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Valuation et blocage des altérités

Dans le document Tentative d'analyse énonciative de "have to" (Page 129-140)

deliberately I mean, he has to know that somebody's watching.”

3. Valeur et colorations déontiques

3.2. Contextes spécifiques

3.2.2. Valuation et blocage des altérités

Il est important de souligner que les exemples du type de (150) – (149) et (151) sont un peu différents, nous y reviendrons ci-dessous – sont loin d’être représentatifs de l’ensemble des énoncés en have to s’inscrivant en contexte interlocutif et mettant apparemment en jeu une forme de valuation de l’énonciateur. Pour l’expression spontanée d’un désir ou d’un souhait (voir 3.2.5. plus bas), ou encore la formulation d’une nouvelle instruction, cas de figure qui supposent en fait une position de départ en IE, must, ou encore d’autres formes

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concurrentes comme (have) got to ou need to52, restent privilégiés. On pourra ajouter aux exemples mentionnés plus haut avec must les suivants, dans lesquels l’emploi de have to a été jugé difficilement acceptable ou moins naturel par les anglophones interrogés :

(152) With Cathy, he could get into the basement. What happened there would

enable him to keep her. He listened to her breathing. It was too shallow and uneven for sleep. “Cathy.” “Yes? Mark?” There must be a trace of moonlight in the room, since he could just make out the blurred shape of her head rising from the pillow. “What is it?” “The fire escape,” he said. “You must come with me. Please? You know what I'm asking. The party. The real party. You know.” There was a pause. Then she said : “All right.” She reached out and touched his face.

? You have to come with me. Please? You know what I’m asking.

(153) “You sure you’re OK ?” “Positive James! I must offer you a drink for

saving me. I have beer, scotch and wine, which is your preference?” * I have to offer you a drink for saving me.

(154) “He's on the coach. He will arrive in nine hours. You must get to the

coach station and make sure you are at the Asian terminus not the European terminus,” she warned. “Take photographs. Follow him. Don't let him see you. Don't call the police. Wait for me before you contact anyone. Just follow and observe.”

? You have to get to the coach station and (you have to) make sure (…)

52 Le recul, fréquemment souligné dans la littérature, de l’emploi de must dans sa lecture déontique, notamment à l’oral (le cadre de la fiction, par exemple, est moins affecté), ne se fait en effet pas nécessairement au profit de l’emploi de have to dans ces contextes interlocutifs. Selon nombre d’auteurs, (have) got to est d’ailleurs plus proche, sur le plan syntaxique mais aussi sémantique et interprétatif, de must que de have to (Coates 1983 : 53, P. Collins 2009 : 69, J. Myhill 1996 : 349-50, P. Westney 1995 : 151). On pourra citer l’exemple suivant, extrait du COCA : And I know he did not kill Michael Cambias. Aidan, you've

got to go down there. You 've got to go down to the police station, you 've got to do something. You 've got to intervene. You 've got to get him out of there. Quant à need to, dont l’emploi est en évolution, il admet

également en contexte ce type d’interprétations, notamment à l’oral : Jake: Ahem. Jake Martin. Yeah, just a

minute. It's for you. Greenlee: Me? Jake: Yep. Greenlee: Yes? Erica: Greenlee, you need to get over to my office right away. Greenlee: Now? Erica, I was just -- I was just sleeping. Erica: Then you consider this your wake-up call, Greenlee. You get over here right now. S. Johansson relève également la popularité croissante

de la structure I need you to, qui constitue selon lui “a new strategic way of asking someone to do something, an appeal rather than a direct command” (2013 : 378).

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(155) “Arthur, dear,” she said loudly to her husband, “after this dreadful

brush with death, I'm too shaken to stay longer. (…) Girls, you must pack immediately. Go to your rooms. As soon as Christina is warm and in dry clothing, we'll drive straight home. Tonight.”

(-)53 Girls, you have to pack immediately.

On remarque au contraire que les contextes autorisant voire privilégiant l’emploi de

have to, bien qu’ils n’excluent pas celui d’autres formes, sont, comme dans les énoncés

envisagés en 2. de ce point de vue, ceux dans lesquels la prise en compte du cas de figure négatif, de la valeur E (non I, autre que I), sert de point de départ pour l’énonciation, à différents égards possibles, comme nous allons le voir ci-dessous. La prise en charge, au sens large et non plus au sens strict (contrairement aux énoncés traités en 2. cette fois)54, de cette valeur est notamment attribuable ou attribuée au co-énonciateur, identifiable avec you

have to à l’agent valideur de la relation prédicative.

Dans le cas le plus fréquent, le co-énonciateur refuse a priori de valider la relation en jeu, ou privilégie en tout cas la non-validation, ce qui peut alors produire une confrontation des valuations. Ceci est dans une certaine mesure perceptible en (149) mentionné ci-dessus (voir par exemple there’s no hiding anymore) et, de façon plus notable, dans les énoncés suivants :

(156) “But we can discuss all that inside. Won’t you come in?” “I think I’d

rather not” “I'm afraid you have to. Come, Barrent, I won't bite you” “Am I under arrest?” “Of course not. We’re simply going to have to a little talk.”

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« (-) » signale, ici et par la suite, que les anglophones interrogés ont émis une préférence pour l’emploi de la forme utilisée dans l’énoncé original sans rejeter (*) ou douter de ( ?) l’acceptabilité de la forme dont la possibilité d’emploi est soumise à évaluation.

54 Nous parlons ici de prise en charge au sens très large d’une « attitude prise à l’égard de la relation qui contient la lexis » (A. Culioli, 1971 : 4031) et qui autorise donc différentes « modalités de prise en charge ». Prendre en charge, au sens strict, une relation revient plus spécifiquement à « dire ce que l’on croit être vrai » (A. Culioli, 1999a : 131) et à produire une assertion, ce qui correspond à une conception plus tardive d’A. Culioli.

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(157) Do you realize how difficult it will be to feed the computer new

information like this? It could literally take years! It’s impossible.” “It’s not impossible Mr Ward. You will find a way to do it and you will find a way to do it for me quickly. You have to, you have no other choice”. Gaft’s voice was even more demanding.

(158) “I'm taking him with me when I leave.” “I'm afraid I can't let you do

that.” “I'm afraid you have to. You owe me a favor if you recall.” “Huh? A favor?”

You désigne l’interlocuteur/co-énonciateur ; la relation n’a pas livré d’occurrence au

moment d’énonciation ; you correspond à l’agent susceptible de l’amener à l’existence ; et l’on peut admettre que cette potentielle venue à l’existence revêt un caractère souhaitable pour l’énonciateur. Mais au contraire d’énoncés comme (154) ou (155), l’énoncé fait suite à une exhortation ou à une demande préalable, ayant sollicité, du moins en apparence, la (bonne) volonté de you (voir par exemple Won’t you come in ?). En cela, la relation sujet-prédicat en jeu est préconstruite sur le plan discursif, ce qui permet l’ellipse du sujet-prédicat (come, take her et do it), fréquente avec have to, à la suite de to. Mais l’on peut plus précisément considérer que le co-énonciateur se positionne au niveau de la valeur E du domaine associé à cette relation, puisque la non-validation a été considérée par lui comme envisageable, comme susceptible d’être prise en compte, typiquement parce qu’elle a pu être jugée désirable, ou en tout cas plus souhaitable que I. Dans les énoncés qui précèdent en effet, soit E a été explicitement privilégiée sur le plan qualitatif, a fait l’objet d’une valuation claire, comme en (156) (I think I’d rather not (come in), choix de E par exclusion de I ) ; soit, comme en (157) et (158), la validation de I a été construite comme « impossible », ce qui n’implique pas forcément une simple impossibilité matérielle ou physique stricte et est loin d’être incompatible avec une valuation négative de cette valeur, voir do you realize how difficult it will be en (157). Dans ce dernier cas, ce rejet se fait donc au profit de la valeur inverse E, <I-not take her> et <I-not do it>. Etant donné les opérations marquées par have to d’après les hypothèses précédemment formulées, son emploi dans ce contexte apparait alors particulièrement adapté.

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Rappelons en effet que have to n’est pas la trace d’un travail énonciatif sur les deux valeurs I et E du domaine associé à la relation ; il implique que la valeur I de ce domaine est pré-sélectionnée, donnée d’avance, cette sélection étant en fait marquée par to, qui construit ainsi une occurrence validable, sinon singularisée et validée, de la notion (un visé, voir 1.4.2.) ; have appréhende l’occurrence ainsi construite, le visé, dans son rapport à S2, dont l’énonciateur asserte qu’il la localise55. C’est sous l’angle de S2, en tant que support pouvant assurer la venue à l’existence de l’occurrence de relation (notons que S2

correspond par ailleurs, au niveau prédicatif, à l’un de ses arguments), qu’est donc appréhendée cette relation ; pour reprendre les termes de J.C. Souesme, on asserte que S2 « se trouve avec un procès à valider ». Ce « à valider », tel qu’il est construit par to, demeure toutefois en deçà de son actualisation effective et reste du domaine des représentations (occurrence notionnelle, qualitative). In fine donc, la validation, d’un point de vue quantitatif, de l’ensemble de la relation reste en suspens, ce qui ressort d’autant plus dans ces cas de figure qu’il y existe un hiatus entre le moment auquel ce repérage est asserté, et le moment potentiel (T, du point de vue spatio-temporel) pour lequel la relation pourrait trouver un ancrage et être tenue pour effectivement validée (situation qui permettrait, en quelque sorte, de donner à l’occurrence notionnelle un statut d’occurrence situationnelle à part entière56). D’un point de vue qualitatif, la relation est en revanche stabilisée, de par la (pré)sélection de I (visé) et de par le repérage de ce visé par rapport à S2. Ceci signifie qu’en ce qui le concerne, on est en mesure d’affirmer que le chemin vers E n’est a priori, qualitativement, théoriquement pas empruntable. Dans les cas présents, I étant valué négativement (ou E positivement) par le co-énonciateur, identifiable à S2, et l’accès à E ayant donc été envisagé, have to permet, non pas directement de poser I comme souhaitable pour un énonciateur, puisque la relation est avant tout appréhendée sous l’angle de S2 et non du point de vue de S0, mais précisément de (re)centrer S2 comme repère effectif d’une relation « à valider » (au sens défini plus haut), afin de préciser, ou de rappeler, que l’alternative est par avance écartée et en fait inenvisageable.

55 C’est plus précisément ce repérage qui confère à la sélection de I effectuée par to son caractère préconstruit.

56 Voir sur ces termes L. Dufaye (2001a : 306-7). Là où l’occurrence notionnelle n’est pas envisagée « relativement à un cadre spatio-temporel spécifique, [l’occurrence situationnelle] suppose au contraire un ancrage relatif à un cadre de référence muni d’une délimitation spatio-temporelle spécifique » (ibidem : 306).

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L’assertion sert donc, comme dans les cas traités en 2., une fonction de rejet catégorique. Il s’agit en fait ici de ramener à une position I à la fois le co-énonciateur (intersubjectivité non pas maintenue, mais dépassée) et le « responsable » de la validation (instanciateur de la relation). Sur ce dernier point, dans la mesure où le terme sujet désigne, contrairement aux énoncés envisagés en 2., un agent a priori doué d’intentionnalité, et où E a pu être privilégiée sur le plan qualitatif subjectif par ce référent, l’absence d’alternative se fait absence de choix et négation de toute forme de libre-arbitre, comme le montre l’indication, dont s’accompagnent fréquemment les énoncés en have to et qui agit comme une forme de paraphrase, you have no other choice.

On pourra relier à ce cas de figure des énoncés comme (159) et (160), dans lesquels

have to admet un sujet de troisième personne, mais qui partent également de la prise en

compte d’un désir ou d’une préférence du référent du sujet avec toujours, en outre, confrontation des points de vue. Dans une moindre mesure, l’énoncé (161), mentionné par I. Depraetere et A. Verhulst (2008 : 14)57, s’en rapproche également en ce qu’il sert la même fonction globale, malgré l’orientation passive de la relation et le lien implicite à une finalité :

(159) “You must get Laurie in to see me,” he told her. “Tomorrow I've got to

sort out things in the clinic. Friday morning at ten?” “She won't want to come.” “She has to.” “I know.”

(160) JUDY-WOODRUFF Still another issue, the International Atomic

Energy Agency has said for a long time that it wants Iran to disclose past military-related nuclear activities. JOHN-KERRY Right. JUDY-WOODRUFF Iran is increasingly looking like it's not going to do this. JOHN-KERRY No, I disagree. JUDY-WOODRUFF Is the U.S. prepared to accept that? JOHN-KERRY No. They have to do it. It will be done.

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Dans l’article en question, cet exemple est destiné à montrer que contrairement à la conception commune, have to peut être « subjectif » (“the speaker (…) gives his own opinion on the necessity of bringing about a state of affairs”, ibidem). Il y est toutefois coupé de son contexte d’apparition puisque seules les trois dernières phrases (The poll tax (…) End it) y sont citées.

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(161) Mr Major [Leader of the Conservative Party] was trying to slide away

from his responsibility and Mr. Hattersley [Deputy leader of the Labour Party] said: “I offer him this piece of simple advice – there is no way it can be redeemed or reformed : The poll tax has to be abolished. Don’t mend it. End it.”

En (159) et (160), il est rendu clair que les référents de she et de Iran privilégient, ou sont susceptibles de privilégier, la non-validation (not come, not disclose past

military-related nuclear activities). Have to montre alors que la validation s’impose (en fait pour

une raison ou pour une autre, qui n’importe pas forcément), et que les préférences de ces référents ne sont pas censées entrer en ligne de compte. L’intervention préalable du co-énonciateur- interlocuteur (She won't want to come en (159)) peut, par la même occasion, être rendue non pertinente : quelles que soient ses éventuelles objections en ce qui concerne <she-come>, elles ne sont pas recevables puisqu’il appartient de toute façon à she d’amener l’occurrence à l’existence. En (161), l’énoncé se structure autour de the poll tax, qui correspond au terme but de la relation et non plus à son terme source ; mais l’énoncé sert une fonction similaire en ce que l’on prête d’abord à Mr Major l’intention d’échapper, à dessein, à la validation de <(he)-abolish the poll tax> et de chercher des compromis par le recours à des mesures moins radicales. Face à redeem et reform, on affirme alors que

abolish s’impose comme seule option possible et envisageable pour ce qui est de the poll tax, de sorte que l’alternative n’est pas accessible pour l’agent valideur éventuel que

représente Mr Major.

On pourra également rapprocher de ce cas de figure la plupart des énoncés dans lesquels

have to admet pour sujet le pronom I, et dans lesquels l’énonciateur apparaît valuer

positivement la validation de la relation ou du moins, au contraire de (145) plus haut, accepter son caractère souhaitable ou nécessaire. Deux cas principaux sont en fait envisageables selon que la prise en charge, au sens large, de la valeur E, préconstruite discursivement, est attribuable au référent de I (identifié à l’énonciateur) dans un premier temps, ou en contexte interdiscursif au co-énonciateur. Le premier cas peut être illustré par les énoncés suivants :

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(162) And the question now for me is, What are my choices to be? What do I

believe that I deserve in this life? Where can I accept sacrifice, and where can I not? It has been so hard for me to imagine living a life without David in it. (…) But how can I accept that bliss when it comes with this dark underside—bone-crushing isolation, corrosive insecurity, insidious resentment and, of course, the complete dismantling of self that inevitably occurs when David ceases to giveth, and commences to taketh away. I can’t do it anymore. Something about my recent joy in Naples has made me certain that I not only can find happiness without David, but must. No matter how much I love him (and I do love him, in stupid excess), I have to say goodbye to this person now. And I have to make it stick. So I write him an e-mail.

(163) I write this journal entry with a saddened heart but a mind full of

victory. I’ve been spending time with Pearl and Eric for the past three weeks. My Mandarin skills have increased tenfold, and I have gained a strong portion of my potential and have become a better young man. My character has changed, and from all my experiences, I know it is my mission to change the world, some day, somehow. Tomorrow I leave Xi’an for good. Although part of me wants to stay here in the city of Tang with Pearl and Eric, I have to go. There is still a void I must answer to myself. I have five years to answer it, and I have decided to leave for Guilin tomorrow.

Est marqué dans chaque cas un contraste entre : 1. ce qui est valué, sous un certain aspect des choses, par l’énonciateur ; I do love him, in stupid excess est censé impliquer E, <I-not say goodbye>, part of me wants to stay here in the city of Tang with Pearl and Eric appellerait <I-not go> ; et 2. ce qui est reconnu, sous un autre aspect ou fondamentalement, comme étant nécessaire, indispensable, donc comme excluant fermemement E pour S2 (du fait par exemple, en (162), que la validation de <I-find happiness without David> a été jugée préférable, cf. has made me certain that I not only can find happiness without David,

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cette opposition peut dans le même temps être perçue comme dépassée (et non entretenue), d’où une possible lecture comme ferme résolution.

Le second cas s’illustre déjà en fait en (151) mentionné plus haut, que l’on peut compléter par les énoncés suivants :

(164) “All right,” Fisher said. “Now that you know it, now that you’ve

accepted it, do you still want to find him? Are you quite sure?” “Yes.” Paula turned to him for the first time. “Yes, I have to find him. Nothing can alter that. He’s my father, he's part of me. Whatever he’s like, whatever he did, I have to see him face to face. I have to hear his side.” “But then what?” Fisher asked her. “Isn't it better to keep the illusion?”

(165) I remember talking with my dad out in the garage after my bags were all

packed. “Are you sure you want to do this?” Dad asked. I said, “Yeah, Dad, this is what I really want to do. I have to do this. I have to go out and see the world. It’s what I have been dreaming about. I don’t know what I’m after, but I have to do it.”

(166) She’s trying to fight me and kick me and I’m doing everything I can to

get her as far away from the house as I can so he doesn’t hear her. “What the hell do you think you’re doing?” I say through clenched teeth. “Let go of me right now, Holder, or I’ll scream! I swear to God, I’ll scream!” I let go of her and spin her around to face me. I grip her shoulders tightly and try to shake some goddamned sense into her. “Don’t do this, Sky. You don’t need to face him again, not after what he’s done. I want you to give yourself more time.” She looks at me and begins to shake her head. “I have to know if he’s doing this to anyone else. I need to know if he has more kids. I can’t just let it go, knowing

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