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Partie 1 : Principe de l’immunothérapie

B. Immunothérapie passive

1. Les anticorps monoclonaux

Dans des conditions physiologiques, les anticorps font partie de la famille des immunoglobulines (Ig), qui sont des glycoprotéines produites par les plasmocytes en réponse à un immunogène.

Dans le domaine de la MA, ce sont principalement des anticorps monoclonaux spécifiques des peptides ou protéines à éliminer qui sont administrés au patient. Ce type d’anticorps est obtenu par génie génétique à partir d’une lignée cellulaire issue d’un seul plasmocyte que l’on appelle le clone. Les anticorps monoclonaux sont capables de reconnaître un seul type d’épitope sur un antigène donné. Ils sont par définition tous identiques. On les distingue des anticorps polyclonaux, qui correspondent à un mélange d’anticorps reconnaissant différents épitopes sur un antigène donné, chaque idiotype étant sécrété par un clone de plasmocytes différent.

Le répertoire des anticorps thérapeutiques est par nature infini, d’où une infinité de cibles thérapeutiques potentielles, avec pour seule limite la nécessité que ces cibles soient présentes dans les milieux extracellulaires ou à la surface des cellules. Dans la MA, les anticorps monoclonaux sont généralement dirigés contre le peptide AΒ ou la protéine tau.

Il existe 5 types d’immunoglobulines (IgG, IgA, IgM, IgD et IgE). A l’heure actuelle, les anticorps développés dans la MA sont tous des IgG. Les caractéristiques pharmacologiques de ces biomédicaments (mécanismes d’action, propriétés pharmacocinétiques) sont similaires à celles des immunoglobulines endogènes [14].

a. Rappel : structure et fonction des IgG

Les IgG sont les immunoglobulines majoritaires dans le sérum humain : elles représentent 70% à 80% des immunoglobulines sériques. Fabriquées lors d’un contact avec un antigène, elles sont considérées comme les principales immunoglobulines responsables de la défense immunitaire humorale.

Figure 7: Structure des IgG © E.M. Collins, 2001

Les IgG sont des monomères composés de deux chaînes lourdes γ et de deux chaînes légères, reliées entre elles par des ponts disulfures. Ils adoptent classiquement la forme d’un « Y » (figure 7).

On distingue quatre sous-classes d’IgG (IgG1 à IgG4) possédant des chaînes lourdes différentes (γ1, γ2, γ3, γ4). Les sous-classes diffèrent également par le nombre de ponts disulfures et la longueur de la région charnière (figure 8).

Figure 8: Structure des 4 sous-classes d'IgG © Garland Science, 2009

Les IgG possèdent deux entités :

- une entité structurelle : la région Fab, où l’on trouve le paratope de l’anticorps capable de reconnaître l’épitope de l’antigène. La région Fab est la portion qui se lie de manière réversible à un antigène spécifique. La liaison à l’antigène est la première fonction des anticorps qui, en tant que telle, peut assurer une protection de l’hôte : on parle de neutralisation, qui permet de bloquer les effets biologiques délétères de l’antigène et de faciliter son élimination par des mécanismes effecteurs. Les IgG sont bivalentes car elles possèdent deux bras Fab, capables de se lier chacun à l’épitope d’un antigène. Les anticorps sont capables de se lier à une grande variété de substances antigéniques (sucres, lipides, protéines, produits chimiques…) mais un bras Fab donné ne reconnaîtra qu’un seul épitope, même si ce dernier peut être partagé par plusieurs antigènes (on parle alors de réaction croisée d’un anticorps avec un autre antigène).

- une entité fonctionnelle : la région Fc (fragment cristallisable), qui porte les fonctions effectrices des immunoglobulines :

♦ L’opsonisation : la liaison de l’anticorps à une substance pathogène ou étrangère conduit à opsoniser cette substance et à faciliter son absorption et sa destruction par les cellules phagocytaires. Les cellules phagocytaires comme les macrophages, les monocytes ou encore les cellules dendritiques ont un récepteur de surface capable de lier le fragment Fc des IgG, le FcγR. Les récepteurs FcγR diffèrent par leur affinité pour le fragment Fc et par leur répartition cellulaire (FcγRI, FcγRII et les FcγRIII). Des sous-classes d’IgG se fixent mieux que d’autres aux récepteurs Fc : les IgG2 et IgG4 se lient moins bien aux récepteurs

Fc que les IgG1 et IgG3. Suite à la formation du complexe immun Ac/Ag, le fragment Fc des IgG est reconnu par des FcγR présents sur les cellules phagocytaires, rendant plus facile la phagocytose des particules antigéniques opsonisées.

♦ La cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps (ADCC) : l’anticorps se fixe sur l’antigène, puis via le fragment Fc des IgG, il existe une interaction avec le FcγRIII des cellules effectrices telles que les polynucléaires neutrophiles, les cellules NK ou les macrophages, ce qui provoque la libération de granzymes (sérine-protéases inductrices d'apoptose), de perforines (formant des « trous » dans la membrane de la cellule cible) et ainsi la lyse de la cellule. ♦ L’activation du complément : l’IgG doit d'abord se fixer sur l'antigène pour

découvrir une partie de son fragment Fc, afin de permettre la fixation de la molécule C1q du complément qui activera la voie classique pour détruire les agents du « non soi ». Le système du complément est un ensemble d'une vingtaine de protéines plasmatiques. Ce système agit par une cascade d'activation pour former au final le complexe d'attaque membranaire (CAM) qui permettra au complément d'avoir une action cytolytique sur la cellule cible. Les IgG, qui possèdent un site de fixation pour la protéine C1q, peuvent activer la voie classique du complément avec une efficacité variable selon les sous-classes (IgG3 > IgG1 > IgG2 ; l’IgG4 ne fixe pas le complément). Les IgG sont aussi capables d’activer la voie alterne du complément.

♦ La fraction Fc joue également un rôle important dans le métabolisme des immunoglobulines car elle a la capacité de se fixer au récepteur FcRn (neonatal

Fc receptor), qui joue un rôle clé dans la protection des IgG vis-à-vis du

catabolisme des protéines plasmatiques, leur conférant ainsi une demi-vie plus longue que les autres immunoglobulines (à titre d’exemple, la demi-vie des immunoglobulines endogènes de type IgG est d’environ 21 jours, alors que celle des autres sous-types d’Ig est comprise entre 2.5 et 6 jours).

Les régions Fab et Fc de l’immunoglobuline sont reliées entre elles par une région flexible dite « charnière » qui permet des torsions facilitant la fixation de l’anticorps à l’antigène cible localisé dans différents plans de l’espace.

L’action des anticorps monoclonaux repose sur ces quatre mécanismes immunitaires (neutralisation, opsonisation, ADCC et activation du complément) et permet de développer des thérapies ciblées dans de nombreux domaines. Le choix de l’antigène cible est l’élément primordial. Il est guidé principalement par l’importance de la molécule cible endogène dans la physiopathologie de la maladie à traiter, ainsi que d’un compromis entre son efficacité clinique et ses éventuels effets indésirables [14].

b. Types d’anticorps monoclonaux administrés

Il existe plusieurs types d’anticorps monoclonaux thérapeutiques :

- Les anticorps monoclonaux « nus » ou non-conjugués, qui sont administrés seuls. Ce type d’anticorps agit directement sur sa cible, via les quatre mécanismes cités ci- dessus. Il s’agit du principal type d’anticorps monoclonal développé dans la MA. - Les anticorps monoclonaux conjugués : ces anticorps sont couplés à des composés

chimiques (toxine, chimiothérapie, agent radio-actif…) par le biais d’un agent de liaison. Dans ce cas, l’anticorps agit directement sur la cible, mais il permet également un relargage sélectif de l’agent conjugué dans la cellule cible. Par exemple, en oncologie, certains antigènes sont exprimés par les cellules cancéreuses mais peu par les cellules saines. Les anticorps monoclonaux reconnaissent ainsi les antigènes spécifiques des cellules cancéreuses et libèrent la substance toxique conjuguée au niveau de ces cellules. A l’heure actuelle, ce type d’anticorps n’est pas développé dans la MA [46].

- Les anticorps monoclonaux bispécifiques : ce sont des anticorps avec deux Fab différents, ce qui implique qu’ils peuvent se lier à deux cibles différentes : les cellules, protéines ou peptides à éliminer, ainsi qu’à un autre type de cellule. Le deuxième Fab peut par exemple se lier à des cellules immunitaires comme les lymphocytes T. L’anticorps, en permettant le rapprochement de la cellule à éliminer et de la cellule immune, facilite ainsi l’élimination des cellules cibles par les lymphocytes T. Les anticorps bispécifiques ne sont pas encore au stade clinique dans la MA mais des stratégies sont actuellement étudiées sur des modèles animaux [47] (voir partie 2, section IV. A. 1. b. 1).

Il est à noter que ces anticorps, qu’ils soient nus, conjugués ou bispécifiques, peuvent cibler directement les cellules néfastes, en ciblant un antigène présent à leur surface, mais ils

peuvent également cibler les points de contrôle du système immunitaire. Ces inhibiteurs de points de contrôle ou « anti-checkpoint » ciblent par exemple des récepteurs inhibiteurs présents à la surface des lymphocytes (CTLA4, PD1) ou leur ligand (PD-L1, ligand de PD1). Les points de contrôle du système immunitaire sont des récepteurs qui interviennent dans la modulation de l’activation des cellules immunitaires afin de limiter la durée et l’intensité de la réaction immune. Par exemple, en oncologie, les cellules tumorales détournent le système des checkpoints à leur avantage pour échapper au système inhibiteur : ils empêchent le déclenchement de réactions immunes. Les anti-checkpoints permettent ici de renverser l’immunosuppression induite par la tumeur. Ce type d’anticorps monoclonal est actuellement en cours d’étude pré-clinique dans la MA [48] (voir partie 2, section III. D).