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pour valider les prétentions ducales mais attestent même positivement que les Comtes et les Ducs de Savoie n'ont pas réussi à empiéter sur la ville

et qu'ils n'ont jamais été « Seigneurs ny souverains» de la Cité. Il conteste en particulier toute valeur aux concessions impériales produites par les ducs

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il les considère comme «nulles et obreptives », vu qu'elles avaient été accordées « sans ouir ceux qui y ont intérest »

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et insiste, comme cela se devait, sur les sentences, bulles et diplômes des empereurs Frédéric (de 1154, 1162 et 1186), Charles IV (de 1367), Wenceslas (de 1400) et Sigismond (de 1430) qui tous, selon Colladon, ont reconnu que la «ville»

était une cité « franche et libre et exempte de toute subjection et souveraineté sauf de l'Empire»

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Il n'oublie pas non plus de rappeler les bulles des Papes qui avaient approuvé et confirmé celles <lesdits empereurs

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et de mentionner au moins brièvement les « sentences et accords » et les « lettres et actes » qui, faits au cours des négociations des évêques avec les Comtes de Genevois ou avec les Ducs de Savoie, ont «confessé» la «souveraineté,

243 Cf. Colladon, «Avis», p. 2-25.

244 Il s'agit surtout de la bulle de l'empereur Charles IV, accordant en 1365 le vicariat à Amédée VI, comte de Savoie, et d'une bulle de l'empereur Charles-Quint de 1528, confirmant au duc son droit de vidomnat.

245 Voyez dans ce sens déjà les instructions données en 1560 à l'ancien syndic Bertrand, député à Berne (cf. Gautier, I.e., IV, p. 317 ss.), et l'avis (cité supra) du jurisconsulte Hotman.

246 Les sentences et diplômes desdits empereurs concernant Genève jouent un rôle primordial dans la lutte de la Seigneurie pour établir sa souveraineté. Elle les invoque régulièrement pour contester les prétentions savoyardes.

247 Colladon ne mentionne qu'une bulle du pape Félix; le mémoire présenté en 1565 à l'Electeur Palatin est beaucoup plus détaillé; cf. Gautier, I.e., IV, p. 512.

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les droicts et régales et la souveraine Jurisdiction de Genève» 248 Pour Colladon, en effet, «lesdites libertés et franchises », tout en étant établies au nom des évêques de la cité, n'étaient attribuées ni à leurs personnes ni à leur dignité d'évêques, mais à la cité même, à « tout le peuple et estat dicelle », l'évêque n'étant que le « représentant» de la cité et comparable à un « tuteur ès biens de son pupil 24sa ».

La prétention des Ducs de Savoie à la souveraineté sur Genève réfutée, Germain Colladon établit, dans la seconde partie de son mémoire, qu'ils n'avaient non plus « aucun titre tant petit que ce soit » pour revendiquer la propriété ou simplement la possession et jouissance du vidomnat, office en vertu duquel son titulaire, le vidomne, participait, on le sait, à l'exercice de la justice de la ville, à côté de l'évêque et des syndics 219

A cet égard Colladon expose tout d'abord, en confirmant entièrement la thèse invariablement soutenue par la Seigneurie, que le vidomnat appar-tenait'. à l'évêque 250Il explique, que ce « simple office» de peu de chose 251

« despendait totalement de l'autorité dudit évesque » et relève que les ducs non seulement «n'ont jamais monstré ... quelque octroy dudict office en ladicte cité» 252 mais n'ont même pas pu l'acquérir valablement, vu que

«les éve&ques selon les constitutions impériales et canoniques ne pouvaient rien aliéner ny attribuer à d'autres de ce mesmes qu'appartenait à leur église » 253En d'autres termes, Colladon conteste, mais sans le dire expres-sément, la légalité de l'acte par lequel, en 1290, à la suite du traité d' Asti, Guillaume de Conflans avait inféodé le vidomnat au Comte de Savoie

248 Colladon ne donne pas de précisions.

24sa Ce raisonnement (Avis, p. 21 ss.) reflète clairement l'esprit municipal de Colladon.

Les délégués genevois aux différentes Journées et Conférences s'étaient bornés à déclarer, que les seigneurs de Genève «avaient été mis à la place de l'évesque ... par la suite de la guerre injuste que le duc leur avait suscitée». Sic à la Journée de Lausanne en 1564 et à la Conférence de Saint-Julien en 1565; cf. Gautier, 1. c., IV, p. 470, 493.

249 Cf. Frédéric Gardy, Genève au XVe siècle, Histoire de Genève, 2e partie, chapitre V, p. 143.

250 Cette thèse fût soutenue déjà en 1526 par les Conseils de la ville (cf. Gautier, I.e., Il, p. 275) et défendue ensuite âprement depuis la Journée de Payerne en 1530, toutes les fois que le duc de Savoie exigeait le rétablissement du vidomnat.

251 Colladon tend manifestement à minimiser l'importance du vidomnat («un si bas office», dit-il, dans son «Discours » de 1589, fol. 211) pour en déduire qu'il ne pouvait pas servir au duc «pour s'attribuer la jurisdiction souveraine» sur la ville ou pour déroger «aux libertés, franchises et estat d'une cité impériale».

252 Ce qui paraît exact, car si les ducs avaient produit leurs titres concernant le vidomnat, ils auraient fait connaître qu'ils n'étaient pas les «souverains» de la cité.

Voyez dans ce sens déjà Gautier, I.e., Il, p. 325.

253 Colladon répète ce même argument dans son «Discours» de 1589, fol. 211.

COLLADON A GENÈVE

Amédée V 254, et constate par conséquent que les ducs n'ont obtenu «aucun droict ny titre» mais une «possession contre droict et bonne foy, n'estant légitime ny bien fondée», une possession tout au plus «temporelle et pré-caire», une maîtrise donc que Colladon qualifie du terme d'« usurpa-tion» 255Affirmant en outre que le choix et la constitution de vidomnes par les ducs ne sont pas suffisants pour «rendre raison d'avoir un tel office en ladicte cité», et précisant du reste que ni le port d'une «livrée de Savoye», ni l'emploi des armoiries savoyardes, ni même la reddition des comptes à Chambéry par des vidomnes ou leurs officiers ne pourraient « servir de titre» aux ducs, Colladon peut enfin conclure que les ducs n'ont aucune

«juste raison » pour exiger d'être « remis en possession dudict office de vidomnat » 256Il le leur dénie d'autant plus que d'une part la Seigneurie est à même de « monstrer tout promptement» que le vidomnat « estoit et dépendait de son Evêsque ~eulement » et que d'autre part les ducs ne peuvent pas objecter d'avoir été spoliés de cet office «par force et violence»:

Colladon estime en effet« qu'aucune violence n'a esté faicte contre Monsieur de Savoye» et ajoute encore que «ceux de la cité» pourraient en tous cas se servir de la règle « vim vi repellere licet » et faire valoir d'avoir agi en légitime défense, « ce que le droict naturel et commun permect à tous » pour «maintenir et défendre leur liberté contre ceux qui (comme les ducs) la vouloyent enfreindre et usurper sur eux une domination tyrannique».

De longs développements de notre mémoire 257 concernent enfin la

« sentence », rendue à Payerne en 1530 par les Suisses, qui avait, on le sait, prévu la restitution au Duc de la possession du vidomnat 258Elle aussi ne peut pas, réplique Colladon, appuyer les prétentions ducales. Il estime qu'elle était «momentanée et provisionnelle» puisqu'elle autorisait la Seigneurie à produire des droits sur le vidomnat, et il insiste surtout sur sa réserve expresse «que le Duc n'entreprendroit rien au préjudice de la paix, libertés et franchises (de Genève et de ses citoyens) mais leur en baille-roit assurance». Or, conclut Colladon, le Duc a totalement contrevenu à

254 Cf. Gautier, I.e., 1, p. 152; 276; Henri Grandjean, De la féodalité à la comm1111auté, Histoire de Genève, 2• partie, chapitre IV, p. 108.

255 Colladon l'affirme également dans son «Discours» de 1589, fol. 211 Du même avis le mémoire présenté en 1565 à l'électeur palatin, et aussi Michel Rosel à l'occasion de la Journée de Nyon en 1568; cf. Gautier, I.e., IV, p. 512; V, p. 6.

256 Hotman partage entièrement cette conclusion; voyez son «Avis» de 1579 précité.

257 Cf. Colladon, «Avis», p. 38-49.

258 Cf. Gautier, I.e., II, p. 306; Naef, L'émancipation politique et la Réforme, Histoire de Genève, 1, 2• partie, chapitre VII, p. 192 ss.

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ces réserves et cautions et « directement fait tout le contraire, tellement