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Les modèles animaux utilisés dans les essais précliniques

Partie 2 : les immunothérapies en développement clinique dans la MA

B. Les limites liées à la conception des essais précliniques et cliniques

1. Les modèles animaux utilisés dans les essais précliniques

Les tests sur des modèles animaux de MA sont une étape importante pour étudier la toxicité et la potentielle efficacité des traitements avant de les administrer à l’Homme.

Ces dernières années, un consensus grandissant a émergé dans la littérature concernant la recherche pour la MA : les modèles animaux transgéniques utilisés pour développer ces traitements ne seraient pas idéals. La plupart de ces modèles sont basés sur des mutations génétiques qui entraînent des anomalies du métabolisme amyloïde (mutations du gène humain de l’APP et/ou des présénilines). Or, ces mutations ne sont retrouvées que dans 2% des cas de MA (les formes familiales). La forme sporadique de la MA n’est donc pas suffisamment représentée par les modèles transgéniques amyloïdes disponibles. De plus, comme il s’agit de modèles amyloïdes, les autres aspects de la MA humaine ne sont généralement pas présents. La tauopathie associée à la pathologie amyloïde dans la MA n’apparaît pas dans ces modèles (à moins qu’ils expriment en plus une mutation sur le gène de tau). Ces modèles ne souffrent pas de mort cellulaire, et les changements inflammatoires sont limités. Ces animaux présentent des changements cognitifs mais ne développent pas une démence sévère et progressive, comme celle observée dans la MA [382].

La plupart des immunothérapies – et des thérapies en général – ont été efficaces en préclinique pour réduire les anomalies amyloïdes chez ces animaux, et elles ont souvent

conduit à une amélioration des performances cognitives mesurées par les tests, comme le Labyrinthe de Morris ou la Reconnaissance d’un Nouvel Objet [383]. En revanche, aucun de ces traitements ne s’est par la suite révélé efficace en clinique. Plusieurs chercheurs affirment que ces modèles de souris simulent en réalité la phase asymptomatique de la MA : l’administration de traitement à ces modèles permettrait donc de prévenir la MA et non de la guérir [384].

En conclusion, les modèles animaux utilisés simulent des aspects spécifiques de la MA, ils ne peuvent être utilisés comme des modèles de l’ensemble du spectre de la pathologie. Ces modèles ne fournissent pas de preuve du potentiel impact de la thérapie sur l’ensemble des caractéristiques de la MA humaine : ils ne peuvent donc pas prédire le succès d’une thérapie candidate chez l’humain [385].

b. Pistes pour améliorer la prédiction des modèles animaux

Par conséquent, des nouveaux modèles plus représentatifs de la MA sporadique et de l’ensemble des composantes physiopathologiques de la pathologie doivent être développés. Les scientifiques devront les utiliser en considérant les forces et les limites de chaque modèle [386].

L’un des modèles les plus intéressants pour la MA récemment introduits sont des modèles primates non-humains (les NHP, pour Non Human Primate). Les NHP possèdent une séquence de l’APP qui est totalement homologue à celle des humains [387], et ils développent des plaques et une tauopathie [387] - [389]. Afin d’accélérer le développement de la MA dans ces modèles, les chercheurs leur ont injecté des préparations contenant des fibrilles Aβ. Ces injections ont entraîné une activation de la microglie, une perte neuronale et la phosphorylation des protéines tau [390] - [391]. Ce modèle est donc très prometteur pour la suite.

Une autre piste potentielle pour développer un modèle de MA puissant consiste à utiliser des cellules souches pluripotentes induites (iPSCs) dérivant de sujets atteints d’une MA. Ces cellules pourraient induire l’accumulation d’oligomères Aβ, le stress du réticulum endoplasmique, un stress oxydatif et l’hyperphosphorylation de la protéine tau [392] - [393]. Un système organoïde humain dérivé des iPSCs manifestant ces caractéristiques a ainsi été développé en 2015 sous le nom de « système de culture cellulaire neural humain 3D ». Une équipe de chercheurs a récemment créé un nouveau modèle chimérique dans lequel les iPSCs humaines sont étudiées dans un environnement plus naturel, c’est-à-dire après leur transplantation dans le cerveau des souris immunodéficientes transgéniques mutées au niveau

de l’APP [394]. Ces neurones humains sont parvenus à se différencier et à s’intégrer dans le cerveau de la souris, ont exprimé des formes épissées de la protéine tau 3R/4R, ont montré une phosphorylation anormale et des changements conformationnels de la protéine tau, et ont subi une neurodégénération. Il est à noter que la transplantation de ces iPSCs humaines a altéré l’expression des gènes : ils ont activé les gènes impliqués dans la myélination et désactivé ceux liés à la mémoire et à la cognition, à la transmission synaptique et à la projection neuronale. Ainsi, les modèles d’iPSCs humains sont des modèles de MA attractifs en raison de leur origine humaine et de leur capacité à s’intégrer dans les modèles de souris, qui sont plus facilement utilisés que les modèles NHPs. Ce nouveau modèle permettra notamment d’humaniser le développement de la thérapie bien plus tôt et pourra possiblement simuler l’ensemble de la pathologie au cours des évaluations précliniques de l’efficacité et de la sécurité de la molécule [395].

Les chercheurs font également des efforts pour développer des modèles améliorés de rongeurs pour la MA. L’Octodon degus est par exemple un petit rongeur du Chili qui ne nécessite aucune manipulation génétique puisque sa séquence Aβ diffère de l’humain par un seul acide aminé (H13R). Contrairement aux modèles amyloïdes de souris et de rats, cette séquence Aβ forme naturellement des oligomères Aβ, et ce rongeur développe également des plaques et des protéines tau phosphorylées avec l’âge. Des modèles de rats et de drosophiles sont également en cours d’étude [396] - [397].

2. Les critères d’inclusion des sujets dans les études cliniques sur la MA