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5.5 Evaluation des impacts financiers induits par la connexion

5.5.5 Limites de l’analyse

L’analyse effectuée dans cette étude s’est basée sur le système actuel. Les résultats pourraient s’avérer différents si le système venait à évoluer considérablement, par exemple avec l’intégration d’autres sources de production énergétique ou l’extension de l’un ou l’autre des réseaux. Toute-fois, il est probable que le temps de mise en œuvre de ces changements dépasse le temps de retour sur investissement de ce projet.

5.6 Conclusions et perspectives

Un retour d’expérience complet a été effectué sur la connexion, réalisée en 2012, des deux plus grands réseaux de chaleur du canton de Genève. Auparavant, l’un était alimenté intégralement par des chaudières à gaz (réseau CADSIG), alors que l’approvisionnement de l’autre était essen-tiellement basé sur la récupération de rejets thermiques produits par l’usine d’incinération des déchets (réseau CADIOM). Le but principal de la connexion était d’augmenter la récupération de ces rejets en mi-saison et en été en permettant le transfert de chaleur d’un réseau à l’autre.

Les résultats indiquent que cette réalisation est une réussite d’un point de vue technique, éner-gétique, environnemental et économique. Le suivi sur une année a montré qu’elle a permis le transfert de 77 GWh de chaleur fatale sur le réseau CADSIG, ce qui a eu pour effet de réduire la consommation d’énergies fossiles de 84 GWh et les émissions locales de CO2de 18 kt. Le coût de revient du kWh fossile substitué grâce à cette connexion est d’environ 2 cts/kWh. Au total, la ré-cupération de chaleur fatale à l’UVTD a donc atteint 222 GWh, ce qui représente désormais 56%

de l’approvisionnement thermique des deux réseaux. Un potentiel d’optimisation d’une trentaine de GWh supplémentaires a par ailleurs été identifié, lequel a en partie été réalisé par la suite. A l’avenir, la baisse de l’approvisionnement en déchets liée à la hausse du tri ne devrait pas dimi-nuer cet apport de chaleur pour les réseaux dans la mesure où une nouvelle usine d’incinération, caractérisée par de meilleurs rendements énergétiques, sera construite d’ici quelques années.

Cette réalisation montre très bien l’importance de développer les infrastructures de réseau pour maximiser la valorisation d’une source de chaleur EnR&R qui est localement disponible en grande quantité toute l’année, mais difficilement stockable. En effet, cette chaleur ne peut être correcte-ment valorisée que sur un réseau suffisamcorrecte-ment étendu et multi-ressources. Avant la connexion, le seul réseau CADIOM n’était ainsi pas suffisamment grand par rapport à la quantité de chaleur fatale disponible pour que celle-ci puisse être valorisée en ruban sur toute l’année. Ceci est désor-mais davantage le cas grâce au couplage avec le réseau CADSIG. Plus qu’une prouesse technique, c’est la complexité du contexte, marqué d’une part par une pluralité d’acteurs, d’autre part par la mise en relation de deux domaines d’activité (la gestion des déchets et l’approvisionnement éner-gétique), qui donne un caractère innovant à ce projet. La réussite de celui-ci illustre par ailleurs très bien l’un des avantages majeurs offerts par les réseaux de chaleur : la possibilité de faire évo-luer le mix d’approvisionnement thermique de quartiers entiers sans avoir à intervenir au niveau de chaque bâtiment.

La connexion des réseaux a eu comme effet d’homogénéiser les enjeux énergétiques sur les deux réseaux, la chaleur pouvant désormais être échangée de l’un à l’autre. Ceci soulève certaines pro-blématiques, notamment celle du choix des indicateurs utilisés pour établir des bilans énergé-tiques à des échelles spatiales inférieures (communes, bâtiments). D’un point de vue énergétique et dans l’optique de donner les bons signaux, il semble désormais pertinent de considérer les deux réseaux comme un seul et même système d’approvisionnement.

Chapitre 5. Retour d’expérience sur la connexion des deux plus grands réseaux de chaleur genevois

Les rejets thermiques de l’UVTD étant désormais bien valorisés en ruban, les enjeux futurs liés au développement de ce système consisteront à combiner extension de réseau et intégration de nou-velles capacités de production à partir d’EnR&R, dans un contexte où la demande des bâtiments devrait diminuer sous l’effet des rénovations énergétiques. Une extension des réseaux actuels sans l’intégration de nouvelles sources de chaleur ne semble en effet pas avoir beaucoup de sens dans la mesure où la production marginale est désormais principalement constituée de gaz durant tout l’hiver et une grande partie de l’entre-saison. Ceci explique également pourquoi la rénovation énergétique des bâtiments raccordés permettra essentiellement de diminuer la consommation de gaz. L’extension de ces réseaux est toutefois nécessaire dans l’optique où de nouvelles capaci-tés de production alimentées par des EnR&R sont installées. Du fait que l’essentiel de la charge thermique produite en ruban sur les réseaux est déjà couverte par la chaleur fatale de l’UVTD, leur valorisation serait en effet compliquée sans de nouveaux raccordements. Enfin, l’excès de chaleur fatale restant en période estivale sera difficile à récupérer entièrement sans recours à des solutions de stockage saisonnier. Pour permettre ces développements, l’un des points clés sera de parvenir à réduire les niveaux de température des réseaux ou développer des sous-réseaux à plus basses températures (cf. chapitre 4).

CHAPITRE 6

Scénarios de développement du marché de la chaleur à Genève : quel rôle pour les réseaux de chaleur ?

6.1 Introduction

La réduction de la consommation d’énergies fossiles pour l’approvisionnement en chaleur des bâ-timents est un enjeu fondamental dans l’optique de décarboner le système énergétique. Concrète-ment, les solutions actuelles sont la réduction de la demande au niveau des bâtiments et la substi-tution d’énergies fossiles par des énergies renouvelables ou de récupération. Ce dernier point né-cessite le développement de certaines infrastructures énergétiques, réseaux de chaleur et pompes à chaleur notamment. Sur la base d’une évaluation quantitative de scénarios prospectifs à l’hori-zon 2035, ce chapitre s’intéresse aux grands enjeux énergétiques et économiques liés à la transfor-mation du système d’approvisionnement en chaleur du canton de Genève, avec un accent parti-culier sur le rôle des réseaux de chaleur.

6.2 Contexte, objectifs et contenu

Les Services industriels de Genève, qui ont élaboré une stratégie sectorielle pour l’Activité Ther-mique de l’entreprise en 2013, ont souhaité la compléter par une réflexion prospective concernant

l’évolution à moyen et long terme du marché de la chaleur dans le canton de Genève. Basée sur l’élaboration de scénarios prospectifs en lien avec les politiques énergétiques cantonale et fédé-rale, le but de cette réflexion était de mieux comprendre comment pourrait être structuré le sys-tème d’approvisionnement en chaleur des bâtiments dans le canton, pour ensuite :

• orienter la stratégie de l’entreprise ;

• alimenter le plan directeur cantonal des énergies de réseaux (PDER) ;

• mieux déterminer le potentiel d’extension des réseaux de chaleur à moyen et long terme ;

• mieux comprendre la concurrence potentielle à moyen et long terme.

Pour entreprendre cette démarche prospective, un comité de pilotage et un groupe de travail ont été constitués par les SIG, regroupant des personnes aux compétences diverses de l’entre-prise. L’UNIGE a été appelée à participer à cette démarche pour : i) donner un appui méthodolo-gique ; ii) contribuer à la réalisation d’un état des lieux et à l’élaboration des scénarios prospectifs ; iii) fournir un modèle permettant de quantifier les scénarios élaborés. Ce sont essentiellement ce processus de quantification et les résultats qui en découlent qui font l’objet principal de ce chapitre. Après avoir décrit plus spécifiquement la démarche prospective entreprise dans la tion 6.3, la méthodologie de quantification et les principaux résultats sont présentés dans les sec-tions 6.4 et 6.5.

A noter que ce chapitre reprend des résultats qui ont déjà été publiés dans un rapport spécifique [143], ainsi que dans un article de conférence [144] récompensé par un Award par l’International Energy Agency Technology Collaboration Programme on District Heating and Cooling (IEA-DHC) lors du 15èmesymposium international sur les réseaux de chaleur et de froid organisé à Séoul [145].