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L’idée de moyen

Dans le document Tentative d'analyse énonciative de "have to" (Page 193-200)

deliberately I mean, he has to know that somebody's watching.”

4. Calcul par rapport à une proposition finale

4.1. Termes à valeur référentielle spécifique ou spécifiante

4.1.2. Evaluation et/ou valuation ?

4.1.3.1. L’idée de moyen

On a montré que la mention d’une seconde proposition, fonctionnant comme repère intermédiaire, facilite le calcul de la « nécessité » exprimée (I est seule accessible à l’exclusion de E en ce que sa validation conditionne l’entrée dans le domaine des valeurs positives de la finale, en ce que I est une forme de propriété constitutive de ce domaine), en

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même temps qu’elle justifie la localisation opérée par rapport au sujet (dans la mesure où une occurrence de la seconde relation est visée positivement et anticipée, la première relation est à valider par le sujet, dès lors soumis à la nécessité en question). Ceci va dans le sens d’une absence de repérage direct de la relation sujet-prédicat, au sein de la proposition en have to, par rapport à une origine : le contenu notionnel n’est pas valué en lui-même et pour lui-même. Comme on l’a brièvement évoqué, ceci empêcherait également que la position du procès soit directement calculable relativement au moment d’énonciation. Ce point doit cependant être examiné plus avant ; un certain nombre d’énoncés spécifiques, s’inscrivant en particulier au sein d’un contexte interlocutif (avec sujet you), pourraient sembler, du moins à première lecture, davantage livrer un simple moyen à mettre en œuvre en situation qu’une condition nécessaire pure, par exemple lorsque le calcul par rapport à une proposition finale n’apparaît plus aussi saillant. On verra cependant que have to y conserve, en lui-même, un rôle similaire.

On peut partir d’un énoncé comme le suivant, dans lequel aucune proposition finale n’apparaît explicitement :

(233) “Good,” Kueller said. “But you will give me the remote first.” (…) If

Brakiss had faced any other mortal, he would have asked how Kueller knew about the remote. But Kueller was not any other mortal. Brakiss held out the remote. “It's slower than the controls I built you.” “ Fine.” “You have to set the security codes. You have to instruct it which serial numbers to follow.” “I'm sure I can do that.” “You have to link it to you.” “Brakiss, I can operate remotes.” “All right,” Brakiss said.

On considèrera néanmoins que <you-set the security codes> et <you-instruct it (…)> ne sont toujours pas envisagés en fonction des représentations qualitatives qu’un énonciateur s’en fait ou du caractère « bon » ou « mauvais » qu’on leur associe, mais que les assertions restent plutôt relatives à un telos, à une fin implicite, du type pour la faire fonctionner

(avec succès) (to operate the remote). A la différence de certains énoncés précédemment

envisagés toutefois – mais il s’agira ci-dessous de nuancer cette vision – on semble aussi pouvoir lire l’énoncé comme une forme de consigne, d’instruction, de marche à suivre

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livrée à l’interlocuteur, lui indiquant sans plus l’action à effectuer (pour la finalité implicite) dans la situation, le moyen à mettre en œuvre.

On serait en cela assez proche, peut-être, de ce que G. H. von Wright (1963a et 1963b, entre autres travaux) a nommé « nécessité pratique »84, concept évoqué par H. Kronning, dans son analyse du français devoir (1996), sous le nom d’ « obligation pratique ». D’après les commentaires qui en sont faits, cette nécessité/obligation concerne un individu particulier muni d’un certain objectif, et a partie liée avec l’agentivité. L’exemple donné par G. H. von Wright est le suivant :

(234) “If you want to inhabit the house, you must (ought to) heat it.” (1963b : ch. 8 sect. 4)

Ces cas constituent pour lui des

conditional sentences, in whose antecedent there is mention of some wanted thing85, and in whose consequent there is mention of something that must (has to, ought to) or must not be done. (1963a : ch. 1 sect. 7)

Si nous interprétons bien les différentes remarques de l’auteur formulées ensuite, seul le contenu de ce « conséquent » importerait directement, et non celui de la prémisse sur laquelle il s’appuie à un niveau intermédiaire, prémisse pouvant prendre la forme “unless you do p, you will not get q” (1963b : ch. 8 sect. 4) (i.e la validation de la relation finale q est conditionnée par celle d’une première relation p)86. La lecture possible de l’énoncé

84 L’approche de G. H. von Wright est cependant bien plus « logique » que linguistique. On peut regretter, pour les préoccupations qui sont les nôtres, que cette « nécessité » ne se voie pas illustrée par une variété d’exemples en contexte (l’énoncé en (234), par ailleurs construit, est le seul proposé par l’auteur) et que le fonctionnement de formes telles must, have to ou ought to ne soit pas différencié ; elles apparaissent en effet alternativement, et parfois indifféremment semble-t-il, au sein des commentaires ou paraphrases de l’auteur, (voir par exemple la citation plus bas). Cette distinction, si elle était opérée, exigerait selon nous d’établir certaines nuances, en fonction des emplois traités, dans la définition de ce que peut être la « nécessité » pratique, si tant est que l’on puisse parler de nécessité dans tous les cas.

85 Qu’il s’agisse, apparemment, d’un objectif préalablement et explicitement visé par un individu spécifique, ou d’une finalité qu’on lui prête, puisque “something wanted” se voit par ailleurs reformulé par “a state of affairs which is or may be desired as an end of action” (1963b: ch. 8 sect. 4).

86 En d’autres termes, selon l’auteur, un énoncé comme (234) “could be regarded as a contracted form of the syllogism which, skipping the second premiss, proceeds directly from the first premiss to the conclusion.” (1963b : ch. 8 sect. 4)

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(233) comme l’expression d’une simple procédure à suivre par le référent de you rejoint à première vue cette description.

Malgré une certaine proximité sur le plan interprétatif, il n’est pas certain cependant que le contenu de la « seconde prémisse » ci-dessus évoquée reste avec have to totalement à l’arrière-plan, ce qui serait davantage le cas d’autres formes potentiellement concurrentes dans l’expression de cette « nécessité pratique » (moyen à déployer en vue d’une fin à atteindre), nous allons y revenir. Par ailleurs, certains des commentaires formulés laissent à penser que la nécessité pratique, telle qu’elle est conçue par G. H. von Wright, a partie liée avec une dimension « existentielle », ce qui est lié à la notion même de « pratique », et a un caractère bien plus « prescriptif » que « descriptif ». Selon lui par exemple, les énoncés qui l’expriment “show[…] a certain resemblance to a command” (1963b : ch. 8 sect. 4), et “there is no strong objection to the use of the imperative mood in them ((…) “if you want to inhabit the house, then heat it”)” (ibidem). Ceci revient sans doute à dire, dans notre terminologie, que cet usage solliciterait davantage, ou serait en tout cas orienté vers, la dimension « quantitative » de la relation en jeu en ce que l’on envisagerait, même sans valuation directe, la venue à l’existence d’une occurrence distinguée de cette relation, que l’on laisserait par ailleurs à la charge d’un agent87

. Have to nous parait cependant également réfractaire à ce type d’opération.

Lorsque l’on n’a pas purement et simplement affaire, alors, à un impératif, ces traits nous paraissent plus opérants dans des énoncés comme les suivants : les énoncés en must formulant une forme de directive, interprétable comme une procédure à suivre par le co-énonciateur/référent du sujet en vue d’un but (potentiellement) visé par celui-ci (il est cependant extrêmement rare qu’une valuation y soit totalement absente, cf. unlock that

desk for me en (236) et rien ne justifie vraiment d’exclure une interprétation déontique) ;

ou les énoncés comme (237) faisant plutôt entrer en jeu la forme need to :

87 On peut considérer avec A. Culioli que l’impératif, au-delà de son éventuelle valeur injonctive (qu’il ne prend pas systématiquement, on peut penser à un exemple comme Prenez-le bus n° x, ou Tournez à droite, face à une demande de renseignements), « marque que l’on anticipe la construction de l’existence d’un nouvel état de choses » (1999b : 108). L’énonciateur s’inscrit par ailleurs face à un co-énonciateur qui « validera ou non la représentation distinguée par l’énonciateur » (1990 : 103). Il n’est donc pas question de dire que la validation est nécessaire, relativement à celle d’une autre relation, et pour le co-énonciateur qui vise cette dernière (absence d’alternative et de choix).

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(235) Then the old beggar-woman said to her benefactor: “This is what you

must do to obtain the reward which the King promises. Go out of the town by the south gate, and there you will find three little dogs of different colors (…). You must kill them and then burn them separately, and gather up the ashes. (…) You must then demand as much wood as three mules can carry, and a great cauldron, and must shut yourself up in a room with the Sultan, (…) The King will come back to life, and will be just as he was when he was twenty years old. For your reward (…)”

(236) “You might just unlock that desk for me, will you?” she said. And

further, as she went through the keys one by one to select the right key : “Each quarter I ‘ve put your precious Mr. Herbert Calvert’s rent in a drawer in that desk.... Here ‘s the key.” She held up the whole ring by the chosen key, and he accepted it. And she lay back once more in her chair, exhausted by her exertions. “You must turn the key sharply in the lock,’’ she said weakly, as he fumbled at the locked part of the desk. So he turned the key sharply. “You‘ll see a bag in the little drawer on the right,” she murmured.

(237) A second later there was a soft tug on the line. Not sure what to do, her

eyes went wide and her hands tightened their hold on the line and pole. “Relax,” he murmured. “You caught a fish. Now you need to set the hook. Slightly pull up on the rod. All right, now reel him in.”

Même si l’on s’appuie éventuellement sur l’existence d’un rapport de type « conditionnel », subsiste surtout l’idée de moyen à mettre en œuvre dans la situation, et l’on s’attache avant tout à dispenser une instruction ou une série d’instructions. Les énoncés en must en (235), de même que l’énoncé en need to en (237), alternent d’ailleurs assez librement avec des énoncés sous la forme impérative.

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(238) “Good,” Kueller said. “But you will give me the remote first.” (…) If

Brakiss had faced any other mortal, he would have asked how Kueller knew about the remote. But Kueller was not any other mortal. Brakiss held out the remote. “It's slower than the controls I built you.” “ Fine.” “You have to set the security codes. You have to instruct it which serial numbers to follow.” “I'm sure I can do that.” “You have to link it to you.” “Brakiss, I can operate remotes.” “All right,” Brakiss said. ? “It's slower than the controls I built you.” “Fine.” “You must set the security codes. You must instruct it which serial numbers to follow.” “I'm sure I can do that.” “You must link it to you.” “Brakiss, I can

operate remotes.”

? (…) “Set the security codes. Instruct it which serial numbers to follow.” “I’m sure I can do that.” “Link it to you.” “Brakiss, I can operate remotes.”

La réaction de l’interlocuteur aux énoncés en have to, Brakiss, I can operate remotes (reformulable, nous semble-t-il, par I know perfectly well how to operate remotes), suggère que les remarques qui précèdent n’ont pas été perçues comme de simples consignes, mais comme une sorte de mise en garde ou de rappel concernant cet appareil, partant du principe, prêté en particulier à Kueller, d’une validation de operate this particular kind of

remote sans passer au préalable par la validation de set the security codes, instruct it which serial numbers to follow et link it to you/the user (et donc à partir de E, non I ou autre que

I). Ceci est confirmé par l’observation préalable, It's slower than the controls I built you, qui oppose it à the [remote] controls I built you, pour lesquels ces étapes ne sont sans doute pas indispensables, ou pour lesquels la procédure à suivre est peut-être différente : on pourrait ainsi s’attendre, par analogie, à ce qu’elles ne le soient pas non plus pour it/this

(particular) remote control. Kueller détrompe également Brakiss sur ce point par son usage

de remotes, qui renvoie à toute la classe des télécommandes, sans distinction.

On retrouve donc, au-delà de l’idée de moyen et de simple instruction, l’idée de nécessité : c’est I, et non autre que I, qui s’impose, y compris pour Kueller. Dans la mesure où, d’autre part, les conditions de validation de operate this remote sont valables non pas seulement pour l’interlocuteur mais pour tout utilisateur potentiel, puisqu’elles dépendent

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explicitement des propriétés spécifiques de l’appareil en question, également mises en valeur, on envisage d’autant moins la venue à l’existence d’une occurrence de relation dans la situation spécifique, dont le référent particulier de you serait placé à la charge.

On retrouve en fait cet aspect des choses dans une grande majorité des énoncés en you

have to dont on pourrait croire, à première vue ou hors environnement plus large, qu’ils se

bornent à donner à l’interlocuteur une consigne en situation. Dans les contextes suivants, le co-énonciateur a pu ainsi penser, ou espérer, pouvoir atteindre la validation de l’état de fait visé directement (sans passer par la validation de I) et/ou en l’état :

(239) “Sir, where is our luggage ?” Lottie asked. He glanced at the leather

box she held to her chest. She hoped he wouldn’t ask to see inside. “You’ll get it soon enough,” he said. “You have to register first. Then you change your money to dollars, arrange for transportation, and then you get your luggage.” He pointed to the right. “English-speaking line’s over there”.

(-)“Sir, where is our luggage ?” Lottie asked. (…) “You’ll get it soon

enough,” he said. “You must register first.”

? “You’ll get it soon enough,” he said. “Register first.”

(240) “Those earphones, sir. I thought you might be interested in listening for

a minute.” Talbot sat and clamped the earphones on. After about fifteen seconds he removed-them and turned to Halzman, who had also removed his. “I can't hear a damned thing.” “With respect, sir, when I said a minute, I meant just that. A minute. First of all you have to listen until you hear the silence, then you'll hear it.” “Whatever that means, I'll try it.” Talbot listened again, (…).

? “With respect, sir, when I said a minute, I meant just that. A minute. First of all you must listen until you hear the silence, then you'll hear it.”

? “With respect, sir, when I said a minute, I meant just that. A minute. First of all listen until you hear the silence, then you'll hear it.”

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On peut en effet considérer, en (239), que poser la question Where is our luggage ?, c’est envisager d’accéder à get our luggage> sans passer par la validation de <we-register>, et donc considérer que E (not register ; ou not do anything, relativement à la finalité) est une option envisageable. En (240), le co-énonciateur se plaint de ne pouvoir accéder à <I-hear it> (cf. I can’t hear a damned thing) en s’étant concentré quinze secondes, étape alors apparemment jugée suffisante. L’énoncé, qui asserte que le passage par la validation d’une relation est nécessaire pour accéder à celle d’une seconde (même moins explicite), constitue moins l’expression d’une simple marche à suivre, sans plus, qu’une remise en cause, motivée dans ces conditions, de ce préconstruit discursif, par la mise en relief d’une étape (voir first) non prise en compte. L’énoncé a d’autant plus valeur de rappel, par opposition à une simple instruction en situation basée par ailleurs sur une évaluation plus ou moins subjective, que cette étape nécessaire existe non seulement pour le référent spécifique de you dans cette situation dans la mesure où l’on peut lui attribuer un objectif, mais aussi a priori, pour tout individu potentiel désirant accéder à cette finalité. (239) fait en effet référence, le comprend-on, à un règlement établi imposant à chaque voyageur de s’enregistrer avant de récupérer ses bagages, et (240) à l’existence d’une relation d’entrainement, ou du moins de consécution, tirée des observations du locuteur, qui a fait l’expérience de la chose dans le contexte qui précède ce passage, entre

listen for a minute/listen until you (one) hear(s) the silence, et hear it/a surprising sound.

Une lecture en termes de moyen à mettre en œuvre, par l’interlocuteur spécifique, en situation est, certes, peut-être plus recevable dans l’énoncé suivant, dans la mesure surtout où le contenu de la seconde proposition implicite (réussir, contrôler le snowboard) a une valeur plus explicitement téléonomique : il s’agit d’une finalité effective, et non d’un objectif qui lui est prêté ou qu’il serait susceptible d’avoir. L’emploi d’une forme impérative fait par ailleurs suite à celui de have to (Make turns by (…)) :

(241) They decide to practice before going to the terrain park. Andrew is

having trouble controlling his snowboard and keeps falling. Andrew (dusting off his ski pants): What am I doing wrong? My board is the same as yours and Brady's! Melissa: You have to zigzag down the slope. You'll go too fast and have no control if you try to go straight

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