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Réévaluation d'un assemblage présumé tardiglaciaire de la région Centre

Lucie Chehmana, Grégory Debout et Boris Valentin, UMR 7041 – ArScAn

avec la collaboration de Pierre Bazin et Olivier Bignon

Résumé

Depuis sa découverte, l’industrie de Mancy (Loiret) a plutôt été attribuée à du Magdalénien récent et on a même proposé un rapprochement avec Étiolles. Un nouvel examen pose la question de l’homogénéité de cet assemblage. La production lami- naire, sans fournir de marqueur indubitable, ne déparerait effectivement pas dans le Magdalénien récent. Mais on trouve aussi des armatures dont la retouche ainsi que le mode de débitage rappellent plutôt le Gravettien.

Introduction (B.V.)

Il y a une quinzaine d’années, alors que je commençais mon Doctorat, j’entrepris un recense- ment des occupations tardiglaciaires dans le sud du Bassin parisien, tâchant pour cela d’actualiser les inventaires réalisés quelques années auparavant par B. Schmider et J. Allain. Ce dernier venait de pu- blier un bilan sur le Magdalénien de la région Cen- tre (Allain, 1989) qui constitua naturellement un de mes bréviaires.

Or, on pouvait y lire que « S a i n t -

Martin/Ocre a livré, dans une situation actuelle- ment subaquatique, un très beau Magdalénien en place avec une tendance macrolithique liée à la proximité d’une excellente matière première »

(ibid., p. 201). Le même auteur avait publié dans les « informations archéologiques » de G a l l i a -

Préhistoire quelques dessins très alléchants à pro-

pos du Magdalénien de Mancy à Saint-Brisson-sur-

O c r e (sic !). Il n’en fallait pas plus pour me

convaincre de prendre contact avec P. Bazin, l’auteur des découvertes. Celui qui devint mon ami m’apprit d’abord que Mancy se situait au bord de l’Ocre sur la commune de Saint-Brisson-sur-Loire,

et non loin des limites de celle de Saint-Martin-sur- Ocre, source donc de quelques confusions.

C’est surtout une véritable « mine » que je découvris chez mon ami ainsi que chez son collè- gue J.-P. Halley, soucieux l’un comme l’autre de partager leur passion au point d’utiliser aujourd’hui une partie de leurs collections comme matériaux d’un accueillant musée à Châtillon-sur-Loire. Cette mine est constituée par plusieurs sites découverts le long de petits affluents de la Loire, notamment l’Ocre, la Notreure et la Sauldre. En dehors d’un Moustérien de tradition acheuléenne remarquable par sa fraîcheur et d’un Mésolithique bien mis en valeur par A. Thévenin (Bazin et al., 1995), beau- coup de découvertes concernent le Paléolithique récent. On reparlera sûrement de celles du Trocadé- ro à Gien, mais ailleurs : il s’agit de quelque chose de bien moins banal que du Tardiglaciaire, per- sonne n’en a jamais douté. En revanche, à propos des découvertes faites à Poilly-les-Gien et Baulieu- sur-Loire, le Tardiglaciaire est probablement concerné. Mes rapides observations en 2004 le suggèrent à nouveau, mais il faudra y retourner pour le confirmer.

Habitats et peuplements tardiglaciaires du Bassin parisien Qui sont les auteurs de l'industrie de Mancy à Saint-Brisson-sur-Loire

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Car il faut évidemment se méfier des ob- servations rapides, et le cas de Mancy le démontre à nouveau. En 1990 et 1994, mes observations sur cette industrie ne m’avaient pas vraiment conduit à oser mettre en doute l’attribution magdalénienne proposée par J. Allain. Je m’étais même un peu aventuré du côté d’Étiolles (Valentin, 1995, p. 378) : « Sur l'assemblage considérable recueilli sur

ce gisement et entreposé dans des conditions qui rendent l'étude assez difficile pour l'instant, nous n'avons pu faire que des observations qualitatives très rapides. L'exploitation d'une matière de très bonne qualité a permis aux tailleurs de produire des lames de gabarit exceptionnel qui rappellent les "très grandes lames" d'Etiolles (certaines attei- gnent des longueurs de 250 mm pour des largeurs dépassant 30 mm et des épaisseurs de plus de 10 mm). Il ne s'agit que d'un des aspects de la produc- tion car les outils retouchés sont plutôt faits sur des lames de gabarit moyen analogue à celui des quel- ques supports allochtones. Il faut ajouter que le "profil typologique" de cette série est assez compa- rable à celui de certaines unités d'Étiolles comme U5 (nette prédominance des burins sur troncature) et que les supports des lamelles à dos semblent en partie avoir été obtenus selon les mêmes méthodes (exploitation de gros éclats voire de lames robustes qui ont l'apparence de gros burins polyfacettés). »

Voici ce que j’en écrivais au final, tandis que dans mes notes pieusement conservées, et ré- examinées récemment à l’heure des nouveaux bi- lans sur la région Centre, il y avait tout de même une petite hésitation avec... du « Belloisien », ou du moins avec ce que nous allions nommer ainsi quel- ques années plus tard, et que nous connaissions alors à peine. C’est l’inexpérience bien sûr qui était en cause, mais cette simple hésitation m’a convain- cu récemment d’aller y revoir, ce qui fut fait en une seule journée de 2004. De nouveau, des retrouvail- les : avec mon ami d’abord, et puis, comme le di-

sent les notes de ce jour, avec « beaucoup de nu-

cléus en forme de burins », avec « une exploitation

de type Kostienki » pas si éloignée finalement de celle que j’avais étudiée en Q31 à Étiolles, avec des armatures à bord abattu un peu épais, mais sans microgravettes visibles sur le moment, etc. Et puis un peu de découragement face à la masse considé- rable à trier tout seul, et le temps qui passe vite, malgré la satisfaction d’avoir préparé ce qu’il fallait pour qu’un autre « filon », celui du Trocadéro, soit exploité par L. Chehmana pour son Doctorat. On se quitte donc avec la promesse de se revoir, et de revoir Mancy, sur lequel mes notes concluent « Du

Magdalénien récent « ancien » type Étiolles ? Autre chose cf. La Claise ? ». La vallée de la Claise,

c’est-à-dire, à l’autre bout de la région Centre, le lieu d’une révision critique que j’ai menée l’an dernier, et qui ne conforte pas la plupart des attri- butions initiales au Tardiglaciaire (Valentin, 2004).

Ensuite, L. Chehmana part étudier Le Trocadéro, puis elle voit Mancy en bonne compa- gnie : ni elle, ni G. Debout, ni O. Bignon ne résis- tent ensuite à l’envie d’en dire un peu plus sur ce qui ne leur paraît plus vraiment tardiglaciaire. De mon côté, toujours inspiré par l’exemple de La Claise, il me semble que cette requalification mérite d’être discutée ici même pour lever les malenten- dus. À charge pour d’autres projets de recherche d’en exploiter tous les fruits.

Que puis-je ajouter d’autre à la discussion qui va suivre ? Ces nouvelles hypothèses m’ont facilement séduit, d’autant que je n’avais pas eu accès aux armatures d’allure gravettienne. Mon

Mea Culpa sera donc limité. Personnellement, je

crois plutôt à l’homogénéité de la série, mais je me méfie maintenant de mes « observations rapides ». Alors j’ajouterai seulement que, si les grandes la- mes arquées et les nucléus « buriniformes » ne suffisent plus à faire un Magdalénien récent de type Étiolles, il faudra confirmer que les microgravettes

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« font » effectivement du Gravettien plutôt qu’autre chose. Puisqu’il est facile de jouer aujourd’hui les prudents, on rappellera, et L. Chehmana ne me contredira pas, que l’on connaît bien mal le Mag-