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3.8 Caractéristiques de la variation temporelle de l’approvisionnement des réseaux et

3.8.5 Variation journalière/saisonnière et rôles du stockage

La variation temporelle de la consommation de chaleur sur un réseau s’avère problématique pour plusieurs raisons. Les deux principales sont les suivantes : i) elle nécessite des capacités de pro-duction et de transport qui ne sont utilisées que pour un nombre limité d’heures ; ii) elle peut limiter l’intégration de sources de chaleur caractérisées par des profils temporels de disponibilité différents (chaleur solaire, rejets de chaleur, etc.). Le stockage de chaleur sur un réseau, compo-sant qui permet d’emmagasiner de la chaleur à un moment pour la restituer à un autre, constitue un moyen pour atténuer ces effets. Deux fonctions du stockage peuvent alors être distinguées :

1. Lisser la variation journalière de la production et du transport de chaleur, et par consé-quent réduire les puissances de pointe produites/transportées. Techniquement, cette va-riation journalière peut être amortie [111] :

• en jouant sur l’inertie du réseau (stockage directement dans les canalisations) ;

• en jouant sur l’inertie thermique de certains bâtiments (stockage dans les éléments de construction des bâtiments raccordés) ;

• en connectant le réseau à un accumulateur de chaleur.

2. Augmenter l’intégration d’une source de chaleur en substitution à une autre. Selon la nature du déphasage entre la source de chaleur en question et la consommation, la temporalité du stockage peut être plus ou moins longue. Pour un stockage saisonnier (stockage d’un surplus thermique estival restitué en période de chauffage), les solutions éprouvées sont notamment [113] :

• le stockage d’eau chaude en aquifères profonds ;

• le stockage d’eau chaude en cavernes ou dans des grands réservoirs ;

• le stockage d’eau chaude dans des puits semi-enterrés ;

• le stockage diffusif dans le sol via des sondes.

Chapitre 3. Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

A noter que le stockage de chaleur peut également avoir d’autres fonctions [114] : sécurisation de la fourniture de chaleur, amélioration des rendements de certaines installations de production, optimisation économique du fonctionnement des CCF, intégration d’électricité renouvelable ex-cédentaire (power-to-heat), etc.

3.8.5.1 Quantification de la variation journalière et enjeux pour le stockage dont la fonction est de réduire les puissances de pointe

L’intérêt d’un stockage journalier et les enjeux de son dimensionnement sont directement liés aux caractéristiques de la variation journalière de la consommation de chaleur sur les réseaux. Cette variation peut être quantifiée à l’aide d’indicateurs [111] (cf. annexe C) :

la variation journalière annuelle: elle représente le cumul annuel des différences positives entre les puissances moyennes horaires et les puissances moyennes journalières des jours correspondants. Cette valeur indiquerait la quantité de chaleur annuellement déphasée par un stockage qui permettrait d’éliminer entièrement toutes les variations journalières. Elle peut être exprimée en valeur relative en étant rapportée à l’approvisionnement annuel du réseau.

les variations journalières: elles représentent, par jour, la somme des différences positives entre les puissances moyennes horaires et la puissance moyenne journalière du jour cor-respondant. La valeur la plus élevée sur l’année équivaudrait à la quantité de chaleur que devrait être en mesure d’accumuler un stockage pour annihiler entièrement toutes les va-riations journalières sur l’année. Elles peuvent être exprimées en valeurs relatives en étant rapportées à l’approvisionnement journalier moyen sur l’année (énergie annuelle divisée par 365 jours).

les variations horaires: elles représentent, par heure, la différence absolue entre la puissance horaire fournie et la puissance moyenne journalière du jour correspondant. La valeur la plus élevée sur l’année correspondrait à la puissance de stockage/déstockage nécessaire pour annihiler intégralement toutes les variations journalières sur l’année. Elles peuvent être ex-primées en valeurs relatives en étant rapportées à l’approvisionnement horaire moyen sur l’année (énergie annuelle divisée par 8760 heures).

Variation journalière annuelle relative

Sur les réseaux de chaleur analysés, la variation journalière annuelle représente entre 7.2% et 9.6%

de leur approvisionnement annuel, excepté sur le réseau CAD Aire-la-Ville où elle est plus élevée (13.5%). On constate que cette variation n’est pas nécessairement beaucoup plus faible sur les grands réseaux (figure 3.31).

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1 10 100 1000 10000

Variation journalière annuelle relative [%]

Energie annuelle fournie aux réseaux [GWh]

CAD Cartigny 2011 CAD Aire-la-Ville 2015 CAD Laurana 2014-15 CADSIG 2013-14 CADSIG+CADIOM 2013-14 CADIOM 2009

CADIOM 2013-14 Réseau gaz 2014 Réseau gaz 2015

Figure 3.31 – Variation journalière annuelle relative en fonction de l’énergie annuelle fournie pour les réseaux genevois analysés. Voir texte

Par comparaison, la variation journalière annuelle relative sur le réseau de gaz (9.3% en 2013 et 9.7% en 2014) est proche des valeurs observées sur les réseaux de chaleur. Ceci s’explique par le fait que le gaz est également essentiellement utilisé pour répondre à des besoins de chaleur. Enfin, cet indicateur a également été calculé pour des réseaux fournissant d’autres services énergétiques : le réseau électrique cantonal et le réseau de froid "Genève-Lac-Nations". La variation journalière annuelle relative de la consommation électrique cantonale est du même ordre de grandeur que sur les réseaux de chaleur (8.2% en 2009 et 8.1% en 2010). En revanche, cette variation est deux à trois fois plus importante sur le réseau de froid (21.4% en 2013).

Variations journalières relatives

Les variations journalières sur chaque réseau sont représentées dans la figure 3.32, classées par ordre décroissant (365 valeurs par année). Les valeurs maximales représentent entre 16.8% (CA-DIOM 2013-14) et 24.7% (CAD Aire-la-Ville 2015) de leur approvisionnement journalier moyen sur une année.

Pour le pré-dimensionnement d’un stockage de chaleur journalier, il est recommandé de se baser sur la valeur du 99èmepercentile afin d’éliminer les extrêmes [111]. La valeur moyenne des 99èmes

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Figure 3.32 – Variations journalières relatives classées pour les réseaux genevois analysés. Voir texte

percentiles sur les différents réseaux de chaleur correspond à 18.1% de leur approvisionnement journalier moyen sur une année, soit 0.05% de la chaleur totale produite annuellement. Pour un stockage en accumulateur avec une densité énergétique de 50 kWh/m3, le volume de stockage requis serait donc de 10 m3par GWh fourni annuellement. En connaissant la variation journalière annuelle, on peut ainsi estimer que le nombre de cycles de stockage équivalents sur une année serait d’environ 160-180 (un cycle correspondant à une charge et une décharge entière du stock).

Variations horaires relatives

Les variations horaires sur chaque réseau sont représentées dans la figure 3.33, classées par ordre décroissant (8760 valeurs par année). Les courbes sont relativement similaires excepté pour le ré-seau CAD Aire-la-Ville. Les valeurs maximales observées sur les réré-seaux de chaleur représentent entre 105% (CADIOM 2013-14) et 178% (CAD Aire-la-Ville 2015) de la puissance moyenne annuelle fournie.

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 8000

Variation horaire relative [%]

Figure 3.33 – Variations horaires relatives classées pour les réseaux genevois analysés. Voir texte

La valeur du 99èmepercentile est également recommandée pour le pré-dimensionnement d’une puissance de stockage/déstockage [111]. La moyenne des 99èmespercentiles sur les différents ré-seaux de chaleur est de 70%. Autrement dit, la puissance de stockage/déstockage requise serait d’environ 80 kW par GWh produit annuellement.

3.8.5.2 Quantification de la variation saisonnière

La variation saisonnière sur les différents réseaux de chaleur peut aussi être quantifiée avec un indicateur :la variation saisonnière annuelle [111]. Celle-ci représente le cumul annuel des dif-férences positives entre les puissances moyennes journalières et la puissance moyenne annuelle, multipliée par 24 heures (cf. annexe C). Pour comparer les différents systèmes, cet indicateur peut s’exprimer en valeur relative en étant rapporté à la quantité d’énergie fournie annuellement.

Sur les réseaux de chaleur analysés, la variation saisonnière annuelle représente entre 27% (CA-DIOM 2013-14) et 32% (CAD Laurana 2014-15) de la chaleur totale fournie annuellement (fi-gure 3.34). Cette variation est nettement plus importante que la variation journalière annuelle (cf. section 3.8.5.1). La variation des températures externes est donc la principale source de la fluc-tuation de l’approvisionnement des réseaux.

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25%

30%

35%

1 10 100 1000 10000

Variation saisonnre annuelle relative [%]

Energie annuelle fournie aux réseaux [GWh]

CAD Cartigny 2011 CAD Aire-la-Ville 2015 CAD Laurana 2014-15 CADSIG 2013-14 CADSIG+CADIOM 2013-14 CADIOM 2009

CADIOM 2013-14 Réseau gaz 2014 Réseau gaz 2015

Figure 3.34 – Variation saisonnière annuelle relative en fonction de l’énergie annuelle fournie pour les réseaux gene-vois analysés. Voir texte

A titre de comparaison, la variation saisonnière sur le réseau de gaz est du même ordre de gran-deur : 27 et 29% en 2014 et 2015 respectivement. Cet indicateur a également été calculé pour le réseau électrique cantonal et le réseau de froid "Genève-Lac-Nations". Sur le réseau électrique, la variation saisonnière est nettement moins prononcée (4.5 et 4.4% en 2009 et 2010 respectivement).

Sur le réseau de froid "Genève-Lac-Nations", elle est en revanche nettement plus importante (40%

en 2013).

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3.8.5.3 Enjeux pour le stockage dont la fonction est de maximiser l’intégration d’une source de chaleur disponible en ruban

La contribution potentielle d’un stockage dont le but est d’augmenter le taux de valorisation d’une source de chaleur dépend à la fois de la dynamique temporelle de la consommation, de la dispo-nibilité temporelle de la source de chaleur en question et de la quantité de chaleur que le moyen de stockage peut accumuler.

Ces enjeux sont analysés ici en considérant un stockage parfait−pas de pertes, pas de contraintes de température, pas de contraintes de puissance−piloté sur un pas de temps horaire pour maxi-miser la valorisation d’une source de chaleur renouvelable ou de récupération disponible en ru-ban sur l’année. Les seules variables considérées sont donc : i) les puissances thermiques horaires demandées par le réseau (Pc ad) ; ii) la puissance thermique renouvelable ou de récupération dis-ponible (PEnR&R) ; iii) le contenu énergétique maximal que le stockage peut emmagasiner (Est ock).

Pour un profil de consommation donné (c’est celui du réseau CADIOM en 2009 qui est utilisé ici), la quantité de chaleur EnR&R supplémentaire qu’un stockage permettrait de récupérer dépendra :

du dimensionnement relatif de la production EnR&R : défini comme le rapport entre la puissance EnR&R disponible (PEnR&R) et la puissance maximale demandée par le réseau (Pc ad,max) ;

du dimensionnement relatif de la capacité de stockage : défini comme le rapport entre la quantité de chaleur maximale qui peut être emmagasinée par le stockage (Est ock) et la quan-tité de chaleur annuellement fournie au réseau (Ec ad).

A partir de là, les enjeux de dimensionnement peuvent être explicités par trois indicateurs :

le taux de valorisation de la ressource EnR&R: défini comme le rapport entre la quantité d’EnR&R annuellement valorisée (EEnR&R,c ad) et la quantité d’EnR&R disponible annuelle-ment (EEnR&R,pot) ;

la fraction d’EnR&R dans le mix du réseau : définie comme le rapport entre la quantité d’EnR&R annuellement valorisée (EEnR&R,c ad) et la quantité de chaleur annuellement four-nie au réseau (Ec ad) ;

le nombre de cycles de stockage équivalents: défini comme le rapport entre la chaleur dépha-sée annuellement grâce au stockage (Edephas´ ee´ ) et la quantité de chaleur maximale qui peut être emmagasinée par celui-ci (Est ock).

L’influence des dimensionnements relatifs de la production EnR&R (de 20 à 60%) et du stockage (de 0 à 25%) sur ces trois indicateurs est présentée dans les figures 3.35 et 3.36, p.94.

0%

Taux de valorisation de la ressource EnR&R [EEnR&R,cad/EEnR&R,pot]

Dimensionnement relatif d'une capacité de stockage [Estock/Ecad]

Dim: 20% Dim: 30% Dim: 40%

Dim: 50% Dim: 60%

Dimensionnement relatif d'une production EnR&R en ruban [PEnR&R/ Pcad,max]

0%

Fraction d'EnR&R dans le mix du réseau [EEnR&R,cad/Ecad]

Dimensionnement relatif d'une capacité de stockage [Estock/Ecad]

Dim: 20% Dim: 30% Dim: 40%

Dim: 50% Dim: 60%

Dimensionnement relatif d'une production EnR&R en ruban [PEnR&R/ Pcad,max]

Figure 3.35 – Impact des dimensionnements relatifs de production et de stockage sur le taux valorisation d’une res-source EnR&R disponible en ruban (graphique de gauche) et sur le mix énergétique d’un réseau (graphique de droite).

Voir texte

Nombre de cycles de stockage équivalents par an [Edéphasée/Estock]

Dimensionnement relatif d'une capacité de stockage [Estock/Ecad]

Dim: 20%

Dim: 30%

Dim: 40%

Dim: 50%

Dim: 60%

Dimensionnement relatif d'une production EnR&R en ruban [PEnR&R/ Pcad,max]

Figure 3.36 – Impact des dimensionnements relatifs de production et de stockage sur le nombre de cycles de stockage équivalents par an. Voir texte

Les constats suivants peuvent être faits :

• Selon que le dimensionnement relatif de la production EnR&R est faible ou important, le dimensionnement maximal théorique d’un stockage peut être limité respectivement : i) du côté de la ressource dès lors qu’il n’y a plus de chaleur à récupérer (taux de valorisation de la

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ressource EnR&R de 100%) ; ii) du côté du réseau dès lors qu’il n’y a plus de place sur celui-ci pour décharger la chaleur qui pourrait encore être récupérée (fraction EnR&R dans le réseau de 100%).

• Plus le dimensionnement relatif du stockage est important, plus le nombre de cycles de sto-ckage équivalents par an s’amoindrit. Les premières capacités de stosto-ckage peuvent en effet être utilisées plusieurs fois sur l’année (cycles de stockage/déstockage intra-journaliers ou d’un jour à l’autre). Cependant, très vite, les kWh supplémentaires récupérables doivent être déphasés sur des périodes beaucoup plus longues (stockage en période estivale et restitution en période de chauffage). A partir d’une capacité de stockage représentant 10% de l’appro-visionnement annuel d’un réseau, on s’approche d’un cycle de stockage équivalent sur l’an-née (la capacité de stockage est utilisée l’équivalent d’une fois). Cet indicateur est important dans la mesure où il conditionne directement le coût de la chaleur déphasée (CHF/kWh).

A titre de comparaison, une telle capacité de stockage serait 200 fois plus importante qu’un stockage journalier utilisé pour lisser les pointes (cf. section 3.8.5.1).

CHAPITRE 4

Aspects qualitatifs liés aux réseaux de chaleur (températures) : état de la situation en Suisse

4.1 Introduction

Les niveaux de température pratiqués sur les réseaux sont un enjeu essentiel pour l’intégration des EnR&R et l’efficience énergétique et économique de ces systèmes. Malgré l’importance du sujet, il y a relativement peu d’informations sur les pratiques actuelles au niveau suisse. Par ailleurs, le su-jet est généralement traité de façon peu intégrée (focalisé sur les réseaux, peu sur les sous-stations et rarement sur les systèmes de distribution dans les bâtiments). Sur la base de données récoltées auprès de plusieurs exploitants de réseaux ou directement mesurées, ce chapitre fait donc le point sur les niveaux de température pratiqués sur les réseaux actuels en abordant la problématique sur l’ensemble de la chaîne de distribution : du réseau aux bâtiments. Il ouvre également des pistes de réflexion sur la possibilité de les réduire.