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VALORISATION DE LA TRÉSORERIE RETENUE PAR LES

INVESTISSEURS

McDonald (2006) indique que pendant la période de croissance des années 1990, les acquisitions proliféraient entrainant une pression pour la disponibilité de la trésorerie nécessaire pour financer la croissance soutenue. Lorsque la vague des acquisitions s’est estompée après les années 1990 jusqu’avant le début de la crise financière de 2008, les entreprises semblent avoir accumulé la trésorerie puisque les dirigeants ne veulent pas réaliser les transactions onéreuses ou bien prendre des risques qui pourraient entraver le rendement des investisseurs pour les années futures. Cette attitude semble prudente, toutefois, retenir de la trésorerie au lieu de l’investir dans les opérations courantes risque de ne pas maximiser la création de la valeur pour les actionnaires. Ces derniers préfèrent en général que la trésorerie disponible soit investie dans les activités à haut

rendement pour tenir compte du coût d’opportunité, à défaut de leur être redistribuée comme dividendes, rachat d’actions ou rachat de dettes.

Les variations observées dans l’estimation de la valeur marginale d’un dollar additionnel retenu par les entreprises semblent énigmatiques. Pinkowitz et Williamson (2002) nous indiquent selon leur étude qu’un dollar additionnel retenu est en moyenne évalué par les investisseurs entre 0,94 dollar et 0,97 dollar (avec une marge d’erreur de 0,13 dollar, pouvant ainsi engendrer soit un escompte ou une prime de liquidité. L’estimation de la valeur minimale et maximale d’un dollar varie donc entre 0,81 dollar (soit 0,94-0,13) et 1,10 dollar (soit 0,97+0,13). L’explication de la prime de liquidité quant à elle pourrait être triviale même si nous ne nous limitons qu’aux seuls motifs de transaction et de précaution qui justifient la détention de la trésorerie. L’avantage que revêt la disponibilité de la trésorerie pour la stabilité économique des organisations auquel la prime de liquidité serait inhérente pourrait contribuer à rapprocher la valeur fondamentale de l’actif de son prix tel qu’observé sur le marché contribuant ainsi à réduire la volatilité du cours de certains titres. Contrairement à la prime, il n’est pas aisé de comprendre l’existence d’un escompte de liquidité. Myers et Rajan (1998) indiquent ainsi que la trésorerie est un actif paradoxal.

1.2.1. Valeur de la trésorerie détenue et le prix

En accord avec Pinkowitz et Williamson (2002), nous avons mentionné que la valeur minimale et maximale d’un dollar additionnel accumulé au bilan d’une entreprise était estimée par le marché à 0,81 dollar et 1,10 dollar au niveau de la valeur marchande de la firme, contribuant ainsi à créer la volatilité observée au niveau de la valorisation boursière de l’entreprise même si cet actif est dit non risqué. Sur la base de ce constat, De Bondt, Muradoglu, Shefrin et Staikouras (2008) concluent qu’il pourrait y avoir un décalage entre la valeur fondamentale, la performance économique réelle des organisations et les prévisions des analystes financiers. En effet, l’espérance de rendement de la décision de retenir de la trésorerie augmentant ainsi son niveau d’actifs

liquides dits sans risque semble dévier des prévisions du modèle du MEDAF selon lequel il aurait fallu obtenir le taux sans risque pour cet actif non risqué.

En somme, l’existence de la prime ou d’un escompte de liquidité pourrait être à la base de la disparité entre la performance fondamentale et la performance financière soutenant la volatilité des cours boursiers. Cette volatilité ne pourrait-elle pas trouver ses fondements dans l’attitude des investisseurs face à l’incertitude? La section suivante tentera d’apporter un éclairage sur cette question.

1.2.2. Anticipations des investisseurs ou des dirigeants

Un autre problème qui se pose lorsque les dirigeants retiennent de la trésorerie est la capacité des investisseurs à anticiper les intentions d’utilisation future afin d’accorder la juste prime ou escompte de liquidité. Robson (2002) explique que les décisions, au lieu d’être rationnelles, pourraient se fonder sur de mauvaises perceptions, sur l’excès de confiance, sur l’optimisme ou sur la pensée positive. En guise d’illustration de la pensée positive ou de l’excès de confiance, les gestionnaires peuvent avoir une appréciation erronée de leur capacité à anticiper les réactions des investisseurs ou du marché en décidant de retenir la trésorerie. Les investisseurs quant à eux peuvent avoir une appréciation erronée de leur capacité à anticiper les intentions ou réactions des gestionnaires ou du marché en évaluant l’escompte ou la prime de liquidité. Dans leur processus de prise de décision visant à déterminer la juste prime, l’escompte rationnel ou à maximiser la valeur, chacune des parties va chercher à exploiter les imperfections ou les anomalies de l’autre partie en anticipant détenir une information supérieure à cause de la pensée positive ou de l’excès de confiance. Dans cette perspective d’anticipation des parties, la perception du risque est souvent évoquée pour supporter les décisions des investisseurs par rapport à la pondération qu’ils attribuent soit à la prime ou à l’escompte de liquidité.

Le courant classique, dit objectif, suppose que les anticipations des investisseurs seraient rationnelles à cause des capacités cognitives jugées illimitées. Le courant subjectif suppose quant à lui, que le processus de décisions des investisseurs peut être influencé par le comportement individuel ce qui peut entrainer des sous ou sur évaluation de la prime ou de l’escompte de liquidité. Bertrand et St-Pierre (2011) indiquent que le courant classique estime que la réaction face au risque est objective alors que le courant subjectif suppose que cette réaction est subjective. Schwert (2002) nous indique que cette réaction subjective face au risque peut créer des écarts par rapport aux prévisions de prime ou d’escompte de liquidité issues des modèles financiers classiques objectifs qu’on qualifie d’anomalies. Bertrand et St-Pierre (2011) affirment que l’évaluation du risque ne peut être dissociée de l’attitude de l’investisseur face à l’incertitude, approche qui semble être négligée dans l’approche classique. Le débat semble donc encore ouvert en ce qui concerne l’approche d’évaluation du risque pour mieux estimer la juste prime et le juste escompte de liquidité.

Nous pouvons ainsi déduire que si l’approche d’évaluation du risque ne tient pas compte de l’attitude des investisseurs face à l’incertitude, il pourrait résulter des écarts ou anomalies dans leur décision selon les prévisions des modèles financiers classiques entre autres à cause des biais comportementaux. Comme l’indiquent Schwert (2002) et Robson (2002), les biais comportementaux ou psychologiques comme les croyances, les préférences, les motivations, les sentiments etc. sont inhérents à la nature humaine et influenceraient les décisions individuelles qui ne seraient donc pas objectives ou pourraient dévier des prévisions d’une décision rationnelle. L’anticipation de telles anomalies dans le processus de prise de décision qui peut être sujet à des anomalies ou biais comportementaux suscitera des mécanismes de protection de la part de toutes les parties, perpétuant ainsi les écarts en cause.

1.3. LA TRÉSORERIE ET LES MÉCANISMES DE PROTECTION FACE AUX