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Valuation et contextes non polémiques ?

Dans le document Tentative d'analyse énonciative de "have to" (Page 151-158)

deliberately I mean, he has to know that somebody's watching.”

3. Valeur et colorations déontiques

3.2. Contextes spécifiques

3.2.5. Valuation et contextes non polémiques ?

D’autres contextes, cette fois a priori non polémiques, et ainsi plus propices à l’apparition de must qu’à celle de have to, pourront nous aider à mieux cerner et à confirmer la différence dans le fonctionnement respectif des deux formes.

Pour rappel, on peut typiquement associer à l’emploi de must dans les environnements présentement envisagés les traits suivants : l’exclusion qualitative de E est mise au compte d’une source de point de vue spécifique ; la possibilité de E n’est pas totalement évacuée ; corrélativement, la subjectivité (et la liberté d’action a priori) de la « cible » déontique, souvent identifiable au référent du sujet de l’énoncé, est en un sens préservée. Ceci permet alors au modal, en contexte intersubjectif, d’exprimer non seulement l’obligation, mais aussi un conseil, une recommandation, ou encore d’entrer en jeu dans une invitation ((185)-(189) plus bas), ce qu’autorise bien plus difficilement l’emploi de have to. Comme l’a montré E. Gilbert (2001 :67-72), si avec must la relation demeure valuée par l’énonciateur, le sujet agentif, ou la cible déontique, reste d’une part « maître de [l’] occurrence quantitative [de la relation] » (ibidem : 68), et est d’autre part susceptible d’envisager subjectivement cette relation de différentes façons possibles (valuation négative, mais aussi valuation positive ou encore indifférence) ; de là ces possibles variations interprétatives en contexte. Notons qu’un énoncé comme le suivant, qui semblerait avoir valeur d’ordre, s’en éloigne déjà en ce qu’est explicitement prise en compte dans un second temps l’éventualité d’un désaccord ou d’une opposition de points de vue avec if you don’t mind, ce qui rend l’emploi de have to difficile :

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(184) “You must leave us now, if you don't mind. What I want to talk to your

friend about is strictly private and confidential . . .” “Let her stay, ma. It doesn't matter.”

? You have to leave us now, if you don’t mind. What I want to talk to your friend about is strictly private and confidential.

Les énoncés proches des suivants, où l’on s’éloigne plus clairement de l’obligation pour se rapprocher d’une suggestion, d’une recommandation ou d’une demande détournée, avec expression d’un simple désir, font également bien plus fréquemment apparaitre must, ou d’autres formes telles que should, que have to. La substitution y est souvent refusée, ou est acceptée avec réticence :

(185) “They've asked me for ten days,” Blanche said. “It's such a lovely

house, your father and I always enjoyed going there. You must drive Eileen over to meet Bobby and Jill. I'm sure you'd like them,” she added.

?/* You have to drive Eileen over to meet Bobby and Jill. I’m sure you’d like them.

(186) “Peggy, her daughter, is at a finishing school in France and only

appears during the holidays, and Tony, who's twenty-one, is away a great deal. You must meet him next time he comes home. He's a charming person. He and Roger Kenyon are great friends.”

?/* You have to meet him next time he comes home. He’s a charming person.

(187) Bhadraa hugged Max. She let a hand rest on his chest. “You must visit

us again soon, Maxime,” she said. “Need anything for the road?” Julie asked him. “Water? Smelling salts?”

? You have to visit us again soon, Maxime.

(188) “My wife was laughing as she read “One Day Ahead” and in answer to

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book, it’s a real gem”

(-) You have to read this book, it’s a real gem.

(189) “No, no, please stay. I wouldn’t want him to think he was being dumped

here like some unwanted piece of trash.” “I’ll just have another glass of this iced tea. You must give me your recipe. This is delicious.” ? You have to give me your recipe. This is delicious.

Il s’agit de conseils, de propositions, d’invitations ou de demandes formulés spontanément, au détour de la conversation ; la validation de la relation est jugée « bonne » par l’énonciateur, et dans la plupart des cas est cette fois censée bénéficier au référent du sujet ou du moins ne pas lui nuire. Celui-ci peut toujours, cependant, la valuer négativement pour une raison ou une autre, et décider, quoi qu’il en soit, de l’amener ou non à l’existence, d’où un effet possible de simple suggestion, par exemple. Si have to est peu fréquent dans ce genre de contextes, du moins en présence de ce type de prédicats, il n’en est pas exclu, même, à la différence des énoncés envisagés en 3.2.2., hors contexte a

priori « polémique », mais l’effet produit n’est bien souvent pas le même. On pourra

comparer les énoncés suivants, représentatifs de la différence entre les deux formes :

(190) Flora beamed as Sam handed her the pies. “What a dear, thoughtful

boy you are! You must stay for dinner. Or do you have to get back to Rangering?” “No, ma’am. I can stay.” “Wonderful! Let’s take these to the kitchen. I’m baking yeast rolls.”

?/* You have to stay for dinner. Or do you have to get back to Rangering?

(191) Mom was gabbling away. “Liam, sweetheart, you haven't changed a bit!

You have to stay for a drink! You have to! Did you eat? We'll feed you. I insist. Max, you insist, too, don't you?” “ I also insist,” Max said, smiling. “Just a drink,” Liam said.

Si le premier énoncé accepte une paraphrase du type I’d like you to stay, ou it would be

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impliquant un changement de point de vue, suppose davantage you have no other choice

but to stay, et that’s the way it is (for you). (190) formule une invitation spontanée, ce qui

reste compatible avec la prise en compte, par la suite, de potentiels projets susceptibles d’empêcher l’interlocuteur de l’accepter (or do you have to get back to Rangering ?) : une reformulation en you must stay for dinner… unless you can’t stay ? est possible, et rend difficile la substitution de have to à must. En (191) en revanche, tout se passe comme si l’on était d’emblée en I, qu’il s’agisse d’abord pour l’énonciateur de montrer par ce biais que la validation de <you-stay for dinner> s’impose selon lui absolument, qu’il n’envisage même pas le départ de you (ce qui a finalement pour effet de renforcer la valuation par ailleurs perceptible, et déductible du contexte d’apparition) ou, ce qui est ici corrélé, de retirer par avance à l’agent toute liberté de valuer (positivement ou négativement) la relation et toute possibilité de valider E, par anticipation d’un éventuel refus. C’est sans doute au même dessein que les propriétés de have to se voient exploitées dans des énoncés du type de (150) mentionné en tout début de partie, dans lesquels aucune opposition intersubjective ou aucune réticence n’est marquée dans le contexte précédent, mais que l’on anticiperait et/ou chercherait à prévenir.

On relève d’autres énoncés mettant en jeu des prédicats similaires à ceux apparaissant au sein des exemples (185) à (189) avec must, mais dans lesquels on dépasse toujours, à différents niveaux, la simple suggestion ou le conseil :

(192) Then, to my horror, she turned back to the door. “Daniel, do stop

sulking out there and come and say hello. I promised we’d go walking in two seconds, but you have to meet this fascinating female detective.”

(193) The jail in which Thomas was housed was even more famous than he

was. I had heard of it as far back as Mexico, even before I'd heard of Thomas. “When you're in Bolivia, you have to visit the prison,” a blonde Canadian traveller had advised me in all seriousness. “What for?” I asked. “It’s unbelievable. The inmates have jacuzzis and the Internet, and they grow marijuana on the rooftop.”

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(194) “Jonathan Rauch's reasoned and passionate brief for gay marriage, his

wholehearted embrace of the obligations and traditions of marriage itself, and his compelling cautions against civil union alternatives to marriage will stand as a defining argument in the upcoming struggle over same-sex marriage. Agree or disagree, you have to read this book!” – Barbara Dafoe Whitehead

La valeur adverse n’est toujours ni envisagée par l’énonciateur, ni envisageable pour le référent de you et co-énonciateur. De ce dernier point de vue, l’énonciation peut en partie répondre à la possibilité, prise en compte dans le contexte avant, que celui-ci value positivement une autre valeur que celle dont have to impose la validation (go walking en (192), conformément aux plans préalables), ou qu’il value négativement la relation en question (voir agree or disagree en (194)). Mais puisque l’intersubjectivité et la subjectivité de you ne sont, contrairement à ce qui se passe avec must, plus vraiment préservés, le propos tend également à se déplacer, le but étant aussi, à différents degrés, de qualifier par un tel biais le terme but en position de complément, soit This (fascinating)

female detective, the prison et this book, « d’incontournables » (voir la justification en

(193)), ceci potentiellement pour tout individu. C’est en (194) que cet effet est le plus marqué dans la mesure où le livre en question est au centre du propos préalable et où, hors contexte interlocutif à proprement parler, la valeur référentielle de you est d’entrée de jeu plus quelconque que spécifique, mais il reste perceptible dans un énoncé comme (193)63. L’emploi de have to ne pose d’ailleurs plus problème avec ce type de prédicats dès lors que l’on sort du contexte interlocutif au sens strict (you prend alors une référence indéterminée, quelconque) et que le terme but correspond visiblement au thème du discours, comme c’est le cas dans les titres d’articles suivants dans lesquels have to apparaît au sein d’une proposition relative, dont est mis en valeur l’antécédent :

(195) 25 Amazing Places in Eastern Europe You Have To Visit.

(196) Here Are The 20 Dishes You Have To Eat In New Jersey Before You

Die. (…) Some are strange, other spectacular, but each is an experience

63 Où when you’re in Bolivia maintient aussi l’ambivalence spécificité (quand tu seras…il faut absolument que tu…) / généralité ((quand on est) en Bolivie, il faut absolument…).

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in itself. Please note that this list is in no particular order, every dish is incredible and can’t be missed.

(197) Eight absolutely unputdownable books you have to read.

La valeur dite « déontique » a plutôt jusqu’à présent été envisagée sous l’angle d’un rapport inter-sujets direct, au sein d’un cadre dialogique. Cet environnement donne quasi-systématiquement lieu à cette interprétation dans les énoncés en must. Ceci n’est pas le cas des énoncés en have to, et l’on n’aboutira à une lecture apparemment similaire, du moins à première vue, que si l’existence d’une valuation positive émanant de l’énonciateur est déductible du contexte (phénomènes d’appropriation subjective, connotations positives du prédicat, etc.) et s’il y a par ailleurs confrontation préalable des valuations ou des points de vue (ce qui accentue par suite l’effet de « prise en charge » de la prédication, même si l’on se fait éventuellement le relais de normes supérieures). Ce cadre justifie l’emploi de have

to : en posant S2 comme repère effectif d’une relation (dont il constitue l’un des arguments) dont la validation est en suspens mais dont une seule valeur, I, est a priori qualitativement distinguée, il vient dans ces conditions bloquer la validabilité, préalablement envisagée en contexte, de E (ce qui se traduit typiquement par une absence de choix, de liberté de l’instance agentive) et éventuellement la validité d’un premier point de vue (E n’est pas envisageable, concevable, car incompatible avec telle ou telle donnée). L’emploi de must, à l’inverse, n’est pas soumis à ces contraintes particulières. Ces différences de fonctionnement se révèlent plus avant dans les environnements mettant en jeu des termes qui n’ont pas de valeur référentielle spécifique, mais dans lesquels certains auteurs maintiennent toutefois la possibilité d’une lecture proche du déontique, en évoquant alors une « obligation générique ». C’est vers ces énoncés que nous nous tournerons à présent.

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