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Fréquentation "française " de la zone massifs par nombre d'enfants au foyer en

2. Vers un tourisme patrimonial

On note un lien sensible entre le tourisme et le patrimoine. Le tourisme va stimuler la reconnaissance patrimoniale, en retour de quoi, la patrimonialisation va stimuler la fréquentation. L’action de patrimonialisation développe une réflexion sur la médiation patrimoniale, participative de l’image du territoire, et qui, entre transmissions des savoirs et attrait des images (représentation), cherche à ouvrir l’histoire sur le présent.

Néanmoins, même si les objectifs se rejoignent, il y a une subtile distinction à voir entre le patrimoine et le tourisme. La valorisation patrimoniale, dans la logique de filiation et de préservation, transmet aux générations futures ce qui a été hérité des générations précédentes. Alors que la mise en valeur touristique cherche à transmettre dans l’immédiat, à communiquer un patrimoine qui n’existe que pour des personnes extérieures.

Dans un secteur de montagnes on peut autant parler de patrimoine naturel, mais aussi de patrimoine culturel. Lorsqu’en 1985 la loi montagne est signée sur la base notamment du travail de L. Besson (ministre et maire de Chambéry), il est question de patrimoine non seulement « naturel », mais aussi « culturel », ainsi qu’ « architectural » et « paysager ».

« La montagne constitue une entité géographique, économique et sociale dont le relief, le climat, le patrimoine naturel et culturel nécessite la définition et la mise en œuvre d’une politique spécifique de développement d’aménagement et de protection. » (loi montagne de 1985, article 1)91

91 Olivier LAZZAROTTI et Philippe (dir.). 2007. Tourisme & Patrimoine. Un moment du Monde. Angers :

Or, le XXe siècle fut caractérisé petit à petit par la réduction de la séparation entre les notions de nature et de patrimoine, alors que notre héritage théorique nous incite à distinguer les œuvres de la nature à la dynamique humaine.

La notion de patrimoine, vieille de plusieurs siècles, est associée à différents éléments physiques de notre environnement. Le patrimoine se décline sous diverses formes et épitaphes. Il peut être entre autre, architectural, mobilier, écrit ou oral, ethnologique, géologique ou encore géomorphologique.

Que cela concerne le patrimoine naturel ou culturel, la valorisation patrimoniale est de plus en plus considérée comme un moyen efficace de redynamiser l’activité économique. En revanche, la valorisation, sans oublier la médiation des sites, fait preuve d’un véritable défi de la part des institutions et des associations, que certaines ont d’ailleurs du mal à relever.

Il faut aussi rajouter que la vallée du Haut-Adour (faisant aujourd’hui partie du territoire de la Haute-Bigorre) est considérée comme « voisin » d’une aire protégée, puisqu’elle se situe en périphérie du parc national des Pyrénées. Elle est alors considérée comme un partenaire de la protection et doit être intégrée comme tel par les gestionnaires. D’autant que la nature, progressivement monumentalisées, est considérée aujourd’hui comme une ressource pour le développement des territoires.

Nous pouvons faire l’analogie entre les lieux de mémoire révélés par P. Nora et les

courtàus de la vallée du Haut-Adour : les lieux de mémoires sont à la mémoire nationale, ce

que les courtàus sont à la mémoire de la vallée du Haut-Adour. Ils sont des ressorts mémoriaux et identitaire pour la population locale et des relais patrimoniaux pour la population usagère non résidente, dont touristique.

Parmi les différentes acceptations qu’il a été proposé pour les lieux de mémoire, nous pouvons retenir la conception selon laquelle ils sont considérés comme une propriété transmise par les ancêtres et le patrimoine culturel d’un territoire. Ce sont à l’évidence des lieux où inscrire une mémoire des expérimentations de générations précédentes, des lieux topographiques marquant des repères sur lesquels les générations futures peuvent prendre

appui. Ces lieux de mémoire permettent d’ancrer dans une réalité présente des souvenirs vivant par leurs transmissions.

Nous avons pu voir que la toponymie est un élément de transmission révélateur puisqu’elle permet d’identifier les lieux, mais surtout de révéler l’expérience qu’en ont fait les anciens. Ces noms de lieu peuvent être considérés comme des marques territorialisées de ce qu’a pu en tirer l’activité humaine. Cette volonté de laisser une trace est alors un signe de compréhension de l’espace expérimenté par ceux d’hier, pour ceux qui vont le vivre demain.

Le tourisme de mémoire est « une démarche incitant le public à explorer les éléments du patrimoine mis en valeur pour y puiser l’enrichissement civique et culturel que procure la référence au passé »92. Il relève en particulier quatre objectifs principaux : la conservation des marqueurs de témoignage d’évènements, l’explication et la mise en perspective de ces évènements en les inscrivants dans une approche permettant une rapide compréhension globale (contribution pédagogique), enfin, le développement économique du territoire.

Au sein de ce tourisme de mémoire, on peut aussi distinguer plusieurs types de sites : les sites témoins qui rassemblent les lieux ayant vécu l’histoire racontée, les sites commémoratifs plus caractérisés par le souvenir, ou encore, les sites d’information là où toutes sortes de témoignages font connaître l’histoire.

Par analogie, nous pouvons associer ces différents sites aux lieux que présente la vallée du Haut-Adour pour valoriser et patrimonialiser la pratique agropastorale disparue. En ce qui concerne les sites témoins, il n’est sans oublier les courtàus, mais d’un point de vue général, pour parler de l’organisation autour de cette pratique, c’est la vallée tout entière, composée de ces différents étages, qui devient un site témoin. Pour ce qui est des sites commémoratifs, entre autres, il est à citer la fontaine à beurre de Campan bourg : même si elle eut une fonctionnalité propre à une certaine époque, aujourd’hui n’étant qu’une simple fontaine du village plus ou moins délaissée, rien que par sa désinence, elle évoque l’ancienne pratique liée à l’activité laitière. Enfin, au sujet des sites informatiques, il faut bien sûr faire référence aux divers musées abritant divers objets (souvenirs, témoins).

92 Christian MANTEI (dir). 2012. Le tourisme de mémoire en France : mesure et analyse du poids et des

Avec le tourisme de mémoire, une certaine typologie des visiteurs est à remarquer. On va notamment rencontrer les visiteurs « impliqués », qui se déplacent généralement en groupe organisé (famille), poussés par une démarche personnelle de souvenirs (en ce qui concerne les

courtàus et l’ancienne pratique agropastorale de la vallée, dans cette catégorie très peu de

personne sont concernés). Aux côtés des visiteurs impliqués, on distingue les « ambassadeurs », représentés principalement par les locaux qui, à l’inverse de vouloir se souvenir, se pose en tant que transmetteur de leur patrimoine (là encore pour l’analogie, ce public se fait de plus en plus tard sur le territoire du Haut-Adour). Vont aussi se différencier les visiteurs « pédagogiques » qui sont souvent les récepteurs des « ambassadeurs », avec la participation importante des enfants (génération future), puisqu’il s’agit d’enseigner la compréhension du passé. On va aussi trouver les « spécialistes », en clientèle individuelle, qui eux sont motivés par l’approfondissement de leurs connaissances sur une période ou une thématique donnée. Enfin, deux derniers types de visiteurs, assez communs à tous types de tourismes, puisqu’il s’agit des « curieux » et des « spontanés ». Ils concernent tous deux une clientèle de passage sur le territoire, souvent désignés par l’expression « clientèle du dimanche », dictée par une simple volonté de découvrir soit un lieu qui les a toujours intéressés, soit simplement le territoire sur lequel ils se trouvent.

Le large catalogue d’activités que propose le territoire pyrénéen, nous amène à parler d’options dispersées au sein d’un même espace, sans bénéficier de station, ni de vrai repère, et qui s’avèrent alors pénalisant pour le développement touristique. En effet, la multiplication des dépliants vantant chacun les mérites de certaines communes, ainsi que la trop grande variété des propositions, aboutissent au mieux à des messages fractionnés. A la différence du cliché réducteur qui touche et attire beaucoup plus facilement le touriste.

On trouve une relative densité de patrimoine, qu’il soit culturel ou naturel, tendant à mieux se valoriser les uns avec les autres, en particulier lorsqu’ils constituent une unité de paysages, d’histoire et de sens. On décèle des atouts qui ne sont pas forcément mis en avant dans une logique des territoires, alors que le niveau de notoriété pourrait être fort en France, mais aussi à l’étranger.

A ce secteur de massifs que présentent les Pyrénées, il reste alors l’espace. Un thème aujourd’hui bien instrumentalisé pour parler de la relation entre pratique et milieu, porteur d’une image simple et attractive pour le touriste : montagnes = espace. L’espace est

synonyme de nature et de liberté. Mais une image qui peut aussi être mal interprétée, puisque la représentation d’une montagne « sauvage », livrée brute, peut se révéler effrayante, incapable de répondre aux besoins essentiels de nombreux touristes.

A côté d’un tourisme ayant du mal à se développer et demandant de ce fait d’accroitre toujours plus son catalogue d’activités, se pose l’idée d’un tourisme de masse destructeur de l’espace montagnard. Nous pouvons alors nous demander si le tourisme, que ce soit celui déjà implanté et/ou celui envisagé, représente un réel danger pour le bien-être de la montagne. Ce danger est-il aussi perçu par la communauté, accusant une pratique de la montagne trop incisive pour la population locale ?