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Un bâti en ruine, tombé dans l’oublie

2. Des reconstructions à des fins pratiques

Sur la vallée du Haut-Adour, certains propriétaires ou simples particuliers ont reconstruit ces cabanes afin de satisfaire des besoins pratiques. Des courtàus se sont transformés en rassemblement de granges foraines grâce à leur position de faible altitude ; d’autre encore, se sont recyclés en simple abri occasionnel, soit pour des randonneurs, soit pour des vachers, soit pour de l’outillage ; enfin, certaines cabanes ont pu être entièrement reconstruites à des fins plus scientifiques, puisqu’elles servent aujourd’hui d’observatoire.

Ces reconstructions, en revanche, n’ont pas forcément respecté les normes, faisant passer en priorité les besoins plus contemporains des nouveaux occupants.

A ce titre, il est à citer l’exemple du courtàu de l’Espiadet qui entre l’exploitation liée à l’activité laitière de la vallée et sa situation actuelle, a connu une première transformation en granges foraines. Cela est principalement dû à sa localisation en basse altitude. En effet, tous les courtàus n’ont pas pu aboutir à cette transformation, puisque une grande partie était trop éloignée des prairies de fauche.

Cette période de mutation, pour le courtàu de l’Espiadet en particulier, correspond notamment à l’intense reprise d’activité de la carrière qui se trouve juste aux abords. A cause de ce nouveau mouvement, certains courtàus de la vallée furent dévoyés de leur fonction initiale, avec notamment l’implantation d’au moins une grange foraine. Tandis que celles-ci se trouvaient habituellement à l’étage inférieur et servaient aux troupeaux quand les réserves herbagères des bordes du village étaient à sec, avant et après le temps passé en estive (printemps et automne).

En revanche, cette implantation de nouvelles structures n’est pas révélatrice de l’abandon des courtàus qui pouvaient être toujours en exploitation, mais enclenche toutefois le processus de transformation de l’activité agropastorale du Haut-Adour. En effet, le courtàu, village d’estives, se transforme alors petit à petit en habitations permanentes, en particulier en faveur des cadets qui étaient écartés du village.

De ce fait, la transformation du site de l’Espiadet et l’implantation de granges foraines dans d’autres sites qui bénéficiaient d’un accès aisé (ex : courtàu des Esclozes en vallée de la Gaube ou courtàu de Sarroua), ont limité l’abandon net des courtàus de la vallée.

Mis à part l’implantation de grange foraine au sein des courtàus, il faut aussi parler des reconstructions presque « banales » de certaines cabanes, à la suite de l’abandon de l’activité qui leur était initialement propre. Ces reconstructions répondent aux besoins d’abriter, non seulement les pâtres toujours en activité, mais aussi les nouveaux pratiquants de la montagne.

Comme nous le montre le courtàu de Courbet, situé à 1 450 m d’altitude. Sur ce site, on trouve deux cabanes (sur les cinq répertoriées en 1825 avec le cadastre napoléonien), ayant subi une restauration par des particuliers, dans le but premier de servir de refuge.

65. Espiadet. Les constructions ont dû y être toujours plus soignées, comme en témoigne la carte postale du début du XIXe siècle. De petite grange couverte de chaume : rassemblement de granges foraines. Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes de pâtres dans les Pyrénées

On peut aussi faire référence à la cabane de la famille Labadens, toujours en place au

courtàu de Tramesaïgues (sur la route du Tourmalet). Ce n’est que par détermination

sentimentale que les membres de la famille ont souhaité préserver cette cabane qui demande encore aujourd’hui à être entretenue régulièrement. Sans réellement l’utiliser, ils aiment se rendre sur place pour conserver l’architecture, en l’améliorant quelque peu. Une cabane qui n’est pas laissée en libre circulation à n’importe qui, mais qui par la demande de bergers encore en activité est bien venue pour servir de refuge et abri, en particulier lors des premières journées froides et pluvieuses quand arrive l’automne. Ce refus de laisser ouverte la cabane est spécialement voulu pour la conserver dans l’état. En effet, si l’on s’aventure dans certains

courtàus, il est facile de repérer les dégâts occasionnés par nombre d’animaux, ainsi que par

certaines personnes mal intentionnées (tags, vols, détériorations, destructions, etc.).

A côté de ces reconstructions à simple but pratique, il est à mettre en évidence des reconstructions à des fins plus scientifiques. C’est le cas de la cabane du géologue botaniste Jean-Sébastien GION. A la suite d’une longue prospection dans la vallée du Haut-Adour (surtout en vallée de Lesponne) pour trouver le courtàu qui lui convenait le mieux et après de nombreux refus des propriétaires actuels de cabane, il réussit à trouver l’opportunité avec une propriétaire qui n’était pas réticente à la reconstruction de sa cabane. Un abri qu’il a alors lui- même reconstruit en partant d’ « un tas de ruines », avouant toutefois qu’il ne cherchait pas

66. Le Courbet. Cabanes restaurées

Georges BUISAN. Des cabanes et des hommes, Vie pastorale et cabanes de pâtres dans les Pyrénées

tellement à respecter les normes. Cette construction ne lui appartenant pas, il n’en possède que l’usufruit, en accord avec la propriétaire. Elle lui sert aujourd’hui, mis à part de s’octroyer un peu de bon temps en estives, la possibilité d’observer et d’étudier l’environnement, à savoir que ses spécialités sont la colonisation des éboulis, le système avalancheux (bassin de réception, couloir d’écoulement, cône de déjection), la nivologie, ainsi que la botanique. En ce qui concerne cette cabane, elle est strictement interdite au public, puisque sans valeur exceptionnelle à côté d’autres courtàus de la vallée.

Il est donc question de changements architecturaux en faveurs des nouveaux occupants et des changements d’exploitation de certains sites d’altitude. A ce titre, il est notamment important de préciser la disparition progressive du dispositif servant de tir fumé, le tira-hum. De la façon la plus rudimentaire, ce dernier ne présentait qu’un simple trou dans un des murs pignon, cela pour réduire le risque d’incendie à cause de la présence de toitures végétales (chaume), mais aussi prévenir des dégâts opérés par une avalanche (l’avalanche passait par- dessus la cabane sans risquer d’arranger un conduit de cheminée emportant une partie de la toiture). Cet agencement primitif n’empêchait pas d’enfumer la pièce (nécessitant l’ouverture constante de la porte, même durant les nuits les plus fraîches) et fut donc rapidement remplacé par un conduit et une souche comme chapeau de finition, plus efficace pour évacuer la fumée. L’exigence de confort des nouveaux occupants des courtàus ont prévalu sur celles liées aux risques environnementaux.

On peut aussi parler des propriétaires actuels des cabanes situées dans un courtàu. Même si les courtàus du Haut-Adour étaient établi sur un terrain communal, autrement dit appartenant à la commune de Campan, les cabanes qui y était construites appartenaient jusqu’alors à la personne qui l’exploitait, et étaient transmises par héritage. C’est le cas pour la cabane de la famille Labadens appartenant donc aux héritiers des derniers exploitants. Néanmoins, la plupart de ces légataires, ayant délaissé leurs héritages, ont pu vendre certaines cabanes, le plus souvent à des personnes extérieures à la vallée, voire au département. Tombées en ruine, ces cabanes sont retournées en propriété de sol, appartenant donc à la commune.