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Les communications ont duré chacune d'une heure à une heure et demie. Les discussions ont été inten- ses et argumentées, à la satisfaction de tous. Un certain nombre de points d'analyse ou d'interprétation ont em- porté l'assentiment de tous. Quelques autres restent objets de désaccord et demandent soit de nouvelles analyses soit une argumentation plus poussée.

L'accord a été général sur les conclusions tirées de l'étude des restes osseux de Verberie : dans tous les niveaux, chasse d'interception durant la migration d'automne, chasse complémentaire très marginale (spermo- phile, oiseaux, cheval arrivé sous la forme de quelques morceaux) ; traitement complet des rennes abattus de la découpe des carcasses au prélèvement de la peau puis de la viande et au concassage des os pour en extraire la moelle (Enloe). Il l'a également été sur les chaînes opératoires de production des lames et des lamelles, et sur la présence d'enfants à Verberie à partir des débitages de silex de débutants (caractérisés par l'absence de maîtrise psycho-motrice des gestes de taille et sans résultat productif (Janny). Toutefois la répartition des nucleus rangés dans les catégories intermédiaires (apprentis et tailleurs compétents) reste un sujet de discussion qui devra être réglé par une discussion sur pièces entre les spécialistes du lithique de Verberie, Pincevent et Etiolles, étant don- né un degré de subjectivité plus grand dans l'appréciation des caractéristiques des catégories intermédiaires entre débutants et très bons tailleurs. En effet, elles varient d'un site magdalénien à l'autre en fonction de la qualité et des volumes de la matière première.

La démonstration de N; Pigeot établie à partir des remontages de nucleus de silex d'Etiolles a permis de démontrer aux participants américains le bien-fondé de l'identification des niveaux d'apprentissage de la taille du silex et des inférences sur la composition sociale des tailleurs de silex. Néanmoins un accord s'est fait sur l'im- possibilité actuelle d'établir une répartition entre hommes et femmes à partir des différentes productions de silex. Toutefois, les quelques débitages de qualité exceptionnelle présentes à Verberie comme à Etiolles ou à Pincevent seraient volontiers attribués à un ou deux hommes chaque fois. A Etiolles, cela se justifie pleinement par le vo-

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lume considérable des blocs débités qui exigent du tailleur d'exercer une très grande force de percussion. À Ver- berie, c'est probable mais non démontré.

Un accord général a été obtenu sur la présence des femmes induites par la présence des enfants (Pigeot, Audouze). En revanche l'absence ou quasi-absence de ces débitages peut ne pas indiquer leur absence comme dans les sites suisses de Monruz et Champréveyres où la matière première importée est probablement trop rare pour la leur confier (M.-I. Cattin). Il est ressorti de l'analyse spatiale de Verberie que les débitages de débutants se trouvent en dehors de la zone d'activité la plus importante (autour des foyers) réservée aux activités d'adultes (Janny, Audouze).

L'interprétation de l'organisation de l'espace en aires d'activité, de taille du silex et en dépotoirs a été validée par l'ensemble des participants. Les discussions ont porté sur les points suivants : le niveau archéologi- que supérieur de Verberie (plus de 400 m2) comprend deux types d'espace : un espace domestique intérieur qui s'organise autour des deux foyers et où sont concentrés plus de 98% de l'outillage (133 m2) et un espace domes- tique externe qui comprend moins de 2% de l'outillage (270 m2). Entre les deux espaces domestiques liés aux foyers s'étend un dépotoir qui comprend outre des pierres chauffées et des déchets de débitage du silex, 19% d'outillages au rebut et une aire de découpe des carcasses de renne (Audouze,). Les aires de boucherie se retrou- vent également dans les niveaux inférieurs (Enloe).

Un acccord général s'est également dégagé pour voir dans les deux foyers du niveau supérieur de Ver- berie, non pas deux unités domestiques mais des installations complémentaires apparteant à une seule uni- té/cellule domestique ; et ceci sur la base de la répartition des outils et des remontages des vestiges osseux qui n'indiquent pas de partage du gibier entre les deux foyers.

Les participants sont tombés d'accord pour attribuer préférentiellement les armes de chasse et les outils servant à les réparer aux hommes et les outils du travail des peaux et des plantes aux femmes (sur la base de comparaisons ethnographiques et de modèles ethno-archéologiques). Ils se sont également accordés pour cons- tater que la répartition de l'outillage dans l'espace domestique à Verberie n'indiquait pas de division sexuelle de l'espace tout en constatant la très forte densité autour des foyers des pointes de projectiles et des outils servant à les insérer dans les sagaies en os (équipement masculin). Bien que la présence d'une tente en arrière du foyer ouest ait été acceptée, l'inférence à partir d'un modèle ethno-archéologique de L. Binford a été jugée inappro- priée tandis qu'elle était acceptée à partir du modèle de Leroi-Gourhan.

Le traitement par SIG a conforté l'interprétation de la division de l'espace en aires spécialisées (Dustin Keeler). Il permet, entre autres, de visualiser les répartitions d'outils ou d'os projetés sur les cartes de densité des vestiges osseux, des silex ou des pierres. L'ensemble des méthodes utilisées pour l'analyse spatiale ont fait l'objet d'une discussion serrée sur le potentiel offert par les données (Audouze, Keeler, Whallon).

La modélisation démographique de la composition des familles magdaléniennes (Zubrow) a donné lieu à de vifs débats concernant un déséquilibre trop fort ou non entre adultes et enfants (Zubrow, Soffer, Whallon). A noter que le trop d'enfants possible à Verberie, lié au très grand nombre de nucleus non productifs, (préoccu- pation de N. Pigeot) s'accorde plutôt bien avec le modèle d'E. Zubrow.

Les comparaisons ethno-archéologiques et ethnologiques introduites par Meg Conkey et Olga Soffer sur les tâches féminines ont apportés d'utiles éléments de débat théorique et de comparaison. Les outils de traitement des textiles présentés par Olga Soffer ainsi que leurs contre-parties préhistoriques trouvées en Europe orientale donne des points de compariason solides pour identifier le travail des fibres souples à Verberie. Mais les élé- ments décisifs viennent des études au microscope des stigmates et micro-polis d'usure de Larry Keeley, Sylvie Beyries et de Veerle Rots (communication Beyries). Ils apportent des éléments solides sur le travail des plantes (rare), et du cuir (courant). Sylvie Beyries et de Veerle Rots ont produit des résultats tout à fait nouveau sur un mode d'emmanchement complexe à manche coudé, inconnu jusque là dans le matériel du Paléolithique supérieur et propre à Verberie. En montrant que presque tous les grattoirs sont emmanchés, elles donnent à F. Audouze des éléments d'explication quant à leur répartition spatiale. En effet, beaucoup de ces grattoirs se retrouvent près des foyers alors que le travail du cuir doit s'opérer à l'abri des étincelles et en disposant de l'espace nécessaire pour étaler ou tendre les peaux de renne sur un cadre. L'existence de manches permet de comprendre que ces grattoirs usés ou cassés ont été rapportés près des foyers pour être extraits des manches. La démarche ethno- archéologique de S. Beyries a fait l'objet de débats méthodologiques sur la meilleure façon de monter ce type de démonstration (Whallon, Keeley, Beyries, Soffer).

La comunication sur les sites suisses de Monruz et Champréveyres a apporté de très utiles comparaisons pour des sites dont la fonction diffère de celle des sites de Verberie et de Pincevent (chasse aux chevaux domi- nante d'hiver et de printemps au lieu de chasse au renne quasi exclusive en automne), et qui ne comporte pas d'indications de la présence d'enfants. Toutefois, les activités déduites des outils présents et de leur micro-traces d'utilisation sont identiques à celles pratiquées à Verberie, ce qui tend à montrer qu'ils s'agit aussi de groupes familiaux même s'ils ne sont venus que pour de brèves expéditions de chasse au cheval à d'autres saisons que l'automne (M.-I. Cattin).

La communication de Francine David et Claudine Karlin sur la chasse et le traitement des rennes abat- tus chez les Dolgans, les Tchoutchkes et les Koriaks de Sibérie a apporté une documentation en images de très

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grande valeur. Les similarités et les différences ont permis de cerner ce qui relevaient des contraintes éthologi- ques, climatiques et matérielles dans le traitement des gibiers abattus. La similarité de certaines opérations avec les opérations de découpe des rennes à Verberie justifie le recours à des modèles ethno-archéologiques pour interpréter les sols d'habitat de ce site et la présence différentielle et les traces de découpe des vestiges osseux.

Aussi bien le modèle de division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs d'Alain Testart que des estimations sur le partage des tâches permettent d'attribuer à Verberie la fabrication et la réfection des armes perforantes aux hommes (lamelles à dos et sagaies plus une grand partie des burins servant à réparer ces derniè- res), le concassage des os pour en retirer la moelle et le travail du cuir, aux femmes (avec une majorité des grat- toirs) (Audouze, Conkey, Soffer).

En conclusion, nous avons progressé sur la composition du groupe : familial, composé d'hommes, de femmes et d'enfants, sur la double fonction de camp de chasse et de campement résidentiel du niveau supérieur de Verberie, et des autres niveaux avec foyer, sur l'existence d'une seule cellule familiale dans le niveau supé- rieur et sur une répartition des tâches liées à leur urgence autant qu'à leur poids symbolique.

Le séminaire doit servir de base à la préparation de la monographie archéologique française et ses actes en cours de rédaction seront publiés dans un ouvrage américain plus théorique qui rendra compte de l'ensemble des recherches pluridisciplinaires effectuées depuis 1976 dans le cadre français et depuis 1991 dans le cadre franco-américain.

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