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Valeur et colorations épistémiques

Introduction

Nous nous pencherons ici sur les énoncés en have to qui semblent donner lieu à l’interprétation traditionnellement dite « épistémique », ou du moins à une lecture apparentée, en les comparant aux énoncés en must auxquels peut être associée une telle valeur. Parmi les exemples déjà mentionnés, reçoivent à première vue cette lecture les paires There must/has to be a reason et There must/has to be some solution to the problem (R. Quirk (1985 : 145)) ainsi que, dans le cas de must, les énoncés suivants :

(45) “What exactly is happening with Duncan?” she asked. (…) “Really not

a lot.” (…) “Well, there must be something wrong.” Jane was a pragmatist. “Or what's he waiting for? Is he married, do you think? Or perhaps it's Imogen he's after.”

(46) He is the only person getting off the bus from the town and he is looking

around, as if he is searching for someone, so it must be him. He must be looking for me.

Dans le cas de have to, nous verrons que favorisent cette interprétation des énoncés comme les suivants :

(47) “I need to know what's inside. There has to be a thing in that church,

get it? Light doesn't appear from nowhere.” “It's like a laser, sir.”

(48) “I feel so decadent, secretly observing him that way, but I often wonder

if he keeps the lights on and windows curtainless deliberately I mean, he has to know that somebody's watching.”

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2.1. Préambule

Au sein des différentes typologies proposées dans la littérature, la définition de la modalité « épistémique » apparait être la moins controversée. Pour R. Huddleston et G. Pullum par exemple, elle exprime “the speaker's attitude to the factuality of past or present time situations” et “involves qualifications concerning the speaker's knowledge” (2012 : 178). Les propos de F. R. Palmer et de J. Coates vont dans le même sens :

Epistemic modality [is] concerned with the speaker’s attitude to the truth-value or factual status of the proposition. (F. R. Palmer (2001 : 8))

“[Epistemic modality] is concerned with the speaker's assumptions or assessment of possibilities and, in most cases, indicates the speaker's confidence (or lack of confidence) in the truth of the proposition expressed.” (J. Coates (1983 : 18)).

Même si ces propos pourront être affinés afin de mieux saisir ce qui est le propre de cette valeur (nous reviendrons sur la question en 2.2.) on peut donc dire que l’on est dans le domaine du non-certain en ce qui concerne la validation/non-validation de l’ensemble de la relation, et que l’on cherche à se prononcer sur ce qui est ou non « le cas ». Comme le résume E. Gilbert, au sujet, plus spécifiquement, des auxiliaires modaux auxquels on peut associer cette valeur :

Dans cette interprétation, il est communément admis que le modal marque une estimation par l’énonciateur des chances de validation de la relation prédicative, et, autrement dit, qu’il permet d’envisager, de manière diversement nuancée, c’est-à-dire avec plus ou moins de certitude, son existence spatio-temporelle, ou, en d’autres termes, sa manifestation quantitative. (2001 : 25)

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Dans le cas de must, ces « chances de validation » sont jugées élevées et l’on est proche du certain, comme en témoignent les différentes paraphrases proposées dans la littérature pour ce modal : Il y a de fortes chances pour que… (J. C. Souesme (2003 : 104)), Il est fort

probable que… (ibidem : 105), I confidently infer that… (J. Coates (1983 : 41)) ou encore The only conclusion that I can draw is that… (F. R. Palmer (1990 : 51)).

Même si nous verrons que have to se distingue de must à plusieurs égards, ce qui nous amènera à prendre quelques distances quant à la validité de l’appellation traditionnelle « épistémique » pour définir les emplois ici en question, on pourra dès à présent relever l’un des facteurs principaux qui orientent vers cette interprétation, à savoir le type de procès auxquels renvoient les prédicats en jeu. Notons que la modalité épistémique se voit typiquement contrastée aux autres types de modalité selon les approches suivantes, qui se complètent et se recoupent en grande partie :

- “Propositional modality” vs. “event modality” (F.R. Palmer (2001 : 8))

- “Containing no element of will” vs. “containing an element of will” (O. Jespersen (1924 : 329-31), cité par F.R. Palmer, ibidem)

- “Clausal-scope indicators of a speaker’s commitment to the truth of a proposition” vs. “agent-oriented modality” (“modal meaning that predicate conditions on an agent with regard to the completion of an action”) & “subject-oriented modality” (“a speaker attempts to move an addressee to action”) (J. Bybee et S. Fleischman (1995 : 6))

On retrouve là deux points souvent corrélés : hors interprétation épistémique, la relation ne peut être tenue pour validée ou (exclusif) non validée en situation mais est validable, et/ou sa validation passe par l’intervention d’un agent (cf. “action” ci-dessus) ; à la venue à l’existence d’une occurrence peut se voir associée une valuation (positive ou négative), qu’elle émane de l’énonciateur-locuteur ou d’une autre origine énonciative, éventuellement identifiable à l’instance (agentive) responsable de la validation de cette occurrence. Les énoncés en have to donnant lieu à une lecture proche de l’épistémique, cependant, mettent typiquement en jeu des prédicats renvoyant à des procès intrinsèquement statifs et non intentionnels, comme en (47), (48) et (49) plus haut. En présence de be « existentiel », du

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verbe know et de be alive (propriété inhérente), S2, quoique renvoyant à une instance spécifique, n’a donc aucune prise sur la validation de la relation puisqu’il ne peut se voir investi d’un rôle d’agent. Ces énoncés s’opposent sur ce point à (50), qui met en jeu un procès de type « dynamique », ou à (51) qui comprend un état compatible avec la notion d’agentivité. Ce type d’exemples, que nous examinerons plus en détail ultérieurement, ne donnent pas lieu à une lecture épistémique :

(50) Jeremy won't be staying long at the party. He has to go back to work.

(51) But what he needs to do is figure out how to be aggressive because he

has to be aggressive but do it in a way that doesn't make it sound obnoxious.

De façon partiellement corrélée, il n’est pas non plus question de présenter l’existence/venue à l’existence d’une occurrence de relation comme souhaitable ou encore non souhaitable (selon les origines de point de vue). (48), repris ci-dessous en (52), se distingue ainsi d’un énoncé comme (53). Ce dernier met en effet en jeu le même verbe

know, mais celui-ci redevient compatible avec une forme d’agentivité et d’intentionnalité

dans la mesure où l’on peut associer à l’état de chose en question, qui n’est par ailleurs pas vérifié en T0, une valuation (he n’est toujours pas agent mais la venue à l’existence de he

knows passe par celle de <I/someone- tell him>) :

(52) I often wonder if he keeps the lights on and windows curtainless