• Aucun résultat trouvé

Variations de l’utilisation des médicaments psychotropes en fonction de l’âge : comparaison des adultes jeunes et plus âgés

Dans le document en fr (Page 72-75)

Les études détaillées précédemment alertent sur une augmentation de l’utilisation des médicaments psychotropes avec l’âge, pour toutes les classes thérapeutiques. Nous allons nous intéresser aux études ayant comparé l’utilisation des médicaments en population adulte jeune et plus âgée.

1.5.1 Comparaison de la fréquence de l’utilisation des médicaments psychotropes en fonction de l’âge

Très peu d’études, à notre connaissance, se sont intéressées à la comparaison de l’utilisation des médicaments psychotropes entre les jeunes adultes et les individus plus âgés. Une étude canadienne transversale s’est déroulée entre mai et décembre 2002 avec un effectif de 36 984 individus âgés de 15 ans et plus, concernant l’utilisation de médicaments psychotropes [90]. La population source était les personnes âgées de 15 ans et plus, vivant à leur propre domicile dans les dix provinces canadienne. La sélection des participants était faite de manière aléatoire dans une zone géographique définie. Une personne était sélectionnée par foyer contacté. La tranche d’âge allant de 15 à 24 ans était surreprésentée dans cette étude [91]. Les entretiens se faisaient dans la mesure du possible au domicile des individus, ou par téléphone le cas échéant. Dans un premier temps, les participants étaient interrogés au sujet de leur utilisation d’une des grandes classes de médicaments psychotropes dans l’année précédente. Pour les participants qui répondaient consommer au moins un médicament psychotrope, le nom des médicaments était recueilli, et il leur était demandé de montrer à l’enquêteur les boîtes de médicaments pris dans les deux jours précédant l’enquête. Les médicaments étaient codés selon la classification ATC [92].

La prévalence globale d’utilisation de médicaments psychotropes dans les deux jours précédant l’entretien était de 7,2%. On constate une augmentation de cette prévalence avec l’âge ; celle-ci est de 2,5% dans le groupe d’âge 15-19 ans, 5,0% dans le groupe 20-44 ans, 9,7% dans le groupe 45-64 ans et 11,8% chez les sujets âgés de 65 ans et plus [90].

Cette augmentation en fonction de l’âge est particulièrement marquée pour la classe des anxiolytiques/hypnotiques/sédatifs. Ainsi, il est observé une prévalence d’utilisation de 8,3% dans le groupe d’âge de 65 ans et plus, contre 4,2% chez les 45-64 ans et 1,2% chez les 20-44 ans. En restreignant la population aux sujets de 45 ans et plus, la prévalence d’usage des anxiolytiques/hypnotiques/sédatifs ne cesse d’augmenter avec l’âge jusqu’à 11,1% chez les personnes âgées de 75 ans et plus. Concernant l’usage des antidépresseurs, la prévalence est la plus élevée dans le groupe d’âge 45-64 ans avec une prévalence de 6,6%. Celle-ci est de 4,7% chez les sujets âgés de 65 ans et plus, de 4,1%

Partie 1 : Généralités – Variations de l’utilisation des psychotropes

69 chez les 20-44 ans et de 1,8% chez les 15-19 ans. Concernant l’usage des antipsychotiques et des thymorégulateurs, celui-ci varie très peu en fonction de l’âge avec une prévalence située entre 0,4% et 0,6% [90]. Ainsi, selon cette étude canadienne, la prévalence d’utilisation de psychotropes augmente avec l’âge et cette augmentation est entièrement liée à l’accroissement de l’utilisation des anxiolytiques/hypnotiques/sédatifs.

L’effet de l’âge sur les profils des utilisateurs de médicaments psychotropes a été étudié sur la base de données de la National Ambulatory Medical Care Survey (NAMCS) [93]. Cette étude a été conduite par le Centre National de Statistique pour la Santé sur un échantillon national de patients adultes, âgés d’au moins 21 ans, consultant un médecin dans un cabinet ou dans un centre médical. L’effectif total de médecins inclus était de 2406. L’année examinée était l’année 2010. Chaque médecin enregistrait ses données durant une période d’une semaine, à partir d’un échantillon aléatoire de consultations. Les données obtenues concernaient les symptômes des patients, les caractéristiques sociodémographiques et les médicaments prescrits. L’instrument d’enquête capturait les trois premiers diagnostics liés à une consultation et, pour chaque conusultation NAMCS, était également évaluée la présence de 14 maladies chroniques spécifiques (exemple arthrite, insuffisance rénale chronique…). Une modélisation a permis une représentativité de ces consultations par rapport aux consultations annuelles effectuées en ambulatoire par les médecins américains.

Les consultations ayant abouti à une prescription de médicament psychotrope ont été étudiées en fonction de deux groupes d’âge : le groupes des adultes de 21 à 64 ans et celui des adultes de 65 ans et plus. Au total, 31 229 adultes ayant reçu un médicament psychotrope durant l’année 2010 ont été inclus dans cette étude [93]. Un peu plus d’un quart (27,6%) des consultations ayant abouti à une prescription d’antidépresseurs concernaient les sujets âgés de 65 ans et plus. Parmi les consultations avec prescription d’anxiolytique/hypnotiques, 32% étaient effectuées auprès de personnes âgées de 65 ans et plus, ainsi que 20% des consultations avec prescription d’antipsychotiques ou de thymorégulateurs.

Dans la majorité des cas, le médecin prescripteur n’était pas psychiatre pour les deux groupes d’âge. Toutefois, le groupe des adultes plus jeunes consultait plus fréquemment un médecin psychiatre pour une prescription de psychotrope (14,4% des consultations avec prescription d’anxiolytiques/hypnotiques jusqu’à 44,9% des consultations pour les antipsychotiques) que le groupe des sujets âgés (3,5% des consultations pour les anxiolytiques/hypnotiques à 17,3% des consultations pour les antipsychotiques). Parmi les patients ayant bénéficié d’une consultation ayant abouti à la prescription de médicaments psychotropes, les sujets jeunes reçoivent principalement des antidépresseurs puis des

Partie 1 : Généralités – Variations de l’utilisation des psychotropes

70 anxiolytiques et enfin des antipsychotiques, alors que les sujets âgés reçoivent, dans des proportions équivalentes, principalement des antidépresseurs et des anxiolytiques/hypnotiques. La faible proportion de prescriptions d’antidépresseurs (4,9% des visites pour antidépresseurs vs 16,6% chez les adultes plus jeunes) et d’antipsychotiques (17,3% des visites pour antipsychotiques vs 44,9%) effectuées par un médecin psychiatre chez les sujets âgés soulève des interrogations au vu de la spécificité et de la fragilité de cette population.

Dans l’enquête européenne ESEMeD, une étude s’est intéressée aux facteurs influençant la prescription d’antidépresseurs et de benzodiazépines [94]. Toutes les catégories d’âge supérieur ou égal à 25 ans avaient une probabilité de recevoir une prescription d’antidépresseurs et de benzodiazépines supérieure à celle de la catégorie de référence, les sujets âgés de 18 à 24 ans. La force de cette association augmentait avec l’âge pour les benzodiazépines et les antidépresseurs, de manière plus marquée pour ces derniers. Ainsi, l’âge était significativement associé à une prescription d’antidépresseurs, avec un rapport de côte allant de 2,19 (IC95 % [1,12 ; 4, 27]) chez les sujets âgés de 25 à 34 ans à 6,52 (IC95% [3,36 ; 12,66]) chez les sujets âgés de 65 ans et plus. L’âge était également significativement associé à la prescription de benzodiazépines à partir de 35 ans, avec un rapport de côte allant de 2,30 (IC95% [1,40 ; 3,78]) pour la tranche d’âge 35-49 ans à 4,86 (IC95% [2,88 ; 8,20]) chez les sujets âgés de 65 ans et plus.

Il existe donc des différences de prévalence d’usage des différents types de psychotropes en fonction de l’âge. Nous nous sommes questionnés sur les différences de modalités d’utilisation de ces psychotropes en fonction de l’âge.

1.5.2 Modes d’utilisation en fonction de l’âge

Nous n’avons retrouvé dans la littérature qu’une seule étude comparant directement les modalités d’utilisation des psychotropes chez les adultes jeunes et plus âgés. Une étude menée sur une base de données américaine de remboursement, Pharmetrics, a comparé, les modalités de traitement par antidépresseurs, chez des patients atteints de dépression, âgés de moins de 65 ans et de 65 ans et plus [95]. Cette étude a montré des résultats différents en fonction de la période de temps considérée : avant et après 2006, 2006 correspondant à la réforme Medicare part D qui a permis l’amélioration du remboursement des médicaments dans la population âgée de 65 ans et plus. Ainsi, les sujets plus âgés recevaient avant 2006 une posologie de traitement antidépresseur plus souvent faible que les sujets jeunes. Cette tendance a beaucoup diminué après 2006 (rapport de côte à 5,4 avant 2006 avec un IC95% [3,6 ; 8,1] et de 1,9 après 2006 avec un IC95% [1,1 ; 3,2] par rapport à la prescription d’une posologie élevée) [95]. En ce qui concerne la durée de

Partie 1 : Généralités – Variations de l’utilisation des psychotropes

71 traitement, la tendance s’est inversée. Avant 2006, les sujets plus âgés recevaient une durée de traitement par antidépresseur plus souvent courte que les adultes jeunes (HR=1,3 ; IC95% [1,1 ; 1,4]) et, après 2006, une durée moins souvent courte que les adultes jeunes (HR=0,8 IC95% [0,7 ; 0,9]).

Ainsi des différences semblent exister concernant l’utilisation et les modalités de traitement par antidépresseurs entre les sujets âgés et la population plus jeunes. Cependant, nous avons vu que ces modalités d’usage semblent dépendre étroitement du système de soins et d’assurance maladie. En effet, l’augmentation du remboursement et la réduction des dépenses liées aux médicaments pour les patients plus âgés ont permis une nette amélioration de leurs modalités d’utilisation. La France bénéficiant d’un système d’assurance maladie universel, identique quel que soit l’âge, les résultats d’une comparaison des adultes jeunes et plus âgés pouvaient se montrer tout à fait différents. Nous avons réalisé une étude comparant les modalités d’utilisation des antidépresseurs entre les sujets âgés et les adultes plus jeunes en France.

1.6 Étude personnelle: Antidepressant treatment patterns in younger and older

Dans le document en fr (Page 72-75)