’éducateur est un esclave en charge d’accompagner les enfants de la Gens au Gymnasium, dans l’entre-deux, entre le milieu familial et l’environnement social.109 La proximité entre la figure moderne de l’éducateur spécialisé et celle du pédagogue grec ne relève dès lors pas d’un simple produit de l’imagination mais reflète une problématique logique et structurelle que rapporte Henri-Irénée Marrou dans son ouvrage consacré à l’éducation dans le monde antique.110

Le « pédagogue » grec en effet, s’il est certes un « accompagnateur » qui tient un rôle dans l’éducation morale de l’enfant ne se substitue pas au « maître de science » mais occupe une fonction particulière. S’agit-il dès lors pour notre examen de la même fonction qu’occupe l’éducateur spécialisé moderne ? Les métaphores qui tentent d’appréhender l’identité de l’éducateur sont dans cette optique nombreuses telles : « le conducteur d’humanité » ; « le maître de l’œuvre » ; « l’ami mentor » ; « l’alchimiste » ; « du bricoleur au passeur », etc.111 Sans pouvoir répondre à cette question par une définition précise, il est inévitable de considérer le fait que les éducateurs spécialisés agissent dans une dimension sociale qui relève de l’entre-deux, leur fonction faisant appel à l’idée d’un territoire de l’ordre du passage lequel, métaphore ou non, consiste indubitablement en un processus d’accompagnement qui reflète dans tous les cas un travail du quotidien - « une traversée du quotidien » - quelles que soient finalement la durée ou les modalités spécifiques de la prise en charge qui circonscrivent cet accompagnement dans la prise en charge institutionnelle.

Un métier de l’humain et du quotidien

De fait, il faut s’arrêter quelque peu sur cette particularité : les éducateurs spécialisés accompagnent au quotidien112, ce dernier terme révélant une dimension tout aussi fondamentale et unanimement mise en lumière qu’elle est insaisissable et vectrice d’étrangeté.113 Les éducateurs spécialisés, il semble que cela soit leur spécificité, (trans-)

109 Sur cette question cf. ROUZEL J.,Éducateur, un métier impossible, Le sociographe, 1, Nîmes, Champ social,

2000, p.107 ; PATURET J.-B., De la responsabilité en éducation, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2003, p. 109. 110 MARROU H.-I., op. cit., p. 217.

111 Cf. BRICHAUX J., L’éducateur d’une métaphore à l’autre, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2004.

112 Sur le quotidien en éducation spécialisée, cf. ROBINSON B., Le quotidien, un outil social spécifique, in

(L’)OBSERVATOIRE,op. cit., p. 49 ; ROUZEL J., Le quotidien en éducation spécialisée, op. cit. ; FUSTIER P., Les

corridors du quotidien, Paris, Dunod, 2008.

mettent par ce biais des limites114 et se révèlent être des « passeurs d’humanité »,

d’authentiques repères d’identification dans la relation avec les sujets qu’ils prennent en charge, pratiquant un art qui relèverait de la mètis, ce savoir-faire et cette intelligence pratique qui exige un « tour de main » spécifique. L’éducation spécialisée se singularise en ce sens d’être un « métier de l’humain » où la relation est considérée comme la pierre d’angle de l’action professionnelle et pour laquelle il s’agit d’instaurer pour son efficacité, une (délicate et incertaine) bonne distance relationnelle115, entre l’extrême d’une approche technique potentiellement déshumanisante et le caractère totalitaire d’une charité de cœur qui serait étouffante par trop de proximité.

La rencontre humaine se situe au cœur de la pratique, tout en étant pourtant dans le même temps vectrice de potentiels dangers, que ce soit du côté de l’intégrité de l’éducateur spécialisé ou du côté de l’intégrité du sujet pris en charge, ce paramètre expliquant dans ces métiers le traitement nécessaire et régulier de la charge affective que provoque la rencontre dans l’identité subjective des professionnels, sur un mode parfois et souvent inconscient - au sens psychanalytique que manifeste le concept de transfert116- exigeant des éducateurs un constant « travail sur soi » en cours d’action et dans le cadre de la formation de base et de la formation continue, mais plus spécifiquement dans les dispositifs de « supervisions » pédagogiques et professionnelles117, ainsi que dans l’ensemble des dispositifs institutionnels de traitement et d’élaboration dans l’après-coup de l’action éducative. Il devient dès lors nécessaire de distinguer pour notre examen deux « genres » de temps dans l’élaboration du travail au quotidien tels que le précisent les écrits de la littérature éducative : un premier temps interne où elle se manifeste dans les temps de réflexivité institués par l’institution éducative elle-même (colloques, analyse de la pratique, évaluation de projet, etc.) ; un second qui s’inscrit dans des dispositifs externes de travail, en formation initiale, continue ou dans les dispositifs particuliers de la supervision (qui opèrent par l’action d’un intervenant extérieur à l’institution118).

114 ROUZEL J.,Éducateur, un métier impossible, op. cit., p. 108.

115 Cette notion récurrente en éducation spécialisée se réfère aux travaux du psychanalyste D. WINNICOTT. 116 Cf. ROUZEL J., Le transfert dans la relation éducative, Paris, Dunod, 2002.

117 Cf. ROUZEL J., La supervision d’équipes en travail social, op. cit.

118 Cf. ALLIONE C., La part du rêve dans les institutions, régulation, supervision, analyse des pratiques, Encre

Vertige de l’identité professionnelle

L’identité professionnelle des éducateurs spécialisés se caractérise par une instabilité permanente (une métastabilité ?) qui nous permet de parler de vertige identitaire, car elle oscille en permanence en raison de ses origines constitutives entre « don de soi et contrat salarial » et cela malgré le développement de la formation au métier où les dimensions relationnelles sont mises au travail de la réflexivité à travers les trois axes du savoir, savoir-

faire et savoir-être119. Ainsi, malgré le fait que les acquis de la profession et ses statuts sociaux soient solidement ancrés dans les pratiques et continuent d’être développés sur les terrains et en formation, l’identité de la profession et l’identité des éducateurs spécialisés restent depuis la naissance de la profession et aujourd’hui encore entourées d’un flou, ce que les mutations fulgurantes opérées depuis quelques années dans le domaine de la formation n’ont pas permis de stabiliser, malgré des reformulations incessantes des définitions nécessaires aux nouvelles conceptions de la formation.120

Une autre dimension peut expliquer par ailleurs ce vertige identitaire professionnel, celle- ci transparaissant dans le fait que les acteurs de l’éducation spécialisée caractérisent avec constance leur métier comme une pratique relevant du bricolage121, voire du funambulisme122, sans doute afin de parvenir à rendre dicible une activité dont le genre professionnel s’inscrit dans un contexte en constante évolution qui se voit soumis à un haut degré d’incertitude.123 Le « genre » spécifique de cette activité, son identité, apparaît dès lors en soi indicible en raison de ces multiples motifs identitaires qui se superposent comme par stratification. Il faut alors constater et admettre que l’on bute inévitablement et invariablement sur un paradoxe « existentiel » et originaire caractérisant cette profession solidement établie, paradoxe que les récentes mutations dans le domaine de la formation professionnelle et de la recherche n’ont pas permis de résorber - pas plus que les précédentes d’ailleurs - et qui reste problématique à définir sur le plan conceptuel et identitaire. Une explication plausible semble de manière certaine se situer et prendre source dans les racines et les origines d’une profession qui reste malgré tout, il faut le rappeler, extrêmement jeune et encore méconnue dans sa réalité sur le plan de la recherche scientifique.

119 Cf. CONTINI J.-C.,La formation HES des éducateurs spécialisés en questions, op. cit. 120 Cf. CHAUVIERE M., Le travail social dans l’action publique, Paris, Dunod, 2004. 121 SOULET M.-H. Petit précis de grammaire indigène du travail social, op. cit. p. 44.

122 DAPOZ J.,Le métier d’éducateur : un travail de funambule et de mutant, in (L’)OBSERVATOIRE, op. cit., p. 32. 123 Cf. SOULET M.-H., Penser l’action en contexte d’incertitude, Nouvelles pratiques sociales 16, no 2, 2003.

Les origines identitaires incertaines de la profession

L’origine identitaire de la profession d’éducateur spécialisé est ainsi en soi incertaine, comme l’est probablement toute identité, et sa récente naissance dans le cadre de la Modernité se confond étrangement aves des pratiques plus anciennes, ce qui explique probablement la persistance de ses difficultés à s’établir dans une identité stable. Comme indiqué dans l’introduction et l’état des lieux précédents, les fondements de l’éducation spécialisée se rattachent à un roman des origines dont on peut repérer les sources sur un arc temporel socio- historique qui trouve ancrage dans les pratiques de la charité catholique, tout d’abord à partir de Saint Vincent de Paul124, puis se prolonge dans l’action philanthropique et protestante ensuite, avec en toile de fond la figure libérale et innovante de Jean-Jacques Rousseau125 dont l’ouvrage « Émile ou de l’éducation » fut d’une grande influence sur la naissance de l’éducation moderne. Elle trouve enfin son aboutissement dans la création sociale et officialisée de la profession à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Il est difficile dans les deux premiers cas de parler véritablement d’éducation spécialisée, même s’il on peut admettre qu’il s’agit sur un mode transversal et dans les deux cas de prendre en charge l’enfance abandonnée et de l’éduquer pour la « civiliser » moralement à partir d’une action psycho- médico-pédagogique, technique et philosophique. L’on parle certes déjà à ce moment d’éducateur, notamment depuis la figure de Jean-Gaspard Itard - et de Victor de l’Aveyron126, « l’enfant sauvage » dont François Truffaut a tiré un film - qui est souvent évoqué pour symboliser en quelque sorte une rupture fondatrice et mythique qui aurait donné naissance à l’éducation spécialisée moderne, parallèlement à l’influence de grands pédagogues dont les noms sont encore aujourd’hui familiers, tel Pestalozzi et d’autres. Malgré ces grandes figures, on ne peut cependant toujours pas déterminer une spécificité permettant de définir l’éducation spécialisée moderne telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée au sein des dispositifs institutionnels contemporains du travail social.

Ces considérations socio-historiques constituent pourtant l’humus de la profession qu’un deuxième temps relatif à l’évolution des nouvelles pratiques sociales vient prolonger dans le courant du 19e siècle, notamment dans le cadre de la prise en charge pénale et administrative de l’enfance abandonnée qui se développe dans la « filiation » du « Grand renfermement »

124 CAPUL M.,LEMAY M., op. cit., p. 30.

125 WAJCMAN C., Pourquoi les éducateurs doivent-ils lire Jean-Jacques Rousseau, in BONNEFON G., L’éducation

spécialisée, fondements, pédagogies, perspectives, Lyon, Chronique sociale, 2013, p. 143.

décrit par Michel Foucault127 à travers les figures institutionnelles modernes et naissantes de l’école, de l’hôpital et de la prison. Ces dernières ont eu pour conséquences la création de nouveaux dispositifs institués par l’État dans lesquels se développe une activité éducative souvent répressive et corrective au sein de colonies pénitentiaires et agricoles128, mais pas seulement. Au début du 20e siècle, dans le prolongement des mouvements d’innovations de la fin du siècle précèdent, « l’éducation nouvelle » prend par ailleurs et dans le même temps son essor, notamment à travers l’influence très forte en Suisse romande et en Europe de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, créé en 1912129, premier institut des sciences de l’éducation européen, intégré en 1975 lors de sa création à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève.

Les conceptions éducatives qui s’y élaborent marqueront le champ de l’éducation dans beaucoup de domaines différents et particulièrement dans celui de la psychopédagogie et de l’enfance abandonnée, elles s’inscriront par la suite comme une référence incontournable pour la professionnalisation du métier d’éducateur spécialisé dans l’après-guerre, notamment dans le champ de la formation des pédagogues. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, ces pratiques éducatives « originaires » devenues progressivement des métiers en soi se professionnalisent comme professions socialement reconnues et réglementées. L’éducation spécialisée prend alors véritablement naissance à partir de cette convergence et de ce spectre d’origines multiples, se développant tout d’abord en parallèle mais en articulation avec les métiers d’intervention130 en charge des effets « métamorphiques » de la question sociale.131 Ils sont pour cette raison distingués dans cette recherche des pratiques de l’éducation spéciale qui s’inscrira, certes plus tard en fonction des évolutions de l’État social132 et de ses politiques sociales, dans la dénomination générique des pratiques du travail social. Ce regroupement générique est le résultat des évolutions et développements progressifs du travail social et des professions qui le composent : l’animation socio-culturelle qui trouve ses sources dans les mouvements de l’éducation populaire, l’assistance sociale qui prend ses racines au temps de la création des politiques sociales à la fin du 19e siècle.

127 Cf. FOUCAULT M., Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975 ; Histoire de la folie à l’âge classique, Paris,

Tél Gallimard, 1966.

128 Cf. RUCHAT M., L’oiseau et le cachot. Naissance de l’éducation correctionnelle en Suisse romande 1800-

1913, Genève, éditions Zoe, 1993.

129 Cf. CLAPAREDE E., Un Institut des sciences de l’éducation et les besoins auxquels il répond, Genève, Kündig,

1911.

130 Cf. ION J.,Le travail social en débats, Paris, La Découverte, 2005.

131 Cf. CASTEL R., Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard, 1995. 132 Cf. MERRIEN F.-X., L’État-providence, Paris, PUF, 1997.

Pour compléter la problématique de l’identité contemporaine de l’éducation spécialisée, il faut encore mentionner dans l’examen de son évolution et depuis les années 1990, la survenue et la mise en œuvre des mutations133 provoquées par l’instauration de la « Nouvelle Gestion Publique » (« New Public Management ») qui produit un remaniement et une redéfinition du domaine de la formation professionnelle dans le cadre de la mise en place des Hautes Écoles Spécialisées en Suisse romande, y compris pour l’éducation spécialisée, devenue « éducation sociale » sous l’emblème générique du domaine « travail social » qui regroupe les professions historiquement paires de l’éducation spécialisée : l’animation socioculturelle et l’assistance sociale évoquées précédemment.

S’il n’est bien entendu pas question de faire ici une histoire détaillée, transversale et spécifique de l’éducation spécialisée, il faut admettre cependant que celle-ci mériterait pourtant de faire l’objet d’un programme de recherche approfondi. En plus de l’humus originaire général distingué pour en donner les grands repères, il serait indubitablement intéressant et utile pour augmenter les connaissances relatives à l’identité du champ de cette profession de développer une approche transversale comparative et historique des pratiques spécifiques de l’éducation spécialisée. On en trouve les bases dans un certains nombre de travaux spécifiques qui méritent une mise en corrélation dont on évoque brièvement quelques points qui semblent être des repères à développer, notamment et par exemple en rapport aux travaux multiples réalisés sur l’éducation correctionnelle en France et en Suisse où les repères de la filiation socio-historiques de la profession sont relativement bien identifiés et situés.

D’autres travaux se sont par ailleurs attelés à explorer l’histoire de la genèse de la formation en éducation spécialisée en Suisse romande d’une part, et de certains dispositifs