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LES PARADIGMES DE RECHERCHE ET LA MÉTHODOLOGIE RETENUE

3.3.1. Définition d’un paradigme

Pour Bédard (2004), un paradigme « c’est une conception théorique dominante reconnue par la communauté scientifique. Le recours à des paradigmes est au chercheur ce qu’est le recours à des outils pour l’ouvrier. En fait, l’utilisation d’un paradigme offre un guide logique et pratique pour l’organisation de la recherche ». Prévost (2009) abonde dans le même sens pour qui un paradigme serait une conception générale de la réalité qui détermine entre autres quelles questions sont à étudier, comment les analyser, comment les approcher. Un paradigme serait comme le chemin retenu qui mène vers le savoir scientifique. Selon Johnson et Onwuengbuzie (2004), à l’état actuel des choses, on parlerait d’une trilogie de grands paradigmes en recherche à savoir : la recherche qualitative, la recherche quantitative et la méthode mixte de recherche, autour de laquelle il existe des débats de puristes pour la primauté d’une méthode par rapport aux autres.

3.3.2. Le débat entourant les paradigmes en recherche

Que considère-t-on aujourd’hui comme la science? Chalmers (1988) mentionne ironiquement, selon un point de vue communément admis sur la science, que «le savoir scientifique est un savoir qui a fait ses preuves. Les théories scientifiques sont tirées de façon rigoureuse des faits livrés par l’observation et l’expérience. Il n’y a pas de place dans la science pour les opinions personnelles, goûts et spéculations de l’imagination. La science est objective. On peut se fier au savoir scientifique parce que c’est un savoir objectivement prouvé ». Cette approche traditionnelle du savoir scientifique a suscité et entretenu des débats autour de ce qui serait une approche idéale de recherche.

Aux dires de plusieurs chercheurs dont Johnson et Onwuengbuzie (2004), pendant plus de cent ans et même encore de nos jours, nous avons assisté à la guerre des paradigmes

ou la thèse de l’incompatibilité des approches de recherche. Les disputes ont souvent opposé les puristes de la philosophie positiviste ou objectiviste (souvent favorable aux approches hypothético-déductives quantitatives) contre le camp de la philosophie constructiviste interprétative ou subjectiviste (souvent favorable aux approches holistico inductives qualitatives), chaque camp tentant de faire croire que leur approche de recherche serait idéale et alléguant que les approches quantitative et qualitative étaient incompatibles. De même, dans cette guerre de dogmes, Hanson, Creswell, Clark, Petska, et Creswell (2005) nous rappellent le vieil adage selon lequel certains chercheurs penseraient qu’une méthode spécifique doit être basée sans équivoque sur la question de recherche. Et Johnson et Onwuengbuzie (2004) renchérissent ironiquement le débat en écrivant que les observations en sciences sociales devraient être étudiées de la même façon que les phénomènes de la science physique selon les puristes de l’approche quantitativiste.

Pour Chalmers (1988), la conception traditionnelle du savoir scientifique qui idéaliserait l’approche objective et l’approche mono méthode en soutenant la thèse de l’incompatibilité remonterait de la révolution scientifique du XVIIe siècle et serait l’œuvre des grands pionniers que furent Galilée et Newton. Chambers (1988) continue en faisant remarquer que pour le philosophe Francis Bacon, pour comprendre la Nature, il faut consulter la Nature elle-même et non les écrits d’Aristote. La science est une construction bâtie sur les faits. Chalmers (1988) semble ainsi légitimer l’approche subjective procédant par l’induction18 comme démarche acceptable vers le savoir scientifique au même titre que l’approche objective. Mathieu (2009) nous invite à une certaine prudence dans le même esprit que Johnson et Onwuengbuzie (2004), car dit- elle « Certains prétendent que la recherche inductive nécessite une ouverture d’esprit, une connaissance accrue du terrain, qu’elle est plus complexe à mettre en œuvre que la recherche déductive, ancrée dans un ‘carcan’. D’autres évoquent que la recherche

18 Le type de raisonnement qui, à partir d’une série finie d’énoncés singuliers, aboutit à légitimer un

énoncé universel, qui fait passer du particulier au général, est appelé raisonnement inductif, le processus lui-même étant l’induction (Chalmers, 1988).

« inductive » ne permet pas d’avoir une assise solide des résultats produits ». En lien avec Johnson et Onwuengbuzie (2004), nous verrons que l’approche pragmatique que nous privilégierons dans notre démarche, perspective parfois qualifiée d’approche pluraliste, permet d’opter pour une solution pratique, l’approche qui marche, loin des débats puristes dualistes autour des différents paradigmes.

3.3.3. La méthodologie de recherche retenue

Aux dires de Mathieu (2009), les apports des divers paradigmes de recherche sont complémentaires et tout aussi pertinents les uns que les autres. Le plus important est non pas de critiquer l’une ou l’autre des recherches, mais plutôt de garder un esprit critique par rapport à ce qu’elles génèrent. Loin des débats entourant la thèse de l’incompatibilité, nous convenons de retenir la thèse de la compatibilité qui adhère plutôt à une approche pragmatique et optons pour une méthodologie mixte pour notre recherche. Rappelons que la méthode mixte est une avenue très prometteuse en recherche en ce sens qu’elle utilise les forces des paradigmes mono méthode en limitant l’impact de leurs faiblesses. L’approche du « modèle mixte » où les différentes approches sont appliquées à toutes les étapes de la recherche est différente de l’approche « méthode mixte » que nous avons préférée puisque, conformément à son précepte, la dualité de l’approche se limite principalement au niveau de la collecte et de l’analyse des données.

Prévost (2009) indique, selon l’approche pragmatique en recherche qui nous inspire, que les chercheurs sont libres d'utiliser les méthodes les plus appropriées pour répondre à leur question de recherche. L'important, l'essentiel, c'est la pertinence des résultats. En d’autres termes, la vérité c’est ce qui marche. Robson (2002) quant à lui utilise l’expression ‘approche de recherche flexible’19 dans le sens d’une méthodologie mixte

comme démarche de recherche possible en sciences sociales par opposition aux approches fixes ou mono méthode.

Les figures 3.2 et 3.3 nous montrent que cette approche mixte est adaptée dans divers types de recherches comme la nôtre qui, même si notre objectif de recherche est qualitatif, commande une collecte de données quantitatives qui seront utilisées dans le cadre de l’analyse qualitative. Notre type recherche correspondrait donc au modèle 3 de la figure 3.2 sur les designs de recherche tiré de Johnson et Onwuengbuzie (2004), c’est-à-dire une recherche qualitative avec collecte de données quantitatives en vue d’une analyse qualitative. Ainsi, selon ce modèle 3, lorsqu’on tient compte du facteur temporel, étant donné que la collecte des données quantitatives moins prédominante précède l’analyse qualitative qui est l’approche dominante, notre recherche serait équivalente à la variante « quan QUAL » (méthode mixte principalement qualitative avec analyse de données quantitatives) de la figure 3.3 qui est une matrice de décision temporelle de pondération dans la méthodologie mixte tiré de Johnson et Onwuengbuzie (2004).

Figure 3.2

Design de recherches mono et mixte méthodes

Figure 3.3

Matrice de décision de pondération dans la méthodologie mixte

Source: extrait de Johnson et Onwuengbuzie (2004)

L’objectif ultime de notre recherche est d’explorer pour mieux comprendre comment la perception de la rétention de la trésorerie pourrait affecter la VEA. La nécessité de connaître « quels » sont les déterminants de la rétention de la trésorerie perçus et pris en compte par les analystes financiers dans leur processus d’évaluation de la performance financière des entreprises justifie le recours à la collecte des données quantitatives. L’analyse des déterminants colligés permettra ensuite d’analyser qualitativement leur nature pour tenter de mieux comprendre leur impact sur la création ou la destruction de la VEA et/ou sur le prix observé des actions.