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2.2 Contexte suisse

2.2.4 Instruments de soutien en faveur des réseaux de chaleur au niveau suisse . 46

Contrairement à l’approvisionnement électrique, encore très centralisé aujourd’hui, la probléma-tique de l’approvisionnement en chaleur des bâtiments est davantage du ressort de la poliprobléma-tique

Chapitre 2. Les réseaux de chaleur dans les contextes européen et suisse

énergétique des cantons que de celle de la Confédération. Ceci peut expliquer qu’il n’y ait pas, à l’échelle du pays, de stratégie clairement définie concernant le développement des réseaux de chaleur, comme cela peut être le cas dans d’autres pays. Les instruments de soutien en place pour promouvoir le développement des réseaux de chaleur peuvent donc varier sensiblement d’un can-ton à l’autre, bien que des efforts soient réalisés pour essayer de les harmoniser.

2.2.4.1 Taxes incitatives

Un instrument important est toutefois géré par la Confédération dans le cadre de la législation fé-dérale sur l’énergie et le climat : la taxe CO2. Cette taxe incitative, prélevée depuis 2008 sur les com-bustibles fossiles, favorise directement la compétitivité des réseaux de chaleur lorsqu’ils sont prin-cipalement alimentés par des ressources renouvelables ou des rejets thermiques. Depuis 2016, elle se monte à 84 CHF la tonne de CO2. Un tiers des recettes perçues, et au maximum 300 MCHF/an, est ensuite reversé au "Programme Bâtiment" pour encourager des mesures permettant d’aug-menter l’efficience énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables et de récupération dans le domaine des bâtiments (cf. section 2.2.4.2).

La taxe CO2reste en revanche contraignante pour le développement des couplages chaleur-force alimentés par des combustibles fossiles. Des exemptions peuvent toutefois être accordées si les émissions générées sont compensées à l’intérieur du pays.

2.2.4.2 Mécanismes de subventionnement

En Suisse, les projets de réseaux de chaleur qui intègrent des énergies renouvelables ou des rejets thermiques (hors rejets des CCF alimentés en combustibles fossiles) peuvent être encouragés par différents mécanismes de subventionnement :

• rachat d’attestations de baisse d’émissions de CO2par la Fondation KLiK ;

• subventions à l’investissement proposées dans les programmes cantonaux d’encouragement (pas dans tous les cantons) ;

• autres formes de subventions, par exemple des subventions communales.

La fondation KliK

Les projets de réseaux de chaleur font partie du portefeuille de projets pouvant bénéficier d’aides octroyées par la fondation KLiK, à travers laquelle les sociétés pétrolières responsables de la mise à la consommation de carburants compensent une partie des émissions de CO2 liées à l’utilisa-tion de ces derniers. Pour la période 2013-2020, la Fondal’utilisa-tion KLiK dispose jusqu’à 1 milliard de CHF [65]. Les baisses d’émissions de CO2engendrées par les réseaux de chaleur, qui doivent être validées par l’OFEV, peuvent être rachetées à un prix de 100 CHF la tonne jusqu’en 2020 en tout

cas. A titre d’exemple, pour un réseau qui viendrait remplacer des chaudières à mazout dans des bâtiments existants et qui serait alimenté à 80% par de la chaleur exempte de CO2et à 20% par du gaz, ces subsides représenteraient 1.4 centimes par kWh délivré.

Les principaux critères d’éligibilité pour les projets sont les suivants :

• Il doit s’agir d’un nouveau réseau ou d’une extension d’un réseau existant ;

• La mise en œuvre ne doit pas avoir débuté ;

• Le réseau doit être alimenté à partir de sources d’énergies renouvelables ou des rejets ther-miques (rejets des UVTD et des CCF alimentés en combustibles fossiles non compris) ;

• Les baisses d’émissions prévues déjà subventionnées par d’autres systèmes d’encourage-ment ne peuvent pas être comptabilisées ;

• Le projet doit être "non rentable" économiquement sans cette aide financière.

La détermination de ce dernier critère se base dans les faits sur le rapport entre la longueur du réseau et la quantité de chaleur vendue. Pour qu’un projet de réseau de chaleur de 20 GWh/an soit éligible, sa densité thermique linéaire doit être inférieure à 2 MWh/m/an. Du fait de cette restriction, seuls les réseaux de petite ou moyenne taille se situant dans des zones de faible densité sont éligibles. A la fin 2015, un peu plus de 50 projets de réseaux de chaleur en Suisse étaient sous contrat avec la fondation [66].

Les programmes d’encouragement cantonaux

Dans certains cantons, les réseaux de chaleur peuvent bénéficier de subventions à l’investisse-ment via les programmes cantonaux d’encouragel’investisse-ment dans le domaine de l’énergie. Ces pro-grammes de soutien sont alimentés par :

• la redistribution partielle des recettes de la taxe CO2sur les combustibles perçue au niveau fédéral (enveloppe de 60 à 100 MCHF/an) ;

• l’apport d’un montant minimum équivalent à cette redistribution provenant des propres budgets des cantons ;

• d’autres sources de financement.

Les mesures de soutien offertes dans les programmes cantonaux ne sont pas uniformes d’un can-ton à l’autre. Dans le but d’harmoniser ceux-ci, un modèle de financement est proposé par l’OFEN et la Conférence des services cantonaux de l’énergie (EnFK) : le Modèle d’encouragement harmo-nisé des cantons (ModEnHa). Ce document contient un catalogue de mesures d’encouragement

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pour différents types d’objets. La reprise de l’ensemble des mesures proposées par ce catalogue n’est toutefois pas obligatoire, ce qui laisse aux cantons une certaine marge de manœuvre selon leurs capacités financières et leurs priorités en matière de promotion. Par ailleurs, les cantons ont également la possibilité de reprendre certaines mesures en y appliquant des taux de subvention-nement plus élevés s’ils en ont la volonté et la capacité.

Dans les mesures proposées par le ModEnHa 2009 [67], seuls les réseaux de chaleur alimentés au bois ou par des rejets thermiques peuvent bénéficier de subventions. Le taux de subvention mi-nimal indiqué, 20 CHF/MWh, est calculé sur la base de la quantité de chaleur renouvelable ou de récupération distribuée annuellement par le réseau. Pour un réseau alimenté à 80% par du bois ou par des rejets thermiques, cette subvention, versée en une fois au lancement du projet, représente-rait 0.08 cts/kWh rapportée à l’énergie totale distribuée sur 20 ans. Précisons que ces subventions se réfèrent uniquement aux réseaux en tant que systèmes de transport. Pour les réseaux alimen-tés au bois, des subventions additionnelles peuvent être données sur la partie production via un module d’encouragement spécifique pour les chaudières à bois.

A noter que le ModEnHa 2015 va entrer en vigueur dès 2017 avec un certain nombre de change-ments en ce qui concerne les conditions de subventionnement pour les réseaux de chaleur et leurs installations de production [68]. Pour en bénéficier, les systèmes devront alimenter des bâtiments existants, les bâtiments neufs étant exclus. Par ailleurs, les conditions liées aux sources d’approvi-sionnement s’élargissent à toutes les sources de chaleur d’origine renouvelable ou de récupération (hors rejets des CCF alimentés en combustibles fossiles). Un module spécifique pour les réseaux de chaleur distinguera la partie production et la partie transport. Pour la partie production, une subvention de 130 CHF/MWh sera proposée. Pour le transport, la subvention proposée passera de 20 à 150 CHF/MWh. En reprenant le même exemple que précédemment, ces subventions, rap-portées sur 20 ans de fonctionnement, représenteraient 0.58 cts/kWh pour la partie production et 0.66 cts/kWh pour la partie transport, soit au total 1.24 cts/kWh. Par ailleurs, ce nouveau Mo-dEnHa prévoit aussi un mécanisme de subventionnement pour encourager le raccordement des bâtiments à un réseau lorsque celui-ci est alimenté par un taux minimal d’EnR&R. Dans ce cas, les subventions seront versées directement aux propriétaires des bâtiments. Si celles-ci sont oc-troyées, il est prévu que le taux de subventionnement pour le réseau (partie transport) soit abaissé de 150 CHF/MWh à 40 CHF/MWh.

Chaque année, une enquête sur les montants des subventions versées dans le cadre des pro-grammes cantonaux d’encouragement est publiée par l’OFEN sur la base des comptes-rendus fournis par les cantons à la Confédération. Cette enquête annuelle permet de "saisir la plus grande part des dépenses consenties, même si l’exhaustivité de ces données n’est pas garantie"[69]. De 2010 à 2014, les montants versés pour les réseaux de chaleur se sont chiffrés en moyenne à 10.9 MCHF/an (figure 2.14, p.50), soit 9% de l’ensemble des dépenses pour les mesures d’incitation directes [69, 70, 71, 72, 73]. Ces montants représentent en moyenne 1.36 CHF par habitant par an (8 millions d’habitants en moyenne sur la période 2010-2014 [74]).

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2010 2011 2012 2013 2014

MCHF

(a) Montants des subventions annuelles versées de 2010 à 2014

(b) Répartition des subventions versées de 2010 à 2014

Figure 2.14 – Montants et répartition des subventions allouées par les programmes d’encouragement cantonaux dans le domaine de l’énergie de 2010 à 2014 (mesures d’incitation directes uniquement). D’après les statistiques de INFRAS [69, 70, 71, 72, 73]

A titre comparatif, les réseaux de chaleur sont aidés en France via le "Fonds Chaleur" de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), dédié à la promotion de la production de chaleur renouvelable ou de récupération et au développement des réseaux de chaleur. Pour être éligibles, les réseaux doivent être alimentés au minimum par 50% d’EnR&R et présenter une densité linéaire minimale de 1.5 MWh/m/an. Sur la période 2009-14, 1.2 milliards d’euros de sub-ventions ont été versés par ce fonds, dont 38% pour des projets de réseaux de chaleur (environ 600 projets) [75]. En moyenne, ce sont 76 millions d’euros par an qui ont été versés pour les réseaux de chaleur. Rapportées à la population française (65 millions en moyenne sur la période 2009-2014 [76]), ces aides représentent en moyenne 1.2€/hab par année.

2.2.4.3 Cadre légal et outils de planification énergétique

La politique énergétique et les législations dans le domaine de la chaleur sont essentiellement une compétence des cantons, bien que quelques lois fédérales, notamment la loi sur l’énergie ou la loi sur le CO2, fixent déjà un certain cadre. Le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC) fournit toutefois des recommandations dans le but d’harmoniser les dispositions légales cantonales tout en respectant les particularités des cantons.

Parmi les prescriptions en lien avec les réseaux de chaleur on peut citer [77] :

• l’utilisation des rejets thermiques (article 1.43, module de base obligatoire car basé sur les exigences de la loi fédérale sur l’énergie LEne) :

obligation de récupérer la chaleur fatale sur les nouvelles installations de production électrique alimentées par des combustibles fossiles ou renouvelables.

Chapitre 2. Les réseaux de chaleur dans les contextes européen et suisse

• la planification énergétique (articles 10.2 et 10.4, module 10 facultatif ) :

réaliser une évaluation de la demande et de l’offre énergétique futures sur tout le ter-ritoire, déterminer les évolutions souhaitables et décrire les moyens et les mesures à prendre ;

zoner le territoire pour définir des zones de développement pour les réseaux de cha-leur ;

obliger les propriétaires d’immeubles à se raccorder à un réseau de chaleur lorsque celui-ci est alimenté par des énergies renouvelables ou de récupération et qu’il fournit de la chaleur à des conditions techniques et économiques raisonnables.

Toutes ces mesures ne sont pas toujours reprises dans les diverses législations cantonales. Des recommandations peuvent par ailleurs être reprises mais avec certaines divergences.

Il est intéressant de noter qu’un sondage, réalisé en 2011 par l’association EuroHeat&Power auprès d’entreprises suisses impliquées dans la filière de la chaleur à distance, révèle que moins de la moitié des sondés (44%) estiment que le cadre réglementaire offre des incitations suffisantes pour le développement des réseaux thermiques [78].

2.2.4.4 Organisation de la filière

D’une façon générale, la filière des réseaux de chaleur en Suisse pourrait être mieux organisée et coordonnée [79, 80]. A titre d’exemple, celle-ci est représentée de façon relativement fragmentée et hétérogène par une pluralité d’associations : ASCAD spécifiquement pour les réseaux, ASED pour les déchets, V3E pour la cogénération, Bois Energie Suisse pour le bois, Géothermie Suisse pour la géothermie, SSIGE pour le gaz et les eaux, etc. Ce manque d’organisation se traduit également par l’absence de directives uniformes, à l’échelle nationale, pour le développement et l’exploitation des réseaux de chaleur. Au final, cela débouche notamment sur un faible niveau de standardisation qui, dans certains contextes, peut s’avérer problématique.

Un développement des réseaux de chaleur nécessitera probablement une meilleure organisation et le renforcement du rôle des instances faîtières. Les enjeux sont : le transfert des savoirs et des savoir-faire, la diffusion des bonnes pratiques, la mise en relation des acteurs clés, la structuration des professionnels et, surtout, la promotion des réseaux de chaleur auprès des institutions poli-tiques. C’est également pour essayer de répondre à une partie de ces besoins que SuisseEnergie, la plateforme fédérale pour l’efficience énergétique et les énergies renouvelables, a récemment initié la mise en place d’un programme "Réseaux Thermiques" [81]. Portant sur une durée de trois ans, l’objectif de celui-ci est précisément la collecte, le développement et la transmission des savoirs sur la thématique.

CHAPITRE 3

Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

3.1 Contexte énergétique du canton