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Les comportements des agents économiques et le niveau de trésorerie

2.7. LA RÉTENTION DE LA TRÉSORERIE ET LA PERCEPTION DU RISQUE

2.7.4. Les comportements des agents économiques et le niveau de trésorerie

Selon Bertrand et St-Pierre (2011), les comportements des investisseurs semblent négligés dans le processus d’évaluation du risque surtout dans la conceptualisation objective qui est dominante malgré l’incertitude qui devient de plus en plus importante dans le contexte économique actuel. Par exemple, toutes les valeurs futures du taux d’intérêt ainsi que les variations futures des prix ne peuvent être connues d’avance avec certitude, ce qui implique qu’on ne pourrait pas savoir de façon certaine s’il est plus avantageux en termes de création de la valeur de conserver la trésorerie ou d’investir dans une autre activité. Au-delà de ces considérations, il est encore plus difficile de

prévoir les intentions, les comportements futurs des agents ainsi que les évolutions de l’environnement économique. À cause des limites des capacités cognitives et de la complexité de l’environnement, certains investisseurs comme les dirigeants vont recourir à des simplifications heuristiques qui peuvent biaiser leurs décisions ou jugements comme le reconnait Ritter (2002). L’exemple ci-dessous de Digital Equipment et d’Apple que nous donnent Govindarajan et Gupta (1998) est simplement captivant :

In 1977, Kenneth Olsen, the founder and chief executive of Digital Equipment, then the world’s second-largest computer company, observed that ‘‘there is no reason for any individuals to have a computer in their home’’ The same year, Steve Jobs and Steve Wozniak incorporated Apple Computer and launched the personal computer revolution. The rest, as the cliche goes, is history (Govindarajan et Gupta, 1998, p.1).9

Face à l’incertitude, affirme Diemer (2002 b), l’élément déterminant du choix d’un agent sera l’écart entre les taux ou prix courants et anticipés et il va chercher à tirer parti du fait qu’il croit connaître mieux que les autres les tendances futures des taux et de la variation des prix. Ces décisions influencées par les croyances sont parfois fondées sur des facteurs pas nécessairement rationnels comme l’humeur, le sentiment, la confiance, l’aversion au regret. Prenons par exemple l’aversion au regret pour illustrer notre propos voulant qu’il soit possible que le niveau de trésorerie soit relatif aux facteurs comme l’aversion au regret. En effet, cette notion soutient que les investisseurs ou les dirigeants prendraient certaines actions (exemple retenir de la trésorerie) juste pour éviter le regret de n’avoir pas agi advenant une situation adverse. Ainsi, certains investisseurs ou entreprises prendraient certaines décisions populaires simplement pour ne pas avoir à regretter de n’avoir pas fait comme la majorité, sans se

9 En 1977, Kenneth Olsen, fondateur et chef de la direction de Digital Equipment, alors deuxième plus

grande entreprise informatique au monde, a déclaré que «il n'y a aucune raison pour qu'un individu ait un ordinateur à la maison». La même année, Steve Jobs et Steve Wozniak a incorporé Apple Computer et lancé la révolution de l'ordinateur personnel. Le reste, comme dit le cliché, est de l'histoire.

baser sur une information fondamentale comme dans l’exemple de l’achat du Papier Commercial Adossé aux Actifs (PCAA) « Il y a une affaire qui se dit dans le marché du placement: "si c'est bon pour la Caisse de dépôt de placement du Québec, c'est bon pour moi"»10. Cette attitude que Ritter (2002) qualifie de « comportement de mouton ou de masse »11 pourrait supporter le phénomène de l’attitude du mouton de Panurge où les individus auraient tendance à suivre la masse au lieu de prendre leur propre initiative.

L’illustration suivante permet de comprendre l’impact de l’humeur et des anticipations de l’espérance de taux de rentabilité du marché des actions (E(Rm)) des investisseurs sur le niveau de trésorerie. Selon notre compréhension, lorsque sur le marché les agents investisseurs sont pessimistes (les agents anticipent un taux de rendement futur inférieur au taux courant), les opportunités de gains de rendement étant plus faibles, il serait plausible de s’attendre que la rétention de la trésorerie ait moins d’impact sur le taux de rendement exigé par les investisseurs (donc E(Rm) faible). À contrario, si les agents sont optimistes avec des espérances de rendement élevées (donc E(Rm) élevé) (en anticipant des taux futurs supérieurs au taux courant), il serait possible qu’un niveau de trésorerie élevé déviant d’un seuil optimal soit associé à une espérance de rendement plus élevé. Le tableau 2.4 quant à lui représente un sommaire de la valeur marginale de la trésorerie additionnelle suivant son utilisation.

10 source http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie-Affaires/2009/05/03/001-Caisse-papiers- risques.shtml, consulté le 13 septembre 2014.

Tableau 2.4

Valeur marginale de $1 selon 1’utilisation

12 La liquidité d’une entreprise a un coût : les intérêts gagnés sur l'encaisse corporative sont souvent

imposés à un taux plus élevé que les intérêts gagnés par les particuliers. En outre, la trésorerie peut fournir des fonds aux gestionnaires pour investir dans des projets qui offrent des avantages non pécuniaires, mais détruisent la valeur pour les actionnaires (Faulkender et Wang, 2006).

B

il

an Utilisation Hypothèses Valeur marché ou impact

Facteurs de risques + $1 $ plus susceptible d'être distribué aux actionnaires par le biais de dividendes et/ou de rachats d’actions Entreprises dont la réserve de trésorerie semble dépasser largement leurs besoins dans un avenir prévisible Valeur marginale peut-être sensiblement inférieure à 1 $ [(1- taux impôt) fraction qui se retrouve dans les mains des actionnaires]

Variation du taux d’impôt.

La valeur marginale du $ décroît avec la croissance du niveau de liquidité détenu. En effet, lorsque la situation de trésorerie s’améliore, les entreprises deviennent plus susceptibles de distribuer les liquidités et moins susceptibles d’accumuler ou de lever les fonds.12

Rembourseme nt dette ou autres passifs

Ratio D/E élevé

Le marché des actions placera une valeur inférieure sur un dollar

supplémentaire de liquidités pour les entreprises plus endettées par rapport à celles moins endettées

Si une entreprise utilise sa liquidité pour payer sa dette ou autre passifs, une petite augmentation des réserves de trésorerie va partiellement à l'augmentation de valeur de la dette, non seulement à l'augmentation de la valeur de l’équité (d’où l’escompte de liquidité observé)

Ratio D/E faible

Le marché des actions placera une valeur supérieure sur un dollar

supplémentaire de liquidités par rapport à une entreprise plus endettée

Pour les entreprises avec un ratio d’endettement faible et donc une dette moins risquée, une augmentation de la position de trésorerie de l'entreprise a très peu d'impact sur la probabilité que les détenteurs de la dette soient payés dans son intégralité au détriment des actionnaires. Existence d’opportunités d’investissem ent à valeur ajoutée Besoin de lever les fonds sur les marchés de capitaux à cause du niveau de trésorerie interne faible Valeur $1 > $1

La valeur exacte serait réduite des coûts directs et indirects de transactions rattachés à l’accès au marché des capitaux si l’entreprise avait recours à des fonds externes.

Si Niveau Trésorerie interne

élevé Valeur $1 < $1

Parce que l’entreprise devrait plus avoir tendance à distribuer les fonds et moins enclin à augmenter ses liquidités

Contrainte

financière élevée Valeur $1 > $1

Sans $ additionnel, le risque serait plus élevé pour les entreprises moins contraintes financièrement et pouvant lever facilement les $ à l’externe sur le marché des capitaux Inspiré de Faulkender et Wang (2006)

Ainsi, comme il en ressort du tableau 2.4 sur le sommaire de la valeur marginale d’un dollar additionnel en fonction de l’utilisation et des facteurs de risques, un faible niveau d’endettement de même que l’existence d’opportunités d’investissements à forte valeur ajoutée améliorent la valorisation de la trésorerie additionnelle. En accord avec Faulkender et Wang (2006), l’escompte de liquidité associé aux entreprises ayant un ratio de dettes élevé est cohérent avec l’hypothèse de la structure du capital.