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Trois grandes périodes caractérisent le processus de développement des réseaux de chaleur dans le canton de Genève jusqu’à aujourd’hui [95] :

• 1960-1974 : premiers tronçons du réseau CADSIG ;

• 1986-2002 : projet CADIOM visant à valoriser les rejets thermiques de l’UVTD des Chene-viers ;

• Depuis 2002 : extensions et interconnexion des réseaux existants, nouveaux projets.

3.2.1 1960-1974 : premiers tronçons du réseau CADSIG

C’est durant les années 60 que le premier tronçon du réseau CADSIG est construit par les Services industriels de Genève [96]. Ce premier projet de réseau de chaleur dans le canton résulte alors de la rencontre de deux opportunités :

• la recherche de débouchés pour le surplus de production de gaz de houille à l’usine à gaz de Châtelaine, exploitée par les SIG, à une époque où le gaz de houille n’est plus compétitif du fait de la concurrence avec d’autres énergies ;

• la construction de la « cité-satellite » du Lignon dans un contexte de forte croissance démo-graphique et de crise du logement, qui est située proche de cette même usine et présente d’importants besoins de chaleur.

C’est ainsi qu’on planifie l’utilisation du surplus de gaz de houille pour alimenter en chaleur la cité du Lignon ainsi que la cité des Libellules par un réseau d’eau surchauffée à haute pression.

Ces plans initiaux ne seront finalement pas exactement respectés dans la mesure où la chaufferie centrale, dès sa mise en service, est alimentée par du mazout, alors très bon marché.

Dans les années 70, la construction de la cité des Avanchets puis le déplacement du palais des expositions (Palexpo) vers l’aéroport offrent aux SIG de nouvelles opportunités pour agrandir le réseau. Ce déploiement est réalisé avec un soutien financier de l’Etat et l’idée de raccorder ulté-rieurement l’ensemble de l’aéroport. Cette idée ne sera toutefois pas concrétisée puisque seule-ment quelques bâtiseule-ments de l’aéroport seront raccordés. Dès 1974, avec l’arrivée du réseau de gaz naturel dans le canton, des chaudières bi-combustibles pouvant fonctionner soit au mazout soit au gaz naturel sont installées dans la chaufferie centrale. La capacité de production s’élève alors à 85 MW. Durant plusieurs décennies, les ventes de chaleur se situeront entre 130 et 150 GWh/an (figure 3.6).

Chapitre 3. Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

0 50 100 150 200 250

1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015

Chaleur fournie aux seaux [GWh/an]

CADSIG CADIOM

Figure 3.6 – Evolution de la chaleur fournie aux réseaux CADSIG et CADIOM, d’après les statistiques des SIG [97, 98, 99, 100]

3.2.2 1986-2002 : projet CADIOM

Au milieu des années 80, après les deux grands chocs pétroliers et dans un contexte marqué par la fin des « Trente Glorieuses » et l’émergence des questions environnementales, naît un autre projet de grande envergure initié par l’Etat : le projet CADIOM. L’idée est de récupérer une partie de la chaleur rejetée dans le Rhône par l’UVTD des Cheneviers, alors aux mains de l’Etat et qui nécessite des transformations pour être agrandie, pour alimenter la cité nouvelle d’Onex, dont le parc de chaudières à mazout doit en grande partie être assaini. Des études de faisabilité sont alors confiées aux SIG, qui en réalisent trois entre 1987 et 1991. Dès leur premier rapport, le projet CADIOM envisage une connexion entre le réseau qui alimenterait Onex à partir de l’UVTD et le réseau déjà existant du côté du Lignon [101]. Toutefois, en 1995, le projet CADIOM est abandonné par les SIG principalement pour des raisons financières [102]. D’autres raisons sont invoquées par les SIG : la perte de clients chauffés au gaz naturel et la baisse de la production électrique à l’UVTD.

Suite à l’abandon du projet par les SIG, le service cantonal de l’énergie décide de le faire réétudier, mais cette fois sans le raccordement avec le réseau CADSIG. Les coûts d’investissement réévalués sont alors jugés suffisamment raisonnables pour qu’en 1997, l’Etat soumette un appel d’offre à des entreprises privées. L’appel est remporté par le consortium "Vulcain", un groupement formé de deux bureaux d’ingénieurs, de CGC Dalkia SA et de Zschokke SA. Ce groupement réalise en-suite une étude de faisabilité qui doit permettre de toucher une subvention fédérale. Alors qu’il ne reste plus qu’à faire voter l’octroi d’une concession, les SIG reviennent et proposent un contre-projet, invoquant le fait que certaines conditions ont changé. Ce revirement s’explique aussi par un nouveau Conseil d’Administration à la tête de l’entreprise publique. Suite à d’intenses débats politiques pour savoir s’il faut laisser le projet en mains publiques ou privées, un consensus est finalement trouvé entre les différents partis politiques, les SIG et le consortium, pour finalement aboutir à un partenariat public/privé dont résulte la création de la société CADIOM SA, détenue à 51% par les SIG.

Un projet de loi pour l’octroi de la concession est voté puis adopté par le Grand Conseil en 1999, de laquelle découle une convention entre CADIOM SA et l’Etat qui détermine plusieurs modalités techniques et financières, dont les prix de vente de la chaleur, qui sont alors fixés relativement bas afin d’être compétitifs avec le prix du mazout et ainsi raccorder un maximum de clients sans les dé-favoriser. Le prix du kWh inclut alors un centime reversé à l’UVTD des Cheneviers pour compenser la perte de production électrique induite par le soutirage de vapeur. Les travaux commencent dès 2001 et la mise en service se fait 18 mois plus tard, soit près de 20 ans après que l’idée a été lancée.

Le coût du projet final est de 31 MCHF. A la fin de l’année 2003, plus de 50 MW sont raccordés, pour une vente de chaleur d’environ 85 GWh/an (figure 3.6, p.61).

3.2.3 Depuis 2002 : extensions et interconnexion des réseaux existants, nou-veaux projets

Au début des années 2000, deux réseaux de chaleur de grande ampleur sont ainsi opérationnels dans le canton : CADSIG alimenté au gaz et CADIOM alimenté par la chaleur fatale de l’UVTD. Ces réseaux desservent principalement de grandes cités construites dans les années 60-70 qui forment une partie de la couronne suburbaine de Genève : les cités de Lancy-Onex, la cité du Lignon, la cité des Libellules et la cité des Avanchets notamment.

Dès 2004, les SIG lancent un projet de centrale de cogénération à cycle combiné alimentée au gaz naturel pour produire de l’électricité et de la chaleur sur le réseau CADSIG. C’est en partie dans le contexte de ce projet qu’est planifié le raccordement de la cité de Meyrin, où les SIG peuvent profi-ter des travaux pour l’extension d’une ligne de tram et où de nombreuses barres d’immeubles sont encore alimentées au mazout. L’extension est réalisée en 2010, mais le projet de CCF, controversé politiquement et jugé insuffisamment rentable par rapport à d’autres opportunités d’approvision-nement électrique, sera finalement abandonné par le Conseil d’Etat et les SIG [103].

Au début des années 2010, de nombreuses extensions sont effectuées sur le réseau CADSIG, no-tamment le raccordement de la chaufferie Vieusseux en 2012, qui alimente un réseau de quartier fournissant de la chaleur à la cité du même nom. Toujours en phase d’extension, d’autres chauffe-ries de quartiers sont raccordées.

Outre les projets d’extensions sur les réseaux de chaleur existants, le projet de connexion des deux réseaux CADIOM et CADSIG refait surface à la fin des années 2000. L’idée est de récupérer da-vantage de chaleur à l’UVTD en mi-saison et en été lorsque la demande de chaleur est faible et qu’une grande quantité de chaleur fatale est toujours rejetée dans le Rhône. Ce projet d’environ 20 MCHF est initié et financé par les SIG. La liaison entre les deux réseaux est finalement opéra-tionnelle en 2012, 10 ans après la mise en service du réseau CADIOM, et 25 ans après la première étude qui prévoyait cette liaison. Son aboutissement aura probablement été simplifié du fait que

Chapitre 3. Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

les SIG ont racheté des participations (40%) dans le capital action de l’ex-CGC Dalkia SA, devenue CGC Energie SA.

En parallèle, plusieurs réseaux de chaleur de quartier ou de village, environ une dizaine [88], ont émergé dès le début des années 2000, souvent sous l’impulsion des collectivités publiques ou des SIG. Ils sont notamment alimentés par du bois dans le village de Cartigny, de la chaleur fatale dans le village d’Aire-la-Ville (réseau alimenté par CADIOM), de la chaleur de condensation du gaz et de la géothermie de faible profondeur via une PAC dans le quartier urbain de Laurana, ou encore de la chaleur du lac via une PAC dans un quartier de la ville de Versoix. Actuellement, ces petits réseaux ne représentent que 10% de la chaleur à distance fournie [88]. Leur développement devrait toutefois se poursuivre, poussé par la volonté politique de mobiliser les EnR&R disponibles sur le territoire. De nombreux projets sont actuellement en cours, dont un de plus grande envergure conduit par les SIG : le projet CADéco. Alimenté par des PAC puisant de la chaleur dans l’eau du lac, ce réseau devrait à terme alimenter en chaleur environ 70 GWh/an en plein centre-ville [104].

Par ailleurs, un travail important est actuellement mené au niveau de la ressource géothermique à travers leProgramme géothermie 2020, conduit par l’Etat et les SIG. Si le potentiel énergétique de la géothermie de moyenne profondeur était confirmé, son exploitation serait ensuite intimement liée à un développement important des réseaux de chaleur sur le territoire.