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I.1.1 Un profond renouvellement des connaissances sur le Magdalénien des environs de Pin-

cevent

Ces 15 dernières années ont été particulièrement bénéfiques pour l’archéologie de tout le Tardiglaciaire du sud du Bassin parisien, et en particulier pour l’étude du Magdalénien. Beaucoup de découvertes récentes se sont produites aux environs de Pincevent dans un secteur où l’on ne connaissait comme autre site magdalénien que Ville-Saint-Jacques, à 1 km à peine en bordure de plateau (Degros et al., 1994) (fig. 1 et 2). C’est un peu en

Habitats et peuplements tardiglaciaires du Bassin parisien Extraits d'un article sur le niveau IV0 à Pincevent

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amont, aux abords de la confluence entre Seine et Yonne, que diverses opérations préventives du début des an- nées 1990 ont révélé une concentration exceptionnelle d’occupations, toutes attribuées également au Magdalé- nien récent. Ce sont d’abord les diagnostics préalables à la construction de l’autoroute A5 qui ont livré au Grand Canton à Marolles-sur-Seine un vaste établissement exploré sur au moins 1500 m2 divisés en 3 locus. Il est composé de multiples unités établies par de petits groupes de chasseurs qui semblent s’être succédé sur le site à diverses saisons de l’année (Julien, Rieu (éds), 1999). Activité dominante, la chasse aux chevaux y fut complétée par l’abattage de quelques rennes (Bémilli, 1994 ; Bridault, Bémilli, 1999 ; Bignon, 2003). La même orientation cynégétique s’observe en général sur les différents secteurs du site immédiatement voisin du Tureau des Gardes à Marolles-sur-Seine (Bémilli in Lang, 1998 ; Bridault et al., 1997). Fouillée en diverses tranches de 1991 à 1998 par l’équipe archéologique de La Bassée, cette vaste gravière a révélé 10 locus plus ou moins riches et répartis sur plus de 11 hectares (Lang, 1998). À ces deux sites majeurs, s’ajoutent dans le même interfluve 3 autres occupations plus limitées et sans faune conservée, qui furent également étudiées par l’équipe de La Bassée (ibid.). Au total, ce sont près de 20 locus qui ont été découverts dans cette zone de la confluence Seine-Yonne qui apparaît donc comme un secteur très privilégié pour les recherches sur le Magdalénien récent. On ignore encore si cette densité particulière est l’exact reflet du peuplement préhistorique ou bien le résultat d'une conser- vation particulièrement favorable dans cette confluence.

Ainsi, en 15 ans, le nombre de sites magdaléniens connus dans un rayon de 10 km autour de Pincevent a plus que triplé. Mais le changement ne se résume évidemment pas à cet aspect quantitatif, car les sites des envi- rons de Marolles-sur-Seine révèlent surtout une image profondément renouvelée du mode d’exploitation de cette micro-région par les Magdaléniens. Avant leur découverte, l’importance de la chasse au cheval était en effet largement sous-estimée : depuis les années 70, on ne connaissait qu’un seul cas d’abattage associant aux rennes une proportion notable de chevaux, celui du plateau de Ville-Saint-Jacques. Or, après l’exploration de la confluence, ce qui fait plutôt figure d’exception locale c’est la chasse massive aux rennes, telle qu’elle est attes- tée dans la plupart des niveaux de Pincevent (voir notamment David, 1994), c’est-à-dire presque exclusive et strictement automnale. Et ce renversement assez brutal de perspective en dit long sur les biais qu’un échantillon- nage archéologique aléatoire peut introduire momentanément dans notre perception des économies préhistori- ques.

I.1.2 Quelle place pour le niveau IV0 dans l’histoire économique du Magdalénien ?

C’est dans ce contexte scientifique qu’il a été décidé d’étendre l’exploration du IV0 de Pincevent. Plutôt exceptionnel au regard des pratiques cynégétiques attestées auparavant sur le site, mais donc désormais banal si l’on considère les occupations qui l’environnent, cet ultime passage des Magdaléniens à Pincevent méritait une étude approfondie. Bien avant de découvrir sa particularité saisonnière, on souhaitait déjà qu’elle fournisse les compléments d’informations que peut apporter une recherche programmée sur un mode d’exploitation cerné jusque-là dans l’urgence des opérations préventives ou par les sondages très limités de Ville-Saint-Jacques.

Bien entendu, l’enjeu principal est de saisir les raisons de cette déviation par rapport aux pratiques de chasse habituelles à Pincevent, et de rechercher s’il y a plus qu’une coïncidence entre ce changement et la fin des fréquentations magdaléniennes sur le site. En somme, il s’agit de vérifier si la stratigraphie de Pincevent fournit le moyen d’ordonner dans le temps les choix économiques des Magdaléniens de ce secteur. Les questions posées par P. Bodu dans son avant-propos peuvent donc être légèrement reformulées dans cette perspective compara- tive.

Les chasses diversifiées du niveau IV0 témoignent-elles d’une évolution globale des stratégies, éven- tuellement tardive et peut-être irréversible ? Doit-on alors considérer que les sites de Marolles reflètent égale- ment cette mutation profonde ? Ou bien faut-il plutôt envisager l’épisode du IV0 comme un moment plus anodin où le site a changé circonstanciellement de statut lors d’une autre saison que l’habituelle, les Magdaléniens réali- sant alors des chasses pratiquées d’ordinaire en d’autres lieux de la vallée ? Peut-on alors en conclure que le système économique local des Magdaléniens a toujours reposé sur une complémentarité entre séjours brefs, consacrés à une chasse assez exclusive aux troupeaux de rennes, attestée dans la plupart des niveaux de Pince- vent, et moments moins sélectifs, d’un genre illustré à Ville-Saint-Jacques, dans certains secteurs à Marolles ou sur le IV0 ?

Si ce dernier modèle de complémentarité à courte distance pouvait être validé, il réfuterait alors partiel- lement celui qui fut proposé auparavant, quand Pincevent ne pouvait être confronté qu’à des sites assez distants comme Étiolles, Verberie et Marsangy (Julien, 1989 ; Audouze, 1992 ; Audouze, Enloe, 1991). En accord avec les données disponibles sur les apports de silex non locaux sur chaque site, on envisageait alors des déplace- ments saisonniers d’assez grande ampleur, à l’échelle de l’Île-de-France et dans le cadre d’économies très plani- fiées. La planification qu’impliquent les abattages massifs de rennes n’est pas remise en question par les nou- velles découvertes, mais cette programmation pourrait donc se réduire à des choix saisonniers, complétés le reste de l’année et dans un rayon proche par l’exploitation de ressources diversifiées (Julien et al., 1999 ; Olive et al., 2000 ; Olive, 2004 ; Valentin, 1995). Quant à l’apport de silex éloigné sur quelques dizaines de kilomètres, il

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atteste d’indiscutables déplacements, mais il n’est pas sûr qu’il implique un nomadisme à large échelle, car il peut relever d’autres modes d’acquisition (échanges ? expédition d’une fraction seulement du groupe ?…)

I.1.3 Quelle place pour le niveau IV0 dans l’histoire culturelle du Tardiglaciaire ?

En somme, les questions soulevées par l’étude du IV0 dans ce contexte d’enrichissement notable des sources, dépassent largement l’histoire particulière du site de Pincevent. Du moins, cette histoire, s’offrant sous un jour inédit, présente un intérêt nouveau, si l’on veut détailler l’évolution du Magdalénien régional. Il faut rappeler en effet l’imprécision du radiocarbone et ses résultats parfois très ambigus pour cette chronozone du Bølling, en partie couverte par un plateau (Kitagawa, Van der Plicht, 1998). En conséquence, les sites de Marol- les qui ont reçu des dates absolues ne peuvent pas être calés les uns par rapport aux autres (Fontugne in Julien, Rieu (éds) 1999 ; Lang, 1998). A fortiori, ils ne peuvent pas l’être non plus par rapport à la séquence des limons magdaléniens de Pincevent, elle-même trop brève pour être sériée par le C14 (David, Orliac, 1994 ; Valladas, 1994). Pour corréler Pincevent et les sites de la confluence, les attributions chrono-environnementales ne sont pas d’un plus grand secours car elles se limitent à situer toutes ces occupations avant l’Allerød, autrement dit dans la première moitié de l’interstade tardiweichsélien. Par conséquent, la simple chronologie relative que l’on peut reconstituer en confrontant les unes aux autres les occupations étagées de Pincevent constitue, faute de mieux, notre meilleur outil de sériation, et peut-être de corrélation. Il apparaît en effet qu’entre les occupations les plus anciennes et les plus récentes, et avant même la constitution du IV0, la culture matérielle des Magdalé- niens a enregistré des changements discrets mais significatifs (Valentin, 1995 ; 1999 ; voir ch. II.4). En consé- quence, l’étude du IV0 participe d’une enquête devenue cruciale : étant donné l’imprécision de nos moyens de datations, l’analyse des sites stratifiés s’avère indispensable si l’on veut ordonner les faits qui se produisirent au cours du millénaire et demi que pourrait couvrir la tradition magdalénienne dans le Bassin parisien (Valentin, Pigeot, 2000). D’ailleurs, les recherches menées à Étiolles s’inscrivent déjà depuis longtemps dans cette voie (Pigeot et al., 1991 ; Pigeot, 1992 ; Pigeot (dir.), 2004). Celles qui sont conduites à Verberie sur une stratigraphie moins dilatée s’y engagent également, si bien qu’on peut aussi espérer, dans un avenir proche, pouvoir tirer les bénéfices des premières tentatives de recoupement entre séquences. Après le récent portrait des « derniers Mag-

daléniens d’Étiolles » (Pigeot (dir.), op. cit.), ce récit d’un « dernier hiver à Pincevent » n’est donc pas une sim-

ple coïncidence.

Au fait, est-il certain que cet ultime passage des Magdaléniens à Pincevent soit celui d’un des derniers groupes magdaléniens de la région ? On sait maintenant que les traditions magdaléniennes s’estompent dès avant 12 000 BP dans le Bassin parisien, quand l’azilianisation s’enclenche (Bodu, 1998a ; Bodu, Valentin, 1997 ; Fagnart, 1997 ; Fagnart, Coudret, 2000 ; Valentin et al, 2004). C’est un processus qui entraîne une transforma- tion profonde de la culture matérielle, notamment des armes de chasse, des outils et des méthodes de débitage. Perçoit-on déja quelques signes de cette évolution décisive dans le IV0 ?

I.2 Position stratigraphique du niveau IV0

Michel O

RLIAC

I.3 Présentation des deux unités d’occupation du niveau IV0

Michèle J

ULIEN