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Variabilité du ‘r’ de sandhi

4 ‘R’ de sandhi : définition, description et modélisation

4.10 Variabilité du ‘r’ de sandhi

Les travaux descriptifs sur l’anglais RP moderne ont mentionné une utilisation obligatoire du ‘r’ de liaison au niveau lexical et quasi-catégorique au niveau post-lexical, mais un taux d’application plus variable du ‘r’ intrusif. Cette variabilité du ‘r’ intrusif peut être due à des facteurs de nature linguistique (phonétique, syntaxique, prosodique ou fréquentielle) et extralinguistique (facteurs sociologiques, registre ou compétence orthographique). Parmi les facteurs phonétiques, la littérature souligne notamment l’impact de la qualité phonétique de la voyelle précédant le site d’intrusion. Selon Jones (1972) et Cruttenden (200 : 06), le ‘r’ intrusif est généralement inséré après [ə] (idea[r] of) mais moins fréquent après [ɑː] et [ɔː]. Cruttenden attribue cette distinction au fait que les mots à finale [ɑː] et [ɔː] sont plus rares et que les locuteurs sont plus conscients de leur forme « correcte » (sans /r/). Le développement relativement plus récent du ‘r’ intrusif après ɑː] et [ɔː] tend également à le stigmatiser plus qu’après schwa. D’autres auteurs (Brown 19 : 149, Spencer 1996 : 235), au contraire, suggèrent une fréquence de réalisation plus élevée après [ɔː]. Mompean et Mompean-Guillamon (2009 : 737-738 et les références qui y sont mentionnées) soulignent les similarités acoustiques entre les voyelles basses et l’approximant ɹ] ; la présence commune d’un troisième formant bas pourrait avoir un impact sur cette distribution. Notons au passage que ces différentes observations peuvent avoir un impact sur la théorie phonologique et les traits qui composent le [ɹ]. Dans les cadres unaires notamment, où |@| est un élément de centralité (dont l’interprétation phonétique est ə ) et |A| un élément d’aperture (présent dans les représentations des voyelles basses), une plus grande fréquence de réalisation du ‘r’ intrusif après schwa permet de postuler la présence de l’élément |@| dans la représentation de ɹ] (Harris 1994). A l’inverse, si le ‘r’ intrusif est plus fréquent après ɑː] et [ɔː], il est peut être soutenu que |A| est un élément nécessaire dans la composition de [ɹ] (Broadbent 1991, 1999). La présence d’un /r/ lexical dans le voisinage proche d’un site de sandhi potentiel (roa[r]

143 angrily, Victoria[r] and Albert) a également été désignée comme un facteur favorisant la non-réalisation du ‘r’ (Brown 19 : 145). Une raison de l’absence de ‘r’ de sandhi dans ces cas-là pourrait être « the lack of preference for similar or identical sounds in the same environment. » (Mompean et Mompean-Guillamon 2009 : 7 ). L’environnement syntaxique du site potentiel de liaison fait également partie des facteurs influents selon Jones (1967 : xxvi), qui affirme que le ‘r’ de liaison tend à être évité lorsqu’il précède une frontière de syntagme, qui correspond normalement avec une frontière de groupe intonatif. Les résultats de Hannisdal (2006 : 177-17 ) ne corroborent pas cette hypothèse, et révèlent que le ‘r’ de sandhi est réalisé à 50% du temps lorsqu’il précède une frontière syntaxique. Une pause dans le discours (quelle que soit sa position syntaxique) reste pour autant fatale au ‘r’ de sandhi, ce qui exclut toute possibilité de liaison non-enchainée. Le travail classique de Nespor et Vogel (1986 : 229) sur la hiérarchie prosodique suggère que le domaine d’application du ‘r’ de sandhi est l’énoncé E (U pour utterance » en anglais), le domaine le plus large de cette hiérarchie. La syntaxe ne semble donc pas affecter la réalisation du ‘r’ de sandhi qui a pour seule exigence une fluidité phonétique excluant les pauses. Parmi les facteurs prosodiques qui affectent la réalisation du ‘r’ de sandhi, la vitesse du débit de parole a souvent été mentionnée (Wells 1982 : 284-286, Cruttenden 2008 : 294). Les phénomènes tels que les assimilations, les élisions ou les liaisons sont caractéristiques de la chaîne parlée (« connected speech »), et sont favorisés par un débit rapide. Contrairement au français où la liaison non-enchainée est très fréquente (les…[z]enfants), l’anglais exige que les frontières des mots M1 et M2 soient directement adjacentes (temporellement) pour qu’un phénomène de liaison puisse se réaliser. Comme le souligne Giegerich (1999), ce facteur n’est évidemment pas pertinent dans les cas de sandhi au niveau lexical (fea[r]ing, draw[r]ing), à moins que le mot ne soit prononcé syllabe après syllabe, ce qui en aucun cas ne correspond à de la parole naturelle. Alors que Bauer (19 4) ne trouve aucune corrélation entre le débit de parole et la production du ‘r’ de sandhi, Lewis (1975) explique que est plus commun dans un tempo moyen que dans des tempi très rapides ou très lents. Un facteur supplémentaire non-structurel est décrit par plusieurs auteurs (notamment les défenseurs des théories exemplaristes) comme potentiellement influent sur le ‘r’ de sandhi est la fréquence des mots et des collocations. La notion psychologique d’ancrage est ici centrale. L’ancrage peut être défini comme une routinisation cognitive des unités et des structures linguistiques basée sur la répétition d’évènements langagiers. Le ‘r’ de sandhi serait plus fréquent dans des constructions qui ont

144 un haut degré d’ancrage. Les circonstances favorables à l’ancrage du ‘r’ seraient une absence de pause entre les voyelles concernées, la présence d’un seul patron rythmique et/ou intonatif, une connexion morphologique aux frontières des morphèmes potentiellement liés ou encore une grande fréquence d’occurrence des expressions (Mompean et Mompean-Guillamon 2009 : 738-7 9). Ainsi, le ‘r’ de sandhi qui lie un morphème libre et une affixe (inte[r]action, transfer[r]ing, withdraw[r]al) aurait un plus haut degré d’ancrage qu’au niveau post-lexical où il apparaît comme le résultat d’une opération syntaxique qui unie deux mots morphologiquement indépendants (pape[r] under). Enfin, dans les mots composés comme Fa[r] East ou awe[r]-inspiring et les collocations de type fo[r] example ou idea[r] of le ‘r’ de sandhi aurait un haut degré d’ancrage dû à une grande fréquence de cooccurrence. Un mot comme visa aurait, selon cette hypothèse, plus de chance de produire un ‘r’ intrusif dans [fake[visa application]] que dans [[fake visa] industry] qui nécessiterait plus de traitement. Un des facteurs de variabilité du ‘r’ de sandhi peu couvert par les phonologues est le degré d’accentuation lexicale de la syllabe liaisonnante et celui de la syllabe liée. Cruttenden (2008 : 306) propose une explication qui se généralise à toute les consonnes finales : « It is unusual for a word-final consonant to be carried over as initial in a word beginning with an accented vowel, the identity of the words being retained. » (p. 306). On notera que cette observation est en parfaite adéquation avec le refus de Cruttenden de considérer le ‘r’ de sandhi comme syllabifié en attaque : « Phonetically (as well as historically) the resulting /r/ closes the syllable rather than being initial in the next, e.g. the /r/ of more ice /mɔːr ˈaɪs/ is shorter than that of more rice / mɔː ˈraɪs/, the latter being also associated with accent onset and possible pitch change. » Giegerich (1999) observe que le ‘r’ de liaison est optionnel devant une syllabe accentuée (c’est-à-dire une frontière de pied métrique) où il peut laisser place à un coup de glotte (hea[r/ʔ] Andy, roa[r/ʔ] angrily) alors qu’il est catégoriquement présent devant une syllabe inaccentuée. Il en déduit hypothétiquement que domaine d’application catégorique est le pied métrique. En tout état de cause, aucun des auteurs mentionnés précédemment ne discute de l’impact du degré d’accentuation de la syllabe liaisonnate (letter in vs deter a). Intéressons-nous maintenant aux facteurs extralinguistiques qui conditionnent la réalisation du ‘r’ de sandhi. L’immense majorité des auteurs cités jusqu’ici mentionnent la stigmatisation du ‘r’ intrusif au sein de la communauté linguistique. Dès le XVIIIe

siècle, le ‘r’ intrusif est considéré comme un acte de paresse linguistique, Sheridan (1762) blâmant les locuteurs qui insèrent un [r] après le <a> final de mots comme Belinda ou Dorlinda. David Crystal (1988 :

145 57-61) décrit plusieurs des prononciations qui ont fait/font l’objet de plaintes des auditeurs de la BBC. Parmi elles, le ‘r’ intrusif est le cas le plus célèbre, un auditeur ayant par exemple envoyé une liste de 100 occurrences de ‘r’ intrusif qu’il avait entendu en une journée. Comme nous l’avons déjà souligné, c’est uniquement dans un rapport à l’orthographe que le concept d’intrusion est pertinent ; puisqu’en isolation les mots spa et spar sont homophones (/spɑː/), un traitement identique de ces deux mots n’est pas choquant aux yeux du phonologue. Selon de nombreux auteurs (Jones 1962, Wells 1982, Giegerich 1999, Cruttenden 2008 inter alia), la capacité à éviter le ‘r’ intrusif reflète donc directement la compétence orthographique des locuteurs ; ceux qui ont un haut niveau d’instruction et sont plus lettrés ont tendance à éviter de prononcer des sons qui n’ont pas de justification dans l’orthographe. n comprend que pour des locuteurs conservateurs, le ‘r’ intrusif est un trait de langage populaire, voire vulgaire. Plusieurs auteurs (Hughes, Trudgill et Watts 2005, Cruttenden 200 ) s’accordent également à dire que le ‘r’ intrusif entre les mots est de plus en plus accepté, mais que les locuteurs conscients veillent à l’éviter à l’intérieur des mots. Il semble cependant étonnant que la connaissance de l’orthographe permette d’expliquer un tel système. Par ailleurs, comme le montreront les résultats de nos enquêtes, le ‘r’ intrusif peut exister chez des locuteurs hautement diplômés, dont on imagine qu’ils maitrisent parfaitement l’orthographe de l’anglais. Notons enfin l’anecdote amusante rapportée par Crystal (19 ) concernant un critique féroce du ‘r’ intrusif qui prononça dans un enregistrement the idea[r] of an intrusive r is obnoxious ». Cela montre à quel point, malgré la stigmatisation qui l’accompagne, le ‘r’ intrusif, notamment après schwa, est devenu un réflexe, même chez des locuteurs puristes. Les facteurs sociolinguistiques tels que l’âge, le sexe, ou la classe socio-économique rentrent également en jeu dans l’usage du ‘r’ de sandhi. Il a souvent été noté par les sociolinguistes (Labov 2001) que les femmes ont tendances à utiliser les variantes plus prestigieuses au sein d’une communauté linguistique. n s’attendrait donc à ce que l’utilisation correcte » du ‘r’ de sandhi soit plus respectée par les femmes que par les hommes. L’étude de Bauer (19 4) portant sur 7 locuteurs de RP n’a cependant pas révélé de différence significative entre les hommes et les femmes. Il est intéressant de constater que Bauer en conclut : « although there is variability in the use of linking /r/ in RP there is little evidence of the variation being linked to any of the kinds of factors that would be expected from Labovian research » (1984 : 77). Ses données sont certes limitées puisqu’elles ne consistent qu’en une lecture de texte (où l’on trouve 10 sites potentiels de ‘r’ de liaison et 2 de ‘r’ intrusif) pour chaque locuteur. Hannisdal

146 (2006 : 162-16 ) obtient même des résultats qui vont sensiblement à l’inverse de cette hypothèse, puisque les femmes produisent en moyenne légèrement moins de ‘r’ de liaison que les hommes, néanmoins la différence n’est pas significative. L’âge et de la catégorie sociale n’ont généralement pas été retenus comme facteurs pertinents dans le conditionnement du ‘r’ de sandhi, sauf pour Foulkes (1997) qui a trouvé des indices de variation sociale et stylistique dans l’anglais de Newcastle. Son enquête révèle une plus grande fréquence du ‘r’ de liaison chez les locuteurs plus âgés et de la classe moyenne. Le ‘r’ intrusif est quant à lui plus fréquent chez les locuteurs de la catégorie socio-économique inférieure. De manière plutôt inattendue, les locuteurs de la classe moyenne produisent plus d’intrusion dans la tâche de lecture qu’en conversation. Foul es (1997 : 83-84) attribue cette différence au fait que le ‘r’ intrusif n’est pas une caractéristique locale de Newcastle. Ces locuteurs y sont donc plutôt exposés au travers du discours normé des présentateurs de télévision et de radio (sensés utiliser l’anglais standard), et le perçoivent comme une caractéristique prestigieuse. Le style est également un facteur déterminant pour Hannisdal (2006 : 179-180) dont les locuteurs des taux de réalisation significativement plus élevés en lecture qu’en parole spontanée. En particulier elle note: « [T]he comparatively low frequency in reading style and increased usage in interviews was expected for intrusive /r/, which is a feature many speakers will suppress in self-conscious styles. The fact that linking /r/ shows the same stylistic patterning was somewhat more surprising, and suggests that speakers are less aware of, or less concerned with, the status of lin ing /r/ as “correct. » (2006: 180). Elle reconnait cependant (p. 181) que la nature de ses données (discours de présentateurs de télévision et de radio) a un fort impact sur ses résultats avec, par exemple, des taux de réalisations globalement plus faibles que dans les études de Bauer (19 4) ou Foul es (1997). Le niveau d’études des locuteurs, qui influence sans doute la compétence orthographique, n’est généralement pas pris en compte car il est rarement connu.

4.11 Résumé

Dans ce quatrième chapitre, nous espérons avoir montré que le ‘r’ de sandhi en anglais est un phénomène extrêmement complexe. Un consensus existe autour de son émergence, les spécialistes s’accordant sur le fait que l’affaiblissement puis la perte du /r/ en position finale a donné lieu à des formes alternantes où [r] est présent en position pré-vocalique et absent dans

147 les autres contextes. Le ‘r’ intrusif serait né de l’extension à toutes les voyelles ə, ɑː, ɔː] finales de l’alternance r /Ø, y compris dans les mots qui historiquement n’étaient pas pourvus d’un /r/, ce que l’orthographe reflète directement (pour une approche alternative voir Harris 1994). La manière dont cette alternance doit être modélisée en phonologie est en revanche un grand sujet de débat. Les théories classiques se concentrent sur la présence ou l’absence d’un /r/ au niveau sous-jacent, et les indices permettant de postuler une règle d’effacement (Scobbie 1992, Donegan 199 ) ou une règle d’épenthèse (Vennemann 1972, Johansson 197 , Nespor et Vogel 1986, McMahon 1994, 2000), ou encore la nécessité des deux règles (McCarthy 1991, Blevins 1997). Les analyses formulées dans ces cadres impliquent par ailleurs que la dérhoticisation de l’anglais est une étape nécessaire à l’émergence du ‘r’ de sandhi, et que par conséquent, rhoticité et ‘r’ de sandhi sont en distribution complémentaire (Giegerich 1999). Leurs auteurs s’accordent à dire qu’une variété rhotique ne peut pas avoir de ‘r’ intrusif, puisqu’aucune alternance n’a pu conduire à une ré-analyse des mots à finale [ə, ɑː, ɔː] sans /r/ étymologique. Cette affirmation peut néanmoins être remise en question par les données de Hay et Sudbury (2005) qui montrent que des locuteurs partiellement rhotiques peuvent prononcer des ‘r’ intrusifs. Cependant, leur analyse pose problème sur deux points essentiels : - Peut-ont considérer comme partiellement rhotiques des locuteurs qui réalisent moins de 10% des /r/ de coda ? – Peut-on parler de ‘r’ de liaison alors même que la dérhoticisation est en cours mais non encore complète ? Dans la mesure où elles ne mentionnent pas l’existence de réalisations distinctes du /r/ final pré-vocalique selon que le locuteur est rhotique ou non-rhotique, il nous semble plus prudent de répondre négativement à la deuxième question. Les cadres plus récents cherchent à réduire la part d’arbitraire a priori inhérente à une analyse synchronique du ‘r’ de sandhi. Broadbent (1991, 1999) compare le ‘r’ de sandhi à la formation des glissantes [j] et [w] observée dans certaines variétés. Sous cette approche unifiée, il demeure cependant impossible d’expliquer l’absence du ‘r’ de sandhi (intrusif) dans les variétés rhotiques qui utilisent les liaisons en [j, w]. Harris (1994) propose également un traitement qui se veut non-arbitraire, mais ne s’engage en fait que très peu sur les raisons de l’émergence du ‘r’ intrusif, et y attribue des origines historiques. Son r flottant souffre finalement des mêmes critiques que les analyses par effacement. Les traitements TO, qui maintiennent une distinction sous-jacente /Vr#/ vs /V#/, rencontrent également des difficultés à expliquer l’intrusion de manière strictement synchronique. McCarthy (199 ) ne parvient pas à fournir une réponse définitive à la question « why r ? », et Uffmann (2007) qui

148 s’inscrit dans la continuité se voit contraint à certaines contorsions théoriques concernant les marges et les sommets des syllabes en contexte intervocalique, afin de montrer que [r] est une solution optimale pour résoudre le hiatus après les voyelles non-hautes. Enfin, les modèles fondés sur l’usage (Théories Exemplaristes) proposent une solution alternative concernant la modélisation de la variation du ‘r’ de sandhi (en intégrant les divers facteurs pertinents), mais ils semblent faire face à un paradoxe important ; s’ils sont capables de montrer comment les locuteurs natifs apprenants puisent dans l’environnement linguistique ambiant des exemplaires variés, ils n’expliquent pas les origines de cette variation.

Les facteurs de cette variation sont couverts par la plupart des ouvrages descriptifs sur la prononciation de l’anglais. La qualité phonétique des voyelles liaisonnantes ainsi que leur degré d’accentuation sont parmi les facteurs phonologiques les plus cités, mais les conclusions divergent concernant le type de voyelle (schwa vs. voyelles basses) qui favorise l’intrusion. La variation sociolinguistique est également décrite en termes d’âge, de sexe, de catégorie socio-économique ou de registre. Les enquêtes empiriques s’intéressant au ‘r’ de sandhi (Bauer 1984, Foulkes 1997, Hay et Sudbury 2005) ont souligné la pertinence de certains de ces facteurs sociolinguistiques dans diverses communautés linguistiques, mais se concentrent sur des locuteurs dont on ne sait au final que très peu de choses. Si les facteurs sociologiques sont pertinents pour l’analyse linguistique, il nous semble essentiel de connaitre en détail la communauté et les locuteurs observés. En outre, les nombreux traitements théoriques du ‘r’ de sandhi se heurtent à une difficulté de taille : les données sur lesquelles ils se basent ne sont liées à aucune base observationnelle précise, et reflètent généralement des observations recueillies de manière aléatoire par leurs auteurs. Or, il semble évident que la nature des données a une influence déterminante sur la modélisation. De nombreux phonologues s’inscrivant dans la tradition générativiste soutiennent que le rôle de la phonologie est de modéliser la compétence et non la performance, et ignorent par conséquent la variation sociolinguistique. Broadbent explique que certains phénomènes phonologiques font l’objet de suppressions motivées socialement et soutient : « such social suppression is not something that should be reflected in the grammatical analysis and … in order to obtain a clear grammatical generalization we need to abstract away from such “sociolinguistic” suppression » (1991 : 282). Cela veut-il dire pour autant que les données empiriques sont dispensables ? Antilla et Cho (1998 : 40) nous rappellent que : « the distinction between competence and performance is clearly independent of the question whether models of

149 competence are categorical or not. Insofar as usage statistics reflect grammatical constraints … , they reflect competence and should be explained by the theory of competence … ». Cela montre que la variation doit être prise en compte, que l’on adopte ou non une approche qui tient compte des facteurs sociologiques. Dans cette perspective, nous pensons qu’il est indispensable que les analyses théoriques soient établies à partir de corpus dont les données sont recueillies selon un protocole précis et annotées puis analysées de manière systématique.

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5 Méthodologie : Le projet Phonologie de l’Anglais Contemporain