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Fréquentation "française " de la zone massifs par nombre d'enfants au foyer en

3. Une montagne victime du tourisme de masse ?

En ce qui concerne les courtàus, on trouve des questions qui tournent surtout autour de la problématique principale : faut-il vouloir à tout prix refaire « vivre » les courtàus au risque de pratiquer dans ces lieux l’ « acharnement patrimonial » ou faut-il accepter leur disparition, étant celle d’une activité, d’une organisation, d’un monde et d’une société, aujourd’hui disparus ?

Dès lors, il semble pertinent d’envisager les formes de vulnérabilité pouvant être perçues par les différents acteurs impliqués, bon gré, mal gré, dans le processus de patrimonialisation et de valorisation touristique. Il est vrai que chacun d’eux suivant ses attentes et ses préoccupations ne va pas percevoir les mêmes formes de faiblesse. Autant d’informations qui présentent diverses manières de percevoir les relations entre patrimoine et tourisme au sein de l’espace montagnard.

La fréquentation accrue du secteur de montagnes suppose une gestion du territoire accompagnée d’une réglementation de son utilisation, ce qui finalement fut et est toujours le cas. Des conflits peuvent apparaître entre professionnels de la culture, d’autant plus dommageable que la population locale ne ressent pas toujours les bienfaits du tourisme, jusqu’à en ressentir même le contraire.

L’équilibre est difficile à trouver entre l’enjeu de certaines politiques qui cherchent à valoriser sans détruire. D’autant qu’à en croire la demande, les lieux délaissés aujourd’hui pourraient devenir les nouveaux espaces touristiques de demain. Néanmoins, les obstacles restent encore nombreux dans ce domaine.

Il faut le comprendre un afflux massif de touristes mal géré peut avoir rapidement des conséquences négatives tant économiques, que sociales, identitaires et environnementales, sur le territoire et sur la population. Quatre effets, déjà dégagés par Claude Origet du Cluzeau, auteur de nombreux ouvrages et articles sur le tourisme culturel, arrivent à déceler ses impacts négatifs. Dans un premier temps, on parle de la hausse globale des prix à la consommation, là où certains commerçants tentent d’exploiter au maximum les formules amenées par le tourisme. Deuxième effet, l’affaiblissement des autres filières d’activité économique qui supportent difficilement la comparaison avec certaines représentations d’activités plus lucratives. Au lieu de générer une nouvelle population touristique, le développement de certaines activités détournerait les touristes fréquentant déjà le même secteur, affaiblissant les activités auparavant développées. Le plan de développement du territoire doit alors obligatoirement prendre en compte que toutes les populations touristiques ne se sont pas intensifiées. Le troisième effet révèle l’accroissement d’un excursionniste alors moins rémunérateur que les séjours touristiques qui avaient été démultipliés grâce aux congés payés. Enfin, le quatrième effet concerne la mauvaise gestion des flux générant une insatisfaction de la part des visiteurs, notamment face à la privation d’authenticité de certains lieux.

Justement en ce qui concerne la dégradation de l’espace « naturel » (authentique), notamment des espaces protégés, on peut dater le début de cette prise de conscience d’une quinzaine d’années en arrière. Plusieurs réalités donnent des réponses à l’émergence tardive des enjeux de ce phénomène. Dans un premier temps, la pression sociale qui pourrait la limiter est presque inexistante. De même, la mauvaise connaissance de la fréquentation des sites, mais aussi les rythmes variés de dégradation, ont compliqué la perception des causes, responsables de l’évolution des milieux.

Se confronte deux attitudes en apparence très contradictoires : la préservation (en tant que mise en défense) et la valorisation (en tant que mise en spectacle) de la nature. Cette problématique se révèle être une formule à mettre en réflexion, et cela, pour permettre de mieux concevoir l’utilisation de n’importe quel paysage qui nous entoure.

« Conserver un univers préhensile, sauvegarder nos aptitudes à le penser concrètement, pour préserver notre humanité autant biologique que physique, voilà peut-être l’une des pistes d’interprétation de « l’inflation patrimoniale » [...] qui explique, peut-être partiellement, la tendance à protéger la nature... de nous, les humains. »93

A ces conflits concernant la détérioration de l’espace naturel, se rajoute les difficultés d’une activité pointées du doigt par les bergers et vachers des zones de montagne. Même si de nombreux paysans de Bigorre ont pu poursuivre leurs élevages de moutons et de vaches en particulier grâce à un deuxième emploi, plus saisonnier, puisque concernant la saison hivernale, et souvent en rapport avec le tourisme, la frontière reste faible entre avantages et désavantages. C’est particulièrement les stations de ski qui nécessitent de beaucoup de personnel surtout en hiver. A ce titre, nous pouvons citer quelques moniteurs de ski qui lorsque la neige a fondue retourne en montagne, mais cette fois accompagné de leur troupeau, ou encore D. Pambrun, notre apprenti éleveur, qui l’hiver venu envisage de devenir dameur. En période estivale, l’obligation de partager la montagne avec un tourisme, qui peu à peu investit le territoire, est un apprentissage qui se révèle quelque peu abrupt pour l’éleveur de montagne, alors usager du milieu depuis la nuit des temps.

L’un des gros problèmes à l’heure actuelle est que les étiquettes touristiques forcent une mauvaise interprétation de certaines représentations des estives, en particulier celle de la vache carte postale. En effet, la vache est présente sur une bonne partie des images estivales de la montagne et fait donc l’objet de photos souvenirs. Mais le risque devient plus grand quand ce sont les touristes qui posent aux côtés de la vache, comme nous le raconte M. Labadens en rappelant avoir vu la photographie d’un père de famille tenant dans ses bras d’un côté son jeune enfant et de l’autre une des cornes de la bête. Combien d’accidents mettant en cause des blessures opérées principalement par les cornes de l’animal sont à déplorer chaque année. Même si la montagne est avant tout perçue comme un espace de loisirs, c’est aussi un territoire qui « appartient » tout autant au pastoralisme et dont les bêtes sont habituées au point maintenant de s’y promener en liberté, à l’instar du randonneur.

Ce tourisme de montagne n’arrivera réellement à se développer et s’implanter dans le paysage que s’il y a une prise de conscience et des locaux, et des personnes extérieures. On

93 HERITIER Stéphane (dir). 2009. Nature et patrimoine au service de la gestion durable des territoires.

parle donc d’une prise de conscience du besoin de mettre en place une prévention, mais aussi la prise de compte de l’existence d’une prévention sur la préservation et le respect nécessaires. Les professionnels de ces secteurs de montagne doivent en collaboration avec les touristes trouver une ligne d’entente et divers moyens de communication pour éviter de faire de la montagne un secteur privé, alors que depuis toujours, elle est un bien collectif.

« _ Oui, mais c’est notre capitale et notre outil de travail, dit le berger. _ Vrai.

_ Oui, mais c’est notre patrimoine commun, un de nos derniers espaces de liberté, pour nous et nos descendants, disent d’autres usagers, randonneurs ou protecteurs. _ Vrai aussi ... »94

Un dialogue qui doit avant tout clarifier les objectifs. Il faut une mise en cohérence des divers buts, que ce soit l’aménagement du territoire, la gestion et la conservation, la préservation d’espèce, l’encouragement des territoires ruraux à se développer ou encore la restauration d’un paysage. Une mise en cohérence qui doit aussi et impérativement se faire sur l’implication des populations concernées en vue d’atténuer les conflits, principales réactions de décisions vécues comme imposées.

Après avoir essayé d’interpréter les différentes manières de percevoir les relations entre patrimoine et tourisme, spécifiques aux territoires d’estives, il est maintenant temps de s’intéresser à la mise en place d’éléments en faveur du tourisme, en particulier patrimoniale, sur le territoire de la vallée de Campan.

PARTIE B)