• Aucun résultat trouvé

3.4.1 Prix pratiqués sur les deux grands réseaux historiques

En raison de l’historique et des modèles organisationnels en place, les systèmes de tarification sur les deux grands réseaux de chaleur du canton sont différents. Ces systèmes ont été analysés à partir d’exemplaires de contrats.

3.4.1.1 Tarification sur le réseau CADIOM

Les modalités liées au système de tarification sur le réseau CADIOM, alimenté par la chaleur fatale de l’UVTD, sont fixées dans une convention conclue entre l’Etat de Genève et CADIOM SA, qui découle de l’application de la loi cantonale octroyant une concession pour l’exploitation du réseau thermique alimenté par l’UVTD, adoptée en 1999 [102]. Cette convention fixe d’une part le contrat de cession de chaleur entre l’UVTD et l’exploitant du réseau, d’autre part les contrats de vente de chaleur entre l’exploitant du réseau et les clients, portant sur des durées de 30 ans.

Pour une sous-station de 1’500 kW, la prime de puissance représente entre 1 et 1.4 cts/kWh selon que le nombre d’heures d’utilisation équivalent à la puissance souscrite soit de 2’200 ou 1’500 respectivement.

Le prix de la chaleur (part variable) est quant à lui indexé à 50% sur l’indice des prix genevois à la consommation et à 50% sur le prix de cession de la chaleur provenant de l’UVTD. A noter que ce dernier a récemment été augmenté de 2 cts/kWh (passage de 1.5 à 3.5 cts/kWh) sur décision politique dans le but de rééquilibrer les comptes de l’UVTD et d’éviter une hausse de la taxe d’inci-nération dans l’ensemble du canton. Par répercussion contractuelle liée au système d’indexation, cette augmentation a engendré une hausse du prix de la chaleur pour les clients de 3.3 cts/kWh.

La part variable est ainsi passée de 5.9 à 9.2 cts/kWh.

Au final, selon la durée d’utilisation équivalente à la puissance souscrite, le prix complet de la cha-leur pour une SST de 1’500 kW se situe aujourd’hui entre 10.2 et 10.6 cts/kWh (part fixe comprise).

3.4.1.2 Tarification sur le réseau CADSIG

Les contrats de vente qui lient les SIG et les consommateurs finaux alimentés par le réseau CAD-SIG portent sur des durées de 20 et 25 ans (anciens et nouveaux contrats respectivement). La prime de puissance est calculée selon la puissance souscrite et représente, pour une sous-station de 1’500 kW, entre 2.7 et 3.9 cts/kWh selon que la durée d’utilisation équivalente à la puissance souscrite soit de 2’200 ou 1’500 heures respectivement.

Alors qu’il était entièrement indexé sur l’évolution du prix du gaz dans les anciens contrats, le prix de la chaleur (part variable) est dorénavant entièrement indexé sur l’évolution du prix du mazout, bien que le réseau soit désormais en partie alimenté par la chaleur de l’UVTD grâce à la connexion avec le réseau CADIOM (cf. chapitre 5). Dans les nouveaux contrats, la part variable sur le réseau CADSIG se monte à 6.5, 8.4 ou 10.2 cts/kWh selon que l’indice du prix du mazout soit de 60, 80 ou 100 CHF/100l.

Selon le prix du mazout et la durée d’utilisation à la puissance souscrite, le prix complet de la chaleur pour une SST de 1’500 kW peut ainsi se chiffrer entre 9.1 (mazout à 60 CHF/100l et durée d’utilisation de 2’200 heures) et 14.2 cts/kWh (mazout à 100 CHF/100l et durée d’utilisation de 1’500 heures).

3.4.1.3 Comparaison des prix de vente sur les réseaux CADIOM et CADSIG

Les prix complets de la chaleur fournie par les réseaux CADSIG et CADIOM sont comparés dans la figure 3.10. Il est intéressant de remarquer que la part fixe sur le réseau CADIOM est nettement plus basse que sur le réseau CADSIG. La décomposition du prix de vente entre la part fixe et la part variable ne reflète manifestement pas la répartition des coûts. Par ailleurs, lorsque le prix du mazout est de 60 CHF/100l, les prix de la chaleur sur les deux réseaux sont désormais relativement similaires. Ils diffèrent cependant lorsque le prix du mazout est plus élevé ou plus faible, puisque seul le prix de la chaleur fournie par le réseau CADSIG y est indexé.

3.3 3.3 3.3

6.5

8.4 10.2

1.2 9.2

0 2 4 6 8 10 12 14

CADSIG (mazout à 60 CHF/100l)

CADSIG (mazout à 80 CHF/100l)

CADSIG (mazout à 100 CHF/100l)

CADIOM

Prix total de la chaleur [cts/kWh]

Part variable CADSIG Part variable CADIOM Part fixe CADSIG Part fixe CADIOM

Figure 3.10 – Comparaison des prix de vente complets de la chaleur sur les réseaux CADSIG et CADIOM, pour une puissance souscrite de 1’500 kW et une consommation de 2’700 MWh/an. Hors TVA

L’évolution des niveaux de prix dans le temps est présentée dans la figure 3.11. Les prix de la cha-leur fournie par les réseaux CADIOM et CADSIG1sont comparés aux prix de la chaleur fournie par

1. Le prix sur le réseau CADSIG correspond ici à la formule des anciens contrats, où l’indexation est effectuée sur le prix du gaz.

Chapitre 3. Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

des chaudières individuelles à gaz ou à mazout. Ces derniers prennent en compte le rendement des chaudières (88%) et les coûts d’investissement et d’entretien (respectivement 0.6 et 1 cts/kWh).

Prix de la chaleur et du froid

Evolution des prix de chaleur à Genève depuis 1999

Prix de la chaleur en fonction de sa qualité

Prix du froid en ct/kWh (en fonction de la durée d'utilisation en heures/an)

0.00

1.1.99 1.1.00 1.1.01 1.1.02 1.1.03 1.1.04 1.1.05 1.1.06 1.1.07 1.1.08 1.1.09 1.1.10 1.1.11 1.1.12 1.1.13 1.1.14 1.1.15 1.1.16

Comparaison du prix des énergies thermiques dans le canton de Genève (en ct/kWh)

mazout CAD SIG Gaz CADIOM en ct/kWh

Les prix du mazout et du gaz sont calculés avec :

un rendement de 88%, 1.0 ct/kWh de charges d'exploitation

0.6 ct/kWh d'investissements

Figure 3.11 – Comparaison des prix des énergies thermiques dans le canton de Genève en cts/kWh. Source : SIG

Ce graphique permet de mettre en évidence le fait que les prix sur le réseau CADSIG sont relati-vement comparables aux prix de la chaleur produite par des chaudières individuelles alimentées par des énergies fossiles. Ceci a été confirmé par une analyse détaillée des frais de chauffage d’un ensemble de bâtiments avant et après raccordement à ce réseau (cf. annexe A).

Le cas du réseau CADIOM est différent dans la mesure où il n’y a pas d’indexation directe du prix de la chaleur sur le prix des énergies fossiles. On constate que lors du lancement du projet, au début des années 2000, les prix pratiqués sur ce réseau étaient tout juste compétitifs. Avec l’aug-mentation des prix des énergies fossiles, ils sont par la suite devenus avantageux pour les consom-mateurs raccordés. La récente hausse du prix de vente sur CADIOM suite à une décision politique a donc contribué à rééquilibrer les prix pratiqués par rapport aux prix du marché. Avec une baisse des prix des énergies fossiles, le prix actuel sur le réseau CADIOM peut même être supérieur au prix de la chaleur produite par une chaufferie à mazout. A noter que cette hausse du prix favorise désormais davantage les économies d’énergie dans les bâtiments raccordés.

3.4.2 Prix pratiqués sur quelques réseaux de petites tailles

D’une façon générale, les prix pratiqués sur les petits réseaux sont plus élevés que ceux observés sur les deux grands réseaux. Sur le réseau CAD Laurana, un réseau de quartier urbain développé récemment, le prix complet de la chaleur se situait proche de 15 cts/kWh en 2014-15. Ce prix plus élevé s’explique principalement par des coûts de production relativement conséquents [105]. Au

niveau de la production, ce réseau est équipé de chaudières à gaz et d’une PAC alimentée d’une part par un système de récupération de la chaleur de condensation sur les fumées, d’autre part par un champ de sondes géothermiques. A noter que la part variable sur ce réseau est indexée à la fois sur le prix du gaz et celui de l’électricité. Par ailleurs, la répartition du prix de la chaleur entre la part fixe et la part variable est dans ce cas relativement représentative de la nature des coûts.

Sur les réseaux de village CAD Aire-la-Ville et CAD Cartigny, les prix sont fortement conditionnés par la faible densité linéaire de la vente de chaleur (cf. section 3.5). Les coûts d’investissement dans les réseaux sont donc répartis sur moins de kWh. Sur le réseau CAD Aire-la-Ville, alimenté par le réseau CADIOM, le prix complet de la chaleur en 2013 se situait à environ 18-19 cts/kWh [106].

Sur le réseau CAD Cartigny, alimenté par deux chaudières à bois couvrant près de 100% de l’ap-provisionnement annuel, des prix du même ordre de grandeur ont été observés en 2009 et 2010 [80]. Sur ces deux réseaux, les parts variables ne sont pas indexées sur le prix des énergies fossiles.

La compétitivité de ces réseaux vis-à-vis des solutions de chauffage traditionnelles dépend donc fortement de l’évolution des prix des énergies fossiles. D’autre part, il est intéressant de noter que sur ces réseaux, la répartition du prix de vente entre la part fixe et la part variable n’est pas repré-sentative de la nature des coûts. Les coûts fixes sont en effet plus importants.

3.4.3 Remarques

On constate une certaine hétérogénéité en ce qui concerne les systèmes de tarification mis en place sur les réseaux de chaleur dans le canton. Fondamentalement, celle-ci résulte du fait que chaque réseau doit être rentabilisé par la vente de chaleur sur sa propre zone de desserte. L’idée d’une tarification plus harmonisée de la chaleur à distance, par exemple à l’échelle du canton, pourrait constituer une façon de mutualiser davantage les coûts engendrés par le développement des réseaux qui intègrent des EnR&R. Une telle idée serait cependant confrontée à la complexité des systèmes organisationnels implantés dans des cadres contractuels généralement figés sur de longues durées.

Par ailleurs, les quelques exemples étudiés montrent que souvent, la structure des prix de vente (part variable et part fixe) ne reflète pas la nature des coûts. Proportionnellement, la part des coûts variables dans les coûts totaux est souvent plus importante que la part variable tarifée dans les prix facturés. En conséquence, les résultats comptables annuels pour les opérateurs des réseaux peuvent varier positivement ou négativement d’une année à l’autre selon les conditions météoro-logiques rencontrées et le niveau des prix des énergies. La motivation principale de ce choix est très souvent de nature commerciale (SIG, communications personnelles). A noter qu’en France, des recommandations très claires sont émises pour que la structure des prix représentent la nature des coûts [14].

Chapitre 3. Les réseaux de chaleur dans le contexte du canton de Genève

Enfin, il est important de mentionner un point qui peut s’avérer problématique en cas de rac-cordement de bâtiments locatifs existants à un réseau de chaleur : celui du report des coûts fixes dans les charges de chauffage des locataires. En effet, dans les bâtiments locatifs alimentés par des chaudières individuelles, les coûts d’investissement dans les systèmes de production ne sont pas reportés dans les charges de chauffage facturées aux locataires. Ces coûts sont pris en charge par les propriétaires et indirectement couverts à travers les loyers. En revanche, sur un réseau, les coûts fixes liés à la production et au transport de la chaleur sont intégrés dans les prix de vente de la chaleur. Ils se retrouvent de ce fait intégrés dans les charges de chauffage des locataires. Après raccordement et sans modification de loyer, les propriétaires peuvent donc être avantagés au dé-triment des locataires [105].