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Dans cette troisième et dernière partie, il sera question du « marketing territorial et patrimonial », autrement dit des outils et des acteurs qui contribuent à construire l’image d’un territoire. Le marketing territorial-patrimonial a pour objet de susciter l’envie de venir voir en donnant une image attractive et positive d’un lieu. Avec le phénomène de décentralisation qui régit de nos jours la nation française, les collectivités territoriales, quelle qu’elle soit, sont de plus en plus soucieuse de leur image.

L’image du territoire va donc se faire sur la mise en scène de l’espace avec notamment l’instrumentalisation d’une identité, particulièrement dictée par des stéréotypes touristiques (constructions imaginaires) et des grands archétypes paysagers. La chasse à l’exception géographique va aussi être lancée, afin de mettre en valeur la singularité d’un territoire. On va se concentrer sur des référents symboliques.

En ce qui concerne plus spécialement la montagne, elle reste une invention du XVIIIe siècle, moment où une société extérieure commence à s’y intéresser. Le paysage de la montagne ne peut exister que grâce à la vision qu’on lui porte. Ce qui est vraiment le cas durant le XXe siècle qui achèvera d’inventer la montagne pyrénéenne. En effet, c’est à cette période que la montagne se démocratise véritablement, avec la possibilité d’accès à ce milieu accordé à la plupart des gens et en toutes saisons.

L’économie touristique va apparaître comme une nouvelle ressource de la montagne. De ce fait, dans toutes régions montagneuses, le développement du tourisme de masse va devenir un outil afin de lutter contre l’exode rural. A la suite du thermalisme, la montagne va définitivement s’inscrire comme un terrain de loisirs et de jeux. La représentation de cet espace répond à des regards positifs avec l’idée d’un espace authentique, presque immuable, à l’image de la neige vierge.

Néanmoins, cela n’empêche pas l’action d’aménager les massifs. Avec le développement des pratiques hivernales de la montagne (qui étaient jusqu’alors majoritairement estivales), les stations de sports d’hiver connaissent un véritable essor.

Paradoxalement, on observe une prise de conscience de la protection de la nature à la suite de la prise en compte de l’impact de l’homme sur le milieu montagnard. A l’image des critiques novatrices de F. Schrader (Jean François Daniel SCHRADER, 1844-1924), alpiniste et géographe ayant contribué à la cartographie des Pyrénées. Pris de passion pour les

Pyrénées, il n’hésitera pas à dénoncer la destruction des paysages, mais aussi des valeurs spirituelles, en faveur d’un retour à la nature : « Il a donc suffi que les hommes viennent un peu plus nombreux admirer la nature vierge, pour qu’immédiatement la destruction, le ravage, la hideuse « mise en valeur », c’est-à-dire la ruine, y pénètrent avec eux » ; « Que parlions- nous de liberté, de solitude ? Voilà les banalités d’en bas qui se transportent en haut, voilà la montagne livrée à la foule profane » ; « Qui sait si un jour ne viendra pas où l’homme retrouvera le respect de la nature ? ».

On remarque deux grands modèles de liberté, plus ou moins imaginés et naturalisés, pour définir deux formes de nature différentes.

Tout d’abord, le modèle pastoral autour d’un milieu peuplé de pâtres, bergers, bergères, vachers et vachères, associés à une idée de nature. C’est une image que l’on va chercher très loin dans le temps, faisant référence au début du christianisme (référence au pasteur), mais aussi remontant jusqu’à l’Antiquité (Arcadie : référence à l’espace ouvert, cher aux romantiques et peintre de la Renaissance → L’Etat pastoral ou The Arcadian de T. Cole). C’est l’idée très imagée, à la comparaison du jardin d’Eden, d’un paradis terrestre où l’homme se trouve en parfaite harmonie avec la nature. Un monde rural qui demande à ne pas être amalgamé avec la campagne qui présente surtout le labeur du paysan. On divise la vallée de la haute montagne. C’est principalement avec ce modèle que s’inscrit définitivement le stéréotype du pâtre : un homme avec un bâton, un béret et son chien. Se rajoute la tradition de la transhumance qui va se réinventer en fête touristique. Avec le modèle pastoral, on parle donc d’une nature exploitée, mais aussi maîtrisée par l’homme.

33. The Arcadian or The Pastoral Stade, Thomas COLE, 1836

A l’inverse, en tant que second modèle de la montagne, on trouve celui de Wilderness. Ce terme d’origine anglo-saxonne désigne la représentation d’une nature sauvage, évoquant l’image d’une nature vierge. On a donc l’idée d’un paysage dépourvu de l’empreinte de l’homme, supposant simplement un regard contemplatif. Un modèle qui va s’institutionnaliser avec la création des parcs nationaux.

En parallèle à l’instauration de ces modèles de nature, dès la fin du XIXe – début XXe siècle, on trouve tout un mouvement autour de l’idée du patrimoine, déjà inventé au XIXe.

Au-delà des édifices ou des ensembles urbains, les sites naturels et les écosystèmes demandent également une protection. Ce droit du patrimoine paysager va devenir une partie importante du droit de l’environnement. En ce qui concerne le paysage, il faut notamment relever la convention de Florence, signée en 2000, qui admet l’admet en droit français. Cette convention donne comme définition au paysage : « une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leur interrelation ». Elle va inciter à « mettre en œuvre des actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage, justifiés par la valeur patrimoniale provenant de sa configuration naturelle et/ou de l’intervention humaine ».

En ce qui concerne la montagne, c’est essentiellement la loi du 9 janvier 1985 (modifiée partiellement en 2005) qui s’y applique, relative au développement et à la protection des zones montagneuses, tentant d’établir un équilibre entre ces deux critères. Cette loi est notamment soutenue par le Conseil national de la montagne. En 1991, la France a signé la convention de Salzbourg qui concerne la protection du massif Alpin au niveau européen avec des mesures concernant la culture, l’aménagement du territoire, la préservation de la nature, l’entretien des paysages, mais aussi le tourisme. Pour les Pyrénées, on peut citer la convention interrégionale de massif qui engage l’Etat et les régions concernées (anciennement l’Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon) sur un programme d’actions pour l’année 2015-2020. Ces démarches se rassemblent autour de quatre thématiques : l’attractivité du massif, la création de valeur à partir des ressources (dont notamment l’amélioration et la diversification de l’offre touristique, ainsi que le soutien au pastoralisme en estive), l’adaptation au changement climatique et la promotion de l’identité pyrénéenne. Les fonds

structurels européens FEDER88 sont également mobilisés dans le cadre du POI89 Pyrénées, pour la période 2014-2020.

La démocratisation de la montagne pyrénéenne sera envisagée en questionnant le public touristique actuel, puis l’apparition petit à petit d’un tourisme patrimonial propre au secteur de montagne. Ce secteur ne devient-il pas une victime du développement presque permanent d’un tourisme de masse ? Ce qui sous-entendant l’agression par une sur- fréquentation et une consommation non-contrôlée, autant pour le paysage naturel que pour les locaux.

Le patrimoine montagnard, en particulier celui du Haut-Adour, tend depuis quelques peu à se démarquer avec notamment la mise en avant d’un archaïsme propre à une vallée. Cet

ingeniering patrimonial met en évidence différent acteurs jouant un rôle plus ou moins

important au sein et autour de la vallée de Campan dans le but de valoriser son identité avant toute pastorale. En conséquence de quoi des moyens déjà mis en place pourront être cités.

Parmi les différents procédés mis en œuvre, l’intérêt de la restauration du bâti sera questionné. Diverses cabanes de courtàus ont connu durant la seconde moitié du XXe siècle nombre de restaurations. Mais deux d’entre elles sont particulièrement intéressantes, s’agissant de la première et de la dernière lancées en vallée du Haut-Adour.

88 Fonds européen de développement économique et régional

En ce qui concerne ce dernier chapitre, faute d’entretien impossible dans les temps convenus avec les représentations des pouvoirs publics intercommunaux, j’ai dû me résoudre à trouver mes réponses au sein de recherches bibliographiques. Pour parler des tutelles liées à l’Etat et au département, les informations ont été principalement obtenues par des recherches internet. L’organisation d’évènements autour du patrimoine et leurs communications au sein du territoire de la Haute-Bigorre, du département et de la région, en sont particulièrement intéressant.

Pour ce qu’il est des outils de valorisation de l’identité de la vallée du Haut-Adour, cela vient principalement d’observations personnelles sur le terrain, se limitant donc à la vallée de Campan, complétées par certaines informations qui ressortaient lors des divers entretiens qui m’a été donné de faire.

Sinon à propos des restaurations qui représentent un des instruments spécifiques à la valorisation des courtàus : pour la première tous les détails sont donnés et développés dans l’ouvrage de G. Buisan, Aux cabanes de la Lit. Une histoire de restaurations à pierre sèche

dans les Pyrénées (2004), et en ce qui concerne la seconde, j’ai pu m’entretenir avec la

présidente de l’association Pierre des Esclozes, Mme Danièle GAILLAGUET. Elle a su m’expliquer en détails l’idée de la restauration et son élaboration, mais aussi l’avancement point par point des travaux au gré d’albums photos, ainsi que quelques projets à venir.

PARTIE A)