• Aucun résultat trouvé

Des cabanes et des hommes : reflet d’une vie spartiate et monotone

3. Les modes de construction

Les différents modes de construction des courtàus rencontrés en vallée du Haut-Adour expriment tout à fait l’adaptation aux ressources naturelles, ainsi qu’un certain sentiment d’imitation envers l’architecture des niveaux inférieures. Toutes ces habitudes se confondent avec les capacités dont pouvait faire preuve le vacher qui construisait lui-même sa cabane.

En ce qui concerne les ressources récupérées en milieu naturel, on note la présence de pierres (ressource majoritaire lors de la construction d’une cabane). Ce matériau peut être de différentes natures suivant la situation du courtàu. En effet, sur tout le Haut-Adour, on trouve autant de pierres schisteuses (lauze), de granit ou encore de pierres calcaires. Il est donc évident que la nature de la pierre dictera l’aspect esthétique de la construction et la technique de réalisation adaptée. Le milieu naturel fournit aussi beaucoup de bois, grâce à la présence des forêts. Autre ressource à associer aux précédentes, l’inévitable présence de la terre, qui sera notamment utilisée lors de la végétalisation du toit.

En ce qui concerne les éléments rapportés (en faible quantité, considérant leur transport), on remarque sur certaines cabanes la présence d’ardoises, mais aussi de clous ou encore de chaux.

Quant au poids des habitudes, il faut dire que l’éleveur qui faisait construire sa grange sur les pâturages de basse altitude présentait moins de libertés possibles que le vacher en montagne. L’éleveur, qui disposait d’un approvisionnement en matériaux presque illimité, pouvait aussi faire appel à des professionnels. Cela expliquerait l’unité de ces architectures présentent sur toute la vallée. A la différence du pâtre en montagne, qui n’était muni que des ressources sur place, pouvait réaliser sa cabane à sa guise, mais aussi et surtout en fonction de son habileté. Cela, rajouté à la diversité du milieu naturel, expose des constructions toutes différentes les unes entre les autres.

Même s’il est difficile de prouver l’existence d’un artisanat autour de cette construction de montagne, on peut tout de même faire certains rapprochements entre quelques cabanes, puisque il n’est sans oublier l’entre-aide qu’il pouvait y avoir au sein de ces

courtàus. On imagine donc aisément que les moins habiles en construction avait la tâche

d’aller récupérer les matériaux, pendant que ceux, qui faisaient preuve de meilleures techniques, s’occupaient à les mettre en place. Néanmoins, il n’en reste qu’en balayant du regard l’intégralité de la vallée, on remarque des constructions d’aspects différents, justifiant la pluralité des constructeurs. Rien qu’en s’intéressant à l’élévation en pierre sèche, on distingue des constructions réalisées grossièrement, de celles présentant un appareillage avec plus de goût dans les finitions.

Les murs sont réalisés grâce à la technique de pierre sèche, autrement dit sans l’aide de mortier. Les pierres sont agencées de façon à ce qu’elles tiennent par l’appui et l’équilibre qu’elles trouvent entre elles, « toute la difficulté de construire à sec vient donc de la mise en place des pierres les unes par rapport aux autres »66. La nature des pierres utilisée agira sur l’aspect extérieur, « on ne peut pas obtenir le même mur avec des schistes

66 George BUISAN. 1991 (p. 67)

22. Appareil grossier de pierres. Les angles sont traités en grosses pierres

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes

de pâtres dans les Pyrénées centrales, Vallées de Campan et de Lesponne. Tarbes : association Guillaume Mauran, 1991

21. Chaînage régulier dans une entrée de cabane

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie

pastorale et cabanes de pâtres dans les Pyrénées centrales, Vallées de Campan et de Lesponne.

Tarbes : association Guillaume Mauran, 1991

23. Esclozes.

Les pierres (du granit) ont été façonnées

CAUE des Hautes-Pyrénées et Parc National des Pyrénées. 2009

présentant des lits réguliers et du granit qui demande à être « retouché » »67. En même temps que la taille du mur augmente, il faut faire attention à l’aspect visible de la structure dépendant de l’agencement des pierres entre elles. Avec cette technique de construction, il suffit d’assembler les grosses pierres en fonction des petites, comblant s’il le faut les interstices avec de la terre, afin d’éviter les « coups de sabre ». Le mur est construit directement à même le sol, autrement dit sans fondation. L’élément essentiellement, et sûrement le moins facile à trouver, est la présence suffisante de pierres de différente taille, qui permettait au bâtisseur d’évaluer au mieux et le plus rapidement possible sa construction. En ce qui concerne la mise en place des pierres massives, elle devait se faire à l’aide de levier, sans compter bien-sûr sur l’effort collectif des vachers d’un même courtàu. La cabane n’étant généralement pas très haute et souvent adossées à la pente, le niveau supérieur sur lequel devaient se hisser les dernières pierres était relativement faciles d’accès.

Au-dessus de ce mur en pierre sèche se présente la charpente qui ne servait qu’à recouvrir une petite surface en ce qui concerne la cabane du vacher (ou l’étable des veaux). C’est pourquoi elle était principalement constituée d’une solide poutre faîtière, réalisée avec une grume entière, reliant les deux murs pignons. Sur cette dernière était alors posés des chevrons jointifs, reliant, dans la plupart des cas, la faîtière à deux pannes sablières placées sur les murs gouttereaux. La technique pouvait être améliorée en ce qui concerne l’appentis qui présentait par sa longueur une importante surface à couvrir, notamment avec des bois courbes appuyés sur la panne sablière posée sur des piliers, permettant une ouverture sur tout un côté.

67 George BUISAN. 1991 (p. 69)

Dessin 7. Appentis-abri pour bovins à la cabane d'Aygue-Rouyo

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes de pâtres dans les Pyrénées

Cette charpente, une fois installée, accueillait différentes techniques de couverture. Ce revêtement reste la partie la plus délicate à la finition d’une cabane.

Pouvant être déposées sur la charpente, on trouve en première ligne, la lauze. Ces pierres schisteuses, lorsqu’elles sont présentes en quantité suffisante sur le site, sont disposées les unes par-dessus les autres sur chaque pan du toit. Leur agencement sur les chevrons demandait alors beaucoup de soin de façon à alourdir le moins possible la toiture. Elles devaient être relativement plates pour éviter que les pierres, qui n’étaient pas fixées, ne glissent vers le bas.

Lorsque la lauze était présente en trop faible quantité, le déficit était comblé avec de la terre. La charpente était couverte du mieux possible avec les pierres plates, entre lesquels venaient s’implanter des touffes d’herbe.

25. Couverture uniquement en pierre (lauzes)

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes

de pâtres dans les Pyrénées centrales, Vallées de Campan et de Lesponne.

Tarbes : association Guillaume Mauran, 1991

24. Cabane au-dessus du Lac Bleu, au pied du col de Bareille

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes

de pâtres dans les Pyrénées centrales, Vallées de Campan et de Lesponne.

Tarbes : association Guillaume Mauran, 1991

Dessin 8. Coupe d’une toiture en lauzes

A ces deux dernières techniques de couvrement peut s’ajouter celle qui disposait d’élément importés. Lorsque que le trajet était de courte distance, à l’image des granges, les cabanes de courtàu pouvaient être recouvertes de paille. Néanmoins ces toits de chaume n’était pas traité de la même façon, puisque dans certains cas on note l’absence des penàus (pierres plates qui donnaient la particularité aux toits en bâtière d’être encadrés au niveau des murs pignon par des redents). La couverture de paille débordait donc de chaque côté. On trouve également, parmi ces toitures d’éléments rapportés, la trace d’ardoises, pouvant être taillées et percées afin d’être fixées.

Mais il n’est pas sans oublier qu’à la suite de ces travaux, s’ajoutaient la question de l’entretien. Le pâtre devait se charger annuellement de ces réparations, à cause des dégâts opérés par l’hiver. C’est donc ce manque de restauration, à la suite de l’abandon, qui est à l’origine de toutes les ruines de la vallée du Haut-Adour.

CHAPITRE II :

XX

e

-XXI

e

SIECLES : UNE NOUVELLE FAÇON