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Vaccination thérapeutique contre le peptide Aβ entier et méningoencéphalites

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

D. Les immunothérapies anti-Aβ en développement clinique pour traiter la MA

1) Vaccination thérapeutique contre le peptide Aβ entier et méningoencéphalites

En 2000, les laboratoires Elan & Wyeth furent les premiers à transposer l’approche du vaccin anti-Aβ en clinique : ils couplèrent un peptide synthétique Aβ42 entier à l’adjuvant QS-

21. Ce vaccin, l’AN1792, était comparable à ceux testés sur les modèles de souris. Le peptide Aβ42 synthétique comporte des épitopes B et T, il est donc capable de stimuler une réponse

humorale et une réponse cellulaire [132].

La phase I de l’essai a été menée sur 80 patients atteints du stade léger à modéré de la MA [133]. Son but était d’évaluer la sécurité d’emploi du produit. Les sujets inclus ont reçu le vaccin complet AN1792, l’adjuvant seul (QS-21) ou le placebo. Seuls 20% des patients ont produit des anticorps en réponse à l’administration du vaccin. Par conséquent, un émulsifiant (le polysorbate 80) a été ajouté à la formulation aux derniers stades de la phase I afin d’augmenter la solubilité du peptide et améliorer la stabilité du vaccin. Aucun effet indésirable notable n’a été rapporté à la fin de cette phase. Bien que cet essai n’ait pas été conçu pour évaluer l’efficacité du produit, l’un des quatre critères d’évaluation clinique utilisés (score DAD) a montré un déclin de l’autonomie du patient significativement plus faible dans le groupe traité par le vaccin que dans le groupe témoin, après 84 semaines (p= 0.002). Les autres critères n’ont montré aucune différence entre le vaccin et le placebo [134].

Après ces résultats encourageants, le laboratoire a initié une étude de phase II sur 372 patients atteints de MA légère à modérée. 300 sujets devaient recevoir le vaccin, et 72 devaient recevoir un placebo pour permettre une comparaison des effets. La phase II devait permettre de tester l’efficacité du produit et de déterminer la dose optimale et ses effets indésirables éventuels.

b) AN1792 et méningoencéphalites

i. Premières observations des méningoencéphalites avec l’AN1792

Cependant, en janvier 2002, l’essai de phase II a dû être interrompu précocement suite à la survenue de méningoencéphalites (ME) chez 6% (18/300) des patients traités par le vaccin [135] - [136]. La plupart des patients (88% ; 16/18) ont développé cette réaction après deux immunisations, avec une période de latence médiane de 40 jours.

La ME, qui est un processus inflammatoire cérébral, s’est principalement manifestée par une confusion, une céphalée et une léthargie. Certains patients ont également présenté des lésions au niveau de la substance blanche. La plupart des sujets ont été traités par des corticoïdes et deux patients ont dû subir une plasmaphérèse. Douze des patients ont retrouvé leur état initial, alors que six d’entre eux ont gardé des séquelles cognitives ou neurologiques.

ii. Physiopathologie des méningoencéphalites liées à l’AN1792

La physiopathologie de la ME vaccinale n’a pas encore complètement été élucidée, mais la plupart des données révèlent le rôle déterminant de la réponse immune cellulaire, et plus particulièrement des lymphocytes T auxiliaires Th1 qui auraient été activés par l’Aβ42

[137].

Parmi ces preuves, on mentionnera notamment l’absence de corrélation entre la réponse immunitaire humorale (les titres d’anticorps anti-Aβ42) et les caractéristiques de la ME

(l’apparition des symptômes, leur sévérité ou leur disparition). 16% (3/18) des patients touchés n’avaient par exemple pas produit d’anticorps spécifiques (patients non-répondeurs). De plus, la majorité des patients répondeurs n’a pas développé de méningoencéphalite (70% des patients, 41/59) [135].

D’autre part, l’autopsie post-mortem des cerveaux de patients qui ont développé une méningoencéphalite a révélé une infiltration massive des lymphocytes T dans les leptoméninges autour des vaisseaux de deux patients, et plus particulièrement autour de l’amyloïde vasculaire. Cette infiltration est suggestive d’une réponse T auto-immune anti-Aβ [138] - [139] ; elle n’a pas été retrouvée chez les patients n’ayant pas développé une ME. Ces infiltrats étaient majoritairement composés de lymphocytes T CD4+ Th1 spécifiques du peptide Aβ42. Or, les Ly CD4+ Th1 activés produisent des cytokines pro-inflammatoires

(comme les INF-γ et les TNF-α), qui participent à l’immunité cellulaire et perturbent la BHE. Une augmentation des cytokines pro-inflammatoires INF-γ a d’ailleurs été retrouvée chez les patients répondeurs au traitement [137]. La réponse cellulaire au peptide Aβ42 serait donc à

l’origine de la méningoencéphalite.

iii. Cause des méningoencéphalites liées à l’AN1792

Les lymphocytes Th1 observés dans le cerveau des patients touchés ont probablement été activés par la présence de l’épitope T sur le peptide Aβ42 injecté. Comme seuls 6% des

patients ont montré des signes cliniques de méningoencéphalite, il est fortement probable que

ces lymphocytes Th1 aient été activés chez tous les patients immunisés mais que les symptômes cliniques ne soient pas apparus systématiquement.

Des co-facteurs pourraient également avoir participé à l’activation des lymphocytes T, comme l’association à l’adjuvant QS-21, connu pour déclencher une forte activation des lymphocytes T de type Th1. De plus, une évolution d’une réponse de type Th2 anti- inflammatoire vers une réponse de type Th1 pro-inflammatoire après l’ajout du polysorbate 80 a été suggérée [137].

Figure 17 : Mécanisme de l'immunisation Aβ induite par les cellules T © Tabira et coll., 2011 [140]

L’immunisation parentérale par un adjuvant Th1 active des cellules Th1 spécifiques du peptide Aβ, ce qui entraîne une méningoencéphalite auto-immune dans le SNC. Les cellules Th1 activent également la microglie, qui élimine les plaques amyloïdes par phagocytose. On suppose que les cellules Th1 induisent une inflammation chronique dans le SNC mais des études supplémentaires sont requises pour le vérifier. L’immunisation mucosale par le peptide Aβ avec ou sans adjuvant Th2 active les cellules Th2, qui favorisent la production d’anticorps et suppriment l’inflammation délétère dans le SNC. Ainsi, les plaques amyloïdes et les oligomères Aβ sont éliminés par la microglie.

c) Les effets biologiques et cliniques de l’AN1792 sur la MA

Des analyses réalisées par la suite ont montré que parmi les patients répondeurs, plusieurs montraient une réduction significative du nombre et de la densité des plaques amyloïdes (p < 0.01 et p < 0.001 respectivement), ainsi qu’une réduction de la charge en protéines tau phosphorylées dans le cerveau (0.001 ≤ p ≤ 0.048 selon les régions cérébrales), en comparaison aux patients non traités [141] - [142]. Une étude de suivi a par la suite montré une réduction de la concentration en protéines tau dans le LCS (p < 0.001) et une amélioration des scores cognitifs (p = 0.020 pour le z-score de la batterie de tests neuropsychologique) [143]. Ces résultats sont la preuve que, comme in vitro et chez l’animal, les anticorps produits à la suite de l’administration d’un vaccin thérapeutique comme l’AN1792 sont capables de s’engager avec les plaques amyloïdes dans le cerveau pour les éliminer.

2) Vaccination thérapeutique contre le fragment N-terminal du peptide Aβ : les